Contribution à la réflexion sur les processus contemporains de délimitation des vignobles français

La définition de l’AOC Bourgogne dans le Beaujolais (1930-1950)

Résumés

Le 31 janvier 1950, l’INAO rejette définitivement la demande d’élargissement de l’AOC Bourgogne aux Beaujolais-Villages. Par cette décision, l’Institut confirme le décret du 6 mai 1946, réservant ce droit pour les productions de gamay aux seuls crus du Beaujolais : Brouilly, Côtes de Brouilly, Chenas, Chiroubles, Fleurie, Juliénas, Morgon, Moulin-à-Vent et Saint-Amour.
S’inscrivant dans un processus amorcé par le jugement fondateur de Dijon du 29 avril 1930 relatif à la définition de l’aire de l’appellation Bourgogne, marqué en profondeur par les incidences de la Deuxième Guerre mondiale sur le fonctionnement de l’INAO, l’établissement des frontières de la Bourgogne viticole met en lumière les luttes territoriales ainsi que les jeux d’échelles à l’œuvre dans la construction de la carte des AOC originelles. Elle constitue également une entrée privilégiée pour l’analyse des évolutions doctrinales touchant l’Institut au lendemain du conflit mondial en matière de démonstration de la preuve : définition de la notion d’usages, place de la dégustation dans le processus décisionnel.
Au cours de cette période charnière de l’histoire de l’Institut et du système des AOC, la dimension juridique prend finalement une place essentielle dans l’affirmation de l’expertise et de l’arbitrage encadrés par l’INAO.

The 31st of january 1950, the INAO throws out definitely the request for extending the AOC Bourgogne to the Beaujolais-Villages. By this decision, the Institute confirms the order of the 6th of may 1946 restricting this right for gamay wine only to the vineyards of Brouilly, Côtes de Brouilly, Chenas, Chiroubles, Fleurie, Juliénas, Morgon, Moulin-à-Vent et Saint-Amour.
Keeping with a process which began with the founding judgement of Dijon on the 29th of april 1930 related to the definition of the area of the Burgundy designation and deeply marked by the effect of the Second Wolrd War on the working of the INAO, the settlement of the borders of the Burgundian vineyard brings out the territorial struggles as well as the differents levels working in the construction of the map of the primary AOC. It is also a privileged way of analysing the doctrinal evolutions of the Institute soon after the Second Wolrd War regarding the demonstration of the proof : definition of the concept of customs, role of the wine tasting in the INAO decisions.
During this transitional period in the history of the Institute and for the AOC system, the legal dimension plays an essential role in the assertion of the expert opinion of the INAO.

Plan

Texte

Introduction

L'établissement des frontières entre grandes régions viticoles est un processus complexe, une construction essentiellement historique, qui renvoie beaucoup plus à des facteurs humains, sociaux, qu'à des déterminants d'essence naturaliste (topographie, géologie, climatologie, etc.). Si une telle affirmation pouvait peut-être encore heurter quelques décennies auparavant, des travaux comme ceux de Philippe Roudié, notamment sur le rôle de l'histoire dans l'élaboration des limites de l'appellation Bordeaux1, ou la prise en compte de l'histoire des délimitations successives de la Champagne viticole – incluant 407 communes, pour une superficie de 53400 hectares d'après la loi du 22 juillet 1927 et le compromis entre Aubois et Marnais, elle est ramenée en 1961 et 1962 par l'INAO à 302 communes, ne couvrant plus qu'environ 39500 hectares – démontrent le caractère essentiellement social de ces phénomènes2.

Loin de faire exception, la définition des limites de la Bourgogne viticole répond elle aussi à un processus historique spécifique. Sans entrer dans une perspective pluri-séculaire, la période contemporaine, et en particulier le premier vingtième siècle, sont le théâtre d'un mouvement majeur de fixation de règles sur la question. Dans ce cadre, un espace suscite tout particulièrement le débat, le Beaujolais, et plus précisément l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône dans le département du Rhône. Ainsi, c'est dans ce cadre spatial, selon une temporalité relativement réduite, que se manifeste le plus vivement la problématique de l'établissement des frontières de la Bourgogne viticole et de leurs limites avec le Beaujolais.

Garant de la notion d'appellation d'origine contrôlée (AOC), l'INAO, primitivement Comité National des Appellations d'Origine (CNAO), fut dès ses premières années d'existence confronté à cette question de la délimitation de la Bourgogne viticole, par le biais de la définition de l'AOC Bourgogne. Point intéressant, cet organisme s'attacha en revanche dès ses débuts à ne pas affronter directement la question du point de vue de son fonctionnement. Ainsi, les Comités régionaux successifs de la Bourgogne ont-ils toujours intégré non seulement les représentants du Beaujolais, mais aussi ceux du Jura, voir de la Savoie pour certaines périodes. Ce constat est par ailleurs identique pour un autre espace viticole essentiel, le Bordelais, toujours envisagé au sein d'une entité plus large et plus souple, la région Sud-Ouest. Ces deux remarques sont importantes car elles illustrent assez bien, par le contournement manifeste opéré par l'organisme, le caractère problématique de l'institutionnalisation et donc d'une délimitation stricte des grandes régions viti-vinicoles.

Le décret du 6 mai 1946 stipule que « les vins rouges provenant des territoires du département de Saône-et-Loire et de l'arrondissement de Villefranche dans le Rhône pourront également avoir droit à l'appellation contrôlée « Bourgogne » sans aucune adjonction s'ils répondent aux conditions d'encépagement et d'aires de production requises pour les vins à appellation contrôlées communales ou locales : Brouilly, Côtes de Brouilly, Chénas, Chiroubles, Fleurie, Juliénas, Morgon, Moulin-à-Vent et Saint-Amour, sous réserve des autres conditions ci-après précisées »3. Par ce texte officiel, le Comité National des Appellations d'Origine met un terme à une procédure de délimitation engagée 9 ans auparavant. Il entérine par la même occasion un élément important de la définition des frontières entre Bourgogne et Beaujolais. En outre, cette décision est également le point de départ d'une controverse entre divers acteurs du monde viti-vinicole autour de la question du droit à l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais, qui ne s'achève qu'au cours de l'année 1950.

En engageant cette réflexion sur la délimitation des frontières contemporaines entre la Bourgogne et le Beaujolais, notre démarche aspire à soulever plusieurs types de questionnement. Il s'agit tout d'abord, comme nous l'avons introduit, d'apporter des éléments de compréhension de la construction contemporaine des limites entre le Beaujolais et la Bourgogne viticole. Ensuite, l'étude de cet exemple nous amène à nous interroger sur des phénomènes plus larges, liés en premier lieu à la temporalité de la mise en place des délimitations des AOC. Pour être plus précis, nous rappellerons un point très rarement évoqué dans l'histoire des AOC : la plupart des travaux de délimitation des premières appellations contrôlées ont du être accomplis, au moins en partie, au cours de la Deuxième Guerre Mondiale. Or, ce contexte tout à fait particulier a des incidences certaines sur le processus amorcé sous l'égide du CNAO. Enfin, ce texte est l'occasion de traiter une question générale, intéressant non seulement le domaine viti-vinicole mais également toutes les productions agricoles bénéficiant de signes officiels de qualité, à savoir la problématique des jeux d'échelles et de la nature de l'expertise invoquée dans le règlement d'une telle affaire. Ainsi il est essentiel d'identifier les acteurs prenant part aux débats, les contextes en présence, les registres d'expertise mobilisés ou bien encore les types de discours et de logiques qui s'affrontent.

Sous un angle plus précis, cet article est l'occasion de revisiter et d'insérer, cinquante plus tard, au sein d'une approche historique, l'analyse proposée par Claude Armand Roy en 1958, d'un point de vue essentiellement juridique, sur cette affaire de l'appellation Bourgogne en Beaujolais4.

À l'exception de cette référence, la bibliographie sur le sujet reste à ce jour vierge. En effet, aucune des études majeures sur le Beaujolais ou sur la Bourgogne n'aborde de front la question5. Aussi, pour mener à bien notre travail, nous nous sommes essentiellement appuyés sur des sources directes, conservées pour la plupart directement au siège parisien de l'INAO. Les archives mobilisées sont donc de trois natures principales, tout d'abord le Journal officiel, ensuite les registres de délibération des organes décisionnels de l'INAO, enfin, un dossier tout à fait précieux des archives de l'INAO, dont la constitution date selon toute vraisemblance des travaux de Claude Armand Roy, intitulé « Bourgogne-Beaujolais ».

L'analyse que nous développons s'articule autour de trois perspectives successives. Il s'agit pour commencer de revenir sur les étapes du processus de délimitation de l'appellation Bourgogne, en particulier dans le cadre de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône, en prenant comme point de départ le jugement fondateur de Dijon du 29 avril 1930 et en s'arrêtant au décret du 6 mai 1946. Ensuite, le déroulement et la conclusion de la controverse autour de l'appellation Bourgogne dans le Beaujolais constituent une seconde approche, s'inscrivant dans la période 1947-1950. Enfin, nous terminerons cette étude par un éclairage des problématiques essentielles de la délimitation des grandes régions viticoles observables dans cette affaire.

I – Retour sur l'histoire et le processus de la première délimitation de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais (1930-1946)

La problématique de l'établissement des frontières entre Bourgogne et Beaujolais s'est structurée au XXème siècle autour de la question de la définition de la Bourgogne viticole et par extension de celle de l'appellation d'origine Bourgogne. Aussi, pour mener à bien la réflexion, devons-nous commencer par revenir sur l'histoire de ce processus.

Le point de départ de la définition de l'appellation d'origine Bourgogne est le jugement de Dijon du 29 avril 1930. Initiée par Sem d'Angerville et le Syndicat général de défense des intérêts viticoles et vinicoles du département de la Côte-d’Or, l'objectif premier de cette action est de faire délimiter géographiquement la Bourgogne6. Les actes du jugement définissent en premier lieu le périmètre de l'appellation, qui comporte l'Yonne, la Côte-d'Or, la Saône-et-Loire et l'arrondissement de Villefranche dans le Rhône. Cette décision paraît conforme aux attentes de l'ensemble des parties en présence, à l'exception d'un propriétaire de l'Ain débouté. Le réel point de débat porte en réalité sur la question des cépages. À ce sujet, les différents acteurs du jugement défendent des positions et des prétentions parfois contradictoires. Sans entrer dans le détail du jugement, l'Yonne, le Beaujolais et une partie de la Saône-et-Loire obtiennent à cette date un régime d'exception face à la volonté des producteurs de pinot et de chardonnay de la Côte-d'Or d'exclure de l'appellation Bourgogne sans adjonction les productions issues de gamays et d'aligotés. Pour le Beaujolais, les parcelles complantées en gamay noir à jus blanc de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône sont ainsi incluses dans l'aire de l'appellation d'origine Bourgogne, sans qu'aucune réclamation ne soit formulée par le Syndicat de d'Angerville7.

La question de la définition de la Bourgogne viticole resurgit avec la mise en place du CNAO et des AOC. Le 31 juillet 1937 un décret fixe donc les conditions et l'aire de production de l'AOC Bourgogne8. Le texte reprend fidèlement les principes fixés par le jugement de Dijon de 1930, comme l'indique le procès-verbal de la séance du Comité Directeur du CNAO des 20 et 21 mai 1937 où est étudié le projet de décret de l'appellation : « Ce projet est d'ailleurs absolument conforme aux décisions du jugement de Dijon. »9. Toutefois, il est à noter que seuls les vins blancs du Beaujolais sont concernés par l'article 2 du décret reprenant les mesures spéciales prévues en 1930 : « Néanmoins, sur les territoires de la Saône-et-Loire et de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône, dans le département du Rhône, pourront avoir droit à l'appellation contrôlée « Bourgogne » sans aucune adjonction les vins issus du gamay noir à jus blanc sous les réserves et restrictions prévues à l'article 3 ci-dessous. »10. En outre, contrairement à la procédure de 1930, la mise en place de l'AOC Bourgogne prévoit également un travail de délimitation à l'intérieur du territoire de la Bourgogne viticole ainsi définie. À cet effet une commission de délimitation de la Bourgogne viticole est nommée en 1937, commission évoquée lors la séance du Comité National du 22 mai 193711, et dont les missions sont détaillées à article 3 du décret de juillet 1937 : « Une commission d'expertise sera désignée par le comité directeur du comité national des appellations d'origine, avec les missions suivantes : [...] 3° Rechercher quelles sont, à l'intérieur du département de la Saône-et-Loire et de l'arrondissement de Villefranche dans le Rhône, les régions, communes ou parties de communes et parcelles qui, en raison de la nature de leur sol et des usages locaux, loyaux et constants, peuvent produire du vin ayant droit à l'appellation contrôlée « Bourgogne » sans aucune adjonction et provenant du cépage gamay noir à jus blanc ». Si nous ne disposons que de peu d'archives de cette commission, plusieurs documents permettent tout de même de retracer assez précisément les travaux et le processus de délimitation qui eut lieu autour de cette dernière.

Le 21 janvier 1938, se réunissent tout d'abord à Mâcon les commissions d'experts du Rhône, de la Saône et Loire et de la Côte d'Or12. Assistent à cette réunion MM. Perraton, Président de la Fédération des grands crus de la Bourgogne ; Vacher ; le Docteur Ozanon ; Guicherd, Inspecteur Général de l'Agriculture ; Ferré, Directeur de la Station oenologique de Beaune ; Trinquet, Directeur de l'Ecole de Viticulture de Beaune ; Brun, Inspecteur de la Répression des Fraudes ; Delorme, Directeur des Services agricoles de Saône et Loire ; Thierry, Directeur des Services agricoles de Côte d'Or et Protin, Directeur des Services agricoles du Rhône. L'objet de la réunion est l'étude des principes directeurs des travaux concernant la délimitation de l'appellation Bourgogne, aussi est-il décidé au sujet du Beaujolais la chose suivante : « Dans le département du Rhône, ont droit à l'appellation Bourgogne, le produit des pinots fins sur calcaires et celui des gamays noirs à jus blanc sur terrains granitiques. La Commission estime que dans ce département il y aura lieu de délimiter séparément les aires de production du Beaujolais et du Bourgogne en raison des règles particulières assignées à l'attribution de ces deux appellations. Les experts devront donc, en considération des prescriptions des décrets respectifs, déterminer les deux zones ayant droit à ces Appellations Contrôlées, en tenant compte de la nature géologique du sol, de la situation topographique (limite en altitude de la zone de culture traditionnelle) et des usages culturaux (élimination de certaines zones traditionnellement consacrées à des cultures autres que celle de la vigne). »13. D'après les archives dont nous disposons, cette réunion qui devait fixer les bases du travail futur de la commission, fut en réalité la dernière occurrence d'une prise de décision concernant la délimitation de l'AOC Bourgogne sur le territoire de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône avant 1941. Avant de préciser ce point et d'en comprendre les logiques, un rappel important s'impose pour la compréhension du contexte alors en présence au sujet de la question de l'appellation Bourgogne.

