Un témoin de l’expansion du tourisme œno-gastronomique en France dans l’entre-deux-guerres : la carte gastronomique de la France d’Alain Bourguignon (1929)

Résumés

Les années 1920 voient exploser en France les initiatives en faveur d’un tourisme œno-gastronomique informé et exigeant. Le Guide Michelin accorde à partir de 1926 des « étoiles de bonne table » aux meilleurs restaurants. Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky (1872-1956), publie à partir de 1921 les 28 volumes (sur 32 prévus) de La France gastronomique qui recense les meilleures recettes des cuisines régionales et les meilleurs restaurants. Il est élu en 1927 « Prince des gastronomes », fonde en 1930 l’Académie des gastronomes et cofonde en 1933 l’Académie du Vin de France. C’est lui qui patronne une entreprise étonnante qui paraît pour la première fois en 1929, la Carte gastronomique de la France qui a pour auteur le chef cuisinier Alain Bourguignon, alors directeur de L’Écu de France, un restaurant situé devant la Gare de l’Est à Paris. Cette carte d’un mètre carré recense des centaines de productions agro-alimentaires localisées (viandes, charcuteries, fromages, poissons, légumes, fruits, etc.), de vins et d’eaux-de-vie (sept ans avant la loi sur les AOC) et de recettes traditionnelles. À l’heure de la mondialisation, il est essentiel, tant sur les plans culturel qu’économique, de maintenir et de faire vivre cette diversité des produits et des savoir-faire de terroir. Elle seule peut nourrir un tourisme œno-gastronomique qui concerne aujourd’hui des visiteurs venus de tous les continents qui recherchent tant dans les paysages, les monuments, les musées, les rencontres que dans leur assiette et dans leur verre des émotions géographiques. La cuisine-fusion et les vins passe-partout n’ont aucun avenir et passeront comme toutes les modes reposant sur l’inculture et la vanité. Il est vrai que rares sont aujourd’hui les critiques gastronomiques et œnologiques aussi érudits, compétents, diserts et joyeux que Curnonsky !

The 1920s saw an explosion of initiatives in France in favour of informed and demanding wine and food tourism. From 1926 onwards, the Michelin Guide awarded "stars for good food" to the best restaurants. Maurice Edmond Sailland, known as Curnonsky (1872-1956), published the 28 volumes (out of 32 planned) of La France gastronomique from 1921 onwards, which listed the best recipes of regional cuisines and the best restaurants. In 1927, he was elected "Prince of Gastronomes", founded the Académie des Gastronomes in 1930 and co-founded the Académie du Vin de France in 1933. He was the patron of an astonishing enterprise that appeared for the first time in 1929, the Carte gastronomique de la France, written by the chef Alain Bourguignon, then director of L’Écu de France, a restaurant located in front of the Gare de l’Est in Paris. This one-square-metre map lists hundreds of localized food products (meat, charcuterie, cheese, fish, vegetables, fruit, etc.), wines and eaux-de-vie (seven years before the law on AOCs) and traditional recipes. In this age of globalisation, it is essential, both culturally and economically, to maintain and bring to life this diversity of local products and know-how. It is the only way to nurture wine and food tourism, which today involves visitors from all continents who are looking for geographical emotions in their landscapes, monuments, museums, encounters, as well as in their plates and glasses. Fusion cuisine and all-purpose wines have no future and will pass away like all fashions based on inculture and vanity. It is true that there are few food and wine critics today who are as erudite, competent, articulate and cheerful as Curnonsky!

Plan

Texte

L’entre-deux-guerres marque en France l’aboutissement d’un long processus de discernement géographique des matières premières alimentaires et de leur mise en œuvre culinaire grâce à des recettes régionales, subtil exercice qui s’applique également aux auberges et restaurants où l’on peut les déguster. Cela tient aux facilités de voyage pour les gourmets disposant de loisirs et d’un peu de bien, de même qu’aux possibilités de transporter dans de bonnes conditions ces merveilles solides et liquides à travers tout le pays en direction des grandes villes et, singulièrement de Paris.

Les prémisses de la cartographie gourmande

Au cours de la Renaissance, se multiplient en Europe les voyages de découverte (par exemple, le « Grand Tour » des jeunes hommes de la bonne société) et les récits les accompagnant dans lesquels les auteurs décrivent leurs sentiments, mais aussi tout ce qu’ils voient (paysages, monuments, œuvres d’art), leurs rencontres et les mœurs des habitants des régions traversées, y compris leur alimentation. Dans le Journal d’un voyage en Italie en 1580 et 15811, Montaigne excelle à évoquer ce qu’il mange et ce qu’il boit dans les contrées d’Europe qu’il traverse (les écrevisses et les vins d’Allemagne, le veau, les salades, les légumes et les truffes d’Italie), mais ce sont des notes passagères, en aucune manière un inventaire exhaustif des manières de se nourrir en Europe. Depuis le Moyen Âge et pendant toute l’époque moderne, les livres de cuisine évoquent des appellations régionales telles que « de Provence » ou « à la provençale », « à la flamande », « à la périgourdine »2, ce qui marque le début de la perception du rapport entre l’alimentation et la géographie, mais ce sentiment demeure encore quelque peu imprécis.

Plus tard, au XVIIIe siècle, Saint-Évremond se prétend en toute immodestie le pionnier de la géographie des spécialités culinaires françaises : « La Gourmande Géographie/Dont je suis comme l’inventeur »3. Avec deux compères, il fonde le groupe dit des Coteaux, trois aristocrates férus de bonne chère dont l’évêque du Mans fustige les exigences4 : « Ces messieurs […] ne sauroient manger que du Veau de rivière : il faut que leurs perdrix viennent d’Auvergne ; que leurs Lapins soient de La Roche-Guyon ou de Versine […] pour le vin ils n’en sauroient boire que de trois Coteaux d’Ay, d’Hautvillers et Avenay. » Toutefois, à cette époque, le mot terroir revêt plutôt un sens péjoratif et les bons produits vantés par les connaisseurs, même s’ils viennent de quelque part, sont ceux qui sont les plus purs, les plus raffinés, exempts de tout défaut et de toute saveur trop marquée révélatrice d’une provenance. L’ouverture rue Helvétius (aujourd’hui rue Sainte-Anne) à Paris en 1786 d’un des tout premiers restaurants à l’enseigne des Trois frères provençaux a souvent été considérée comme l’acte fondateur de la mise en valeur des cuisines de terroir. Le seul menu de ce restaurant que l’on connaît date de la fin de l’Empire ou de la restauration5, alors que l’établissement a déménagé est s’est installé sous les arcades du Palais-Royal, alors haut lieu de la restauration de luxe… et du dévergondage. Sur les 258 plats – hors boissons – qu’elle propose, moins d’une dizaine a un lien avec la Provence (olives farcies aux câpres et anchois, cornichons de Provence, thon mariné, salade d’anchois aux fines herbes, saucisson d’Arles, côtelettes de mouton à la provençale, morue à la provençale, nougat blanc de Marseille). Tous les autres sont typiques de la cuisine bourgeoise parisienne de l’époque; on est donc loin d’une glorification de la cuisine d’un terroir provincial dans la capitale, tout au plus y trouve-t-on une petite touche discrète.

