Introduction : la vigne, une culture de l’homme qui se déplace
La réflexion sur la viticulture, au-delà d’un regard de recherche, est une invitation à connaître, à comprendre et à commencer une relation avec de nouveaux territoires, réflexion qui peut conduire à des chemins inattendus. Le vin est un patrimoine, une démarche culturelle ; il fait partie de la société et, en même temps, fait que les hommes se déplacent. La viticulture peut être donc utilisée comme une clef pour analyser des processus territoriaux et les relations construites entre les hommes et le territoire.
Depuis les montagnes du Caucase, la diffusion du vin dans le monde a été motivée par des raisons économiques, commerciales, logistiques et culturelles. Ce sont en premier lieu les grecs et les roumains qui participent directement à la diffusion de la vitivniculture en Europe (Garrier, 1998). L’expansion de la viticulture en dehors de l’Europe est une conséquence imprévue du colonialisme. Ainsi la carte actuelle de la production viticole mondial peut être lue comme un aboutissement de plus de 500 ans de colonisation (Sommers, 2010). La colonisation espagnole, par exemple, reste définitive pour l’introduction du vin dans les Amériques, motivée surtout par des problèmes logistiques imposés par la longue route et par des conditions climatiques spéciales pour le transport jusqu’aux tropiques (Johnson, 2009). En outre, les demandes du marché britannique diffusent la culture de la vigne à des pays comme l’Afrique du Sud et l’Australie ; une viticulture développée par des immigrants avec une importante participation des français.
Dans tous les cas, l’insertion de la viticulture apporte une sorte de dialogue entre la culture et le terrain au niveau de l’environnement, comme au niveau des représentations. Le vignoble établi une relation avec le territoire, dans un système ouvert qui reçoit et apporte son influence. Il s’adapte à des conditions locales, mais il laisse également ses marques dans les paysages, dans les habitudes et dans les rites du territoire, en créant de nouvelles territorialités. Cette construction fonde l’identité viticole de manière à ce que le vin devienne l’acteur principal de représentation de la culture locale. Dans ce contexte, réfléchir sur la viticulture en Italie peut facilement dépasser la frontière officielle du pays et suivre les immigrants sortis d’Europe à la fin du XIXème siècle pour construire leur vie sur un nouveau continent. Ces italiens ont « élargi » les frontières dans une démarche quotidienne d’adaptation à leur nouvelle maison en y conservant néanmoins des références culturelles.
Cet article invite le lecteur à voyager au Brésil, plus précisément au sud du pays, pour comprendre le parcours des italiens qui immigèrent dans ce lieu, pour y appréhender son vignoble ainsi que les implications actuelles de cet héritage. Dans cette optique, il sera expliqué comment ces paysans jouèrent un rôle définitif pour la consolidation de la viticulture brésilienne – même s’ils ne sont pas les pionniers, statut qui leur est souvent attribué – en faisant de la pratique vitivinicole un élément de stabilité et de renforcement de l’identité italienne dans le pays. Dans ce processus, des rapports avec des éléments de la culture italienne sont utilisés pour caractériser les vignobles du sud du Brésil et ses terroirs. Finalement, la réflexion porte sur les uestion suivantes : cette identité est encore présente et influe-t-elle de manière importante dans les nouvelles régions productrices brésiliennes ? Enfin, la proposition est de faire connaître un peu de l’Italie au dehors de l’Italie.
L'immigration italienne et le vin au Brésil
Le territoire peut être considéré comme le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs. Réfléchir sur le territoire signifie toucher à un système ouvert et dynamique qui reçoit des influences et peut être analysé à partir de plusieurs échelles, du micro au macro ; la définition et la caractérisation des territoires ne s’établissent pas forcement à partir de leurs facteurs, mais plutôt par la façon dont ils sont organisés. Penser le vin à partir du territoire permet une systématisation des processus liés à la filière car il est une unité d’analyse qui permet de réunir des aspects de l’histoire, de la géographie ainsi que de comprendre d’une façon contextualisée les rapports sociaux et économiques. Le territoire est, donc, une échelle d’analyse et de synthèse qui permet une vision d’ensemble. Ces remarques sont tout à fait adaptées au cas du vin, une culture qui possède une dimension territoriale forte et est directement affecté par tous ces enjeux. Dans la démarche de compréhension de ce territoire du vin, il faut d’abord observer quelques repères historiques de la colonisation italienne et de l’introduction du vin au Brésil.