Ce contexte est essentiel à plusieurs titres. D'abord, car il est tout à fait révélateur des incidences du jugement de Dijon de 1930 sur la structuration des stratégies syndicales et territoriales de la Bourgogne viticole de la fin des années 30. Ensuite, parcequ'il est au moins en partie à l'origine des difficultés qui vont se manifester au cours du processus de délimitation de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais. L'idée centrale à retenir est l'affirmation d'une opposition et d'une certaine confrontation entre les stratégies et les intérêts des producteurs de la Côte-d'Or d'une part de ceux de la Saône-et-Loire et du Rhône d'autre part. Pour notre propos, deux éléments complémentaires permettent de préciser ce phénomène. Tout d'abord, l'étude de la chronologie fine de la mise en place des AOC en Bourgogne durant les premières années du CNAO révèle une mise en avant de l'échelon local, de l'appellation communale, dans la stratégie des producteurs de la Côte-d'Or, de la Saône-et-Loire et du Rhône. En effet, la première vague de décrets de contrôle pour cette région officialise des appellations communales, voire de crus. Elle date du 11 septembre 1936 et concerne les appellations de la Côte-d'Or suivantes : Pommard, Beaune, Nuits ou Nuits-Saint-Georges, Vosne-Romanée, Romanée-Saint-Vivant, Richebourg, Romanée-Conti, Romanée-la Tache, Chambolle-Musigny, Musigny et Gevrey-Chambertin14. À la même date, même si les textes paraissent quelques jours plus tard, la Saône-et-Loire et le Rhône bénéficient eux-aussi d'une série d'AOC : Chénas, Chiroubles, Fleurie, Mercurey, Montagny, Morgon, Moulin-à-Vent et Pouilly-Fuissé15. La liste des AOC locales s'agrandit deux mois plus tard pour la Côte-d'Or avec les textes relatifs à Fixin, Morey-Saint-Denis, Clos de la Roche, Clos Saint-Denis, Bonnes Mares, Pernand-Vergelesses, Santenay, Savigny et Vougeot16. Lorsque paraît le décret de l'AOC Bourgogne le 11 août 1937, la région est donc déjà quadrillé par un nombre conséquent d'appellations contrôlées communales, tout particulièrement en Côte-d'Or. Cette tendance est d'ailleurs encore plus marquée si l'on tient compte des nouveaux textes officialisés le jour-même de la parution du décret de l'appellation régionale, qui reconnaissent les AOC Côte de Beaune, Dezize-les-Maranges, Cheilly-les-Maranges, Sampigny-les-Maranges, Saint-Aubin, Chassagne-Montrachet, Puligny-Montrachet, Blagny, Meursault, Auxey-Duresses, Monthélie, Savigny-les-Beaune, Chorey-les-Beaune, Ladoix, Pernand-Vergelesses, Chambertin, Chambertin-Clos-de-Bèze, Latricières-Chambertin, Mazoyères-Chambertin, Charmes-Chambertin, Mazis-Chambertin, Griotte-Chambertin, Ruchottes-Chambertin, Chapelle-Chambertin, Corton, Corton-Charlemagne, Charlemagne, Échezeaux, Grands-Échezeaux, Montrachet, Chevalier-Montrachet, Bâtard-Montrachet, Clos de Vougeot et Vins fins de la Côte de Nuits17. La Saône-et-Loire bénéficie quant à elle à cette date de deux nouvelles AOC, Mâcon et Mâcon ou Pinot-Chardonnay-Mâcon18.

Le sens de tout ce mouvement en Côte-d'Or est incontestablement à comprendre comme la volonté affichée par toute une partie de la production de s'affranchir de la situation née du jugement de 1930, liant son destin à celui des producteurs des départements de la Saône-et-Loire et du Rhône pour la revendication de l'appellation d'origine Bourgogne. Ce constat est par ailleurs formalisé dans une note de 1939 attribuable à Louis Orizet, alors agent technique du CNAO, observateur privilégié des tendances en présence19. Voici comment ce dernier expose la situation bourguignonne à cette date : « Tendances actuelles : Le question du « Bourgogne » reste le sujet brûlant et la principale préoccupation des dirigeants des grandes organisations professionnelles de la Bourgogne. Elle figure au premier plan de l'ordre du jour de toutes les réunions. [...] Point de vue Côte d'Orien – Devant la quasi-impossibilité d'un accord loyal avec les producteurs de Saône et Loire et du Rhône les viticulteurs Côte d'Orien admettent maintenant que le plus sage est d'abandonner l'appellation « Bourgogne ». Pour ce faire ils envisagent de donner à toutes les Communes de la Côte d'Or une appellation, après quoi on demanderait : ou de rapporter le décret Bourgogne ; ou on entreprendrait une propagande intense pour montrer que le Vin de Bourgogne est produit avec toute autre chose que du Pinot. [...] En résumé on chercherait à se passer complètement de l'appellation Bourgogne pour pouvoir, le cas échéant, la discréditer ou en tout cas se désolidariser de la Saône et Loire et du Beaujolais auxquels la Côte d'Or est actuellement liée en vertu du jugement de Dijon. Une autre opinion prévaut en Saône et Loire, c'est celle qui consisterait à faire annuler le jugement de Dijon par un décret-loi et de repartir ensuite à zéro. D'aucuns se demandent si la chose est légalement et juridiquement possible. L'Union ne semble pas près de se réaliser entre la Côte d'Or et les autres régions productrices de Bourgogne et je doute qu'elles parviennent à mettre sur pied une proposition ou à soumettre à la prochaine réunion du Comité Directeur une solution constructive comme cela leur a été demandé. ». Du côté de la Saône-et-Loire et du Rhône, et plus particulièrement des producteurs de gamay noir à jus blanc, le recours à une stratégie semblable, de mise en avant de l'échelon local, peut être interprétée comme, d'une part, la recherche d'une valorisation propre de leur production mais aussi, très certainement, comme une anticipation face aux risques encourus par le seul recours à l'appellation régionale et aux éventuelles attaques et discrédit à son égard. C'est donc dans une Bourgogne viticole traversée par de fortes tensions sur la question de l'appellation Bourgogne et animée par des volontés de remise en cause du statut né du jugement de 1930 que prennent place les travaux de délimitation de l'AOC.

La commission d'experts chargée par l'article 3 du décret du 31 juillet 1937 de la délimitation de l'appellation contrôlée Bourgogne dans l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône, présidée par M. Guicherd et composée en outre de MM. Ferré et Protin, mit en réalité très rapidement un terme à ses travaux dans la région du Beaujolais20. Différentes sources attestent de ce fait, voire d'une absence totale de travaux effectifs. Dans une lettre du Président de l'Union viticole du Beaujolais à Joseph Capus, nous pouvons d'abord lire, « Du fait de la guerre, cette commission n'a pratiquement pas pu fonctionner. »21. De même, Henri Pestel, Directeur de l'INAO, mobilise ses souvenirs en 1949 pour tendre vers le même constat : « Il me semble bien, ainsi d'ailleurs que M. Chappaz l'a rappelé au cours des séances de l'Institut National du 18 décembre 1941, à Vichy, que la Commission d'expertise n'avait pas effectué cette délimitation avant la guerre, ni même entre la déclaration de guerre et la date de notre réunion. »22. Enfin, la ronéo 904 de l'INAO, évoque de la même manière l'arrêt prématuré des travaux de la commission : « Une vive opposition s'étant manifestée au sujet de cette délimitation dans les départements du Rhône et de la Saône-et-Loire et plus particulièrement dans l'arrondissement de Châlon-sur-Saône, les travaux de la Commission furent totalement arrêtés »23. Seul M. Guicherd, dans une lettre de 1949, évoque précisément l'accomplissement de démarches, mais n'ayant débouché sur aucun résultat : « J'avais été désigné auparavant pour présider et diriger le travail de la Commission concernant l'application de l'appellation « Beaujolais » pour l'ensemble de la région productrice de vins pouvant revendiquer cette appellation dans l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône et éventuellement de délimiter ceux de ces vins Beaujolais qui pourraient revendiquer (d'après le jugement de Dijon) l'appellation « Bourgogne ». Or dès le commencement de son travail dans le département du Rhône, la Commission reconnaissait que cette seconde partie de sa tâche était impossible et que si les usages constants justifiaient pleinement l'appellation Beaujolais, d'ailleurs parfaitement noble, parmi les vignobles de l'arrondissement de Villefranche, il n'en était pas de même pour l'appellation Bourgogne et comme conséquence elle n'a fait aucune proposition pour cette extension de l'appellation Bourgogne. »24.

La question de la délimitation de l'AOC Bourgogne pour cette région revient devant le Comité National lors de sa séance du 18 décembre 1941. Dans un contexte favorisant l'augmentation des fraudes sur les déclarations en AOC25, les décisions prises lors de cette séance vont s'avérer capitales pour l'établissement des limites de l'AOC Bourgogne dans l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône. Dans une discussion où interviennent MM. Pestel, Capus, Chappaz et Gouges, après un rappel des conclusions de la commission d'expertise, la proposition présentée par M. Ferré, consistant à accorder l'AOC par décret aux vins issus de gamay noir à jus blancs produits sur les territoires ayant déjà fait l'objet d'un décret d'appellation communale et titrant 10° d'alcool, est adoptée26.

Deux remarques peuvent être faites face à cette délibération du Comité National. La première tient au type d'argument retenu, relatif à la notion de qualité du gamay de ces territoires, quant le décret du 31 juillet 1937 faisait mention de la nature, du sol et des usages locaux, loyaux et constants. La seconde concerne la procédure d'officialisation de la décision de la délimitation, à savoir un nouveau décret, procédure tout à fait inhabituelle dans le fonctionnement de l'institution et totalement absente des principes édictés en 1937.

Les décisions du Comité National de décembre 1941 sont officialisées par le décret n° 593 du 24 février 1942, modifiant le dernier alinéa de l'article 2 du décret du 31 juillet 1937 par un nouveau texte : « Sur les territoires du département de Saône-et-Loire et de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône, dans le département du Rhône, pourront avoir droit à l'appellation contrôlée « Bourgogne », sans aucune adjonction, les vins issus du Gamay noir à jus blanc, provenant de parcelles ayant droit à une appellation contrôlée communale ou locale dont le degré alcoolique, fixé par un décret de contrôlée antérieur au 1er janvier 1942 est égal ou supérieur à 10 degrés »27. Notons qu'en ne remplaçant que le dernier alinéa de l'article 2, le législateur limite de nouveau ces mesures aux seuls vins blancs et confirme l'erreur commise 5 ans plus tôt. Par ailleurs, le quatrième alinéa de l'article 3 du décret de 1937, qui prévoyait le report sur le plan cadastral des communes intéressées des limites des aires de production ainsi que la remise d'un rapport par la commission d'expertise avant le 15 septembre 1938 au CNAO, est lui aussi abrogé.

En s'engageant dans cette voie, le CNAO en 1942 rompt clairement avec les principes de base édictés par le décret de juillet 1937 pour la délimitation des aires de production de l'AOC Bourgogne. Plus encore, en recourant à un décret modificatif pour officialiser le processus de délimitation et en abandonnant toute réflexion relative aux usages, il s'écarte considérablement des pratiques et de la doctrine générale jusque là observées.

La suite du traitement de la question de la délimitation de l'AOC Bourgogne dans l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône par le Comité National confirme cette tendance à opérer en marge des cadres courants de son activité. Cette marche inhabituelle permet toutefois au Comité, sans qu'aucune explication ne soit apportée quant au caractère tardif de ce rétablissement, de transférer les mesures d'exception dans le droit à l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais des vins blancs aux seuls vins rouges28.

Bien qu'officialisée quatre ans plus tard, la décision fut prise lors d'une réunion tenue à Mâcon en février 1942 chez M. Orizet, en présence de MM. Capus, Ferré, Chappaz et Pestel29. Elle consista à accorder l'AOC Bourgogne pour les vins rouges aux crus du Beaujolais. Sans suite jusqu'en 1946, cette décision prise en dehors des instances décisionnelles du CNAO, fut présentée et adoptée lors de la séance du Comité National du 22 février 194630. Le dossier est alors exposé de la manière suivante : « La rédaction du décret du 24 février 1942 réservant, en ce qui concerne les vins de Gamay l'appellation Bourgogne aux vins à appellation communale de Saône-et-Loire et de l'arrondissement de Villefranche dans le Rhône n'est pas conforme à l'esprit du législateur. En effet, les vins de Gamay des régions qui sont le prolongement de la Côte d'Or ne méritent pas l'appellation Bourgogne. Celle-ci doit être réservée pour les vins de Gamay aux appellations communales du Beaujolais. La modification proposée au décret de Bourgogne est acceptée, soit : « Toutefois, pour les vins rouges, sur les territoires du département de Saône-et-Loire et de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône, dans le département du Rhône, pourront également avoir droit à l'appellation contrôlée « Bourgogne » sans aucune adjonction, les vins répondant aux conditions d'encépagement et d'aire de production requises pour les vins d'appellations contrôlées communales ou locales : Brouilly, Côtes de Brouilly, Chenas, Chiroubles, Fleurie, Juliénas, Morgon, Moulin-à-Vent et Saint-Amour, sous réserves des autres conditions ci-après précisées. ». »

Une remarque s'impose face à cette délibération. La justification de la modification du texte de 1942 tient à la volonté de restreindre le droit à l'AOC Bourgogne pour les vins issus de gamay aux seuls crus du Beaujolais et à ceux directement limitrophes de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône en Saône-et-Loire. Par cette mesure, c'est donc le département de la Saône-et-Loire et ses producteurs de gamay qui sont principalement visés. C'est dans ce but que pour la première fois une liste limitative de crus est adjointe au texte adopté. Si ce point relève essentiellement de considérations liées à la rédaction du décret et à une recherche de précision dans les termes énoncés pour transcrire la volonté de restriction, la visée explicite de la Saône-et-Loire n'en reste pas moins évidente.