C’est au siècle suivant que le goût du terroir sera reconnu comme un marqueur de qualité pour les mets et un signe de distinction6. Il est vrai que, sous l’influence de la cour royale, la passion de l’élite française pour ce qu’elle mange et ce qu’elle boit a beaucoup grandi, au point de devenir un art7 et qu’il faille inventer un mot pour cela. C’est le poète bourguignon Joseph Berchoux qui le trouvera en publiant en 1801 un poème intitulé La Gastronomie, ou l’Homme des champs à table, se référant à un mot grec désignant les lois de l’estomac, titre d’un ouvrage perdu d’Archestrate écrit au IVsiècle av. J.-C. Berchoux évoque ainsi le personnage à qui l’on doit ce mot si nécessaire aux gourmets8 : « […] Cet auteur fut l’ami d’un des fils de Périclès. Il avait parcouru les terres et les mers pour connaître par lui-même ce qu’elles produisent de meilleur. Il s’instruisait dans ses voyages, non des mœurs des peuples, dont il est inutile de s’instruire, puisqu’il est impossible de les changer, mais il entrait dans les laboratoires où se préparent les délices de la table, et il n’eut de commerce qu’avec les hommes utiles à ses plaisirs. […] »

Parmi les quelques passages de La gastronomie qui ont été sauvés et que l’on retrouve dans Le banquet des sophistes d’Athénée, publié à Rome vers 228, ces vers montrent que le discernement géographique en matière alimentaire est bien antérieur à Montaigne et Saint-Évremond et remonte en réalité à la nuit des temps9 : « Je loue toutes les anguilles, mais les meilleures sont celles que l’on prend en mer, dans le détroit, en face de Reggio. Et toi, à Messine, tu as cette chance unique de pouvoir satisfaire ton palais de ce mets. Et celles du Copaïs et du Strymon sont excellentes et très renommées : elles sont grandes et étonnamment grosses. Or le plus prestigieux de tous les plats que l’on peut aimablement servir, est l’anguille, seul poisson qui naturellement n’a qu’une arête. »

Au tout début du XIXe siècle, apparaît le souci de lier avec une plus grande précision les aliments et les recettes à un lieu ou un espace géographique donné. En 1807, Grimod de La Reynière exprime pour la première fois le projet d’une cartographie gastronomique10 : « Ainsi, au lieu du clocher d’Amiens, on distinguerait à cette place un pâté de canard ; à Nérac, une terrine de perdrix rouges ; une de foies de canards à Toulouse ; des pieds et du fromage de cochon à Troyes : un pot d’épine-vinette à Dijon ; des figues à Ollioules. » Ce rêve prémonitoire va être mis en œuvre deux ans plus tard par Charles-Louis Cadet de Gassicourt, fils illégitime de Louis XV, avocat, pharmacien, poète et écrivain, mais surtout bon vivant joyeux, comme on sait l’être au sein de la goguette11 du Nouveau Caveau à laquelle il appartient. Il est le pionnier de la cartographie gastronomique en annexant une carte gastronomique de la France à son Cours gastronomique, ou, Les diners de Manant-ville : ouvrage anecdotique, philosophique et littéraire, paru en 180912. Un chapitre de son ouvrage est d’ailleurs intitulé de manière très explicite : « Sachons un peu de géographie »13.

Illustrations 1 et 2. Frontispice et carte du tract publicitaire de la 2e édition du Cours gastronomique de Charles-Louis Cadet de Gassicourt - 1809

Illustrations 1 et 2. Frontispice et carte du tract publicitaire de la 2e édition du Cours gastronomique de Charles-Louis Cadet de Gassicourt - 1809

Une carte plus grande est collée en annexe de l’ouvrage lui-même. La carte paraîtra à l’identique l’année suivante à Weimar.

Source : Gallica.

Illustration 3. Détail de la carte concernant la Bourgogne

Illustration 3. Détail de la carte concernant la Bourgogne

Source : Gallica.

Cette carte n’est en rien exhaustive. Le choix des aliments et des boissons est davantage une évocation gourmande qu’un inventaire rigoureux de tout ce que l’on trouve de bon à manger et à boire dans les provinces françaises. Comme l’écrit Guillaume Nicoud14 : « Il semble que, pour élaborer la première carte gastronomique, des valeurs esthétiques primèrent sur tout esprit de système. Cette création se voulait avant tout pittoresque, densément peuplée de figures, telle une table bien garnie, ou plutôt une boutique ou un garde-manger bien achalandé. De quoi attiser, tel un rébus, la curiosité et l’appétit. » Ce commentateur a classé les 226 objets dessinés15 : 20,3 % de boissons et spiritueux, 19,5 % de produits de la mer ou de rivière, 14,6 % de viandes, volailles et gibiers, 13,3 % de spécialités sucrées (miel, sucre, chocolat, confiserie, pâtisserie), 13,3 % de charcuterie, oies et canards gras et dérivés, 6,2 % de produits laitiers, 8 % de fruits et légumes, 2,2 % d’aromates et condiments, 1,3 % de céréales et boulangerie. S’y ajoutent, sans que la logique apparaisse clairement, les couteaux de Langres, les cristaux de Montcenis (au Creusot) et… les parfums de Grasse.

D’autres cartes gastronomiques de la France paraissent aux XIXe et XXsiècles, soit illustrées de manière plus ou moins réaliste et alléchante16. Notons, en particulier celle de Monin, publiée en 1830 et en 1838 qui ajoute les principaux axes routiers, ainsi que les divisions administratives17. Elle est plus exhaustive que celle de Cadet de Gassicourt et se distingue par une légende très précise.

