Introduction
Alors que la France est la première destination mondiale en matière de tourisme, l’Aquitaine la cinquième région du pays (87 millions de nuitées par an, dont le cinquième en Gironde avec 19,6 millions de nuitées), l’œnotourisme s’est peu et tardivement développé1. Un constat s’impose : Bordeaux tient un rôle majeur dans le monde du vin en termes de goût, d'œnologie, de puissance... mais guère dans l'œnotourisme ! Et pourtant, on compte 120 000 hectares de vignes en AOC en Gironde (soit 15 % des VQPRD nationaux), 9500 exploitations viticoles, 43 coopératives, de 3 à 400 entreprises de négoce dans le vin (CIVB, 2009). Le paradoxe se perçoit dans les paysages : alors qu’on estime qu’il y a un million de touristes de passage à Saint-Emilion chaque année, l’offre d’hébergement ou de restauration est assez dérisoire (fig. n° 1).
En revanche, l'Italie est le seul pays au monde à avoir, dès 1985, promulgué une loi spéciale sur l'agritourisme2. Elle définit le tourisme à la ferme comme une sous-activité de l'agriculture. C’est pourquoi elle a un triple but : favoriser les produits régionaux typiques, réutiliser les vieux bâtiments ruraux qui ne sont plus utilisables par l'agriculture moderne, enfin augmenter le revenu des agriculteurs. Chaque région règlemente le secteur avec sa propre loi en adéquation avec ses caractéristiques territoriales. La Toscane est aujourd’hui la première région italienne pour l’agritourisme avec 4200 fermes vouées à cette activité sur un total d’environ 18 000 en Italie.
Aussi est-il intéressant de mener une comparaison entre les deux régions viticoles pour connaître les outils qui ont été mis en place de part et d’autre pour identifier et valoriser le vin en matière de tourisme. Mais aussi de voir quelles sont les actions menées par les différentes institutions, de manière à comprendre un tel écart.
Des situations fort contrastées
Le retard bordelais : les raisons historiques et culturelles
Il est possible d’identifier plusieurs freins au développement de l’œnotourisme en ce qui concerne Bordeaux. Tout d’abord, un phénomène d’ordre national demande à être pris en compte : l’absence de tradition touristique dans les vignobles. Le cas est assez général en France, à l'exception de l'Alsace, de la Champagne, et de Cognac (Lignon-Darmaillac, 2009, p. 10). La question n’a pris une actualité brûlante en France qu’avec l’accroissement de la concurrence mondiale et du développement d’une crise du secteur. Il n’est que de s’intéresser aux rapports officiels sur le vin pour s’en convaincre. Si l’on date l’entrée du Nouveau Monde _ et du choc qui s’en suit sur la scène du vin _ du milieu des années 1980, il faut attendre de nombreuses années avant que le tourisme ne soit perçu comme une sérieuse alternative. Le verdissement de la Politique Agricole Commune et les négociations à l’OMC ont également dû jouer dans cette prise de conscience.
Toujours est-il que le mot tourisme est absent du rapport Berthomeau (2001), fait une première mais assez mince apparition dans le rapport César (2002, p. 13, 114-118), disparaît quasiment du rapport Pomel (2006, p. 7), revient sur le devant de la scène avec le rapport Dubrule (2007), pour être plus ou moins développé par le rapport Roumegoux (2008, p.6 ; 52). Toujours est-il aussi que le Comité National qui vient d’être mis en place pour travailler sur la question n’a pour l’instant accouché que d’un concours et d’un label. L’Etat se pense désormais comme un stratège, et n’intervient donc plus directement.
Des freins régionaux viennent se surimposer à ces questions. Dans les vignobles girondins, les grands châteaux ne sont traditionnellement pas ouverts au public, le milieu est même réputé pour être assez fermé. Les chais symbolisent tout à fait ce qu’était le monde du vin, et ce qu’il tend à devenir aujourd’hui. Voici ce qu’en écrivait Philippe Roudié :
« Longs, bas, aux murs aveugles percés de portes étroites et de rares ouvertures en forme de meurtrières, ils abritent, en interminables files, les centaines de barriques où vieillit le vin. Ces chais sont sans doute l’élément le plus impressionnant et le plus typique du château. Leur atmosphère, maintenue à température égale, leur confère une sorte d’immuabilité, de vie au ralenti, dans une pénombre qui contraste avec l’animation du cuvier au moment des vendanges ou avec le vrombissement des machines dans les hangars. Monde clos, le chai est seulement desservi par les ouvriers chargés de veiller au vieillissement du vin. » (ROUDIE, 1996, p. 187).
