Souvent évoqués, historiquement, pour des effets estimés tantôt positifs, tantôt négatifs, les rapports intimes entre vigne, vin et santé donnent lieu à de nombreux débats sociétaux. Considéré comme un aliment bénéfique pour certains, le vin, en tant que produit alcoolisé, suscite, principalement depuis la seconde moitié du XXe siècle, un rejet de certains pouvoirs publics, d'une partie de la société et du monde médical. Les débats sont d'autant plus sérieux qu'ils touchent à la survie économique de nombreux territoires dont le vignoble constitue parfois la ressource principale. Ces problématiques s'inscrivent enfin dans un processus plus large, culturel et patrimonial qui dépasse la simple consommation d'un produit fortement liés aux civilisations européennes, méditerranéennes en particulier. Les questionnements autour du vin, de l’alimentation et de la santé sont donc à positionner dans une optique large intégrant un éventail étendu d'objets, de disciplines et d’arts de vivre.
Une telle étude doit ainsi prendre en compte le vin dans son rapport à l'alimentation, à la géographie et l'économie des vignobles. Il importe de mieux comprendre les relations effectives que ce produit alcoolisé, mais aussi fortement symbolique, entretient avec les populations productrices et consommatrices, de prendre en compte l’ensemble des acteurs, qu'ils soient liés à la filière vitivinicole au sens large, à celle du tourisme, aux mondes politiques, à celui de la santé et des sciences, consommateurs , ou non, de vin.
Ce numéro spécial de la revue Territoire du Vin comporte une partie des actes du colloque international « Vigne, Vin, Alimentation et Santé » organisé par la Chaire UNESCO "Culture et Traditions du Vin" et l'Université de Crète et qui s'est tenu à Héraklion (Crète, Grèce) du 23 au 26 mai 2018. Il propose de mettre en perspectives l'ensemble de ces aspects culturels, techniques, économiques, environnementaux et sanitaires touchant à la vitiviniculture, à l’alimentation des pays européens et à la santé, avec un focus particulier sur le domaine méditerranéen.
L’un des objectifs majeurs est ainsi de mettre en évidence, sous un angle pluridisciplinaire, la diversité culturelle des pratiques vitivinicoles et nutritionnelles liées aux traditions et à l’identité des différents pays.
La diète méditerranéenne, classée au Patrimoine Immatériel de l’UNESCO depuis 2010 et reconnue pour ses effets bénéfiques sur la santé et la longévité, prend ainsi une place décisive dans les pages de ce volume. La localisation du colloque à Héraklion, au cœur de la civilisation méditerranéenne où la tradition de la vigne et du vin et d’une cuisine riche en fruits et légumes en fibres, en huile d’olive, avec une faible consommation de viande est multimillénaire, justifie ce repère au régime crétois.
Dans un premier temps, ce numéro se penchera tout particulièrement les rapports directs pouvant exister entre vigne, vin, alimentation et santé, dans une approche à la fois historique et contemporaine. Le second volet de ces actes s'intéresse à des recherches sur la perception de la qualité des vins, tout particulièrement en fonction de leur contenant et du potentiel qualitatif de leur contenu. Enfin, dans une optique plus large et à travers quelques exemples ciblés, on traite du dialogue constant qu'entretiennent le vin, la gastronomie et le développement technique, touristique et économique des territoires de vignobles.
Dans ce numéro figurent également trois articles en Varia traitant de la vigne et du vin sous différents angles : la perception de la qualité des vins à travers les discours, l'enseignement des vins en écoles hôtelières et une étude historique et géographique du Vinho verde portugais.