Longtemps les acteurs du tourisme ou les professionnels du monde viticole ont cherché un terme spécifique pour définir l’offre touristique liée aux vignobles, ce mariage de raison entre tourisme et vin, « tourisme du vin », « tourisme viti-vinicole », enfin œnotourisme aujourd’hui. Dans la seconde décennie du XXIe siècle, les acteurs du monde du vin, de la gastronomie et du tourisme, rencontrent la même difficulté pour nommer et définir le tourisme œnogastronomique, l’alliance culturelle et sensorielle, entre vin et alimentation quotidienne ou festive, qui caractérise une offre touristique de dégustations qui associe ce que nous buvons et ce que nous mangeons. L’« œnogastronomie » est désormais de plus en plus revendiquée par les acteurs de l’œnotourisme, beaucoup moins par ceux d’un tourisme « simplement » gourmand.
L’Organisation mondiale du tourisme (OMT), définit d’une part, un tourisme gastronomique caractérisé par l’expérience du visiteur liée à la nourriture et aux produits de la région visitée. Ce tourisme propose des expériences culinaires « authentiques », traditionnelles et/ou novatrices, mais également d’autres activités connexes, comme la visite des producteurs locaux, la participation à des festivals alimentaires ou la participation à des ateliers de cuisine. Par ailleurs, l’OMT définit l’œnotourisme ou Winetourism, comme une sous-catégorie du tourisme gastronomique (Gastronomy Tourism). Ce tourisme a pour but de visiter les vignobles et les caves, il offre l’opportunité de déguster leurs vins et permet de les acheter directement à la propriété. Dans ces conditions, doit-on entendre la définition du tourisme œnogastronomique comme la somme de ces deux formes de tourisme, tourisme gastronomique et œnotourisme, ou considérer que le tourisme œnogastronomique englobe, de fait, l’œnotourisme, et dans ce cas, est-il une forme explicitée du tourisme gastronomique ? Il est clair que considérer le tourisme œnogastronomique comme un des éléments constitutifs du tourisme gastronomique ou le considérer comme le prolongement naturel de l’œnotourisme, ne traduit pas la même reconnaissance du vin comme boisson culturelle. Cette relation entre tourisme gourmand, tourisme gastronomique et œnotourisme, se traduit dans les pays latins, en France au sein du tourisme œnogastronomique, en Espagne, Portugal ou Italie comme tourisme « enogastronomico » ou en deux mots dans l’offre du « Food and wine tourism » des pays d’influence anglo-saxonne.
Dans le premier cas, le tourisme œnogastronomique s’inscrit comme l’alliance naturelle du vin et de la gastronomie. Ce terme interroge à la fois ce que le tourisme entend comme « gastronomie », et l’association, naturelle ou non, entre ce que l’on boit et ce que l’on mange. La gastronomie intègre l’alimentation quotidienne, les cuisines familiales, ou parfois les cuisines plus exceptionnelles, celles des chefs ou des cuisines familiales des jours de fêtes. Selon les cas, elle intègre un vin, commun, de tous les jours, quel que soit le menu, ou des vins plus spécifiques pour accompagner les plats associés à de subtils jeux d’alliances mets et vins, commentés lors du repas. Cependant, si dans les pays latins, le vin accompagne naturellement le repas, ailleurs, en Amérique du Nord par exemple, la culture du vin est souvent indépendante du temps, et du lieu du repas. Le tourisme œnogastronomique ne peut alors s’entendre pareillement partout dans le monde et se résumer à un tourisme gastronomique auquel on associe la reconnaissance d'un vin.
Si la pratique touristique accorde, par définition, obligatoirement une place aux repas hors de chez soi, elle réserve des offres plus strictement orientées vers des découvertes culinaires. Comme certains cherchent la mer et ses plages, la montagne et ses activités sportives, les villes et leurs musées, les campagnes et leurs paysages naturels ou culturels, d’autres, de plus en plus nombreux, cherchent non pas des lieux mais des expériences, des opportunités de dépaysement à travers à la fois un cadre de vie inhabituel, des rencontres uniques, éphémères et rares. Certes, les repas se répètent au cours d’un séjour ou d’un voyage, chaque jour, plusieurs fois par jour, mais par le menu proposé, par la présence de convives nouveaux, connus ou pas, chaque repas est une expérience originale, exclusive, qui peut être, en tant que telle, l’objet du voyage.