Cette modification importante des principes du droit à l'AOC Bourgogne dans l'arrondissement fut finalement officialisée par le décret en date du 6 mai 1946, reprenant fidèlement la délibération du Comité de février31. Un élément du processus encadré par le CNAO restait malgré tout constant : la reconnaissance plus restrictive du droit à l'AOC Bourgogne sur ce territoire que ne le prévoyait le jugement de 1930.

Neuf ans après la parution du premier décret de contrôle de l'AOC Bourgogne, ce décret fixe donc officiellement les limites de l'AOC et par extension celles de la Bourgogne-viticole sur les territoires communément identifiés par le terme de Beaujolais. À cette date, seules 14 communes ou parties de communes conservent le droit à l'AOC Bourgogne sans adjonction pour les productions de gamay noir à jus blanc.

Cette première période de procédure appelle plusieurs conclusions. En premier lieu, il convient d'insister sur le caractère difficile des contextes en présence. D'abord marquée par une situation de tension entre les différentes régions constitutives de la Bourgogne viticole autour de la question de la délimitation de l'AOC régionale commune, cette temporalité voit ensuite éclater la seconde guerre mondiale. S'il est à noter qu'il est rarement fait mention des difficultés occasionnées par ce contexte tout à fait spécifique dans le déroulement des travaux de délimitation de la commission, il est illusoire de penser qu'il ne joua pas un rôle certain dans les conclusions présentées en décembre 1941 par M. Ferré. Un autre aspect de cette phase, sur lequel nous avons jusqu'à présent peut-être moins insisté, mais qui reste essentiel dans l'étude de l'histoire de l'expertise encadrée par le CNAO, est la disparition de la partie de la procédure relative au report de la délimitation proposée par la commission sur les plans cadastraux des communes intéressées. Décision prise en 1942 et officialisée par le décret du 24 février, l'annulation de ce travail fastidieux et par expérience coûteux en temps nous apparaît tout à fait révélatrice des incidences du contexte de guerre sur la pratique du Comité et sur les contraintes nouvelles induites alors en terme de temporalité de l'expertise. Troisième point, en partie lié au précédant, la procédure effectivement suivie par le CNAO dans cette délimitation s'affranchit progressivement durant ces neuf années des textes cadres de 1930 et 1937. Nous sommes donc face à un fonctionnement extraordinaire, au sens premier du terme, du Comité dans ce processus, les signes les plus marquants de ce phénomène étant peut-être la substitution des usages locaux, loyaux et constants par la notion de qualité dans le règlement de la question ou des prises effectives de décision en dehors des instances initialement établies (commission d'expertise, comité national et comité directeur). Enfin, et ceci nous permet de faire la transition avec la question qui va désormais nous intéresser, malgré le caractère plutôt surprenant du mode de règlement et des conclusions proposés par le CNAO, les décisions prises de 1937 à 1946 concernant la délimitation de l'AOC Bourgogne dans l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône, ne font l'objet d'aucune réclamation de la part des associations viticoles du Beaujolais. Point essentiel de contraste entre cette période et la suivante, Claude Armand Roy avance notamment comme éléments d'explication de cette absence de réaction, d'une part la modification profonde de la structuration et de la réalité de l'action collective pendant la guerre, et d'autre part la temporalité effective des différentes décisions au sujet des AOC de la région : « Après le premier décret [NP : celui du 24 février 1942], les associations viticoles du Beaujolais ne faisaient pas appel, ni par voie gracieuses ni par voie contentieuse. C'est évidemment un grief qu'on peut leur faire. Il aurait fallu sans doute passer par la Corporation Paysanne puisque les associations syndicales étaient dissoutes et que les Beaujolais-Villages n'existaient pas encore (la liste des communes autorisées à adjoindre leur nom à celui de Beaujolais est parue au JO du 9 mars 1943). »32.

II – La controverse autour de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais au lendemain de la guerre (1947-1950)

La controverse autour de la question de l'AOC Bourgogne dans la région Beaujolaise s'inscrit dans la période 1947-1950. Ces trois années, pour reprendre les mots percutants mais relativement appropriés de Claude Armand Roy en 1958, donnèrent à voir « une suite d'imperfections, de contre-temps, de faux-arguments, de demi-mesures et de maladresses »33.

Avant d'entrer dans l'analyse de l'affaire, un rappel est nécessaire au sujet de la situation de l'AOC Bourgogne au sortir de la guerre. Ce contexte est important notamment sur la question des enjeux économiques existant alors au sujet de l'appellation. L'exposé en est fait à plusieurs reprises par différents membres de l'INAO, en premier lieu par Louis Orizet lors d'une réunion de la Confédération des Associations viticoles de Bourgogne tenue à Châlon-sur-Saône en janvier 1947 : « Depuis les décrets de 1942 et mai 1946, le Bourgogne n'existe pratiquement plus si ce n'est à titre d'appellation de repli pour les crus. Etant donnée la tendance toujours plus marquée de conserver pour les vins, même dans les ventes à l'étranger, le nom du cru de provenance, nous tendons vers le paradoxe de la disparition pratique du Bourgogne rouge sur le marché étranger. Est-ce souhaitable ? Nous ne le pensons pas et ce serait un autre paradoxe bien plus étonnant de trouver hors de nos frontières uniquement des vins s'intitulant « Bourgogne de Californie », « Bourgogne du Chili », « Bourgogne d'Australie », contre aucun Bourgogne authentiquement français. Sur le plan technique et sur le marché intérieur la disparition du Bourgogne est peut être souhaitable ; en revanche, sur le plan commercial il est regrettable d'abandonner les possibilités de vente offertes par un nom glorieux. [...] Les Côte d'Oriens convaincus de la nécessité de réserver le nom de Bourgogne aux seuls vins de Pinot, malgré le danger où ils se trouvent de voir leurs vins de crus déclassés en Bourgogne par les négociants exportateurs. Les représentants des villages maintiennent leurs revendications à l'appellation Bourgogne dans la crainte, aujourd'hui renouvelée, d'une révision des appellations contrôlées. Les responsables du reste du Beaujolais redoutent pour l'unité viticole de leur région, le bénéfice d'une extension au seul profit de quelques communes. Devant ce dilemme, le maintien du statu quo semble la meilleure attitude à prendre. »34. Le même document indique par ailleurs un volume commercialisable du Bourgogne à cette date de 6000 Hl, chiffre extrêmement faible. Deux ans plus tard, Henri Pestel établit une analyse similaire de la situation : « La moyenne des déclarations de récolte avec l'appellation Bourgogne sans adjonction n'est que de 7950 Hl depuis 1942 pour les vins rouges. Ainsi les négociants quand ils veulent vendre du Bourgogne tout court sont-ils obligés de déclasser des appellations communales. »35. Avec ces rappels, nous pouvons observer que la question de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais se pose alors à la fois sous l'angle d'enjeux territoriaux internes à la Bourgogne viticole mais également sous celui commercial, de la réflexion sur les opportunités de débouchés économiques d'une AOC au nom prestigieux. Ces éléments nous seront utiles pour comprendre les intérêts des différents acteurs de l'affaire.

Revenons à présent à l'affaire. Pour comprendre son déroulement, il convient tout d'abord de présenter les différents acteurs en présence. D'une géométrie que l'on pourrait penser relativement simple, ce dossier révèle en réalité de multiples niveaux de compréhension. Le point le plus évident, au coeur de l'affaire est bien entendu l'opposition entre représentants de la Côte d'Or d'une part et ceux du Beaujolais d'autre part. Toutefois, appréhender l'affaire selon ces seuls indicateurs s'avère à la fois simplificateur et même erroné lorsque l'on entre en détail dans le déroulement des faits. Ainsi, le Beaujolais tout d'abord dans cette affaire ne propose absolument pas une réalité d'unité. Il convient donc d'établir une nette distinction entre représentants des Beaujolais-Villages et du Bas-Beaujolais36. Par ailleurs, l'analyse des arguments proposés par les uns et les autres complexifie également l'approche que l'on doit avoir du département de la Côte-d'Or. Il est par exemple assez net qu'une partie du négoce de ce dernier partage des intérêts plus proches de ceux des producteurs des « Villages » que de ceux de son propre département. Enfin, un acteur institutionnel, aux représentations et aux interlocuteurs pluriels, est au centre du dossier, l'INAO. À cet égard, la compréhension du positionnement des divers acteurs et de leur stratégie face à l'institution est essentielle pour notre démarche. Compte-tenu de tous ces éléments, voici l'analyse pouvant être faite du déroulement de l'affaire.

La première phase de l'affaire peut être identifiée à la fin de l'année 1946 et au début de l'année 1947. Il s'agit de la formalisation des demandes du Beaujolais quant au droit à l'AOC Bourgogne sans adjonction.

La requête des « Villages » est tout d'abord présentée au CNAO par Jean Vermorel, Secrétaire de l'Amicale des Beaujolais-Villages. Appuyée par un voeu émis par le Conseil Général du département du Rhône le 13 décembre 1946 – tendant à attribuer aux vins de crûs classés sous le nom de Beaujolais-Village l'appellation « Bourgogne »37 – sa demande est une première fois adressée directement au Président du CNAO en décembre 1946 : « Le décret du 31 juillet 1937 a prévu dans l'arrondissement de Villefranche, une aire de production ayant droit à l'appellation « Bourgogne » sans adjonction, avec le « Gamay noir à jus blanc » comme plant. Le décret du 24 février 1942 a attribué cette appellation « Bourgogne » sans adjonction, à seulement 14 communes ou fractions de communes, sur les 26 communes citées au décret du 14 octobre 1943 délimitant l'appellation « Beaujolais-Village ». Cette omission s'explique par l'antériorité du décret du 24 février 1942 sur celui du 14 octobre 1943. Cependant cette omission lèse et déclasse 12 communes ou fractions de communes de même sol, de même plant, de mêmes classifications de Budker, de mêmes obligations culturales et de production, ainsi que vous l'établissent les tableaux ci-annexés. Le législateur n'a pas voulu cela, c'est pourquoi nous demandons au Comité National des Appellations Contrôlées de rectifier cette anomalie et que toutes les communes ou fractions de communes, citées au décret du 14 octobre 1943 aient droit à l'appellation « Bourgogne » sans adjonction. »38. Les registres de justification de la démarche du Secrétaire de l'Amicale des Beaujolais-Villages sont de deux ordres, en premier lieu technique (appellations communales titrant 10°, en sols granitiques, ayant les mêmes obligations de production et culturales que les appellations locales), en second lieu liés aux usages, plus particulièrement commerciaux. Ce dernier point, tout à fait marquant dans l'argumentation, est ainsi présenté dans deux lettres de Vermorel, invité par le Secrétaire général du CNAO à précisé sa demande : « En tout cas, fort avant 1914, le négoce bourguignon achetait de la vendange, la vinifiait dans nos celliers et le vin était du « Bourgogne ». En 1934, à Reynié, une maison dijonnaise pratiquait encore cette méthode. La fâcheuse conjoncture d'un camion de sucre clandestin et des CI la fit cesser. En 1923 les maisons Calvet et Bouchard de Beaune ne pouvant acheter chez nous nos vins étant trop chers, se rabattaient sur les vins inférieurs des Beaujolais non classés, terrains d'alluvions et de calcaire. Personnellement j'ai vendu du « Bourgogne » en 1939 à un négociant de Beaune, en 1941 à un négociant de Villefranche. Mes vins en 1941 soumis au contrôle de la Répression des Fraudes ont été reconnus « présentants tous les caractères organoleptiques d'un Bourgogne » et j'ai été autorisé à expédier « Bourgogne » sans adjonction bien entendu. Je vous le répète M. le Secrétaire Général, nous ne réclamons aucune faveur, mais l'application stricte de la légalité viticole beaujolaise. »39 et « Voici une précision, un fait net, que vous pouvez vérifier. De 1919 à 1937, nonobstant le procès de Dijon, l'appellation Beaujolais se transformait automatiquement en appellation « Bourgogne », pourvu que le vin titrât au moins 10°. Il n'y avait nul besoin de revendiquer l'appellation « Bourgogne » sans adjonction au moment de la déclaration de récolte. La même faculté de transformation était accordée au commerce, dans ses chais, pour un Beaujolais d'au moins 10°, degré du « Bourgogne » sans adjonction. »40.

Parallèlement à cette première initiative, le Comité National est également sollicité en 1947 par Jean Laborde, Président de l'Union Viticole du Beaujolais. Représentant de l'ensemble du Beaujolais, sa requête est quelque peu différente et comporte deux volets, l'un lié à la reprise des travaux de la commission de délimitation de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais41, l'autre à l'obtention de l'AOC Bourgogne pour le reste du Beaujolais à l'exportation.