Ce lieu sombre, longtemps réservé aux hommes, connaît une rupture sans précédent en ce qui concerne son utilisation. Elle se fait très largement sous influence du Nouveau Monde, qui le place désormais au cœur de la mise en scène œnotouristique. Le mouvement est pourtant long à s’enclencher en Aquitaine. A de rares exceptions près, comme le nouveau chai du château Lafite-Rothschild dessiné par Ricardo Bofill en 1982, peu de nouvelles créations étaient apparues. On se rappellera le relatif échec de l'Exposition Château Bordeaux (1987-1988) en matière de renouveau de l'architecture et de l'ouverture des châteaux. Peu de créations se sont développées à la suite de l’exposition, sinon le réaménagement du château Pichon-Longueville (Châteaux Bordeaux, 1988, p. 189). Le nombre de chais mis en valeur est encore faible, et certains châteaux sont aujourd’hui en travaux. Parmi les réalisations exemplaires, citons tout de même le château du Tertre, dont les chais ont été rénovés, et une partie des bâtiments aménagée en chambres d’hôtes. Ou plus récemment, les chais du château Faugères, dessinés par l'architecte Mario Botta.
Quant à la majeure partie des viticulteurs, elle n’a pas de tradition d’accueil et de vente directe, puisque la vente au négoce ou à la coopérative domine. La faiblesse traditionnelle de la vente directe est à noter (Roudié, 1995, p. 46). Les châteaux parmi les plus prestigieux vendent toute leur production directement au négoce, par le biais d’adjudications. Point n’est alors besoin de développer un accueil pour des touristes auxquels il n’y aurait rien à vendre de toute façon. Et si certains châteaux les plus réputés ont bel et bien ouvert leurs portes, il n’est toujours pas possible d’y acheter du vin ! On comprend la déception du visiteur, bien dommageable pour le vignoble en son entier…
Il faudrait enfin tenir compte d’un problème de compétence (Schirmer, 2007). Le rôle des organisations professionnelles n’est pas orienté en France vers le développement du tourisme. Le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) ou les Organismes de Défense et de Gestion (ODG) (c’est-à-dire les anciens Syndicats d'appellation) n’ont pas de telles prérogatives dans leurs missions. Celles du CIVB sont avant tout économiques (connaissance et régulation du marché) et liées à la promotion du vin. C’est par conséquent dans une large mesure le monde du tourisme qui est venu structurer une offre encore balbutiante. Ce sont également les collectivités territoriales qui poussent à l’essor du tourisme, par le biais des Offices de tourisme par exemple. Dans le Médoc, le Pays mène une politique qui vise à impulser un essor de l’offre, à la suite d’un programme européen Interreg initié en 20043. Un emploi de chargé de mission est alors créé, de façon à impulser des initiatives et à mettre en réseau les différents mondes économiques et institutionnels.
Le caractère récent du développement de l’œnotourisme en Gironde tranche avec l’ancienneté de phénomène touristique en Toscane.
Le raisons historiques et culturelles du succès de l’agritourisme dans les fermes en Toscane
Les raisons du succès de l’agritourisme en Toscane doivent tout d’abord être recherchées dans la situation que connaît l’agriculture au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La crise de l’agriculture, même dans des territoires aujourd’hui très riches comme le Chianti, devient virulente dans la décennie 1950-60 avec les difficultés rencontrées par le contrat de métayage (mezzadria). Les métayers étaient déjà très endettés auprès des propriétaires avant la guerre, à une période pendant laquelle il n’existait pas d’alternatives au travail agricole. Avec l’industrialisation de la Toscane, un processus d’abandon des fermes apparaît (Cianferoni, 1979). Partout, il y avait des terrains en vente, même ceux considérés de haute qualité ; les prix étaient dérisoires (correspondant à 80€ d'aujourd'hui par hectare avec la ferme).
Au début, ce sont surtout des étrangers _ Anglais, Suisses, Hollandais _, qui s’intéressent aux propriétés foncières. Ils sont surtout attirés par les vieilles maisons des mezzadri pour les transformer en résidences secondaires pour l’été. Les Italiens, même les urbains assez riches, n’éprouvent alors pas d’attrait pour la campagne. Ils ne croient plus en l’agriculture. C’est seulement à partir du milieu des années soixante que la demande des industriels, des commerçants, et même des petits entrepreneurs agricoles italiens, a commencé à se développer. Les prix des propriétés ont alors augmenté.