Illustration 4. Version de 1838 de la Nouvelle carte gastronomique, routière et administrative de la France, BnF

Illustration 4. Version de 1838 de la Nouvelle carte gastronomique, routière et administrative de la France, BnF

Source : BnF.

Illustration 5. Détail de la carte de 1830-38 (région d’Orléans)

Illustration 5. Détail de la carte de 1830-38 (région d’Orléans)

Source : BnF.

Citons également la carte de Fertom18, intitulée « La France gourmande » publiée en supplément à L’Art Culinaire, un magazine peu étudié jusqu’à maintenant, édité de 1882 à 1953 et auquel collaborèrent les grands chefs du temps parmi lesquels Auguste Escoffier et Phileas Gilbert. Il y eut sans doute plusieurs éditions de celle-ci. Celle de 191419 est intitulée « Nouvelle Edition ». Elle est infiniment plus riche que les cartes de 1809 et 1830-1838 et surtout les produits et boissons choisis sont représentés sur un mode humoristique très plaisant. Le tracé des côtes et des frontières est assez approximatif. Elle comporte en outre la particularité de traiter des provinces perdues et infiniment gourmandes de l’Alsace et de la Lorraine, ce qui n’est pas le cas à cette époque des cartes murales scolaires de Vidal de La Blache (signées Vidal-Lablache), publiées chez Armand-Colin.

Illustration 6. La France gourmande de Fertom, édition de 1914 (Fondation Auguste Escoffier)

Illustration 6. La France gourmande de Fertom, édition de 1914 (Fondation Auguste Escoffier)

Source : BnF.

Illustration 7. La France gourmande de Fertom, édition de 1914 colorisée (éditions Jeanne Laffitte, sd). Détail de la France de l’Est

Illustration 7. La France gourmande de Fertom, édition de 1914 colorisée (éditions Jeanne Laffitte, sd). Détail de la France de l’Est

La France gourmande de Fertom, édition de 1914 colorisée (éditions Jeanne Laffitte, sd). Détail de la France de l’Est.

En même temps que paraissent ces cartes suggestives, de nombreux recueils de recettes régionales sont publiés en France20 dans lesquels on peut s’étonner de voir que la plupart des recettes relèvent d’une cuisine bourgeoise parisienne, comme sur le menu du restaurant Les Trois frères provençaux, déjà évoqué. Par exemple, sur les 878 recettes de l’ouvrage d’Alfred Contour sur la cuisine bourguignonne21, on n’en compte guère qu’une trentaine qui sont spécifiquement liées à la Bourgogne, à des produits ou à des tours de main spécifiques de cette région ou qui portent le qualificatif « à la bourguignonne », alors qu’abondent les recettes de poisson de mer frais (difficile à trouver en Bourgogne au XIXe siècle), les recettes alsaciennes (choucroute), bordelaises, italiennes, espagnoles, périgourdines, etc. Il s’agit d’un livre de bonne cuisine bourgeoise ou de restaurant dont la liste des recettes est proche du Guide culinaire d’Escoffier. Si l’on y trouve les recettes des escargots, de la pauchouse ou du jambon à la bourguignonne (dit souvent persillé), point de bœuf bourguignon, ni de coq au vin (de Chambertin, par exemple), de recette à la moutarde ou de pain d’épices.

Le premier ouvrage qui marque une réelle évolution dans la conception des cuisines régionales est celui de Pampille paru en 191322 et donc contemporaine de la carte de Fertom. On y trouve uniquement des recettes locales et rustiques. C’est l’une des expressions de la sensibilité politique et culturelle de la famille Daudet, très engagée dans l’Action française. Notons que, comme la carte de Fertom, Pampille traite de l’Alsace et de la Lorraine.

La carte d’Alain Bourguignon (1929), apothéose de la cuisine régionale

Les années 1920 voient exploser en France les initiatives en faveur d’un tourisme œno-gastronomique informé et exigeant23. La bourgeoisie commence de plus en plus à voyager pour son plaisir en automobile et donc à rechercher des haltes confortables et, si possible, gourmandes. Des chroniques gastronomiques fleurissent dans tous les journaux et magazines. Un roman de Pierre Benoît, un auteur très populaire, fait rêver tous ceux qui se préoccupent du contenu de leur assiette : Le déjeuner de Sousceyrac, paru en 1931. Le Guide Michelin accorde à partir de 1926 des « étoiles de bonne table » aux meilleurs restaurants. Il est orné de cartes qui varient d’une édition à l’autre : des restaurants, des produits (vins, fromages, friandises, charcuteries fines, etc.), des recettes24.

Illustration 8. Fréquence du terme « gastronomie » dans la presse francophone de 1840 à 1970

Illustration 8. Fréquence du terme « gastronomie » dans la presse francophone de 1840 à 1970

J.-P. Brigand, site Retronews de la BnF, 27 juin 2020.

Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky (1872-1956), publie à partir de 1921 les 28 volumes (sur 32 prévus) de La France gastronomique qui recense les meilleures recettes des cuisines régionales et les meilleurs restaurants. Il est élu en 1927 « Prince des gastronomes »25, fonde en 1930 l’Académie des gastronomes et cofonde en 1933 l’Académie du Vin de France. Avec son complice Austin de Croze, il publie en 1933 un inventaire, sans recettes, de plusieurs milliers de produits et spécialités gourmandes de 32 provinces françaises26. Les auteurs y évoquent dans leur préface27 la « Sainte-Alliance du tourisme et de la gastronomie », « […] la France étant sans conteste le pays du monde qui offre à ses visiteurs les sites et les monuments les plus divers et, à la fois, la cuisine la plus riche et la plus variée28. » Austin de Croze lui-même avait en 1928 publié un recueil de 1 400 recettes régionales29, souvent signées de chefs de cuisine d’hôtels ou de restaurants et rédigées de manière à pouvoir être exécutées à la maison. Les deux ouvrages sont complémentaires et, avec la carte de Bourguignon, constituent une extraordinaire photographie des gastronomies régionales françaises dans l’entre-deux-guerres. Aucun projet politique dans ces ouvrages. Austin de Croze prétend même qu’il ne vise qu’un but diététique et esthétique30 : « C’est par les menus quasi-quotidiennement semblables que nos estomacs se détraquent et que notre goût s’émousse, sachons donc mieux les succulentes ressources de chacune de nos régions pour que nos menus en soient journellement diversifiés – sans qu’il nous en coûte plus cher – et souhaitons que le vrai, le délectable, le multiple et protéiforme régionalisme règne sur la Table Française pour la gloire de la Gastronomie, du Neuvième Art. »