Ces deux demandes sont étudiées par le CNAO lors de sa séance du 19 mars 194742. Après un rappel des différents éléments de la question de l'AOC Bourgogne dans cette région, les demandes sont présentées par Jean Laborde. Insistant sur leur caractère indépendant l'une de l'autre, le délégué du Beaujolais reprend pour son argumentation une position suggérée quelques mois plus tôt par Louis Orizet, visant à mettre en avant la faiblesse des volumes alors déclarés en AOC Bourgogne rouge et les incidences de cette situation notamment au niveau du commerce extérieur43. La principale opposition vient d'Henri Gouges, représentant des producteurs de la Côte-d'Or. Invoquant le jugement de Dijon de 1930 et l'exclusion de l'appellation Bourgogne de la commune de Saint-Jean d'Ardières, sa protestation vise essentiellement les prétentions de l'Union Viticole du Beaujolais. En revanche, rien n'évoque dans son intervention la question soulevée par l'Amicale des Beaujolais-Villages. La position de M. Bouchard, représentant du négoce de Côte-d'Or, est enfin intéressante à noter dans la discussion. Tout en s'abstenant de prendre parti personnellement, son exposé insiste sur l'intérêt de la question posée d'un point de vue commercial, notamment au niveau des expéditions du négoce du Beaujolais-Mâconnais à destination de la Suisse. Il se fait donc le relais plutôt bienveillant de l'avis favorable de ce commerce quant à l'extension sous certaines conditions de l'emploi de l'AOC Bourgogne dans cette région. La discussion s'achève par la prise de parole du Président de séance, le Baron Le Roy, en l'absence de Joseph Capus, affirmant la conformité des décrets du CNAO face au jugement de Dijon, exposant donc de ce fait un avis défavorable aux revendications des associations du Beaujolais. Soumises au vote du Comité, elles sont rejetées sans distinction à la majorité.

Une deuxième phase de l'affaire s'amorce au tournant des années 1948-1949. À la faveur d'une demande du négoce mâconnais, portant sur le droit d'utilisation d'une dénomination générique « Beaujolais-Village » pour les vins détenus dans leurs chais et provenant de différentes communes pouvant revendiquer l'AOC Beaujolais suivie du nom de la commune d'origine, les représentants des associations du Beaujolais remettent au premier plan la question de l'AOC Bourgogne44. Pour résumer les raisons de cette demande, le négoce cherche par-là d'une part une simplification logistique pour la gestion de ses stocks, et d'autre part à améliorer le potentiel marchand de ses vins par l'utilisation du terme « village », préférable selon lui à celui de « supérieur » ou aux divers noms de communes parfois peu connus des acheteurs.

Initialement inscrite à l'ordre du jour de la séance du Comité National de l'INAO du 26 novembre 1948, la question soumise à l'avis préalable des associations de producteurs est repoussée à une date ultérieure sur leur demande, afin de pouvoir bénéficier d'un délai supplémentaire de réflexion et de consultation de leurs mandants. Les réponses de l'Amicale des « Beaujolais-Villages » et de l'Union Viticole du Beaujolais interviennent à la fin du mois de janvier 1949 et sont transmises par Gaston Charles, Agent technique de l'INAO à Villefranche-sur-Saône, au Directeur de l'INAO45. Ces dernières comportent plusieurs dimensions. Tout d'abord, l'Amicale des « Beaujolais-Villages » se déclare favorable aux revendications du négoce. Toutefois, cette accord est soumis à une contrepartie, à savoir la demande – identique à celle formulée en 1947 – d'obtention du droit à l'AOC Bourgogne sans adjonction pour l'ensemble des communes bénéficiant de l'AOC « Beaujolais-Villages »46. Il est à noter que l'argumentation du syndicat évolue quelque peu à cette date par rapport au discours de 1947. Ainsi, si la dimension technique garde une place importante, renforcée notamment par l'achèvement de la délimitation parcellaire des différentes communes de l'aire, la question des usages disparaît en revanche, au profit du discours économique et commercial déjà évoqué sur la situation de l'AOC Bourgogne et des volumes minimes alors concernés. Laissant tous pouvoirs aux représentants du Beaujolais au sein de l'INAO pour défendre ses intérêts, c'est-à-dire à Jean Laborde, l'Amicale bénéficie en outre à cette date d'un accord officiel de l'Union Viticole du Beaujolais quant à sa demande. Les prétentions de l'Union Viticole du Beaujolais sont quant à elles toujours les mêmes, et consistent à revendiquer pour l'ensemble du Beaujolais délimité le droit à l'AOC Bourgogne sous certaines conditions culturales (taille, degré alcoolique, rendement, dégustation)47.

Jean Laborde, défenseur désigné de ces différentes propositions, sollicite l'INAO pour leur inscription à l'ordre du jour de la session de février. Cette fois-ci, c'est l'INAO qui demande un délai pour l'étude de ces questions et notamment la présentation d'un rapport au Baron Le Roy, préalablement à l'étude en séance48. En marge de cette présentation des demandes du Beaujolais, un élément retient par ailleurs l'attention. Il renvoie aux stratégies et aux réseaux d'influence en présence au sein de l'INAO. Phénomène parfois difficilement mesurable dans les sources du processus décisionnel de l'institution, il est directement mis en cause dans une lettre de Jean Laborde à Henri Pestel au moment de la mise en place de la séance de février : « Au cas où vous décideriez que la discussion de l'Appellation Beaujolais-Village, soit prévue à la prochaine réunion de l'Institut National, à savoir le 4 Février prochain je vous demande d'être assez aimable de vouloir bien par retour du courrier me donner les noms des personnes du Comité directeur aussi bien fonctionnaires que personnalités viticoles, qu'il faudrait que je vois la veille de la réunion du Comité, afin que Monsieur Gouge, ne puisse pas leur raconter ce qui lui semblerait bon à cette réunion. Je tiens essentiellement à ce que vous ne présentiez pas la demande de Monsieur Bouchard, pour obtenir l'Appellation générique Beaujolais-Village, aux vins provenant des diverses appellations locales du Beaujolais, sans que les 2 demandes de l'appellation Bourgogne, qui vous seront présentées au nom de l'Association des Beaujolais-Village et au nom de l'Union Viticole du Beaujolais, viennent elles aussi en discussion. »49. Ces deux phrases nous révèlent plusieurs choses. D'abord, elles mettent en avant la méfiance du représentant du Beaujolais vis-à-vis du représentant de la Côte-d'Or et de ses éventuelles prises de position hors de sa présence. Ensuite, elles rappellent qu'Henri Gouges bénéficie à cette date d'une position de force à l'INAO, d'une véritable assise au sein des réseaux en présence et donc d'une influence plus marquée dans la prise de décision de l'Institut par rapport au représentant du Beaujolais. En effet, si Gouges est membre du Comité Directeur depuis le 16 juillet 194750, Laborde ne le sera quand à lui que bien plus tard51. Enfin, elles soulignent l'importance des travaux effectués au sein de ce Comité restreint dans l'orientation des décisions finalement adoptées par l'assemblée générale de l'INAO.

Conformément aux dires du Directeur de l'INAO, un dossier complet est transmis au Président Le Roy au début du mois de mars 1949. Les échanges préalables à la session d'avril entre Pestel et Le Roy vont se révéler décisifs dans la position adoptée par l'Institut. L'élément essentiel dans ce cadre est très certainement la présentation des conclusions du Directeur après premier examen dans une lettre envoyée au Président à la fin du mois de mars52. Dans cette lettre est ainsi évoquée la nécessité pour traiter la question de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais de nommer une commission restreinte.

Les différentes questions sont donc étudiées lors de la session des 5 et 6 avril 1949. Plus précisément, le Comité Directeur aborde le fond du dossier lors de sa séance du 553. Fait relativement important, M. Gouges est absent de la réunion, remplacé par son suppléant M. Maitrot. Le Comité débute par l'étude de la demande présentée par le négoce au sujet de l'AOC Beaujolais-Village qui, après un bref exposé de M. Laborde insistant sur l'unanimité des syndicats sur la question, est rapidement acceptée. À ce sujet, il est important de noter que malgré la présentation effective de ce dossier préalablement à celui de l'AOC Bourgogne, rien dans les notes de délibérations n'évoque le lien entre les deux questions, et plus particulièrement la volonté de l'Amicale des Beaujolais-Villages d'astreindre son avis favorable à l'obtention de contreparties sur le droit à l'AOC Bourgogne. De ce point de vue, il semble que la volonté de l'Amicale n'ait pu dans les faits être véritablement défendue par M. Laborde. La question de l'AOC Bourgogne est donc ensuite abordée, de manière indépendante, avec comme support la note ronétypée n° 90454. Cette délibération n'apporte en réalité aucun élément nouveau dans le débat. Seule peut être relevée la stratégie de Laborde visant à valoriser la demande présente en insistant sur l'unité derrière elle de l'ensemble du Beaujolais, en opposition à celle de 1947 désormais présentée comme essentiellement politique. Après un rapide échange de vues, une décision conforme aux prescriptions du Directeur évoquées un peu plus haut est prise, à savoir la désignation d'une commission devant se rendre sur place pour rechercher les preuves d'usages et les présenter à l'Institut National. Elle est composée de MM. Gambert, Rosin, Delon, Barillot et Verdier, MM. Gouges, Laborde et Laneyrie étant adjoints à titre consultatif. Une dernière remarque doit être faite quant à cette délibération, confirmée le lendemain par le Comité National, l'absence de décision et de réel traitement de la requête formulée par l'Union Viticole du Beaujolais, bien qu'elle fut explicitement présentée dans la note ronéotypée n° 904.

La deuxième phase de l'affaire de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais s'achève donc sur cette décision, conforme aux propositions du Directeur dans l'optique d'un arbitrage entre MM. Laborde et Gouges, de renvoi de la question auprès d'une commission restreinte.

La troisième phase, constituée par les travaux et les conclusions de la commission, est certainement la plus importante de l'affaire car elle fixe définitivement les décisions de l'INAO et apporte nombre d'enseignements sur l'expertise mise en oeuvre pour dénouer le dossier.

Si l'on s'intéresse en premier lieu à la composition de la commission, l'on constate d'abord le recours, pour la première fois dans le dossier, à des individus extérieurs à la Bourgogne et au Beaujolais55. Face à l'impossibilité d'accord entre les diverses parties, l'INAO mobilise donc des acteurs apportant une certaine neutralité pour l'arbitrage de l'opposition. Pratique mise en avant dans la doctrine dès la création du Comité, ce recours relève donc du fonctionnement classique de l'institution. Par ailleurs, les trois représentants d'associations de producteurs convoqués font partie de la première génération du Comité puisqu'ils y ont tous trois fait leur entrée dès 193556. Le recours à ce type de membres renvoie dès lors vraisemblablement à l'idée d'une expertise de « sages ».

Le détail de la mission de la commission est fait dans les lettres adressées aux différents membres le 21 avril 194957. Il s'agit de : « Rechercher quelle est en Saône-et-Loire et dans l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône dans le Rhône l'aire de production consacrée par les usages locaux loyaux et constants où le Gamay noir à jus blanc donne des vins fins, et celles où le cépage donne des vins ordinaires ou grands ordinaires, les vins fins de Gamay issus de la première de ces deux aires ayant droit à l'appellation simple « Bourgogne » tout court d'après les dispositions du jugement de Dijon du 29 avril 1930 qui a force de chose jugée. Si cette aire de production se confond avec celle des crus de Beaujolais, Moulin à Vent, Juliénas etc... les dispositions réglementaires actuellement en vigueur doivent être maintenues. Dans le cas contraire, cette aire de production se confond-elle avec celle de l'appellation « Beaujolais-Village » ou une délimitation spéciale doit-elle être entreprise ? Si la Commission propose une extension de la délimitation actuelle de l'appellation « Bourgogne » pour le Gamay (décret du 6 mai 1946, remplaçant celui du 24 février 1942) elle devra réunir et présenter à l'Institut National, dans le cadre des dispositions du jugement de Dijon tous les documents relatifs aux usages des communes intéressées. ».

Trois remarques s'imposent face à ce détail. Premièrement, l'essence de la mission assignée aux experts est en réalité la même que celle initialement prévue par le décret de 1937, mission qui rappelons-le, avait été jugée impossible en 1941 par la première commission. De ce point de vue, le retour en arrière effectué par l'INAO est assez significatif pour être noté. Deuxièmement, la lettre de la mission correspond essentiellement à l'étude de la requête de l'Amicale des Beaujolais-Villages. Celle de l'Union Viticole du Beaujolais n'est ainsi absolument pas explicitement formulée. Troisièmement, aucune mise en œuvre pratique de la mission, les modalités de l'expertises ne sont stipulées.

Un travail préparatoire est tout d'abord assigné à Gaston Charles, devant opérer en accord avec M. Laborde, consistant à rechercher « tous documents relatifs à l'usage de l'appellation « Bourgogne » sans adjonction pour la région du Beaujolais en dehors de la zone des crus. Ces renseignements pourront être relatifs aux années antérieures à 1930 et aux années postérieures pour examiner l'influence du jugement de Dijon. »58. La même lettre précise par ailleurs que sont tout particulièrement recherchées les déclarations de récolte anciennes avec appellation « Bourgogne » sans adjonction et les occurrences de l'emploi du même terme par les négociants pour des vins reçus sous appellation « Beaujolais ». Dans un contexte d'attention marquée autour de la question59, la visite de la commission prévue en premier lieu le 16 mai 1949 est une première fois repoussée en raison de l'indisponibilité de deux membres. La date finalement retenue est celle du mardi 19 juillet.

Premier point marquant, deux membres initialement prévus sont remplacés car de nouveau indisponibles, M. Delon par M. Capdemourlin et M. Rosin par M. Cormont. De même, MM. Gouges et Laneyrie, membres consultatifs, ainsi que M. Verdier sont eux aussi absents60. Par ailleurs, la temporalité de l'expertise est relativement réduite puisqu'elle se résume à une seule journée d'étude sur place.

La commission compte donc le 19 juillet quatre membres, un membre consultatif, M. Laneyrie, et un secrétaire, M. Lemineur, Agent technique de l'INAO à Mâcon. Le compte-rendu de la commission indique également le suivi des travaux par quatre viticulteurs de la région des Beaujolais-Villages et par M. Pasquier, Secrétaire de l'Union Viticole du Beaujolais61.