Le flux migratoire de l’Italie en direction du Brésil a démarré au XIXème siècle et s’est poursuivit jusqu’à la deuxième moitié du XXème siècle, surtout pour les régions sud (États du Rio Grande do Sul, Santa Catarina et Paraná) et sud-est (principalement l’État de São Paulo). Ce processus a eu plusieurs phases et à touché différentes régions de l’Italie (peu après l’Unification Italienne), ce qui entraine de la complexité dans l’analyse de cette identité italienne au Brésil. Aujourd’hui, selon l’Ambassade d’Italie, la population des « oriundi italiani » (descendants d’italiens) au Brésil est d’environ 25 millions, considérée comme la plus importante en dehors de l’Italie. Ces immigrants ont ; soit été recrutés pour l’activité agricole, soit comme main d’œuvre destinée à des plantations de café (au sud-est), ou encore, pour occuper le territoire et y développer des cultures pérennes en tant que propriétaires ruraux (dans le sud). C’est dans ce dernier cas que la vigne a trouvé sa place, surtout au Rio Grande do Sul, dans la « Serra Gaúcha », la principale région viticole, responsable pour 85% de la production nationale de vin (Ibravin, 2013).
Le Rio Grande do Sul (RS) a connu plusieurs types d’immigrations à la fin du XIXème, notamment les allemands, à partir de 1824, et les italiens, les plus nombreux, à partir de 1875. La ville de Bento Gonçalves, le cœur de la production viticole, a été créée à partir de 1875 par des immigrants de Vénétie et du Tyrol/Autriche (Valduga, 2011). Dans le RS, environ 54% des italiens arrivés sont originaires de Vénétie et 33% de Lombardie. Il est intéressant d’observer que les conditions offertes par le gouvernement brésilien pour les immigrants étaient les mêmes pour toutes les régions du territoire national, mais le sud a attiré l’attention des italiens. Ceci est lié d’abord à la possibilité de posséder une ferme, et des surfaces d’exploitation plus importantes que dans leur pays d’origine. Aussi, les conditions du climat local sont suffisamment proches de celles de l’Italie pour permettre de cultiver des productions connues tels que la vigne, même si cette dernière s’implante dans un terrain nouveau et inconnu (Trento, 1989).
Les italiens sont donc allés sur le Plateau Méridional du Brésil, une région du biome de la Forêt Atlantique. Les pratiques à cette époque consistent en une agriculture de subsistance. Depuis les premières années d’occupation, plusieurs espèces sont cultivées pour l’approvisionnement local et des échanges commerciaux où le raisin est toujours présent. Quelques références montrent qu’il y a déjà des essais pour cultiver vitis viniferas, toutefois, prédomines les cépages américains qui résistent aux conditions environemmentales locales (Falcade, 2011).
En réalité, l’insertion du vin au Brésil commence avec les portugais vers 1532, qui importent des plants de l’île de Madère. La culture se développé particulièrement dans l’État de São Paulo, dans les zones urbaines entre 1830 et 1840, et s’intensifie comme activité aux côtés de la culture du café à partir de 1880, déjà en lien direct avec l’immigration italienne. Il est important de souligner que, entre 1500 et 1822, la création des industries et la fruticulture (dans les régions de climat tempéré) sont interdites par le gouvernement du Portugal – le décret de D. Maria interdit même la culture de la vigne en 1789 – pour empêcher la concurrence du Brésil avec les marchandises portugaises. Le vin est alors le principal produit d’importation du Brésil-colonie. Ce flux décline à partir de l’intensification de la production nationale qui prend forme avec les italiens, d’abord à São Paulo et, ensuite, dans le Rio Grande do Sul (Valduga, 2011).
Dans le RS, spécifiquement, il y a des divergences au point de vue des données historiques, mais les recherches indiquent que les premiers essais avec vitis viniferas sont liés aux Jésuites à partir de 1626, au nord-ouest de l’État dans les « Sete Povos das Missões ». Plus tard, les allemands, originaires de la région du Rhin possédant quelques traditions œnologiques, essaient de cultiver des variétés européennes de raisins ; mais eux aussi sont obligés de changer pour des hybrides afin de mieux s’adapter à l’environnement pour produire du vin. Néanmoins, la naissance de régions possédant une identité viticole est une réalisationItalienne initiée à partir de la moitié des années 1870.