Il faut signaler également une autre initiative qui a beaucoup aidé à anoblir les cuisines régionales : la création en 1923 d’une « Section Gastronomique Régionaliste » dans le cadre du Salon d’Automne qui se tient au Grand Palais à Paris. Cette manifestation s’inspire en partie de la Foire Internationale Gastronomique de Dijon, créée en 1921 par son maire Gaston Gérard, lui-même inspiré par les initiatives d’Édouard Herriot à Lyon. C’est Austin de Croze, président de l’ « Association des Gastronomes Régionalistes » qui en est l’organisateur et invite des chefs de toutes les régions de France. Il renouvelle l’opération en 1924, puis en 1927 et en 1931. Le Livre d’Or qu’il publie à chaque édition est un vibrant manifeste. Dans la préface de l’édition de 1924, il évoque31 : «  […] dans les splendeurs du Salon d’Automne, parmi les affriolantes buées qui montent des casseroles toutes ronronnantes des bons vieux mets de nos terroirs, au cliquetis des verres pleins de nos adorables vins de France, passe, majestueuse – et superbe parce que vibrante de foi – la caravane des bons Chefs et Cordons-bleus, des vrais gastronomes, de ceux qui veulent garder intact le trésor des bonnes choses de chez nous. » Et Maurice des Ombiaux affirme dans l’adition de 193132 : « […] il n’y a plus aujourd’hui que deux cuisines : la bonne et la mauvaise. Négligeant celle-ci nous ajoutrons qu’on peut créer à la première une subdivision : la cuisine simple et la cuisine riche. » Dans sa contribution à cet épais catalogue, illustré d’innombrables menus des extraordinaires repas servis au cours du Salon, Curnonsky livre sa classification des cuisines33 : la grande cuisine, d’apparat ou savante que l’on sert dans les Palais officiels et qui ne supporte pas la médiocrité, la cuisine bourgeoise, « consciencieuse et mijotée », la cuisine régionale « gloire incontestée de notre pays », enfin la cuisine paysanne ou impromptue, faite « avec les moyens du bord, c’est-à-dire les œufs du poulailler, les volailles de la basse-cour, les fruits du verger, le beurre et le lait de l’étable, les poissons de la rivière, les légumes du potager, les lapins du clapier. » Il les aime toutes, lorsqu’elles sont bien exécutées, mais, fort de ses tournées en compagnie de Marcel Rouff, c’est à la cuisine régionale que va nettement sa préférence.

C’est dans cet état d’esprit que Curnonsky patronne une entreprise étonnante qui paraît pour la première fois en 1929, la Carte gastronomique de la France qui a pour auteur le chef cuisinier Alain Bourguignon, alors directeur de L’Écu de France, un restaurant situé devant la Gare de l’Est à Paris34. Cette carte d’un mètre carré, à l’échelle du 1/1 000 000e, recense des centaines de productions agro-alimentaires localisées (viandes, gibiers, charcuteries, fromages, poissons sauvages ou d’élevage, légumes, fruits, etc.), de vins et d’eaux-de-vie (sept ans avant le décret-loi de 1935 instituant les AOC), avec les limites précises des aires de production, et de recettes traditionnelles.

La carte d’Alain Bourguignon est complétée par la publication d’une série de plaquettes brochées, signées de lui, mais non datées et non paginées, intitulées Atlas gastronomique des provinces françaises et les recettes régionales de la rôtisserie de l’Écu de France35. Sept fascicules seulement semblent être parus et la série a été interrompue ensuite : Alsace-Lorraine, Normandie, Lyonnais-Bresse-Bugey-Pays de Gex, Anjou-Touraine-Maine, Bretagne, Savoie-Dauphiné, Pays Basque-Béarn-Bigorre-Gascogne. Ils sont illustrés de l’extrait régional de la carte générale et donc parus à une date postérieure à celle-ci, dans les années 1930. Comme l’écrit Curnonsky dans sa préface flamboyante et quelque peu ampoulée, ils viennent en commentaire de la carte générale de 1929 : « Les Français ont attendu le début du vingtième siècle pour s’aviser enfin que leur pays est celui du monde où l’on mange le mieux (pour ne pas dire le seul), et qui produit les seuls vins que l’on puisse boire en mangeant. […] La France possède, si elle sait les exploiter, deux sources de revenus inépuisables : le Tourisme et la Gastronomie. » Il rappelle, sans modestie son œuvre pionnière : « Je m’honore d’avoir été le premier, avec mon cher vieil ami Marcel Rouff, à dresser l’inventaire des merveilles culinaires de la France, et je m’applaudis que les vingt-sept volumes parus de la France gastronomique aient suscité depuis douze ans toute une littérature36 ! Une élite de gourmets et de lettrés a consacré des centaines de volumes et des milliers d’articles documentés à la louange de nos mets et de nos vins. Les Gastronomes ont même élu un Prince… dont ma modestie m’interdit de rappeler le nom. ».Et Curnonsky poursuit en exposant le projet de cette collection partielle de fascicules qu’il préface : « Une seule chose manquait à la Principauté des Gastronomes : une carte qui présentât sous une forme méthodique et raisonnée le tableau de notre incomparable cuisine régionale. Mais c’était un tel travail de Bénédictin que personne n’osait l’entreprendre. Enfin, un homme s’est rencontré, qui réunissait toutes qualités nécessaires pour réaliser une telle œuvre : une érudition encyclopédique, fondée sur une longue expérience, une étonnante puissance de travail, le sens de l’ordre et de l’arrangement, une probité et une impartialité absolue et la passion de la cuisine française. Cet homme providentiel est notre grand Traiteur parisien Bourguignon. Et il peut être aussi fier de son œuvre que du succès de son Restaurant. J’ai accepté d’enthousiasme le patronage de sa carte37 que je considère comme un des plus beaux monuments qu’on ait dressés en l’honneur de la Gastronomie française. Et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par le Suffrage des Gourmets, des Traiteurs et des Chefs, décerne à l’ami Bourguignon le titre de Grand Cartographe de la Principauté. […] À regarder la carte qu’il a dressée, il semble que l’on contemple la face auguste et maternelle de la France ».