Sans revenir dans le détail du déroulement des travaux effectués sous la présidence de M. Gambert, la commission opère en deux temps : un examen des documents écrits puis des dégustations chez différents propriétaires de vins des communes revendiquant l'appellation Bourgogne. L'étude des documents semble tout d'abord satisfaire les membres de la commission, trouvant la compilation des pièces suffisante et reconnaissant à l'unanimité d'après les déclarations de récolte fournies l'existence d'usages certains depuis 1921. Viennent ensuite les dégustations, portant sur des vins des années 1942 à 1948. L'enseignement principal retenu par la commission est celui d'une distinction très nette entre les « Beaujolais-Villages » et les « Beaujolais ». Cette séance se conclut en réalité par une non décision, puisque les membres astreignent tout jugement définitif à une nouvelle dégustation comparée entre vins à AOC Bourgogne et vins à AOC Beaujolais.

À l'issue de la journée, voici les conclusions émises par la commission : « 1° Sous réserve de cette dégustation comparée, et du fait que les Beaujolais Villages ont été délimités sur granit, la Commission ne serait pas hostile en principe à l'admission de l'appellation « Bourgogne » pour les vins bénéficiant de l'appellation « Beaujolais-Village ». Toutefois, des précautions devraient être prises sur le plan réglementaire afin que la mesure ne s'applique exclusivement qu'à des vins du type « Bourgogne ». 2° Demande formulée par l'Union Beaujolaise (Labels). Cette question n'est pas du ressort de la Commission, celle-ci n'ayant pas reçu mission d'examiner cette proposition. Les quelques dégustations (La Chassagne et Liergues) ne permettent pas d'émettre, d'ailleurs, un avis favorable sur cette question quoique les vins présentés avaient une réelle qualité, vins à caractère typiquement « Beaujolais » sans qu'il soit possible de trouver une liaison avec le « Bourgogne »62.

Plusieurs points ressortent de ces conclusions. Tout d'abord, la distinction définitive faite entre les Beaujolais-Villages et le reste du Beaujolais. Ainsi, par ces phrases, l'INAO écarte avec force les prétentions de ce dernier quant à l'AOC Bourgogne. Ensuite, le retour d'une mention importante du jugement de 1930 pour la délimitation de l'appellation Bourgogne pour les gamays noirs à jus blanc et passée depuis sous silence par l'Institut : la référence aux sols granitiques. Enfin, et c'est très certainement l'enseignement le plus fort de cette expertise, l'importance du poids de la dégustation. En effet, alors que les documents écrits semblent attester d'usages anciens de l'appellation Bourgogne aussi bien pour les Villages que pour le reste du Beaujolais, ce dernier est définitivement exclu. On ne peut dès lors que constater que c'est bien cet aspect de l'expertise qui prime dans l'arbitrage proposé par la commission. De même, les conclusions définitives sont elles-aussi réservées à une seconde procédure de dégustation.

Deux éléments distincts vont en fait conditionner définitivement les décisions de l'INAO. Le premier tient effectivement à la deuxième séance de dégustation demandée par les membres de la commission d'experts. Cette séance est organisée au siège de l'INAO à Paris le mercredi 9 novembre 1949 à 17h, à l'occasion de la session des Comité Directeur et Comité National des 9 et 10 novembre. Elle s'effectue en présence de MM. Barillot, Cormont, Gambert et Verdier. Les vins dégustés sont d'une part des vins de Gamay des Beaujolais-Villages et d'autre part des vins de Pinot des arrières Côtes de la Côte-d'Or. Les conclusions sont les suivantes : « 1°) Les Bourgognes dégustés, sauf un ou deux, étaient médiocres et indignes de l'appellation contrôlée ; 2°) Parmi les Beaujolais-Village examinés, un échantillon très certainement, et sans doute deux autres, possédaient le caractère de « vin fin », au sens du jugement de Dijon ; 3°) La Commission a noté plus de continuité dans la qualité des divers échantillons de Beaujolais-Village et plus d'équilibre que dans les Bourgognes dégustés. En d'autres termes, les Beaujolais-Village étaient plus spécifiquement « Beaujolais » que les Bourgognes n'avaient le type « Bourgogne ». De plus, les dits Beaujolais-Village étaient plus près des grands crus de leur région, que les Bourgognes des grands crus bourguignons ; 4°) Par contre, les Beaujolais examinés ne possédaient pas les caractères et le bouquet qu'on rencontre normalement dans les bons vins de Bourgogne ; 5°) En définition, les Beaujolais-Village dégustés et ayant le caractère de vins fins au sens du jugement de Dijon étaient au nombre de 1 à 3 sur 8 échantillons. Cette proposition est inférieure à la moitié, mais elle dépasse (1 échantillon sur 7) des Bourgognes examinés qui ont semblé à la Commission pouvoir être considérés comme de véritables vins fins. »63. Ces conclusions sont exposées et discutées dès le lendemain, lors de l'assemblée plénière, en présence de MM. Gambert et Barillot.64. Prennent alors part aux débats MM. Barillot, Laneyrie, Laborde, Gouges et Bouchard. La présentation des conclusions de la commission faite par M. Barillot est tout d'abord marquante car elle pose la résolution de l'affaire sous un angle strictement organoleptique : « La Commission a reconnu que certains « Beaujolais-Villages » avaient bien le caractère des vins fins au sens du jugement de Dijon. D'autre part, la Commission a recherché si ces « Beaujolais » avaient le type des vins de Pinot et elle a répondu par la négative ». Sans aller jusqu'à remettre en cause le travail de dégustation de la commission, l'on peut tout de même s'étonner que ses travaux furent accompli dans le but d'établir une éventuelle similitude gustative entre vins issus de Gamay et de Pinot. L'occasion est toutefois saisie par M. Laneyrie pour approuver les conclusions de la commission et défendre une position jusque là absente de l'argumentaire des représentants du Beaujolais, invoquant l'identité et les qualités propres des vins du Beaujolais, et donc la nécessité d'une défense organisée autour de la mise en avant de cette appellation et non pas de celle de « Bourgogne ». Tout en approuvant la plupart du discours de M. Laneyrie, M. Laborde reste quant à lui sur le registre des inégalités injustifiées existant depuis 1942 dans le Beaujolais quant à l'appellation Bourgogne et du rôle important dans cette question d'un négoce toujours enclin à favoriser la revendication de cette AOC au dépend de celle de Beaujolais. De même M. Bouchard adopte une posture similaire à celle observée jusque-là, accentuant même son soutien aux revendications des viticulteurs du Beaujolais. Suite à ces diverses interventions, le voeu de M. Gouges de renvoyer cette question à une date ultérieure est finalement adopté à l'unanimité.

Le dernier élément de l'affaire entre alors en jeu et va revêtir une importance décisive. Probablement marqué par la difficulté de règlement du dossier, la multiplicité des positions en présence, peut-être inquiet de l'orientation de l'expertise proposée par la commission d'enquête, et surtout informé de l'initiative de l'Union Viticole du Beaujolais de recourir à une consultation juridique, auprès de l'avocat lyonnais Maître Magnet65, l'INAO porte le débat sur un plan strictement juridique pour asseoir sa décision. Cette stratégie s'engage avant-même la session de novembre. En effet, l'Institut demande une consultation juridique au sujet de l'appellation d'origine Bourgogne dès le mois de septembre auprès de son avocat au Conseil d'Etat, Maître Coulet66. Cette consultation est essentielle car elle va permettre à l'Institut d'affirmer la conformité et surtout la supériorité juridique de la mission et des conclusions de l'expertise initiée en 1949 face aux textes antérieurs, et d'autre part d'établir l'irrecevabilité du texte de la demande présentée par les Beaujolais-Villages. Le résultat de cette consultation est adressé à l'INAO dans une lettre de M. Coulet, dont le passage essentiel est le suivant : « En conclusion, étant donné que l'Institut National doit se conformer aux dispositions prévues par le jugement du 29 avril 1930 du Tribunal de Dijon, ou ne peut que rendre plus restrictives les conditions de production prévues par ce jugement en ce qui concerne l'appellation Bourgogne, les vins issus de gamay noir à jus blanc bénéficiant déjà de l'appellation « Beaujolais-Village » ne peuvent prétendre avoir droit automatiquement à l'appellation Bourgogne. Il appartiendra à l'Institut National de faire procéder à une expertise pour rechercher les vins provenant de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône et de certaines parties du département de Saône-et-Loire, pouvant bénéficier de cette appellation. Ce n'est que postérieurement à cette expertise qu'un décret de contrôle venant apporter une adjonction au précédent décret de contrôle concernant l'appellation Bourgogne, pourrait être pris. »67. Ce dernier épisode est tout à fait révélateur du mode d'expertise de l'INAO dans ce dossier, essentiellement pragmatique, évoluant au fil du déroulement du dossier et des étapes du débat, et mobilisant plusieurs registres d'arguments hétérogènes.

C'est lors de la session des 30 et 31 janvier 1950 que s'achève réellement l'affaire, le moment clé étant l'assemblée plénière du 3168. La séance du Comité Directeur est tout d'abord essentiellement consacrée à un long exposé de la position des associations viticoles de la Côte-d'Or par M. Gouges. Mettant en garde l'INAO sur la certitude d'un recours devant le Conseil d'Etat en cas de décision non conforme au jugement de Dijon, ce dernier propose un discours clairement hostile à tout élargissement du droit à l'AOC Bourgogne pour les Beaujolais-Villages, stigmatisant une demande dictée selon-lui en 1941 seulement par le souhait d'échapper à l'intégration et désormais faite « pour augmenter le volume des vins mis à la disposition d'un certain commerce. ». Un avis est donné en fin de séance, repoussant la demande des Beaujolais-Villages, 4 membres s'étant abstenus. La discussion reprend le lendemain. Cette séance est encore une fois marquée par un long exposé de M. Gouges, similaire à celui de la veille dans le ton et retraçant les étapes de la définition de l'appellation Bourgogne depuis 1919. Face à ce dernier, M. Laborde adopte lui aussi une posture relativement incisive, reprenant encore une fois l'argumentation déjà exposée à plusieurs reprises. Il est à noter que l'échange entre les deux représentants lors de cette séance est très certainement, d'après le compte-rendu, le plus agité de l'affaire. Une troisième prise de parole va s'avérer tout à fait essentielle. Il s'agit de celle de M. Chappaz, donnant lecture d'une lettre écrite le 3 janvier 1950 par M. Guicherd, ancien Président de la première commission de délimitation de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais, comme nous avons déjà pu l'indiquer. Or, l'essence de cette lettre est de s'opposer fermement à toutes nouvelles extensions de l'appellation Bourgogne pour les vins du Beaujolais, y compris pour les Beaujolais-Villages. L'argument principal avancé M. Guicherd est en fait le même que celui de M. Laneyrie quelques mois plus tôt, de la nécessité d'une défense de la qualité des vins du Beaujolais par cette appellation et non pas par celle de Bourgogne69. Son propos est par ailleurs marqué par les idées centrales d'association exclusive du Beaujolais au cépage Gamay et de la Bourgogne à celui de Pinot d'une part, et de la supériorité des facteurs techniques face aux considérations économiques et sociales dans les décisions devant être prises par l'INAO d'autre part. Soulignée par le Président à l'issue de la prise de parole de Georges Chappaz, cette prise de position pesa indiscutablement fortement dans la délibération finale, du fait du statut de son auteur. La discussion s'acheva par une intervention de M. Bouchard, conforme à celle effectuée quelques mois plus tôt, de soutien de la cause des viticulteurs des Beaujolais-Villages, invoquant notamment l'exemple Bordelais pour la mise à disposition du commerce d'une seule et même vaste appellation régionale. L'octroi de l'appellation Bourgogne à la région des Beaujolais-Villages est finalement repoussé lors d'un vote symbolisant l'extrême division de l'Institut sur la question : 13 voix contre, 5 voix favorables et 10 abstentions, dont les membres de la commission d'enquête. Un document de juin 1950 motive par ailleurs la décision de l'INAO par les arguments suivants : « 1°) Que le « Bourgogne » sans adjonction est produit par le Pinot noir, plant fin de Bourgogne ; le « Beaujolais » est produit par le Gamay, plant fin du Beaujolais, « mais considéré comme vulgaire en Bourgogne »... De ces deux cépages sont issus de vins différents qui ne peuvent se comparer. 2°) Que lorsque le décret de 1942 a été pris, les intéressés n'ont pas protestés et n'ont pas engagé la procédure devant amener la révision du texte litigieux ou son annulation devant le Conseil d'Etat, ce qui laissait supposer qu'à l'époque l'appellation « Bourgogne » n'intéressait pas les requérants. 3°) Que la demande d'appellation « Bourgogne » sans adjonction pour les « Beaujolais-Villages » a été motivée en 1943 par la crainte de voir ces vins intégrés, alors que le « Bourgogne » échappait à l'intégration. 4°) Qu'enfin il n'y a pas d'usages permettant aux vins bénéficiant de l'appellation « Beaujolais-Villages » de prétendre à l'appellation contrôlée « Bourgogne ». »70.

À la suite de ce refus net et définitif, l'Amicale fait une dernière tentative, relative cette fois-ci à l'obtention d'une AOC « Bourgogne-Beaujolais ». Cette demande présentée à l'INAO en juin 1950, fut d'abord repoussée à la demande de M. Gouges, invoquant le respect du texte du décret-loi du 30 juillet 1935 et l'avis préalable nécessaire des syndicats intéressés71. Une fois encore combattue par les représentants de producteurs de la Côte-d'Or72, elle est finalement rejetée par l'Institut lors de sa séance du 9 novembre 195073.

Affaire complexe, impliquant nombre d'acteurs et d'intérêts divers et souvent opposés, la controverse autour de la question de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais cristallise les enjeux majeurs de la définition contemporaine des frontières entre grandes régions viticoles. Aussi, après la longue analyse du déroulement détaillé des événements que nous venons de proposer, c'est sur cette question de la compréhension du croisement des multiples niveaux d'intelligibilité des phénomènes en présence que nous souhaitons achever notre exposé.