Ces immigrants reçoivent alors des terres au milieu de la forêt et commencent à les cultiver avec une agriculture de subsistance, les principales cultures de l’époque étant le maïs, le blé, les haricots et la vigne. Petit à petit, l’effort productif commence à se concentrer sur le maïs et les vignes, base de l’alimentation des immigrants (la « polenta » et le vin). Dans le cas du vin, la production commence avec une consommation domestique mais, ensuite, la production d’excédants, alliée à l’amélioration du système de transport et à l’expansion commerciale de la colonie, positionnent le vin comme principal produit de commercialisation. Cela provoque une spécialisation croissante, entrainant des conversions à la monoculture, système concentrant tous les efforts et toutes les ressources autour de la vigne et du vin. Ce phénomène est lié à une logique de rationalisation économique des paysans, mais provient aussi des politiques de support et de promotion d’un gouvernement qui commence à reconnaitre l’importance de cette culture. Cette réalité crée un lien définitif entre la viticulture du Brésil et les italiens, surtout avec la figure du vigneron, dans un contexte où l’identité de l’immigrant italien et l’identité du vignoble sont étroitement liées.
La liaison pratique entre la colonisation et la production viticole actuelle dans le RS peut être examinée à partir la figure ci-dessus (Figure 1), qui montre le flux de la migration italienne dans l’État et les surfaces actuelles des vignobles. Il est possible d’observer que la région avec le plus de densité de vignes est le centre de la colonisation italienne, dans la Serra Gaúcha. Aussi, les flèches qui montrent les déplacements de ces immigrants vers d’autres régions indiquent la présence des vignobles dans l’État. Ce panorama est une illustration évidente du rôle central des immigrants italiens dans la consolidation et dans l’expansion de ce vignoble. L’autre région qui se distingue dans la carte est la « Campanha Gaúcha », zone frontière avec l’Uruguay, et dont on discutera ci-dessous, dans le cadre des nouvelles régions productrices.
D’une façon générale, ce processus a été décisif non seulement pour la mise en place de la production viticole au Brésil, mais aussi pour la création de l’identité du vignoble brésilien. Le vin est perçu comme un héritage de la colonisation italienne. Même si les preuves historiques ne montre pas exactement cette réalité, l’image de la colonisation italienne et le développement du vignoble, avec un peu de romantisme, sont retenus comme éléments à part entière de l’identité du vignoble brésilien. Dans une autre analyse, le vin prouve la réussite de ces immigrants et illustre la puissance économique de la région. Encore aujourd’hui, alors que la Serra Gaúcha est un important pôle de métal-mécanique et de mobilier, la région utilise le vignoble comme élément de promotion et de tourisme.
Il est alors possible de comprendre qu’il existe un héritage important de la vigne pour les immigrants, qui marque la vie, l’organisation de la famille et des communautés. Ainsi, dans le topique suivant, nous reviendrons sur ces repères et les images de la colonisation italienne et du vin dans le paysage, au quotidien et les expressions actuelles. Ensuite, dans une vision plus pragmatique, sera expliquée la trajectoire de ces acteurs dans la recherche de qualité et de positionnement de ces vins, processus qui aboutira à la mise en place d’appellations d’origine.
Repères d’une culture du quotidien
Les symboles, icônes et rituels qui touchent le quotidien des sujets humains construisent les significations et les valeurs de jugement connus sous le terme générique de « culture ». Le territoire est le produit d’un dialogue permanent entre des entités vivantes, l’homme et l’environnement dans le temps ; il est le fruit de la « fécondation de la nature par la culture » (Magnaghi, 2000).
Le territoire peut être compris comme le résultat d’un processus de territorialisation où les acteurs sont territorialisés à travers leurs activités quotidiennes, en construisant leur lieu de vie. Ce processus est conditionné et génère des territorialités, qui s’imposent comme toutes les relations quotidiennes établies. Les territorialités possèdent des continuités et des discontinuités dans le temps et dans l’espace, elles sont fortement attachées au lieu ; en même temps qu’elles lui donnent une identité, elles sont influencées par ces conditions historiques et géographiques. Les territorialités sont le résultat et la condition des processus sociaux et spatiaux, elles peuvent être détaillées par des différences, mais elles sont unitaires dans les identités (Saquet, 2006, 2007).