Le tourisme « œnogastronomique » est apparu comme une catégorie spécifique, celle d’une offre orientée vers la compréhension de la nature, des caractéristiques organoleptiques, de ce que l’on mange et de ce que l’on boit, dans le cadre d’accords, mets et vins ou vins et mets. Certains s’intéressent principalement à l’origine des produits proposés et à leur terroir, d’autres sont davantage curieux des procédés de production et recherchent l’opportunité de visites d’exploitations agricoles, d’entreprises agro-alimentaires ou de caves, d’autres valorisent la renommée d’un restaurant ou les spécialités de boutiques artisanales de métiers de bouche ou de productions fermières.
C’est dans le cadre d’un tourisme rural, que sont découverts puis dégustés, des produits signés par leur origine, revendiqués sains et traditionnels. Ce tourisme rural fut d’abord un tourisme à la campagne, familial ou social, où, si l’on retrouvait avec plaisir la cuisine de son enfance, les bons produits du pays, ces derniers n’étaient pas l’objet du déplacement. Un peu plus tard, en développant une activité agritouristique quelques agriculteurs ont trouvé l’opportunité de revenus complémentaires à travers la commercialisation de repas autour de tables et chambres d’hôtes. Les touristes, majoritairement citadins, trouvaient là, un cadre de vie et une expérience originale. Le tourisme gourmand, culinaire ou gastronomique, s’est peu à peu forgé, lorsque les pratiques touristiques se sont adaptées à la concurrence et se sont diversifiées, ou lorsqu’une clientèle internationale, aisée, a multiplié ses voyages pour découvrir les tables étoilées, devenues autant de « hauts lieux » du tourisme culturel français. Indépendamment de ces nouvelles mises en tourisme des patrimoines culinaires, alors que depuis longtemps déjà des régions revendiquaient l’excellence de leurs produits de terroir ou de leur cuisine régionale, les vignobles produisaient leurs vins sans se soucier des mariages possibles, voir recherchés, entre vin et tourisme. Bien que grand pays touristique et viticole, la France a tardivement reconnu l’œnotourisme, initialement sous la forme de routes touristiques du vin, dans la dernière décennie du XXe siècle, puis à travers le label Vignobles & Découvertes à partir de 2009. Le tourisme gastronomique ne valorisait que peu les traditions bachiques, ne les valorisant que dans le cadre du repas, l’offre de restauration se concentrant sur les cuisines ou spécialités locales des menus proposés. C’est donc essentiellement par l’offre spécifiquement liée aux vins, aux vignes et aux procédés de vinification, que s’est structuré l’œnotourisme, sans obligatoirement valoriser la cuisine qui l’accompagne. À l’inverse, en Amérique du Nord, la winetourism se développait largement par élargir le marché viticole national en suscitant une plus grande consommation de vins, en tentant de les intégrer aux repas.
Le modèle anglo-saxon du Food and Wine Tourism
Si l’on se fonde sur le modèle de la Vallée de la Napa, l’on constate une offre très riche en matière de tourisme du vin. Les wineries sont d’une grande diversité. Elles ont initié le modèle des « starchitectures », conçues dès l’origine pour recevoir de nombreux visiteurs tout en respectant des normes exigeantes pour produire dans leurs chais des vins de qualité. Le film Sideways (2004) a très largement révélé la pratique œnotouristique dans le vignoble californien des vallées de la Napa ou de la Sonoma, voire dans le comté de Santa Barbara. Le nombre des wineries a très fortement augmenté, les cépages se sont diversifiés. Une grande majorité de wineries sont de petites entreprises familiales, mais d'autres appartiennent à de puissants groupes américains ou étrangers. Ces derniers ont fortement investi pour défendre la notoriété de leurs vins, en ouvrant leurs propriétés pour y faire déguster leur production. La première winery ouverte en 1966 après la période de la Prohibition (1919-1933), la winery de Robert Mondavi, a signé le renouveau des vins de la vallée de la Napa et l’enjeu nouveau du winetourism en s’ouvrant aux visiteurs dès sa création. Il écrit au sujet de son projet dans son livre Harvests of Joy : « Et il y avait peu de touristes dans la Napa Valley. […] Je souhaitais que ma winery modèle soit un lieu si agréable et accueillant qu’il attire des centaines de touristes par jour et les encourage à entrer et déguster nos vins d’un style unique. […] Mon véritable but, en fait, n’était pas la vente ; c’était de diffuser de bonnes critiques à propos de nos vins et de notre rêve plus grand encore pour les vins de la Napa Valley et de Californie1 ».