III – Pour une compréhension des problématiques de la définition contemporaine des frontières viti-vinicoles

La spécificité de la normalisation française en matière de vins fins, depuis le décret-loi du 30 juillet 193574, tient à la gestion du système des appellations d’origine par un organisme spécifique, le CNAO, devenu en 1947 INAO. Ce point de rappel, par ailleurs relativement bien connu, est nécessaire car il permet d’insister sur la structuration bien particulière de cette institution, composée à la fois de représentants d’associations viti-vinicoles locales, d’agents propres ou encore de personnels de l’administration de l’État. Dans la perspective qui nous intéresse, ce mode de fonctionnement conditionne en profondeur les processus à l’œuvre. Pour être clair, cette institutionnalisation fait de la question de la délimitation des frontières entre Bourgogne et Beaujolais une question intelligible non pas au prisme des seuls enjeux locaux, régionaux de ce territoire mais d’une interaction, d’un jeu de va-et-vient entre univers de pertinence, à la fois locaux et nationaux. Sur ce point, l’acception du local ou du national doit être compris dans le sens définit par Luc Boltanski, c’est-à-dire non pas comme des substances différentes par nature, mais simplement des espaces de relations spécifiques entre acteurs, existant les uns par rapport aux autres75. Ces espaces de relation entre acteurs sont par ailleurs parfois relativement compliqués à définir du fait de l'existence d'échelons intermédiaires, tels les commissions d'experts, ou de manifestations de fonctionnements inhabituels d'un processus décisionnel soumis à des contextes particuliers, comme la réunion tenue à Mâcon chez M. Orizet en février 1942. La compréhension de cette croisée des niveaux micro et macro est donc décisive car elle seule parvient à rendre compte de la globalité des processus en présence dans cette affaire, et au-delà, de tout le questionnement relatif à la structuration des espaces viti-vinicoles contemporains.

Une fois ce rappel essentiel établi, intéressons-nous à présent aux phénomènes principaux observables à travers cette affaire.

Le premier point que nous souhaitons soulever renvoie à la problématique de la temporalité de l’expertise et des délimitations des AOC au cours de l’histoire de l’INAO. Lorsque l’on parle de temporalité, il convient en réalité de distinguer deux volets complémentaires : d’une part l’inscription des évènements dans un cadre temporel donné, d’autre part les mécanismes d’accélération et de ralentissement de l’expertise encadrée par l’institut. Aussi, cette affaire est un très bon angle d’analyse de réalités plus générales de l’histoire des premières années du CNAO et des AOC. Le premier décret de l’AOC Bourgogne paraît, comme nous l’avons vu, en 1937. Cette fin de l’entre-deux-guerres est pour le Comité National une période de parution massive de décrets de contrôle et donc de définition de nouvelles AOC76. Toutefois, le modèle majeur de décret en cours d’affirmation à cette date n’inclut pas la délimitation dans son contenu. Le texte de l’AOC Bourgogne répond donc, à l’image de bien d’autres, au schéma suivant : une série de conditions de production prédéfinie, un certain nombre de principes liés à la définition de l’aire de production et une délimitation fine du tracé de l’aire à effectuer par une commission d’experts. Lié à la nécessité pour la nouvelle norme de se développer au plus vite dans ces premières années d’existence, ce mode d’action du Comité renvoie également à une conception dominante chez les membres de la première génération, voulant que le travail de délimitation s’effectue rapidement après la parution des décrets de contrôle et soit achevé au plus tard en quelques années77. La période de l’entre-deux-guerres n’est pas, ainsi, une phase d’officialisation majeure de délimitations d’appellations d’origine contrôlées78.

Le contexte de la Deuxième Guerre mondiale modifie considérablement cet équilibre. En effet, cette nouvelle période est marquée par une accélération de l’officialisation des expertises de délimitations. Le Comité National approuve ainsi le 30 novembre 1940, le 21 octobre 1943 et le 26 avril 1944 de nouvelles séries de travaux dans ce domaine. Comme nous avons pu le dire précédemment, la procédure d’officialisation de la délimitation de l’AOC Bourgogne dans l’arrondissement de Villefranche-sur-Saône en 1942 s’écarte de la voie classique suivie pour les autres appellations. Toutefois, l’adoption par le Comité d’un nouveau décret pour l’AOC Bourgogne, tout comme les approbations répétées de travaux de délimitations, répondent au même phénomène d’accélération des mesures liées à la définition stricte des aires de production d’AOC. La compréhension des décisions de 1942 relatives à l’affaire que nous traitons passe donc par cette prise en compte du contexte spécifique de guerre. Deux traits complémentaires caractérisent le mieux cette période et permettent de saisir les raisons de l’empressement nouveau du Comité dans ses travaux : la recrudescence des fraudes sur les appellations d’origine et le statut privilégié accordé aux AOC au fur et à mesure de l’avancement du conflit. Concernant les fraudes, un extrait du procès-verbal de la séance du Comité National du 7 novembre 1941 évoque ainsi sans détour le problème : « Jamais la fraude n’a sévi avec plus d’intensité que sur les appellations contrôlées. »79. À l’origine des nouvelles contraintes qui pèsent sur la temporalité de l’action du Comité, les fraudes sur les appellations d’origine sont liées à la réglementation du marché des vins qui, en présence d’un circuit du ravitaillement et en l’absence de liberté économique, accorde aux AOC une place préférentielle. Sans entrer dans le détail de cette complexe question de l’économie de guerre, plusieurs lois successives vont dans ce sens : les arrêtés des 17 octobre et 27 novembre 1941 fixant les prix des vins à appellations contrôlées80, du 6 janvier 1943 réglementant l'intégration dans le rationnement de certaines appellations contrôlées81, des 25 juin, 31 août 1943 et 4 mars 1944 relatifs au régime des vins à appellation d'origine contrôlée non intégrés82.

La troisième période qui nous intéresse, celle de l’affaire à proprement dite de l’AOC Bourgogne dans le Beaujolais, c’est-à-dire l’après-guerre, est de nouveau une phase d’allongement de la temporalité relative aux expertises du CNAO puis de l’INAO. Or, dans notre cas, ce phénomène est en premier lieu lié à la complexité des débats que nous avons déjà présentée, mais également au retour d’un contexte favorable à la mise en place d’investigations plus approfondies sur le problème des délimitations. Cette problématique des temporalités de l’expertise pèse donc, de manière diffuse mais certaine, tout au long du processus de fixation des frontières de l’AOC Bourgogne dans le Beaujolais.

La seconde grande problématique observable dans cette affaire tient au mode de fonctionnement et à l’expertise de l’INAO en matière de délimitation. Question terriblement complexe, il est nécessaire de l’envisager selon différents angles.

Une rapide prise de recul face aux enjeux spécifiques du dossier, la délimitation de l'appellation Bourgogne dans l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône, conduit au constat suivant : l'essence du problème en présence pour l'INAO dépasse de loin le seul arbitrage de conflits territoriaux locaux mais touche en réalité le fondement même de sa légitimité et de son jugement. Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, les incidences de la Deuxième Guerre Mondiale sur le fonctionnement et l'action du Comité sont certaines. Par le biais de cette controverse, il est également possible de mesurer les répercussions du conflit sur l'organisme au-delà de son seul déroulement. La période d'après-guerre pose de manière frontale la question fondamentale de la relation usages-qualités83. Or, le coeur de l'affaire est bien là, à savoir la définition du registre d'expertise de l'INAO en matière de délimitation. Pour aborder ce sujet essentiel, la réflexion de Claude Armand Roy nous semble tout à fait pertinente84.

Ce dernier met en avant l'idée selon laquelle les différentes expertises effectuées par l'INAO dans le dossier portent moins sur la recherche d'usages ou d'une aire de production, que sur un jugement de valeur des vins du Beaujolais et de leur qualité. Ainsi, si le texte du décret de 1937 renvoie uniquement à la notion d'usages locaux, loyaux et constants, c'est bien par une dégustation comparative que l'INAO entend le 9 novembre 1949 apporter des éléments de résolution. La place des usages dans cette délimitation est problématique dès la première commission puisque, nous l'avons vu, cette dernière n'effectua jamais réellement ce travail. La réouverture du dossier en 1947 est elle aussi révélatrice d'un manque de poids accordé aux usages, en particulier économiques, dans le jugement des experts. De l'autre côté, les tentatives d'assise du jugement sur le plan des qualités substantielles, principe alors légalement irrecevable, témoignent elles aussi d'un manque de force de ce registre d'expertise, notamment en raison de la non représentativité établie des échantillons dégustés en 1949. Toute cette situation est manifestement l'illustration d'une certaine confusion de la part de l'INAO dans le règlement de cette affaire, et plus généralement dans son positionnement face à la démonstration de la preuve. Tout aussi symptomatique est l'acceptation de l'institution d'une nouvelle étude de la question de la délimitation de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais en 1947. Pour comprendre ce phénomène, le recours à l'approche juridique est nécessaire. Grâce à cet angle, nous pouvons également mettre en évidence que, dans cette période de trouble quant à son positionnement philosophique, l'INAO trouve son salut et parvient à réaffirmer la légitimité de son expertise sur ce plan de la légalité juridique. Les expertises et le jugement de l'Institut sont légitimes car ils respectent la légalité du point de vue de la procédure, et non car ils sont justes pour les producteurs et les négociants, ou bien encore scientifiques.

Afin de bien saisir ce phénomène, revenons quelque peu dans le détail de l'affaire. Tout d'abord la demande des Beaujolais-Villages aurait pu se voir opposer, dès la réouverture du dossier, une fin de non recevoir. En effet, n'ayant fait l'objet d'aucun recours de la part des intéressés, les décrets du 24 février 1942 et du 6 mai 1946 auraient pu être présentés par l'INAO comme ayant un caractère définitif. L'INAO accepte cependant de reconsidérer la question et désigne une commission d'experts le 6 avril 1949. Toutefois, et l'analyse de Claude Armand Roy le démontre clairement, la mission confiée à cette commission est sur le plan juridique très confuse et ne conduit qu'à un transfert de responsabilité85. Pour donner une suite favorable à la demande des Beaujolais-Villages, la commission devait ainsi non seulement déjuger la commission de 1937 mais également prendre la responsabilité de revenir sur les décrets de 1942 et 1946 pris sur proposition du CNAO. Il n'est donc pas étonnant que les conclusions des experts, malgré des éléments intéressants en matière d'usages, pencha continuellement vers la position du maintien du statut quo. L'élément le plus important dans la prise de décision de l'Institut et dans l'assise de son expertise est de ce fait très certainement la consultation de Maître Coulet. En réaffirmant le caractère inattaquable en droit de la position de l'INAO dans cette affaire, le juriste permet à l'institution de mettre un terme convaincant aux prétentions des Villages, tout du moins beaucoup plus que les conclusions de la commission d'expertise. Le refus de la demande est officiellement motivé par quatre raisons en janvier 1950. Or, une seule possède une réelle valeur juridique, à savoir l'absence d'usages permettant directement aux vins bénéficiant de l'AOC Beaujolais-Villages de prétendre à l'AOC Bourgogne. Sur le fond, cette raison est conforme aux principes du texte de 1937. Toutefois, lorsque l'on connaît le déroulement effectif de l'expertise, l'on s'aperçoit qu'il s'agit plus d'un refus lié à la formulation de la demande, imposant comme critère de base à l'extension de la délimitation l'aire des Villages, qu'un constat d'absence avérée d'usages dans ces différentes communes. Le second argument renvoie plus à une raison de non-recevabilité de la demande qu'à un refus de cette dernière puisqu'il insiste sur l'absence de protestation et d'engagement de procédure devant le Conseil d'État de la part des intéressés lors de la parution du décret de 1942. L'INAO motive ensuite son refus sur le registre des qualités substantielles des vins concernés par la demande, registre qui comme nous l'avons déjà dit n'est alors évoqué dans aucun des textes relatifs aux principes du jugement de l'Institut et des Tribunaux. Enfin, la quatrième raison est quant à elle totalement contestable, puisqu'il s'agit en la matière plus d'un procès d'intention, voulant que la demande d'AOC Bourgogne par les Villages est au départ motivée par la crainte d'intégration des vins. Les textes officiels tendent d'ailleurs à remettre en cause cette affirmation puisque, à partir du 9 mars, ces vins n'étaient plus soumis au blocage dans le contingent national.

Toute cette affaire montre donc à la fois le caractère problématique du registre de la preuve à retenir dans l'expertise de l'INAO, au sortir de la guerre, et la place dominante dans ce cadre que prend la dimension juridique dans la résolution du dossier. Il est à noter par ailleurs que, sans doute dans un souci d'apaisement, l'Institut tente malgré tout de trouver des arguments plus techniques que le seul juridisme formaliste à la légitimation de son expertise. De même, l'Institut ne mentionne pas dans son refus l'opposition des syndicats bourguignons et plus précisément ceux de la Côte-d'Or, argument pourtant juridiquement recevable d'après le décret-loi du 30 juillet 1935, prévoyant l'avis préalable des syndicats intéressés. Cette absence est là aussi à comprendre par la volonté d'apaisement dans une affaire aussi sensible que celle-ci. Toutefois, et c'est pour nous le moyen de remettre en avant la réalité des multiples niveaux de compréhension de la structuration des espaces viti-vinicoles, cette fois-ci en insistant sur l'échelle micro, il ne faut pas perdre de vue la personnification première de l'appellation Bourgogne par ses syndicats de producteurs. Aussi, un élément essentiel du dénouement de l'affaire est le désaccord des syndicats les plus représentatifs de l'appellation quant à la délimitation de la Bourgogne en Beaujolais. En tant que représentant hypothétique et au mieux secondaire de cette AOC, l'Amicale des Beaujolais-Villages est donc par définition en situation de faiblesse dans l'arbitrage de la controverse par l'INAO. Cette réalité de la structuration syndicale de l'espace concerné est donc, même si elle reste sous-jacente et rarement mise directement en avant dans les débats tout au long de l'affaire, un élément décisif dans le positionnement de l'INAO.