Dans ce cas, la construction du territoire de vie de ces oriundi italien au Brésil peut être conçue comme une fusion, qui amène des éléments de l’Italie, de la vie quotidienne de ces sujets, mais aussi de leurs imaginaires et de leurs envies. Une remarque intéressante est que les évidences historiques indiquent que la plupart de ces immigrants n’étaient pas de paysans (donc, ni de vignerons), mais qu’ils se sont identifiés de cette façon pour répondre aux attentes des autorités de l’immigration. Ainsi, la démarche de faire du vin dans le nouveau territoire a été plutôt un « rêve » qu’une reproduction d’expérience. Cet imaginaire collectif d’être italien au Brésil est souvent nommé « italianité ». L’italianité exprime une combinaison de souvenirs personnels ou de la famille avec un ensemble d’images qui, même si elles peuvent être perçues plusieurs fois comme déconnectées, indiquent le désir de perpétuer l’histoire et les relations entre l’Italie et le Brésil (Cappellin & Giuliani, 2011). Il faut toujours noter que cette identité est complexe et diverse et que la présente analyse porte surtout sur les italiens du sud et leurs relations avec le vin.
Les repères de cette culture peuvent être perçus aujourd’hui dans les discours des habitants, dans les pratiques quotidiennes ainsi que dans le paysage local de la Serra Gaúcha. Il est évident qu’existe une liaison entre le vin et les supports identitaires principaux, tels que la famille, l’église et, l’incontournable gastronomie.
D’abord, il est intéressant de jeter un regard sur le paysage des vignobles. Les photos ci-dessous (Figure 2) montrent des images de la « Vale dos Vinhedos ». Les travaux d’Ivanira Falcade indiquent que l’utilisation des plantains (Platanus acerifolia) comme support vivant pour les vignobles est un héritage de la tradition étrusque. Ce type de conduite est appelée « alberate » en Italie et « enforcado » ou « uveira » en Portugal. Des occurrences de cette méthode peuvent être trouvées dans les régions « Asprinio de Aversa » ou « Vinhos Verdes », toutes les deux possédant des origines étrusques, même si les façons culturales sont un peu différente dans les vignobles recherchés au Brésil (à savoir, Vale dos Vinhedos, Monte Belo do Sul et Pinto Bandeira). Ici, il y a un apport direct des immigrants dans le paysage et dans les pratiques agricoles locales, étant donné que la méthode de conduite n’est pas introduite au Brésil par les Étrusques, mais par les immigrants italiens arrivés au XIXème siècle (Falcade, 2011).
Une autre évidence de l’héritage italien dans le paysage est l’architecture. Les maisons traditionnelles nous permettent d’identifier plusieurs enjeux du lieu, tels que les ressources locales disponibles pour construire, les modes de vie et les besoins des personnes. La croissance de la production viticole a créé une demande d’augmentation ou d’adéquation de l’espace destiné à garder le vin. Ce besoin a abouti à une architecture résidentielle distincte pour les immigrants, avec un espace dédié au stockage du vin (qui a été utilisé aussi pour stocker de la nourriture, comme la charcuterie en général). Il s’agit de maisons avec une base en pierre (la cave), matériel qui permet le maintien des conditions de température et d’humidité durant l’année, avec des ouvertures pour la circulation et pour la ventilation. A partir de cette base, la maison est construite en bois, ressource abondante dans la forêt atlantique. Souvent, les bâtiments sont faits à partir de panneaux en bois assez longs pour couvrir les deux étages de la maison. Ci-dessous, les images montrent des occurrences de ce style, la première dans la localité d’Antônio Prado et la deuxième à Bento Gonçalves (ici, un exemple de panneaux en bois uniques pour les deux étages).