Illustration 9. La Carte gastronomique de la France par Alain Bourguignon (1re édition, 1929)

Illustration 9. La Carte gastronomique de la France par Alain Bourguignon (1re édition, 1929)

Source : Gallica.

Illustration 10. Détail de la carte d’Alain Bourguignon (1929) : Gascogne, Béarn

Illustration 10. Détail de la carte d’Alain Bourguignon (1929) : Gascogne, Béarn

Illustration 11. Détail de la carte d’Alain Bourguignon (1929) : Île-de-France

Illustration 11. Détail de la carte d’Alain Bourguignon (1929) : Île-de-France

Le découpage régional adopté par Bourguignon reprend en partie celui de Pampille ou de Curnonsky et Marcel Rouff dans La France gastronomique quelques années plus tôt. Ce choix correspond au désir de tous les chantres des gastronomies régionales d’ancrer celles-ci dans la terre des pères, dans un passé lointain et idéalisé, en tout cas antérieur à la révolution industrielle et des transports qui menace d’uniformiser cette géographie. Ce choix s’inscrit dans tout le mouvement régionaliste qui remonte au XIXsiècle et qui a réinventé les identités régionales au travers des langues et littératures, des costumes, des arts et traditions populaires. Il a culminé pendant le Régime de Vichy. Aujourd’hui, ce courant culturel subsiste et même se renforce jusqu’à l’autonomisme ou l’indépendantisme dans certaines régions métropolitaines ou ultramarines (se sont ouvertes des écoles dans lesquelles on enseigne uniquement en langue régionale), plutôt ancré dans la mouvance écologiste et altermondialiste que de la droite nationaliste. Il s’oppose à un fort courant mondialiste et a-territorial privilégiant des thèmes transversaux. C’est ce que l’on observe, par exemple, au Musée des Confluences de Lyon ou au MUCEM de Marseille, créé après la disparition du Musée des Arts et Traditions Populaires de Paris dont il conserve les extraordinaires collections, constituées selon les méthodes et la philosophie de Georges-Henri Rivière, mais… ne les expose pas, sans doute parce qu’elles sont jugées désuètes38.

Illustration 12. La formation du territoire français par coalescence de provinces autour de l’Île-de-France tout au long du Moyen Âge et de l’Epoque moderne

Illustration 12. La formation du territoire français par coalescence de provinces autour de l’Île-de-France tout au long du Moyen Âge et de l’Epoque moderne

Le contenu de la carte est exhaustif, pas tout à fait aussi riche, mais proche de l’esprit du livre de Curnonsky et Austin de Croze, publié en 1933, mais dont une note finale39 précise qu’il a été commencé le 7 juin 1928 et achevé le 10 mars 1929, remanié d’août à octobre 1930, revu et augmenté en 1931, parachevé le 1er septembre 1932. Compte tenu du patronage accordé par Curnonsky à la carte de Bourguignon, il est permis de penser que les auteurs ont travaillé d’une manière ou d’une autre de concert.

La carte de Bourguignon aura une jolie, mais modeste postérité avant guerre. Curnonsky publie en 1938 un Atlas de la gastronomie française, illustré par Libis de cartes aussi truculentes que celles de Fertom en 1914. Celui-ci est imprimé en couleurs par Draeger et édité sous le patronage de des « Gourmets de l’Écu », une association dont le siège est à L’Écu de France (6, rue de Strasbourg à Paris) et dont le directeur est peut-être encore à cette date l’ancien cuisinier Alain Bourguignon. L’information est sommaire et le découpage est lui aussi fondé sur celui des provinces d’Ancien Régime, mais il s’agit bien de caractériser la personnalité des terroirs français grâce à un certain nombre de produits ou de recettes gastronomiques. L’inventaire, accompagné de brefs textes commentant chaque carte, est complété par quatre pages de recettes du restaurant L’Écu de France typiques des cuisines provinciales : Brochet de Loire au beurre blanc, Langouste à la façon « Duchesse Anne », Coquilles de St Jacques à la paimpolaise, Foie gras frais du Gers au vin de Porto40, etc.

Illustration 13. Planche « Languedoc-Roussillon » de l’Atlas de la gastronomie française de Curnonsky, 1938

Illustration 13. Planche « Languedoc-Roussillon » de l’Atlas de la gastronomie française de Curnonsky, 1938

Source : Gallica.

Y a-t-il un avenir pour la cartographie œno-gastronomique ?

À cette échelle et en une seule feuille, la carte de Bourguignon n’a jamais été actualisée ou imitée après la guerre. De plaisantes cartes-posters illustrées sont régulièrement publiées à des fins décoratives, mais elles ne sont en rien exhaustives.

Illustration 14. La France touristique et gastronomique

Illustration 14. La France touristique et gastronomique

Editions Jacques Petit, 1948.

Illustration 15. On se régale, éditions Tata Clairette, vers 2000

Illustration 15. On se régale, éditions Tata Clairette, vers 2000

Illustration 16. Carte gastronomique de la France

Illustration 16. Carte gastronomique de la France

Sources : gastronomierestauration.blogspot.com, 2019.

L’Atlas gastronomique de la France de l’auteur de ces lignes est le seul essai à peu près exhaustif réalisé ces dernières années. Le choix retenu a été, selon une logique gastronomique, de diviser la France métropolitaine en 17 provinces gastronomiques auxquelles s’ajoute l’Outre-Mer41. Il s’appuie en partie sur l’Inventaire du patrimoine culinaire de la France, réalisé à partir d’un projet du Conseil National des Arts Culinaires (CNAC) , créé à l’initiative de Jack Lang en 1989 et qui fut actif jusqu’en 2000. Les 24 volumes de cette collection publiée par les éditions Albin Michel couvrent l’ensemble du territoire métropolitain et trois régions ultramarines (Martinique, Guadeloupe, Guyane). Il s’agit d’un travail d’une grande érudition et qui a donné lieu à des enquêtes approfondies auprès des professionnels de l’agriculture, de l’agro-alimentaire, des métiers de bouche et de la restauration, mais on peut regretter qu’il ne se soit pas accompagné de cartes, ce qui a motivé la réalisation de l’atlas évoqué ci-dessus qui recense et localise les productions alimentaires solides et liquides (avec les limites des zones d’appellations d’origine contrôlée), les recettes, les principaux marchés, les restaurants étoilés du Guide Michelin, les musées consacrés à la gastronomie. Le découpage régional ne reprend pas celui des provinces d’Ancien Régime, comme la carte de Bourguignon, ni celui des régions administratives (découpage 1972 ou 2016) ; il est fondé sur la mise en valeur d’une personnalité gastronomique plus ou moins marquée et homogène. Pour éviter tout dogmatisme régionaliste, les frontières sont indiquées volontairement de manière très floue et les cartes ont des contours géométriques. Seules les frontières des AOC sont clairement indiquées. Cela aboutit à 18 territoires, chacun traité en deux cartes : Hauts-de-France et Ardennes, Île-de-France et centre du Bassin parisien, Normandie, Bretagne, Val de Loire, Lorraine, Alsace, Bourgogne, Franche-Comté, Pays Lyonnais, Alpes, Auvergne et Rouergue, Provence et Côte d’Azur, Languedoc et Roussillon, Grand Sud-Ouest, Poitou, Charentes et Limousin, Corse, Outre-Mer.