En s’associant en 1979, au bordelais Philippe de Rothschild pour créer le domaine Opus One, nouvelle winery dessinée par l’architecte californien Cliff May, Mondavi a intégré la culture du vin de l’Ancien Monde viticole, au savoir-faire californien en matière de communication, d’image, de marketing. L’opportunité de dégustations de vins devait permettre de sensibiliser les Américains, les Californiens en premier lieu, à une boisson qu’ils connaissaient mal, pour qu’ils deviennent des consommateurs éclairés, plus réguliers, et donc de meilleurs clients. Ainsi les vins californiens peuvent répondre de plus en plus à une demande domestique croissante de vins de qualité. Ils cherchent désormais à se démarquer de la concurrence des autres producteurs du « Nouveau monde » par une démarche de qualité. La vallée de la Napa représente pour les Californiens, pour les habitants de San Francisco en particulier, une destination touristique facilement accessible, où ils peuvent trouver de nombreux restaurants et hôtels pour séjourner ou passer une journée, motivés par la découverte des vins.
Les visiteurs de la vallée de la Napa, recherchent en premier lieu les wineries qui offrent des salles de dégustation de vin (81 % des activités) mais aussi des restaurants (65 %)2. Ainsi, hors des caves, de nombreux restaurants, 147 en 2020 permettent de déjeuner ou diner sur la route des vins, plus de la moitié dans le village de Napa. Ils affichent l’offre gastronomique de ce vignoble, bien qu’une minorité, 24 % d’entre eux seulement, revendique une cuisine californienne. Le vin et la gastronomie ne recherchent pas ici l’alliance mets et vins, pas plus qu’ils ne revendiquent un même terroir, mais des cépages ou des cuisines plus généralement américaines, ou cuisines du monde, italiennes, méditerranéennes ou asiatiques !
Un tourisme gastronomique se développe autour de ces offres, variées tant par les références américaines qu’étrangères, par des offres culinaires de nombreux food trucks ou de restaurants dont certains ont été reconnus par le Guide Michelin. Les wineries de la vallée de la Napa, proposent aux touristes un « food paradise en invitant les visiteurs au paradis de la nourriture céleste3 » !
Dans les pays de culture anglo-saxonne, dans les pays nouvellement consommateurs de vins, traditionnellement le repas s’accompagne d’autres boissons. Dans ces conditions, intégrer la découverte des vins à un tourisme gastronomique prend une valeur pédagogique évidente. L’offre du Winetourism est une opportunité, au service de régions viticoles qui pour écouler leur production, doivent d’abord faire connaître et apprécier leurs vins et les modalités de leur consommation. L’on comprendra alors, que le tourisme œnogastronomique, autant œno que gastronomique, ait été un enjeu majeur pour valoriser le vin dans le cadre d’un Food and Wine tourism, sous une forme différente de celle du tourisme œnogastronomique des pays européens4.
Nous noterons que dans ce « Wine and food tourism », aucune référence n’est faite aux terroirs, à l’agriculture, ou à l’origine des produits cuisinés. L’offre a avant tout une autre finalité, celle d’offrir des étapes de restauration. L’entrée dans les wineries est précisément tarifée par le nombre et la qualité des vins que l’on désire déguster. Les billets les plus chers permettent de s’initier aux accords mets et vins, mais seule l’offre gastronomique hors des caves, reste pour le plus grand nombre des visiteurs la seule possibilité pour se restaurer. Bien différent est le tourisme œnogastronomique des pays latins. À l’opposé de ce modèle californien, l’« enoturismo » italien, conjugue non seulement les vins et les mets, mais aussi les saveurs et les paysages, en valorisant les produits de l’agriculture et à travers eux, la renommée des cuisines régionales dans toute leur diversité.