La troisième et dernière grande problématique qui selon nous s'affirme au sein de ce dossier est elle aussi de l'ordre des réalités locales. Elle renvoie cette fois-ci à l'idée des représentations collectives et de leur importance dans la compréhension de la structuration des espaces viti-vinicoles contemporains.

L'affaire de la délimitation de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais révèle l'affirmation d'une certaine représentation de la valorisation de la qualité et de l'identité beaujolaise au profit d'une autre, peut-être plus ancienne. Schématiquement, le contexte de la controverse et la tournure qu'elle prend à partir de 1949, à savoir le refus par l'INAO de la demande des Villages, semble correspondre temporellement et peut-être favoriser l'émergence d'un courant de défense de la qualité viti-vinicole du Beaujolais par la dénomination et les AOC propres de cette région et non plus par l'association à l'image de la Bourgogne et de son appellation régionale. La présence probable d'un tel processus durant la période qui nous intéresse nous est indiquée par deux prises de position singulières préalablement citées, celles de M. Laneyrie le 10 novembre 194986 et de M. Guicherd le 3 janvier 195087. En mettant au coeur de leurs propos la promotion d'une identité propre de la région viti-vinicole beaujolaise et en rompant avec le discours du Beaujolais comme sous-région de la Bourgogne viticole, ce dernier étant par ailleurs porté tout au long de l'affaire par d'autres personnes, notamment M. Laborde, tous deux révèlent la complexité des représentations en présence au sujet de cette région. Notons que cette stratégie de défense de la qualité ne vient pas directement des représentants du Beaujolais mais de deux acteurs quelque peu extérieurs puisque l'un est issu du Macônnais et l'autre est inspecteur général de l'agriculture. Quoi qu’il en soit, nous sommes en présence, dans cette période d'après-guerre et sans pouvoir juger de l'ancienneté ou de la nouveauté de ce phénomène, d'une activation d'un registre de défense spécifique au profit du Beaujolais. De même, s'il nous est impossible de mesurer l'origine profonde de cette représentation (est-elle une stratégie d'apaisement des Villages dans le cadre d'un refus probable de leur demande ou réellement la manifestation d'une nouvelle dynamique autour de la valorisation de l'identité de ce territoire ?), elle se manifeste lors du processus d'établissement des frontières entre Bourgogne et Beaujolais, quelques années après la Deuxième Guerre Mondiale88.

À travers ces différentes questions transversales inscrites dans le dossier, nous mesurons donc la complexité des phénomènes en présence, conditionnés par des temporalités et des inscriptions spatiales multiples et évolutives. Dès lors, les registres de compréhension des processus en présence doivent faire appel au croisement des approches sociales, économiques, politiques, techniques, voire culturelles, et prendre en compte en permanence la notion d'interaction des jeux d'échelles et de contextualisation des événements.

Conclusion

Nous proposions, au début de notre propos, d'apporter des éléments de compréhension quant à la définition des frontières contemporaines entre la Bourgogne viticole et le Beaujolais. En prenant l'angle précis de la définition des limites de l'AOC Bourgogne dans l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône dans le département du Rhône, nous établissions dès le départ la nature éminemment sociale de ce processus et non naturaliste. Par la mesure du poids des contextes successifs, de la faiblesse manifeste des éléments techniques de l'expertise proposée dans ce dossier, ou encore de la complexité de la géométrie des acteurs et des intérêts en présence, nous pensons avoir établi la preuve de ce postulat premier. De même, l'objectif de ce texte était également la mise en évidence de l'imbrication des différents niveaux agissant dans ce dossier – local, régional, national – ainsi que l'importance du jeux des temporalités quant au déroulement et au dénouement de l'affaire. Sur ce point, l'intérêt de la réflexion a non seulement été d'éclairer ces aspects dans le cadre précis de la première délimitation de l'AOC Bourgogne dans le Beaujolais mais également et surtout de rappeler leur action sur l'ensemble de la normalisation française des vins d'appellation d'origine depuis la mise en place en 1935 du Comité National des Appellations d'Origine. À ce sujet, d'autres exemples marquants peuvent être cités pour relater notamment l'importance de l'épisode de la Deuxième Guerre Mondiale dans la structuration générale du système : reconnaissance de classements en Côte d'Or et dans le Bordelais à partir de 1943, mise en place des Vins Délimités de Qualité Supérieure et des Appellations d'Origine Réglementée pour les eaux-de-vie, etc. Enfin, la réflexion proposée aspirait à mettre en avant la question de l'expertise. Dans cette perspective, il a donc été possible d'évaluer les différentes composantes du discours des experts ainsi que le centre de gravité retenu par l'institution dans la démonstration de la preuve et dans la justification de sa légitimité. Ce point est essentiel car il permet de s'éloigner de l'abstraction souvent associée à la notion d'expertise, fantasmée comme un acte indépendant de tout contexte, affranchie de toute pesanteur humaine et sociale, intégralement technique et scientifique, pour restituer l'épaisseur et les logiques propres d'un processus au combien complexe.

Le droit à l'AOC Bourgogne dans le département du Rhône est aujourd'hui accordé à 85 communes89. À première vue, la situation a donc bien évolué depuis le début des années 50 du point de vue des frontières de la Bourgogne viticole, tout particulièrement dans le département du Rhône. Cependant, les principales modifications du texte original de 1937 portent en fait sur l'article 1 du décret. Or, l'article relatif aux cépages autorisés et aux mesures d'exception pour les départements de l'Yonne, de la Saône-et-Loire et du Rhône est l'article 2. Ce dernier n'a quant à lui jamais été modifié depuis le 6 mai 1946. La situation analysée dans l'article concernant les privilèges accordés aux crus du Beaujolais face aux communes comprises sur le territoire des Beaujolais-Villages quant à la revendication de l'AOC Bourgogne sans adjonction pour les vins issus de gamay noir à jus blanc reste donc, à l'heure actuelle, identique à celle établie en 1946. Ce statu-quo de plus de 60 ans montre bien une fois encore l'importance des paramètres humains et sociaux dans la constitution des normes de qualité, notamment en matière de délimitation des vins fins, et le poids tout à fait relatif des évolutions scientifiques et techniques dans la connaissance des productions et des territoires viti-vinicoles. La demande de modification du cahier des charges de l'AOC Bourgogne déposée par le Syndicat des Bourgognes – Organisme de Défense et de Gestion reconnu pour l'AOC Bourgogne – en application de l'article L. 641-6 du code rural auprès de l'Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO) tend par ailleurs à revenir globalement aux principes reconnus en 1946 et confirmés en 1950. Ainsi, cette demande de modification concerne en réalité l'aire de production de l'AOC et conduit à réduire considérablement le territoire inclus dans le département du Rhône puisque seules conserveraient le droit à l'AOC les communes de Cercié, Charentay, Chénas, Chiroubles, Emeringes, Fleurie, Juliénas, Jullié, Odenas, Quincié-en-Beaujolais, Saint-Etienne-la-Varenne, Saint-Lager et Villié-Morgon, uniquement pour les productions obtenues grâce au gamay noir à jus blanc. Les communes de Saône-et-Loire de La Chapelle-de-Guinchay, Pruzilly, Romanèche-Thorins et Saint-Amour-Bellevue garderaient également ce droit dans les mêmes conditions90.

Notes

1 Voir à ce sujet, ROUDIE Philippe, « Le rôle de l'histoire dans l'élaboration de l'appellation viticole en France », in GARRIER Gilbert, PECH Rémy (Dir.), Genèse de la qualité des vins. L'évolution en France et en Italie depuis deux siècles, Actes du Colloque franco-italien tenu à l'Institut universitaire de Fiesole, 31 mai 1991, Bourgogne publications, La Chapelle de Gainché, 1994, 142 p. Retour au texte

2 Les chiffres avancés pour la Champagne sont tirés de la ronéo R. 4048, Statut de l'appellation contrôlée « Champagne ». Bases de la délimitation de l'aire de production, Session de l'INAO du 9 mai 1968, 7 pages. Archives de l'INAO. Retour au texte

3 JO du 7 mai 1946, Décret du 6 mai 1946, p. 3858. Retour au texte

4 ROY Claude Armand, L'appellation contrôlée Beaujolais, Institut des Hautes Etudes de Droit Rural, Mémoire présenté pour l'obtention du diplôme de fin d'année, soutenu le 8 février 1958, 88 pages. En particulier le paragraphe intitulé « L'appellation Bourgogne en Beaujolais », p. 52-67. Retour au texte

5 Nous pensons ici notamment aux ouvrages de Gilbert GARRIER et aux différents travaux accomplis sous sa direction. Retour au texte

6 Sur le jugement du 29 avril 1930, voir JACQUET Olivier, Les Syndicats viti-vinicoles en Bourgogne de 1884 à la mise en place des AOC, Thèse pour le doctorat d'histoire contemporaine, sous la direction de Serge Wolikow, Université de Bourgogne, 2005, « III – 4) Le jugement de délimitation de la Bourgogne du 29 avril 1930 », p. 479-494. Retour au texte

7 Jugement du 29 avril 1930 relatif à la délimitation de l'appellation Bourgogne, p. 21. Retour au texte

8 JO du 11 août 1937, Décret du 31 juillet 1937, p. 9072-9073. Retour au texte

9 Registre n° 1 des délibérations du Comité Directeur du CNAO, p. 119. Archives de l'INAO. Retour au texte

10 Cette erreur manifeste de limitation des principes édictés depuis 1930 aux seuls vins blancs, pour un cépage vinifié en rouge, reste difficilement explicable. Une confusion du législateur au moment de la rédaction du décret entre les termes utilisés pour désigner le cépage, « gamay noir à jus blanc », et la couleur des productions concernées est peut être à l'origine de cette décision pour le moins surprenante. Retour au texte

11 Registre n° 1 des délibérations du Comité National du CNAO, p. 127. Archives de l'INAO. Retour au texte

12 « Réunion des commissions d'experts du Rhône, de la Saône et Loire et de la Côte d'Or », Mâcon, 21 janvier 1938, 3 pages. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

13 Ibidem, p. 2. Retour au texte

14 JO du 27 septembre 1936, Décrets du 11 septembre 1936, p. 10230-10239. Retour au texte

15 JO du 4 octobre 1936, Décrets du 11 septembre 1936, p. 10513-10518. Retour au texte

16 JO du 11 décembre 1936, Décrets du 8 décembre 1936, p. 12734-12738. Retour au texte

17 JO du 11 août 1937, Décrets du 31 juillet 1937, p. 9075-9080 et JO du 11 août 1937, Décret du 4 mars 1937, p. 9082-9084. Retour au texte

18 JO du 11 août 1937, Décrets du 31 juillet 1937, p. 9080-9082. Retour au texte

19 « Etude sur les appellations d'origine de Bourgogne », non signé, 1939, 2 pages. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Si le document est anonyme, le contenu de la note laisse penser que l'auteur est un agent du CNAO en poste dans la région, donc selon toute vraisemblance M. Orizet, et qu'il est destiné au Secrétaire général adjoint de l'époque, M. Pestel. Retour au texte

20 Sur la composition de la commission, M. Protin la rappelle notamment lors de la séance du Comité Directeur du 30 janvier 1950, Registre n° 2 des délibérations du Comité Directeur de l'INAO, p. 70. Archives de l'INAO. Retour au texte

21 Lettre de Jean Laborde, Président de l'Union Viticole du Beaujolais à Joseph Capus, Président du Comité National des Appellations d'Origine, Pommiers (Rhône), 11 février 1947, 1 page. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

22 Lettre d'Henri Pestel, Directeur de l'INAO, à M. Guicherd, Inspecteur Général de l'Agriculture, 14 décembre 1949, 1 page. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

23 R. 904, « Appellation Bourgogne sans adjonction pour les vins provenant du gamay noir à jus blanc », séance d'avril 1949, p. 15, « E – Compte-rendu de la réunion de la commission d'expertise du 21 janvier 1938 ». Archives de l'INAO. Retour au texte

24 Lettre de M. Guicherd au Directeur de l'INAO, 29 décembre 1949, 1 page. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

25 En effet, comme nous le préciserons un peu plus tard, les AOC bénéficient tout au long de la guerre d'un statut privilégié en matière de taxation et d'intégration au ravitaillement. Si ce statut n'est pas équivalent pour l'ensemble des AOC et qu'il évolue au fur et à mesure du déroulement du conflit, il reste toutefois un facteur favorisant la recrudescence des fraudes sur les appellations d'origine. Retour au texte

26 Pour le relevé exact des décisions de cette séance, voir le Registre n° 1 des délibérations du Comité National du CNAO, p. 340, « Délimitation de la Bourgogne » et le document R. 904 de l'INAO, op. cit., p. 16-17, « F – Comptes-rendus des réunions de l'Institut National des appellations d'origine des 18/12/41 et 19/3/47 ». Dans ce dernier document, il est notamment observable l'importance de la prise de position de M. Chappaz dans le choix de la solution des territoires ayant déjà fait l'objet d'un décret d'appellation communale : « Le fait d'avoir une appellation locale en Saône-et-Loire et dans le Rhône prouve que le Gamay est d'une essence un peu supérieure. ». Retour au texte

27 JO du 28 février 1942, Décret n° 593 du 24 février 1942, p. 858. Retour au texte

28 Comme nous le disions précédemment, depuis le décret du 31 juillet 1937 et son article 2, l'AOC Bourgogne pour les vins rouges était réservée officiellement aux vins issus de pinot noirien, pinot liebault, pinot beurot, et dans le département de l'Yonne à ceux de César et de Tressot, à l'exclusion de tous autres. Seuls étaient tolérés d'après l'alinéa 3 du même article pendant une durée de quinze ans, les vins provenant des plants dits de Renevey, étant spécifié qu'à partir de 1938 ce cépage serait interdit dans toutes les plantations nouvelles et dans tous les remplacements. Retour au texte

29 Voir la lettre d'Henri Pestel, Directeur de l'INAO, à M. Guicherd, Inspecteur Général de l'Agriculture, 14 décembre 1949 et celle de M. Guicherd au Directeur de l'INAO, 29 décembre 1949. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