Illustration 17. Bourgogne (carte 1)

Illustration 17. Bourgogne (carte 1)

Sources : Jean-Robert Pitte, Atlas gastronomique de la France, 2017.

Illustration 18. Bourgogne (carte 2)

Illustration 18. Bourgogne (carte 2)

Sources : Jean-Robert Pitte, Atlas gastronomique de la France, 2017.

Jadis, seuls les épices et quelques fruits tropicaux voyageaient tout autour de la terre pour parvenir dans les assiettes françaises. Aujourd’hui, tous les produits gastronomiques sont transportés d’un continent à l’autre et les cuisiniers qui ont eux aussi voyagé et travaillé dans de nombreux restaurants de tous pays ont acquis une culture alimentaire profuse et confuse, surtout lorsqu’ils ne maîtrisent pas bien les bases de la cuisine classique. Pour paraître originaux, ils déconstruisent ce qu’ils savent ou croient savoir des recettes anciennes et préparent en leurs restaurants des mélis-mélos pathétiques juxtaposant à la pince à épiler des brimborions d’ingrédients venus de partout - en les mentionnant en détail sur leurs menus - qui font s’extasier les snobs. Dès lors, toute entreprise de cartographie gastronomique est devenue vaine, à moins d’inscrire les composantes de chaque plat sur un planisphère. Voici, par exemple, l’intitulé plus ou moins énigmatique d’un plat de la carte d’automne 2021 du restaurant Pierre Gagnaire à Paris, facturé… 192 €.

LANGOUSTINE
Tapée au poivre de Tasmanie, en tempura, cristalline d’agria. Une grosse saisie dans un beurre noisette à la réglisse ; céleri doré, nombril de Vénus ;
mousse de bière Mor-Braz ;
Bouchée pochée à la vapeur, côtes de blette et haddock. Crème prise au ginseng.
Consommé clarifié, taillées crues, julienne de rosés.

En revanche, la viticulture résiste, puisqu’elle demeure largement encadrée par une réglementation très géographique. La plupart des vins portent le nom du terroir où ils sont produits. Attention, toutefois : il existe une tendance à produire des vins d’auteurs, le plus souvent bio ou « nature », dont l’étiquette principale porte un nom poétique et peu explicite. Seule la contre-étiquette précise les mentions légales : propriétaire, degré alcoolique, appellation. Parfois, cette dernière n’est que vin de pays d’une vaste région, voire vin de table, ce qui permet aux vignerons de prendre toutes libertés par rapport aux usages prévus dans les décrets AOC-AOP, en particulier en matière d’encépagement. Un petit texte plus ou moins précis expose parfois l’encépagement et les méthodes viti-vinicoles). Si cette tendance devait se répandre, en particulier du fait de la raideur des principes de l’INAO42, c’en serait aussi fait de la cartographie viticole.

Illustration 19. Étiquettes principales de vins nature ne portant aucune mention de provenance

Illustration 19. Étiquettes principales de vins nature ne portant aucune mention de provenance

Sources : site vice.com.

Illustration 20. Étiquette principale de vin nature (appellation vin de table) mentionnant l’encépagement et la provenance

Illustration 20. Étiquette principale de vin nature (appellation vin de table) mentionnant l’encépagement et la provenance

Conclusion

À l’heure de la mondialisation, il est essentiel, tant sur les plans culturel qu’économique, de maintenir et de faire vivre la diversité des produits et des savoir-faire ancrés dans un terroir. Elle seule peut nourrir un tourisme œno-gastronomique qui concerne aujourd’hui des visiteurs venus de tous les continents. Ceux-ci recherchent tant dans les paysages, les monuments, les musées, les rencontres que dans leur assiette et dans leur verre des émotions géographiques. La cuisine-fusion et les vins passe-partout n’ont aucun avenir et passeront comme toutes les modes reposant sur l’inculture et la vanité. Il est vrai que rares sont aujourd’hui les critiques gastronomiques et œnologiques aussi érudits, compétents, diserts et joyeux que Curnonsky ! Même si son chauvinisme était abusif, il sut partager dans un style élégant les émotions qu’il éprouva pendant une longue carrière de nomade de la table. Souhaitons que perdure la délectation de parcourir cartes et atlas recensant les produits et les recettes et qui sont des invitations au tourisme gourmand.

Notes

1 Texte retrouvé en 1774 et publié l’année suivante. Christian Coulon, La table de Montaigne, Paris, Arléa, 2009. Retour au texte

2 Julia Csergo, « L’émergence des cuisines régionales », dans Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari (dir.), Histoire de l’alimentation, Paris, Fayard, 1996, p. 823-841 [2e édition, 2022]. Retour au texte

3 Cité par Thomas Parker, Le goût du terroir. Histoire d’une idée française, Rennes-Tours, Presses Universitaires de Rennes, Presses Universitaires François-Rabelais, 2017, p. 121. Voir pages suivantes la description des goûts du trio gourmet des Coteaux. Retour au texte

4 Ibid., p. 124. Retour au texte

5 La Bibliothèque municipale de Dijon en conserve un exemplaire. Retour au texte

6 Un ouvrage récent en rend compte de manière très fouillée : Philippe Meyzie, L’unique et le véritable. Réputation, origine et marchés alimentaires (vers 1680-vers 1830), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021. Retour au texte

7 Thomas Parker, 2017, op. cit., p. 166. Retour au texte

8 Joseph Berchoux, La Gastronomie ou l’Homme des champs à table, Paris, Giguet et Michaud, 1801. Note 6 du chant Ier. Retour au texte