Le modèle œnogastronomique italien, une totale réciprocité vins et mets ou mets et vins
En Italie, l’œnogastronomie se découvre depuis 1963 le long des « routes des vins et des saveurs », (Strada dei Vini e dei Sapori, 173 en 2020). Les premières routes du vin ont toujours offert à leurs visiteurs, l’opportunité de goûter les produits de leurs terroirs, sans dissocier l’offre vinicole parmi l’ensemble des spécialités alimentaires de leurs régions. Elles proposent des « itinéraires du goût » qui offrent l’éventail le plus large possible de la gastronomie locale. Depuis 1999, la loi de l’État (L. 27 juillet 1999, n° 268) permet de définir ces routes touristiques, comme autant de vitrines offertes à leur riche patrimoine agricole et agro-alimentaire, leurs très nombreux vins, mais aussi leurs huiles d’olives, leurs jambons, leurs fruits, leurs riz ou de leurs truffes… leurs spécialités régionales, leurs traditions culinaires, à travers l’histoire qui depuis l’Antiquité romaine, réunit vin et alimentation.
La reconnaissance d’un tel patrimoine agricole est à l’origine du développement de l’agritourisme dans les années 1930, revendiqué plus précisément aujourd’hui comme tourisme œnogastronomique pour valoriser l’économie des territoires ruraux en y développant à la fois le tourisme et l’agriculture de qualité. Cette forme de tourisme, est à l’image du mouvement Slow food né en 1989, en opposition à l’expansion du « fast-food » et de la « junk food ». Elle est de plus en plus encouragée par la politique touristique de l’ENIT (Agence Nationale Italienne du Tourisme). En 2015, 920 000 voyageurs étrangers ont visité l’Italie pour des vacances œnogastronomiques, soit une augmentation de 11,6 % par rapport à 2012. L’Italie est la destination préférée des « foodtravellers » italiens et étrangers, comme l’indique le Rapport sur le tourisme œnogastronomique italien de 2020, « in Italia si viaggia sempre più di gusto », (« en Italie on voyage de plus en plus avec goût »), particulièrement en Sicile, en Toscane, en Émilie-Romagne, en Ombrie, dans le Trentin, dans les villes telles Naples, Rome ou Florence5.
L’Association Italienne du Tourisme Œnogastronomique définit les objectifs de ce tourisme qui doit :
- diffuser les connaissances sur le tourisme œnogastronomique et sensibiliser les acteurs du secteur de l’alimentation et du vin à s’ouvrir au secteur ;
- stimuler la recherche, l’approfondissement et l’innovation dans le domaine du tourisme œnogastronomique ;
- élargir la connaissance de la culture agricole, culinaire et touristique en général ;
- promouvoir et organiser des occasions de rencontres et de rassemblement au nom d’intérêts culturels ;
- valoriser la culture et la connaissance des territoires qui respectent et transmettent les valeurs alimentaires ;
- développer de nouveaux professionnels du secteur, grâce à la promotion de stages et de bourses d’études.
Dans ce cadre, l’œnogastronomie italienne valorise en premier lieu l’ensemble des produits agricoles, dont ceux de la vigne, puis cherche à faire connaître les procédés de leur transformation, pour justifier l’intérêt de la dégustation d’une cuisine et de vins de qualité. Ailleurs en Europe, l’œnogastronomie a plus longtemps dissocié l’intérêt porté aux vins d’une part, et aux produits de l’agriculture et de la table d’autre part.
La tardive reconnaissance d’un tourisme œnogastronomique français
Longtemps dans les pays latins, la consommation quotidienne de vin au cours du repas, quelle que soit la qualité de ce dernier, a été une évidence. Point n’était alors nécessaire de faire valoir la dimension bachique de l’offre alimentaire, le vin, un vin, accompagnait bien évidemment le repas. Le tourisme gourmand, culinaire ou gastronomique, n’a donc pas spécifié la qualité œnologique de son offre6. C’est indépendamment de cette forme de tourisme, que bien plus récemment, au tournant du XXIe siècle, fut défini un tourisme du vin, tourisme viti-vinicole, finalement un œnotourisme dont le terme reste parfois encore mal compris.