La Toscane connaît de ce fait, dans les années soixante et soixante-dix, un grand renouvellement de la propriété : les vieilles familles nobles ont vendu aux industriels et aux nouveaux riches, mais aussi à de petits entrepreneurs. Ces nouveaux propriétaires apportent avec eux une nouvelle mentalité ; elle est plus dynamique et plus ouverte au changement, tant dans les technologies pour la vinification que dans les méthodes d’organisation du travail. Le tourisme a accéléré le processus de récupération des fermes, même les plus isolées, jusqu’à être aujourd’hui complètement achevé. Presque toutes les vieilles maisons sont restructurées, et beaucoup sont aujourd’hui orientées vers l’agritourisme.
On le voit, ces deux grands vignobles connaissent des trajectoires très différentes en matière de développement touristique. La prise de conscience de la nécessité de développer ce secteur de l’économie dans les vignobles s’est faite à des périodes bien différentes, avec des acteurs qui ne tiennent pas le même rôle.
Quels acteurs pour le développement œnotouristique ?
En Italie : un secteur impulsé par la région
C’est la politique régionale qui a favorisé l’hébergement dans les fermes. Il était évident dès le début que le tourisme pourrait servir de support à l’activité agricole, sinon même davantage. La récupération des vieilles maisons ainsi que l’essor du tourisme donnent encore du travail à beaucoup d’artisans, ainsi les ouvriers du bâtiment, plombiers, menuisiers, peintres, etc.
C’est pourquoi la dernière loi régionale sur l’agritourisme (n° 30 du 23 juin 2003) spécifie très clairement les relations entre le tourisme et l’agriculture, en tendant à maintenir un équilibre entre les deux. La loi précise plusieurs éléments. Tout d’abord, l’agriculture doit rester l’activité principale (en termes de temps ou de valeur de la production ou des investissements). Comme la loi favorise l’hébergement, la restauration n’est possible que pour les personnes qui dorment sur place, et celle-ci doit utiliser de façon privilégiée des produits de la ferme ou d’origine locale. Enfin, l’activité peut être organisée pour offrir à tout le monde la dégustation des produits.
Ainsi, parce qu’il est considéré comme une activité agricole, l’agritourisme a pu recevoir dans les vingt dernières années de nombreuses aides publiques issues de la Politique Agricole Commune (PAC). Les domaines concernés sont la restauration, l’équipement en piscine, la vente directe, le développement d’Internet.
Le « millefeuille » français : un cas d'école à Bordeaux !
Mal français déjà stigmatisé dans de nombreux rapports (Jean Auroux, et plus récemment les rapports Attali ou Balladur), la multiplicité des acteurs et des échelles de l’intervention apparaît très nettement ici. La question de l’œnotourisme donne une impression de cacophonie. Il est bien difficile de s’y retrouver pour le béotien, à telle enseigne que les territoires ne se superposent pas toujours complètement, même si des efforts ont été faits.
Certains Pays touristiques diffèrent des Pays loi Voynet. Mais surtout, les territoires viticoles, i.e. les Appellations d’Origine Contrôlée (AOC), ne correspondent pas aux territoires de l’action politique. On compte donc une multitude d’acteurs, dont les stratégies ne sont pas toujours tout à fait complémentaires ou bien comprises. Ainsi l’Office de Tourisme de l’Entre-Deux-Mer a-t-il bien du mal à faire passer un message général pour des AOC qui se considèrent, pour certaines d’entre-elles, comme plus prestigieuses que l’Entre-Deux-Mers… Elles vivent mal cette bannière commune. Une pluralité d’outils _ marques, labels, ou démarches _ coexiste donc : les uns sont développés par des institutions différentes (la Région Aquitaine avec « Destination Vignobles », le Conseil Général de Gironde avec « Vignobles et chais en Bordelais », ou par des organismes consulaires appartenant à des mondes économiques différents (la Chambre d’Agriculture avec « Bienvenue à la Ferme », la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux, avec le label « Best of Wine Tourism »). Difficile pour l’exploitant viticole de savoir précisément vers quel bureau se tourner lorsqu’il souhaite mener à bien un projet. Heureusement, ces différents acteurs cherchent désormais à travailler de concert.