9 Traduction de Fabien Vallos, site devenir-dimanche.org , 2015. Retour au texte

10 Alexandre Balthazar Laurent Grimod de La Reynière, Almanach des gourmands ou Calendrier nutritif, servant de guide dans les moyens de faire excellente chère…, Paris, Chaumerot, vol. 5, 1807. Commenté par Julia Csergo, 1996, op. cit., p. 828 et par Thomas Parker, 2017, op. cit., p. 189-190. Retour au texte

11 Compagnie bachique, rimeuse et chantante. Retour au texte

12 Paris, Capelle et Renand, 1809. Guillaume Nicoud, la première Carte gastronomique de la France (1809) : origines, auteurs, interprétations, In Situ. Revue des patrimoines, 41, 2019, en ligne sur journals.openedition, 23 p. Retour au texte

13 p. 298-307. Retour au texte

14 Op. cit., p. 9. Retour au texte

15 Ibid., p. 6. Retour au texte

16 Julia Csergo, « La gastronomie dans les guides de voyage : de la richesse industrielle au patrimoine culturel, France XIXe-début XXe siècle », In Situ. Revue des patrimoines, en ligne, 15, 2011, 16 p. Retour au texte

17 BnF, Département des Cartes et Plans, disponible sur le site gallica.bnF.fr Retour au texte

18 Dessinateur-caricaturiste, collaborateur du Pilori, du Rire, de La caricature. Retour au texte

19 La France gourmande par Fertom, supplément à L’Art Culinaire du 15 mars 1914, p. 66. Cette revue est consulatble à la Fondation Auguste Escoffier de Villeneuve-Loubet. Une partie des numéros est disponible sur Gallica, dont celui-ci. Une version colorisée a été publiée aux éditions Jeanne Laffitte à Marseille (sd). Retour au texte

20 Julia Csergo, 1996, op. cit., p. 828-829. Retour au texte

21 Alfred Contour, Ancien Maître d’Hôtel de l’Hôtel du Chevreuil de Beaune, Le cuisinier bourguignon, 2e édition, Beaune, Lambert, 1896. Retour au texte

22 Pampille, Les bons plats de France, Paris, 1913. Réédition, Paris, CNRS-Éditions, 2008. Pampille est le pseudonyme (sans doute choisi pour sa proximité avec le mot papille) de Marthe Allard-Daudet (1878-1960), cousine et deuxième épouse du polémiste et politicien Léon Daudet, elle-même également fervente monarchiste. Retour au texte

23 André Rauch, Les pionniers du plat régional et du vin de pays – France, 1920-1940, dans Julia Csergo et Jean-Pierre Lemasson (dir.), Voyages en gastronomies. L’invention des capitales et régions gourmandes, Paris, Autrement, coll. Mutations, 2008, p. 22-32. Retour au texte

24 Julia Csergo, « La gastronomie dans les guides de voyage : de la richesse industrielle au patrimoine culturel, France XIXe-début XXe siècle », In Situ. Revue des patrimoines, 15, 2011, en ligne, 16 pages. Retour au texte

25 Curnonsky a été élu Prince des Gastronomes le 16 mai 1927 à l’initiative de Pierre Chapelle de la revue La Bonne Table le Bon Gîte par 3 338 cuisiniers, restaurateurs et gastronomes. Il obtient 1823 voix. Maurice Des Ombiaux, pseudonyme de Desombiaux, parfois orthographié des Ombiaux (1868-1943), journaliste et écrivain belge, arrive en deuxième position, avec 1037 voix. Il sera élu en 1931 Prince de la Treille et Cardinal de la Gastronomie. Aucune rancune ne subsista entre eux. Je possède l’exemplaire du trésor gastronomique de la France, publié en 1933 par Curnonsky et Austin de Croze, dédicacé par Curnonsky : « À mon cher coprince Maurice des Ombiaux en commune dilection de la cuisine française et de tout Cur ». Retour au texte

26 Curnonsky et Austin de Croze, Le trésor gastronomique de France, Paris, Delagrave, 1933. Retour au texte

27 Ibid., p. 9. Retour au texte

28 C’est une idée chauvine et erronée qui a aussi souvent été développée à propos des paysages français. Les auteurs martèlent ce thème sans hésitation (p. 11) : « Il est temps […] que l’on sache comment et pourquoi la France étant le pays du tourisme le plus agréablement varié est celui où l’on mange et où l’on boit le mieux.» Retour au texte

29 Austin de Croze, Les plats régionaux de France. 1400 succulentes recettes traditionnelles de toutes les provinces françaises, Paris, éditions Montaigne (Fernand Aubier), 1928. Retour au texte

30 Ibid. p. 10. Retour au texte

31 Austin de Croze, Livret d’or de la gastronomie française. Salon d’Automne 1924, Paris, Éditions des Horizons de France, 1924, p. 1-2. Retour au texte

32 Édouard Rouzier (dir.), Salon d’Automne 1931. Section d’Art Gastronomique Régionaliste. Livre d’Or de la Gastronomie Française, Paris, chez Édouard Rouzier, Propriétaire de la Rôtisserie Périgourdine, 1931, p. 31. Retour au texte

33 Curnonsky, « Défense et illustration de la Cuisine simple et des « quatre » cuisines françaises », dans Édouard Rouzier (dir.), 1931, op. cit., p. 8-10. Retour au texte

34 Paris, E. Girard, Géographe Éditeur, 1929. La carte sera rééditée en 1933 et L’Illustration (numéro du 4 octobre 1930 intitulé L’automobile et le tourisme) la publiera en quatre pages, précédées d’un texte de Paul Reboux (1877-1963), brillant journaliste et écrivain, intitulé : La France et la gastronomie. Il y établit le lien désormais incontestable entre tourisme et œno-gastronomie : « Est-il admissible que l’on passe par Mont-de-Marsan et qu’on ignore la spécialité des foies d’oie aux raisins ? Qu’on traverse Nantes sans déguster le muscadet ? […] Combien on comprend, quand on médite sur cet ensemble de biens sensibles, sur ce foisonnement de produits et sur tout ce que leur représentation culinaire peut comporter d’art et de goût, combien on devine les raisons pour lesquelles la France mérite d’attirer les étrangers amis qui se réjouissent de participer à nos joies […].» Retour au texte