Celui-ci invite à découvrir si non de grands vins, du moins de bons vins. Face à une concurrence nationale et internationale grandissante, dans une période d’une consommation de plus en plus occasionnelle, il s’agit d’afficher non seulement la qualité organoleptique du vin, mais aussi son histoire, celle de familles de vignerons, faire reconnaître la qualité de boissons qui ne sont pas issues de l’industrie agro-alimentaire. En invitant les touristes à venir découvrir leurs vins dans leurs chais, leurs caves ou leurs châteaux, les vignerons, viticulteurs-éleveurs, négociants, organisaient l’œnotourisme, en offrant que rarement une possibilité de restauration sur place pour accompagner la dégustation de leurs vins. Telle n’était pas leur vocation, du moins à l’origine de l’ouverture de leurs propriétés aux touristes. À l’occasion, au mieux, un peu de pain, de fromage, ou quelques charcuteries pouvaient accompagner leurs vins, permettant simplement de mieux les apprécier, d’une façon moins monotone, évitant par ailleurs le léger enivrement consécutif à une trop riche consommation d’alcool, hors du repas. L’œnotourisme devait avant tout encourager les ventes directes et fidéliser les acheteurs dans une conjoncture de dévalorisation de la consommation de vin. L’accueil dans les caves pouvait offrir ce que depuis 1991 la loi Evin interdisait de suggérer par la publicité, la convivialité suscitée par la consommation de vin, le plaisir de boire ensemble.
Le tourisme œnogastronomique est encouragé, lorsqu’en 2009, sur l’initiative du Conseil Supérieur de l’œnotourisme, le label « Vignobles & Découvertes », désigne une destination touristique et viticole qui réunit à la fois les propriétés viticoles et les restaurants, au même titre que des hébergements, des musées et autres lieux de loisirs d’un même vignoble. Les caves et les chais, sont répertoriés au même titre que les lieux de restauration, pour valoriser leur complémentarité. Chacun des acteurs labellisés doit encourager la visite de tous ces lieux à vocation touristique au sein d’un même vignoble, des caves comme des restaurants.
Cette alliance entre œnotourisme et tourisme gourmand, est encore renforcée en 2016 par le site visitfrenchwine.com, piloté par Atout France, vitrine de l’offre œnotouristique de l’ensemble des vignobles français. Chacun d’eux, propose 3 raisons spécifiques pour susciter la visite de ses chais. 8 des 18 vignobles présentés par le site mettent mis en avant la gastronomie (Beaujolais, Bergerac et Duras, Languedoc, Provence), les chefs étoilés (Jura, Savoie, Sud-Ouest), les accords mets et vins (Jura, Languedoc, Sud-Ouest, Vallée du Rhône), ou tout simplement les produits et restaurateurs locaux (Jura, Provence, Sud-Ouest, vallée du Rhône).
Peu à peu se forge l’idée que la découverte des vins doit être accompagnée de la découverte des produits de la région, de ses savoir-faire culinaires ou de ses spécialités gastronomiques. En 2020, Atout France reconnaît que la restauration est peut-être un plus pour l’offre œnotouristque, pour l’accueil à la propriété, « le point restauration : un espace dédié au plaisir, sans être indispensable, il s’agit d’un “plus” que l’on peut concevoir si l’on est certain de pouvoir s’acquitter de cette offre très exigeante dans la durée »7. Les propositions de visites se multiplient dans le cadre d’un tourisme gourmand de plus en plus en vogue. Les routes du vin font désormais l’objet de balades ou d’escapades gourmandes ou gastronomiques à travers les terroirs viticoles, particulièrement en Provence, en Languedoc, en Roussillon, en Savoie, précisément là où les routes du vin ont une moindre notoriété en termes d’itinéraires touristiques. Outre le vin, les œnotouristes sont alors invités à déguster des fromages, à associer le vin au chocolat, mais de façon plus originale encore, le vin aux huîtres (au bord de l’étang de Thau, au domaine Tabouriech en Languedoc) ou aux truffes (au domaine Rion à Vosne Romanée en Bourgogne). Les expériences œnogastronomiques se déclinent en brunchs, apéritifs, pique-niques vignerons, repas champêtres, mâchons, ou plus traditionnellement à l’occasion d’un repas au restaurant.
Dans certains cas, des restaurants sont les initiateurs des alliances mets et vins, parfois, dans d’autres, l’initiative revient aux caves qui intègrent une offre de restauration. À Bellefont-La Rauze, a été ouvert en 2019, le restaurant « La Table du Vigneron » de Mémé du Quercy, association de 22 producteurs locaux, cuisine les produits de terroir : foie gras, confits de canards, truffes fraîches… associés aux vins de Cahors. L’on déguste dans une salle ouverte à la fois sur la campagne lotoise, la vallée de Valroufié, et sur le chai des vins des crus d’Anthony Janicot, vigneron propriétaire du lieu. À l’occasion du repas, avant ou après, l’on peut profiter d’une visite guidée gratuite du chai, en cheminant sur des passerelles situées à plusieurs mètres de hauteur au-dessus des cuves. Un guide accompagne les visiteurs et leur explique les différents crus, et les étapes de la vinification.