Mais certaines Appellations éditent elles-mêmes leurs propres brochures, avec des cartes qui sont fréquemment peu digestes : il existe par exemple un Guide des Sauternes et Barsac. Et bien sûr, il existe une multitude d’actions privées. Les plus célèbres sont peut-être celles de négociants _ Calvez et Pape Clément, la Winery de Philippe Raoux, Cazes et le Village de Bages _, elles côtoient une myriade de propositions émanant de petites propriétés avec des offres multiples et diverses. L’initiative menée par quatre femmes, dénommées les Médocaines, est également particulièrement novatrice, ne serait-ce que par la mise en réseau des différentes propriétés. Des initiatives donc, mais qui donnent bien l’impression d’être finalement peu nombreuses au regard de ce qui existe en Toscane.
Le tourisme dans les vignobles
L’économie de l’œnotourisme en Toscane
Le lien entre tourisme et production du vin a toujours été fort en Toscane. L’écrivain anglais Tobias George Smollett écrit vers 1700 à propos de son voyage à Florence :
« Avec toute sa fierté, la noblesse florentine est cependant assez humble pour entrer en affaires avec les commerçants et même vendre le vin à la minute. C'est un fait évident que la façade de chaque immeuble ou grande maison dans cette ville, il y a une fenêtre munie d'un marteau de fer, et au bout de cette accroche un flacon vide. Il faut envoyer un serviteur si vous voulez acheter une bouteille de vin. Il bat le comptoir, qui est immédiatement ouverte par un serviteur, qui fournit le vin et reçoit l'argent comme un normale serveur de n'importe quelle taverne » (SMOLLETT, 1767, p. 312).
Le vin produit dans la campagne était vendu en ville parce que le paysan, du fait du contrat de métayage, payait le propriétaire en nature avec la moitié de la production. Depuis la fin de ce type de contrat, le rapport ville / campagne s’est modifié, et aujourd’hui la production est vendu partout dans le monde. Surtout celle des plus prestigieux vins de Toscane.
Le lien entre le touriste et le produit agricole est de toute façon resté assez similaire : le touriste veut essayer les produits de la région visitée. Aujourd’hui ce lien est si fort qu’il y a un tourisme généré par les produits eux même ; les touristes veulent visiter les régions de production des produits qu’ils ont achetés chez eux, surtout pour le vin.
L’œnotourisme en Italie correspond à plus de quatre millions de touristes, d’un niveau social, culturel et économique plutôt moyen à élevé. Pour cette raison, l’agritourisme est aujourd’hui encore plus important parce qu’il offre la possibilité de vendre directement du vin à la cave, sans intermédiaire. Pour les 82 principaux producteurs viti-vinicoles italiens, la vente directe représente 7,5% du chiffre d’affaire total (Mediobanca, 2008).
Les œnotouristes ne sont pas seulement attirés par les produits locaux, mais aussi par le territoire. Aussi les aspects positifs de l’œnotourisme ne demeurent pas seulement dans les fermes, d’autres activités peuvent exploiter les revenus injectés dans l’économie locale. Le Septième Rapport Annuel du Censis (2009) évalue que, pour 10 euros dépensés à la cave, 50 euros l’ont été sur le territoire (Rapporto Censis, 2009).
Pour ces raisons, les villes productrices de vin se sont organisées pour aider au développement de l’œnotourisme. Le Movimento Turismo del Vino, né en 1993, a pour finalité la promotion de la culture du vin à travers des visites sur les lieux de production. L’association regroupe les mille caves les plus importantes d’Italie. Tous les ans, au mois de mai, se tient partout en Italie l’initiative « cave ouverte », pendant laquelle il est possible de visiter la ferme avec un guide ou même le propriétaire. L’initiative a rencontré beaucoup de succès, tant et si bien qu’elle a été rééditée cinq fois.
Dans le Rapport du Censis (Centro Studi Investimenti Sociali, 2009), il a été possible d’estimer le chiffre d’affaire de la vente directe en moyenne à 18% du total. Il est même monté dans les années 2005-2008 à 20%. A Titre de comparaison, on notera que le CIVB ne connaît pas la part prise par la vente directe en Gironde…
Ce ne sont pas seulement les territoires les plus connus _ comme le Chianti, le Val d’Orcia et la Maremme _ qui ont développé l’agritourisme, mais presque toute la Toscane. 99,1% de la population toscane peut ainsi accéder à une ferme au moins en trente minutes (ISTAT, 2008). Seule la montagne et une petite partie de l’intérieur sont moins développées. Pour le reste, il est possible d’atteindre plus de 50 fermes en 30 minutes (fig. n° 2).