35 Sans nom d’éditeur. Retour au texte

36 Il en est paru 28 sur 32 prévus. La mort de Marcel Rouff en 1936 a interrompu la publication. Retour au texte

37 Cette phrase laisse à penser que l’idée de la carte revient à Alain Bourguignon et que c’est celui-ci qui a sollicité le patronage du grand Curnonsky. Retour au texte

38 Il en est de même pour les anciennes collections du Musée de l’Homme, amputées d’un certain nombre d’objets d’origine extra-européenne, désormais présentés comme des « œuvres d’art » au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac et les autres transférés dans les réserves du MUCEM et qui, dans sa nouvelle présentation, a évacué le point de vue scientifique d’origine, celui d’une ethnologie géographique, c’est-à-dire ancrée dans des territoires habités par des sociétés ayant tissé un lien étroit avec ceux-ci. C’est l’un des multiples symptômes du désamour vis à vis de la géographie. Retour au texte

39 Op. cit., p. 369. Retour au texte

40 L’éloge des produits et des recettes des régions n’exclut pas le recours à des ingrédients étrangers. Retour au texte

41 Jean-Robert Pitte, Atlas gastronomique de la France, Paris, Armand Colin, 2017. Retour au texte

42 Jean-Robert Pitte, « De la vanité des usages constants dans le monde du vin », Revue de géographie historique (en ligne) , 19-20, 2021, 13 p. Retour au texte

Illustrations

  • Illustrations 1 et 2. Frontispice et carte du tract publicitaire de la 2e édition du Cours gastronomique de Charles-Louis Cadet de Gassicourt - 1809

    Illustrations 1 et 2. Frontispice et carte du tract publicitaire de la 2e édition du Cours gastronomique de Charles-Louis Cadet de Gassicourt - 1809

    Une carte plus grande est collée en annexe de l’ouvrage lui-même. La carte paraîtra à l’identique l’année suivante à Weimar.

    Source : Gallica.

  • Illustration 3. Détail de la carte concernant la Bourgogne

    Illustration 3. Détail de la carte concernant la Bourgogne

    Source : Gallica.

  • Illustration 4. Version de 1838 de la Nouvelle carte gastronomique, routière et administrative de la France, BnF

    Illustration 4. Version de 1838 de la Nouvelle carte gastronomique, routière et administrative de la France, BnF

    Source : BnF.

  • Illustration 5. Détail de la carte de 1830-38 (région d’Orléans)

    Illustration 5. Détail de la carte de 1830-38 (région d’Orléans)

    Source : BnF.

  • Illustration 6. La France gourmande de Fertom, édition de 1914 (Fondation Auguste Escoffier)

    Illustration 6. La France gourmande de Fertom, édition de 1914 (Fondation Auguste Escoffier)

    Source : BnF.

  • Illustration 7. La France gourmande de Fertom, édition de 1914 colorisée (éditions Jeanne Laffitte, sd). Détail de la France de l’Est

    Illustration 7. La France gourmande de Fertom, édition de 1914 colorisée (éditions Jeanne Laffitte, sd). Détail de la France de l’Est

    La France gourmande de Fertom, édition de 1914 colorisée (éditions Jeanne Laffitte, sd). Détail de la France de l’Est.

  • Illustration 8. Fréquence du terme « gastronomie » dans la presse francophone de 1840 à 1970

    Illustration 8. Fréquence du terme « gastronomie » dans la presse francophone de 1840 à 1970

    J.-P. Brigand, site Retronews de la BnF, 27 juin 2020.

  • Illustration 9. La Carte gastronomique de la France par Alain Bourguignon (1re édition, 1929)

    Illustration 9. La Carte gastronomique de la France par Alain Bourguignon (1re édition, 1929)

    Source : Gallica.

  • Illustration 10. Détail de la carte d’Alain Bourguignon (1929) : Gascogne, Béarn

    Illustration 10. Détail de la carte d’Alain Bourguignon (1929) : Gascogne, Béarn

  • Illustration 11. Détail de la carte d’Alain Bourguignon (1929) : Île-de-France

    Illustration 11. Détail de la carte d’Alain Bourguignon (1929) : Île-de-France

  • Illustration 12. La formation du territoire français par coalescence de provinces autour de l’Île-de-France tout au long du Moyen Âge et de l’Epoque moderne

    Illustration 12. La formation du territoire français par coalescence de provinces autour de l’Île-de-France tout au long du Moyen Âge et de l’Epoque moderne

  • Illustration 13. Planche « Languedoc-Roussillon » de l’Atlas de la gastronomie française de Curnonsky, 1938

    Illustration 13. Planche « Languedoc-Roussillon » de l’Atlas de la gastronomie française de Curnonsky, 1938

    Source : Gallica.

  • Illustration 14. La France touristique et gastronomique

    Illustration 14. La France touristique et gastronomique

    Editions Jacques Petit, 1948.

  • Illustration 15. On se régale, éditions Tata Clairette, vers 2000

    Illustration 15. On se régale, éditions Tata Clairette, vers 2000

  • Illustration 16. Carte gastronomique de la France

    Illustration 16. Carte gastronomique de la France

    Sources : gastronomierestauration.blogspot.com, 2019.

  • Illustration 17. Bourgogne (carte 1)

    Illustration 17. Bourgogne (carte 1)

    Sources : Jean-Robert Pitte, Atlas gastronomique de la France, 2017.

  • Illustration 18. Bourgogne (carte 2)

    Illustration 18. Bourgogne (carte 2)

    Sources : Jean-Robert Pitte, Atlas gastronomique de la France, 2017.

  • Illustration 19. Étiquettes principales de vins nature ne portant aucune mention de provenance

    Illustration 19. Étiquettes principales de vins nature ne portant aucune mention de provenance

    Sources : site vice.com.

  • Illustration 20. Étiquette principale de vin nature (appellation vin de table) mentionnant l’encépagement et la provenance

    Illustration 20. Étiquette principale de vin nature (appellation vin de table) mentionnant l’encépagement et la provenance

Citer cet article

Référence électronique

Jean-Robert Pitte, « Un témoin de l’expansion du tourisme œno-gastronomique en France dans l’entre-deux-guerres : la carte gastronomique de la France d’Alain Bourguignon (1929) », Territoires du vin [En ligne], 14 | 2022, publié le 15 décembre 2022 et consulté le 21 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=2411

Auteur

Jean-Robert Pitte

Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences morales et politiques

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