Ailleurs, le restaurant s’intègre totalement à l’activité vinicole. À Saint-Emilion, le restaurant « La terrasse rouge » est adossée à l’ancienne maison de maître du château La Dominique. La salle de restaurant est une vaste salle panoramique, aux baies vitrées, prolongée d’une terrasse, couverte de galets rouges qui évoquent les grains de raisin, la vue panoramique sur les vignobles environnants de Saint-Emilion et de Pomerol renforce le lien entre terroir et dégustation. Cette architecture remarquable, signée Jean Nouvel, offre une expérience inédite. Le client est invité à s’initier tout à la fois à l’art de la dégustation et à la culture du vin et de la gastronomie régionale. La carte des vins, particulièrement riche, propose des flacons mythiques, des références essentiellement bordelaises mais aussi françaises et étrangères, que l’on peut déguster au verre pour mieux jouer des accords mets et vins. La carte propose des plats « au bon goût du Sud-Ouest », une cuisine « conviviale » autour des spécialités régionales réinterprétés par le chef au gré des saisons : foie gras, truffes noires, tomates, asperges, bœuf de Bazas…
Selon un autre concept, au plus près des vins de la propriété, dans un même souci d’excellence, à Puligny-Montrachet, Olivier Leflaive, pionnier de l’œnotourisme en Bourgogne depuis 1997, invite à découvrir ses vins dans son restaurant autour de sa « table de dégustation ». Comme ailleurs, le sommelier conseille le client dans le choix des vins, mais au plus près des vignobles bourguignons, en localisant les appellations de ses crus, sur des cartes, au mur et sur des sets de table. Il situe les crus et dévoile les caractéristiques propres à chacun des vins choisis pour le repas. À table, les noms de ces derniers figurent sur le pourtour de l’assiette, comme une invitation à goûter le terroir, dans l’harmonie des mets et vins. Une gougère en amuse-bouche, renforce encore l’ancrage au territoire à travers l’une de ses spécialités culinaires régionales des plus connues.
De plus en plus nombreux sont les exemples d’invitations à déguster simultanément les vins et les spécialités régionales, ici en France, en valorisant les vins et les spécialités culinaires, là où en Italie, l’on privilégie l’alliance des vins et les produits de terroir.
Conclusion
Sous des formes différentes, dans l’Ancien comme dans le Nouveau monde, l’œnotourisme associe aujourd’hui de plus en plus systématiquement vin et gastronomie. L’offre touristique devient œnogastronomique, non pas simplement gastronomique. L’œnotourisme initial a construit, ou renforcé, la dimension touristique de l’expérience gourmande. L’ancrage territorial des routes des vins à l’origine de l’œnotourisme, la référence au terroir toujours revendiquée dans les appellations vinicoles, ont permis de décliner différentes expériences gastronomiques. Le tourisme œnogastronomique, n’est plus la simple fréquentation de tables réputées ou la découverte de spécialités ou de recettes régionales, proposées par le tourisme gourmand, il donne lieu, plus largement, à la découverte d’un environnement, dans le cadre d’une pratique touristique, souvent ludique, ouverte à une demande de gourmands ou de curieux qui intègrent la visite d’un vignoble, à l’expérience purement gastronomique.
Cette alliance naturelle dans les pays anciennement viticoles, celle des terroirs des paysages méditerranéens, construits autour de la vigne, et d’une très grande diversité agricole, associe l’art de la table, le bon, le beau, et beaucoup de convivialité. Ce modèle méditerranéen gagne les pays du Nouveau Monde viticole. Découvrir le vin, le goûter, ne peut se soustraire à la compréhension de son histoire qui fait évoluer ses qualités, sa consommation, sa place dans l’économie régionale. Sur ce modèle, le tourisme œnogastronomique se fait l’ambassadeur des économies viticoles partout dans le monde. Les tables gourmandes s’adaptent aux vins pour mieux les valoriser.
Comme le modèle des routes du vin a inspiré des routes de la bière, de l’huile d’olive, de la truffe, des fromages, ailleurs du café ou du chocolat, elles ont valorisé le patrimoine gastronomique des régions traversées et ont engendré des destinations reconnues aujourd’hui comme œnogastronomiques, réputées tant pour leurs vins que pour leurs spécialités culinaires.