Passant à l’analyse des pratiques quotidiennes, il est important de mettre en évidence le processus de formation et d’organisation de ces villages d’immigrants. En considérant que les agglomérations étaient pratiquement isolées à cause de leur localisation et des soucis logistiques communs à l’époque, l’espace de vie de ces italiens était construit autour de la résidence. La géographie des communautés s’est développée de façon similaire, une conséquence des territorialités qui composent cette identité italienne. La disposition typique est d’avoir une salle communale (des fêtes) à côté de l’église, mettant en évidence le sens des rencontres et les festivités communales. La messe et ainsi suivi par un repas où le vin local, élaboré de façon artisanal, apparaît comme partie intégrante naturelle de ce scénario (Valduga, 2011).
L’église catholique a occupé un lieu central dans la construction du territoire de ces immigrants en tant que structure lié à la vie social. L’église a eu un rôle de cohésion sociale et a représenté une signification spéciale pour l’italien et sa relation avec le vin, et cela, à plusieurs titres. Un fait emblématique est la « Capela das Neves » dans la Vale dos Vinhedos. La chapelle (Figure 4) a été bâtie entre 1904 et 1907 et, lors de sa construction, du vin fut employé dans le mortier ( ! ). L’histoire raconte qu’il y a eu une grande sécheresse à l’époque et que les familles ont donné du vin pour compléter la construction de l’église (comme il est possible de voir dans la plaquette devant l’église, détail de la photo ci-dessous1). Une autre illustration de cette fusion entre ces deux éléments identitaires, l’église et le vin, est l’ « Igreja São Bento », construite en forme de cuve à vin. L’église a été créée en 1982 comme une forme d’hommage aux immigrants italiens et à leur principale activité, la vitiviniculture. Selon des informations fournies par la Préfecture, l’église fut la deuxième au monde à posséder cette architecture.
Tous ces exemples évoquent l’héritage italien dans la Serra Gaúcha. De surcroît, cet héritage vivant existe aussi dans l’analyse des discours des habitants, dans les pratiques quotidiennes ou encore dans l’imaginaire collectif. Il faut d’ailleurs noter que les discours qui se sont incorporés au quotidien ont entrâiné la dénomination des qualités, des évènements et des états de choses ; tout est représentation, c’est-à-dire, tout représente quelque chose à quelqu’un (Pierce, 1977).
Le travail de Vagner Machado étudie la culture et les territorialités des sujets dans la localité de Linha Leopoldina (qui fait partie du Vale dos Vinhedos et de la ville de Bento Gonçalves), en utilisant comme outil principal l’analyse des discours (Machado, 2013). Parmi les entretiens réalisés, il y a des exemples illustrant la persistance de cette organisation communale :
« Nous avons juste eu notre fête de la communauté, parce que les gens sont catholiques et je ne sais pourquoi, mais ils sont catholiques, ils ne sont pas très pratiquants, donc ces activités font partie de la vie de chacun et tout le monde se réunie. »2.
Ici, il est possible de voir aussi que l’église continue à jouer le rôle central, un héritage direct du processus de colonisation et de la culture de l’immigrant italien. Aussi, le vin et le vignoble sont des sujets réccurents dans le discours, comme en témoignent les exemples ci-dessous :
« Cette activité de travailler avec la vigne et le vin est une chose de famille, […] je ne travaillerais pas avec du vin, c’est compliqué de travailler avec ça, donc, il vient de l’héritage que nous avons de la famille […] »3
« […] le père senti que les affaires étaient difficiles, on senti qu’elles étaient difficiles, mais il nous a encouragé à suivre avec ça, il avait déjà quelque expérience, qui a été passé à lui par mon grand-père, parce que la cave a été un rêve pour mon grand-père, cette culture est donc dans notre sang, elle fait déjà partie du travail et du quotidien […] » 4
Ces extraits soulignent l’importance de l’héritage et de la transmission du savoir-faire à travers la famille, d’une génération à l’autre. Le « rêve » apparaît aussi ; il faut noter que quand les acteurs parlent d’un grand-père, en général, ce sont des références directes à des immigrants arrivés de l’Italie. Ainsi, le vin est en même temps un héritage et une preuve de réussite. Il représente un idéal, la réussite de ces immigrants après beaucoup de travail, la maîtrise des difficultés. Le vin est un élément de fierté et il synthétise l’identité de l’immigrant, en tant que liaison avec son lieu d’origine et sa réussite dans son nouveau lieu de vie, dans un vrai dialogue entre l’homme et l’espace.