En conclusion, l’agritourisme a contribué à revitaliser les campagnes et à créer des emplois, surtout dans les collines, beaucoup moins dans la montagne (fig. n° 3). Ainsi, « le tourisme à la campagne est l'un des moyens par lesquels la société contemporaine peut améliorer, dans de nombreux domaines, le rapport entre les hommes, l'économie, l’environnement et la qualité de vie » (Telleschi, 1992, p. 13).
Le « second French Paradox »
A la suite du constat formulé par Isabelle Frochot, évoquant un « second french paradox » tant l’œnotourisme est peu développé en France (FROCHOT, 2000, p. 67), il est possible de percevoir un phénomène similaire à Bordeaux. Alors que le tourisme est très important sur la côte, il l’est bien peu dans les vignobles (fig. n° 4).
En Aquitaine, 43 % des nuitées touristiques ont lieu à l'intérieur des terres, avec seulement 34,5 % des dépenses. Le littoral concentre 37 % des nuitées mais 48 % des dépenses. La ville de Bordeaux attire près de 2,5 millions de visiteurs par an. Et pourtant, il faut noter côté vignoble une remarquable faiblesse de l’offre. Si l’on prend l’exemple du réseau Bienvenue à la Ferme4, seules quatre chambres d’hôte sont proposées pour tout le vignoble, un seul camping à la ferme, et même si l’on s’intéresse à la vente de produits de la ferme, le résultat reste bien faible : seuls trente-trois exploitations sont engagées dans cette démarche en tout et pour tout pour le vin (fig. n° 5a) ! L’offre est plus importante dans l’Entre-Deux-Mers, mais elle apparaît très concentrée sur les bords de la Garonne (à proximité des grands axes de communication comme l’autoroute A 62), un peu moins le long de la Dordogne, et bien moins à l’intérieur (fig. n° 5b). Ici, la proximité de l’Office du tourisme de l’Entre-Deux-Mers, situé à Monségur, doit certainement jouer en termes de dynamique et d’impulsion auprès des exploitants viticoles. Un Pôle d’Excellence Rurale (PER), dont le thème est « L'oenotourisme: une stratégie économique pour l'Entre-Deux-Mers » est porté par ce précédent acteur.
Conclusion
En conclusion, les défis du tourisme rural sont aujourd’hui d’uniformiser et de coordonner les stratégies des différents acteurs, d’éviter une trop grande « touristification » et une trop forte spéculation foncière, de gérer la periurbanisation, de préserver le paysage, de promouvoir des itinéraire et non seulement une collection de lieux spécifiques (fermes, châteaux, restaurants, villages). Ce qui signifie une intégration des divers intérêts économiques, des politiques, entre les touristes et les résidents, entre le passé et le futur, mais aussi une intégration spatiale entre la campagne et la ville. C’est sans doute sur ce dernier point que les situations des deux régions françaises et italiennes sont les plus proches, tant l’ampleur du phénomène est disparate. Gageons que la création du futur Centre Culturel et Touristique du Vin prévu pour 2013 jouera comme d’un « hub » à destination des campagnes. Car le défi de l’Aquitaine est bien de diversifier son économie viti-vinicole, et bien sûr de créer des emplois. Or, il est avéré que la « touristification » des vignobles créé bien des emplois (MKF Research, 2007 ; Storchmann, 2008) : aux Etats-Unis, pour 33560 emplois équivalents temps complet dans les wineries en 2005, on estime que 49710 emplois en découlent dans le tourisme. Ce qui fait un coefficient multiplicateur de 1,5.
Jusqu'à présent, le tourisme rural a montré de nombreux aspects positifs, en contribuant au développement d’espaces restés marginaux où les opportunités de l'agriculture n’étaient pas suffisantes pour assurer des revenus à la communauté locale. Un tourisme rural qui récupère le patrimoine bâti existant sans en construire de nouveaux, qui est capable de tisser des liens avec l'agriculture et l'artisanat local, peut certainement être un atout, dans certains cas, afin de développer les zones rurales. Finalement le tourisme rural peut devenir une activité territorialisante, capable de produire des ressources, de stimuler des investissements pour la conservation des ressources historiques et environnementales.