30 Registre n° 2 des délibérations du Comité National du CNAO, p. 49. Archives de l'INAO. Retour au texte

31 JO du 7 mai 1946, Décret du 6 mai 1946, p. 3858. Retour au texte

32 ROY Claude Armand, op. cit., p. 56. Retour au texte

33 Ibidem, p. 52. Retour au texte

34 Lettre de Louis Orizet, Inspecteur du CNAO à Mâcon, à Henri Pestel, Secrétaire général adjoint du CNAO, 29 janvier 1947, Mâcon, 3 pages, p. 2-3. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

35 Lettre d'Henri Pestel, Directeur de l'INAO, au Baron Le Roy, Président de l'INAO, 24 mars 1949. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

36 Par commodité, nous désignerons les représentants de la région des Beaujolais-Villages par le terme unique de représentants des « Villages », dénomination communément employée lors du déroulement de l'affaire. Retour au texte

37 Ce vœu est notamment reproduit dans une lettre de M. Toubeau, Directeur du service de la Répression des Fraudes au Ministère de l'Agriculture, adressée au Président du CNAO, le 4 mars 1947. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

38 Lettre de Jean Vermorel au Président du CNAO,Vaux-en-Beaujolais, 16 décembre 1946, 2 pages. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

39 Lettre de Jean Vermorel au Secrétaire général du CNAO, 17 février 1947. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

40 Lettre de Jean Vermorel au Secrétaire général du CNAO, 28 février 1947. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

41 Ceci est notamment évoqué dans une lettre du Président de l'Union Viticole du Beaujolais à Joseph Capus, Président du CNAO, du 11 février 1947. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

42 « I – Modifications aux décrets de contrôle – Aire de Production de l'appellation Bourgogne », Registre n° 2 des délibérations du Comité National du CNAO, p. 111-116. Archives de l'INAO. Retour au texte

43 Lettre de Louis Orizet, Inspecteur du CNAO à Mâcon, à Henri Pestel, 29 janvier 1947, op. cit. Retour au texte

44 Pour le détail de la demande du négoce mâconnais, voir notamment la lettre de E. Loron, Président de la Chambre syndicale des Négociants en Vins, Spiritueux et liqueurs de Charolles, Mâcon et Louhans à M. Orizet, 24 septembre 1948. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

45 Lettre de Gaston Charles au Directeur de l'INAO, 29 janvier 1949. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

46 Lettre de Pierre Decolle, Président de l'Amicale des Beaujolais-Village, au Président de l'INAO, Villefranche-sur-Saône, 27 janvier 1949. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

47 Lettre de l'Union Viticole du Beaujolais au Président de l'INAO, 31 janvier 1949. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

48 Lettre du Directeur de l'INAO à M. Laborde, 31 janvier 1949. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

49 Lettre de Jean Laborde au Directeur de l'INAO, 28 janvier 1949. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

50 JO du 19 juillet 1947, Décret n° 47-1331 du 16 juillet 1947 fixant la composition du comité national des appellations d'origine, Article 3, Composition du Comité Directeur, p. 6948-6949. Retour au texte

51 Ce dernier entre officiellement au Comité Directeur le 19 juillet 1957. Retour au texte

52 Lettre d'Henri Pestel au Président Le Roy, 24 mars 1949. Dossier « Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

53 Registre n° 2 des délibérations du Comité Directeur de l'INAO, p. 21-23. Archives de l'INAO. Retour au texte

54 R. 904, « Appellation Bourgogne sans adjonction pour les vins provenant du gamay noir à jus blanc », séance d'avril 1949, 23 pages. Archives de l'INAO. Retour au texte

55 Dans le détail, M.Gambert est un représentant des Côtes-du-Rhône, et plus précisément du syndicat de Tain-l'Hermitage ; M. Rosin vient lui de la région Centre et est Président de la Fédération des Syndicats Viticoles de l'Anjou ; M. Delon représente le Médoc ; M. Barillot est l'administrateur des Contributions Indirectes au Ministère des Finances ; M. Verdier enfin est le Président du Syndicat National du Commerce en Gros des vins, liqueurs et spiritueux de France. Retour au texte

56 M. Delon intègre officiellement le Comité National le 27 novembre 1935, JO du 28 novembre 1935, p. 12493. MM. Gambert et Rosin rejoigne quant à eux l'organisme le 20 décembre de la même année, JO du 21 décembre 1935, p. 13372. Retour au texte

57 Les 5 lettres sont conservées toujours dans le dossier« Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

58 Lettre du Directeur de l'INAO à Gaston Charles, 22 avril 1949. Retour au texte

59 En témoignent notamment l'article paru dans l'édition régionale de l'hebdomadaire La Terre, n° 236, semaine du 21 au 27 avril 1949, affirmant le droit effectif des « Beaujolais-Villages » à l'AOC « Bourgogne », ou bien encore la lettre de l'Association des Viticulteurs de la Côte-d'Or, signée par 14 vignerons, adressée au Président de l'INAO le 10 mai 1949, et s'opposant à toute extension du droit à l'AOC Bourgogne. Dossier« Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

60 Concernant les raisons de l'absence de MM. Laneyrie et Gouges, un doute subsiste. En effet, les documents conservés attestent à la fois d'un oubli de convocation de la part de l'INAO, mais également de l'impossibilité du premier et de l'idée selon laquelle le second n'aurait pas jugé utile d'être entendu par la commission. Retour au texte

61 R. 1021, « Demande d'extension de l'appellation Bourgogne à la région des Beaujolais-Village », séance de janvier 1950, 22 pages, p. 9-14, « IV – Réunion de la commission d'enquête le 19 juillet 1949 ». Dossier« Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

62 Ibidem, p. 13. Retour au texte

63 Ibidem, « V – Conclusions adoptées le 9 novembre 1949 par MM. Barillot, Cormont, Gambert et Verdier après dégustation comparative », p. 15. Retour au texte

64 Registre n° 2 des délibérations du Comité National du CNAO, « 7°) Délimitation de l'appellation d'origine « Bourgogne » », p. 435-441. Retour au texte

65 À propos de cette consultation, voir la lettre de Gaston Charles au Directeur de l'INAO, 23 août 1949, et celle de J. Verquay, secrétaire de l'Union Viticole du Beaujolais, 25 octobre 1949. Dossier« Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Il est à noter sur ce point que l'argumentation proposée par le juriste lors de sa consultation du 1er avril n'a, semble-t-il, eu aucun écho par la suite dans les délibérations de l'Institut. Retour au texte

66 Lettre du Directeur de l'INAO à Maître Coulet, avocat de l'INAO au Conseil d'Etat, 23 septembre 1949. Dossier« Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

67 Lettre de Maître Coulet au Directeur de l'INAO, 7 novembre 1949. Dossier« Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

68 Registre n° 2 des délibérations du Comité Directeur du CNAO, « III – Demande d'extension de l'appellation « Bourgogne » », p. 67-70 et Registre n° 2 des délibérations du Comité National du CNAO, « 2°) Demande d'extension de l'appellation « Bourgogne » à la région des Beaujolais-Villages », p. 480-489. Archives de l'INAO. Retour au texte

69 Il nous a semblé utile, pour la qualité de l'exposé, de reproduire quelques passages de cette lettre lue en séance : « Vous avez, mon cher Chappaz, une grande autorité à l'Institut National des Appellations d'Origine, tenez bon, refusez toutes nouvelles extensions de l'appellation Bourgogne aux vins du Beaujolais, même aux Beaujolais-Villages situés en sol granitique. Les vins du Beaujolais-Village sont assez bons pour porter haut le drapeau du Beaujolais et l'adjonction du nom de Bourgogne n'ajouterait rien à leur valeur. [...] C'est au moment des délimitations administratives après 1908 qu'on a commencé à parler de mettre le Beaujolais avec la Bourgogne, mais le Beaujolais a toujours été considérée comme une région à part, qui a ses caractères et ses qualités, que les producteurs de la région ont intérêt à maintenir dans toute leur intégralité. », Registre n° 2 des délibérations du Comité National du CNAO, op. cit., p. 486-487. Retour au texte

70 R. 1058, « Demande d'appellation contrôlée « Bourgogne-Beaujolais » », session de juin 1950, 8 pages. Dossier« Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

71 Cette requête provoqua alors une vive réaction de M. Laborde : « M. Laborde déclare que cette attitude de l'Institut National sera considérée par les viticulteurs de sa région comme une manoeuvre tendant à repousser de 6 mois la discussion d'un problème vital pour eux, d'autant plus que la question discutée est connue de tout le monde dans toute la Bourgogne. », Registre n° 2 des délibérations du Comité National de l'INAO, p. 540. Archives de l'INAO. Retour au texte

72 Voir notamment la lettre de M. Gouges au Directeur de l'INAO, 3 novembre 1950, présentant une copie du procès-verbal de l'Assemblée Générale de l'Union Générale des Syndicats pour la Défense des Producteurs des Grands Vins de Bourgogne tenue à Beaune le 31 octobre 1950. Dossier« Bourgogne-Beaujolais », Archives de l'INAO. Retour au texte

73 Registre n° 3 des délibérations du Comité National, p. 20-22. Archives de l'INAO. Notons que cette demande, formulée vraisemblablement en désespoir de cause par l'Amicale des Beaujolais-Villages, est rejetée après une très courte discussion et par l'unanimité des membres moins 3 abstentions. Autre signe marquant, le négoce bourguignon, qui soutenait jusqu'ici les revendications des Beaujolais-Villages, se désolidarise de cette demande. Retour au texte

74 Décret-loi du 30 juillet 1935 « Défense du marché des vins et régime économique de l'alcool », Chapitre III, « Protection des appellations d'origine », Journal officiel du 31 juillet 1935, p. 8314-8319. Retour au texte

75 BOLTANSKI Luc [Dir.], Innovation et pratiques locales dans l'administration, Vol. 1, Des cas d'innovation dans l'administration, Rapport final de recherche, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Groupe de Sociologie politique et morale, Association pour le Développement des Recherches et Etudes Sociologiques Statistiques et Economiques (ADRESSE), février 1993, p. 3. Retour au texte

76 À titre d’exemple, 110 décrets de contrôle paraissent au Journal Officiel dans la seule période mai 1936-novembre 1937. Retour au texte

77 Sur cette question de la double dimension de la procédure de délimitation encadrée par l’INAO, voir VIALARD Antoine, « La délimitation des aires d’appellation d’origine », in HINNEWINKEL Jean-Claude et LE GRAS Claudine [dir.], Les territoires de la vigne et du vin, Bordeaux, Féret, 2002, p. 161-168. Retour au texte

78 La seule trace observable à cet égard, à l’exception des décrets comprenant dans leur texte une délimitation stricte de l’AOC, est la séance du Comité National du 16 novembre 1938, où sont adoptées les expertises de délimitations parcellaires des appellations Côtes de Beaune, Châteauneuf-du-Pape, Jurançon, Sancerre, Quincy, Barsac, Sauternes, Saint-Emilion, les Côtes du Rhône méridionales et les 21 communes du Médoc, Registre n° 1 des délibérations du Comité National du CNAO, p. 192. Retour au texte

79 Registre n° 1 des délibérations du Comité National du CNAO, p. 377. Retour au texte

80 JO du 23 octobre 1941, p. 4604 et JO du 29 novembre 1941, p. 5144-5145. Retour au texte

81 JO du 8 janvier 1943, p. 68-69. Retour au texte

82 JO du 1er juillet 1943, p. 1781-1782 ; JO du 1er septembre 1943, p. 2305 et JO du 10 mars 1944 p. 733. Retour au texte

83 Cette question mériterait à elle seule une étude spécifique. Toutefois, pour résumer, rappelons seulement que la nouvelle place accordée à la dégustation dans le travail de l'INAO renvoie à l'affirmation à cette date de ce paradigme. Aussi, les signes ne manquent pas, attestant d'une omniprésence de la question de la dégustation dans les débats : développement des VDQS (soumis à dégustation obligatoire), procédure de reconnaissance du Pineau des Charentes en 1946 incluant un examen analytique et organoleptique, demande du Comité de promulgation d'une loi sur la dégustation, etc. Retour au texte

84 ROY Claude Armand, op. cit. Retour au texte

85 Ibidem, p. 58-60. Retour au texte

86 Registre n° 2 des délibérations du Comité National du CNAO, « 7°) Délimitation de l'appellation d'origine « Bourgogne » », p. 435-441. Archives de l'INAO. Retour au texte

87 Ibidem, « 2°) Demande d'extension de l'appellation « Bourgogne » à la région des Beaujolais-Villages », p. 480-489. Archives de l'INAO. Retour au texte

88 Sur cette question de l'origine et de la nature des représentations viti-vinicoles beaujolaises et de leur rapport avec l'espace bourguignon, il n'existe à notre connaissance à ce jour pas encore d'études permettant de les comprendre en profondeur pour la période contemporaine. Retour au texte

89 Décret du 11 décembre 1989, JO du 13 décembre 1989, p. 15459, remplacé par le décret n° 93-499 du 26 mars 1993, JO n° 73 du 27 mars 1993, p. 4945, remplacé par le décret n° 96-570 du 25 juin 1996, JO n° 148 du 27 juin 1996, p. 9628, modifié par le décret du 12 janvier 2007, JO n° 12 du 14 janvier 2007, p. 956, texte n° 11. Retour au texte

90 Projet de modification du cahier des charges présenté au Comité national des vins, eaux-de-vie et autres boissons alcoolisées à la séance du 29 mai 2008, 2 pages. Texte consultable sur le site de l'INAO, http://www.inao.gouv.fr/ Retour au texte

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Référence électronique

Florian Humbert, « Contribution à la réflexion sur les processus contemporains de délimitation des vignobles français », Territoires du vin [En ligne], 2 | 2009, publié le 01 septembre 2009 et consulté le 24 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1433

Auteur

Florian Humbert

Doctorant, Centre Georges Chevrier - UMR CNRS 5605 - Université de Bourgogne

florian.humbert@u-bourgogne.fr

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