L'invention et réinvention de la tradition et du territoire
Jusqu’à présent, la discussion a été centrée sur l’histoire de ces immigrants italiens et les processus de territorialisation à travers le vin. Il est vrai qu’il s’agit des repères de cette identité, une histoire racontée, des figures emblématiques, enfin, des éléments de ce terroir. Cependant, les parcours de cette filière ont dépassés la simple figure du vigneron immigrant. Des crises et des réinventions ont poussé à la réorganisation du secteur et à la recherche de la qualité, conditionnant l’état actuel de cette vitiviniculture. Des changements pour lesquelles l’immigrant n’est plus forcément le protagoniste essentiel, même s’il reste toujours un acteur d’intérêt.
Revenons dès lors sur quelques repères historiques, partant de l’installation italienne pour arriver à la configuration actuelle de ce vignoble. Cette démarche implique la mise en scène de l’État et des politiques publiques comme inducteur de la spécialisation autour de la viticulture, ainsi que du développement du vignoble. Il a été montré que le vin a été toujours présent dans la vie de ces italiens au Brésil, mais aussi que les variétés européennes ne s’adaptaient pas au climat local – le vin de l’époque était donc élaboré à partir d’hybrides. A partir des années 1890, l’État commence son action de façon à améliorer le niveau technique de la production avec, principalement, la création de stations expérimentales cherchant l’adaptation des cépages vitis vinifera à l’environnement local, en synergie avec une « importation » de professionnels, de façon à gagner en expertise.
Ce processus est renforcé au cours des années 1920 et il est lié à la montée en puissance de la viticulture en tant qu’activité économique de la région. Pendant ces années, est créée la Station Expérimental de Viticulture et Œnologie (Estação Experimental de Viticultura e Enologia – EEVE). Un fait intéressant est que, à partir de 1928 et jusqu’en 1938, la gestion de l’EEVE est à la charge de l’italien Celeste Gobbato.Il est responsable pour la rédaction et l’édition de plusieurs articles et livres techniques sur le sujet, dont l’ouvrage « Manuale del Produtore de Vino » qui a été accessible à plusieurs vignerons car écrit en langue italienne.
Déjà, dans les années 1920, le Rio Grande do Sul se place comme premier producteur national de vin. Cette réalité contribue à une augmentation de la concentration de l’économie locale dans la filière, dans un modèle où le vigneron se limite à fournir les raisins à l’industrie. Ceci abouti au développement d’un mouvement coopérativiste dans les années 1930. Ici, il apparaît un autre élément de l’identité de ces italiens : même s’il y a une compétitivité entre « les voisins », il existe aussi ue coopération capable de surmonter les adversités, de fédérer la communauté, d’une certaine manière, à la façon des réunions et festivités locales autour de l’église.
Entre les années 1930 et 1960, le vignoble s’élargit et commence à être la base pour le développement d’autres secteurs industriels, comme les meubles. La région commence à gagner de la visibilité, spécialement pour sa position en tant que pôle industriel. Dans ce contexte, la « Fête de la Vigne » (créée en 1931 à Caxias do Sul) est une initiative qui a le vin en fond, mais qui a pour objectif principal de présenter l’évolution de cette industrie et la richesse produite par les immigrants italiens. Le vin représente la victoire, comme une récompense après la bataille.
Les crises liées à la présence des vins importés et à la surproduction aboutissent à une recherche pour la qualité, dans les années 1970, quand augmente la production de vins à partir de vitis vinifera. A partir de cette époque, de petites caves commencent à s’implanter ; La plupart du temps, il s’agit de vignerons lassés de livrer leur production à l’industrie ou aux coopératives et qui investissent dans leur propre vin. Ce processus est une adaptation aux exigences légales qui, dans les années 1950, interdisent la commercialisation de la production artisanale et contribuent directement à la montée en puissance des industries et des coopératives.
Les petites caves, basées sur une organisation familiale, voient leurnombre augmenter à partir des années 1990, en raison, en particulier, d’une forte crise des coopératives. Ce phénomène peut être lu comme un retour aux origines de l’organisation sociale autour de la famille et de la communauté locale. En outre, la préservation de cette culture et de ces valeurs ont peut-être permis et renforcé la nouvelle organisation de la filière. Ainsi, depuis les années 1990, le secteur commence à s’organiser en associations et à utiliser le nom des régions liées aux vins qu’elles produisent – ce qui peut être compris comme le début de l’utilisation de la notion de terroir. Ce processus d’inscrit en synergie avec des initiatives d’encouragement au tourisme (ou à l’oenotourisme) et avec la structuration des AOC. La première AOC est créée dans en Vale dos Vinhedos (processus démarré en 1995, alors que l’indication géographique est reconnue en 2005 au Brésil et en 2007 au niveau de l’Europe). Il s’agit aussi de la première AOC formalisée au Brésil. Aujourd’hui, le vignoble brésilien possède un total de 4 AOC, et 3 projets sont en cours, comme cela peut être observé sur la carte ci-dessous (Figure 5).
Toutes ces transformations dans le vignoble sont inductrices et révèlent des changements et des évolutions à l’intérieur de la propre société. La façon, pour ces italiens et leurs descendants, de se territorialiser dans un rapport permanent avec la culture d’origine dénote des processus d’osmose et d’alchimie, comme l’expliquent Cappellin e Giuliani (2011) dans leurs études sur l’italianité au Brésil. D’une part, la permanence des immigrants au Brésil, qui vont constituer ces familles et leurs cercles de convivialité, abouti à un processus d’osmose, dans la mesure où les acteurs vont acquérir les valeurs, les pratiques et les symbolismes de cette culture et alors contribuer à un renforcement de l’identité. D’autre part, l’alchimie permet d’accompagner les transformations de la société, tout en conservant la culture locale ; ce sont des anciennes traditions soumises et adaptées à des nouvelles conditions, ce qui peut être compris comme synonyme de résilience des territorialités dans ce dialogue entre territoire et culture.
Dans leurs études, les auteurs ont analysé les pratiques de gestion des oriundi au Brésil, dans une vision élargi, en utilisant des exemples émanant de plusieurs régions du Brésil, ainsi que des secteurs industriels et du profil des différents immigrants. L’analyse est forcément tombée sur l’esprit entrepreneurial considéré comme typique de la culture italienne. Cet esprit est par exemple considéré comme l’un des vecteurs de l’industrialisation dans l’état de São Paulo. Aussi dans l’Etat de Rio Grande do Sul, la densité industrielle dans les régions de colonisation italienne est plus importante que la moyenne de l’état, avec un important pôle du métal-mécanique et d’industrie de meubles. Dans ce cas, notons l’existence d’un grand nombre d’établissements, densité qui évoque la présence forte de PMEs (des entreprises de petit et moyen taille) et l’existence d’un véritable comportement entrepreneurial.
Spécifiquement dans le vignoble du sud, l’étude a montré que les vignerons cherchent à reproduire des modèles d’organisation semblables à ceux utilisés dans les régions de Vénétie ou du Trentin. Plusieurs fois, le style architectural traditionnel est valorisé, en conservant le modèle original ou dans la mise en œuvre des reproductions. Les propres maisons des propriétaires sont placées à côté du vignoble ou de la cantina. Les touristes ou clients sont accueils par le fondateur dans un scénario historico-gastronomique dans lequel ils peuvent gouter le vin en l’accompagnant de la gastronomie typique de l’Italie (pasta, risotto, polenta, etc). Dans cette combinaison, la mémoire de l’origine a un rôle symbolique important pour la reproduction de ces entreprises. La mise en évidence de cette culture italienne (ou des immigrants italiens) agit comme une énergie particulière située entre la mémoire et le marché ; elle permet le processus de reterritorialisation de l’immigrant tout en devenant un outil de marketing (Cappellin & Giuliani, 2011).
Il est évident que la filière ne vit pas seulement de cette mémoire et du rapport au passé. Dans les visites de caves, il est possible de voir les conséquences d’un processus de professionnalisation et des exemples de « vignerons globalisés ». En général, les caves sont construites par la deuxième, voir troisième génération de la famille, ce qui implique des projets structurés, de la qualification technique et des compétences en gestion. Il est courant de rencontrer des professionnels ayant réalisés des stages à l’extérieur ou des domaines ayant accueilli des spécialistes pour des échanges d’expériences. Cette réalité est surtout présente dans les régions ayant assimilé le processus de mise en norme par l’AOC. D’un point de vue architectural, si le style traditionnel est souvent préservé, sont également édifiés des bâtiments plus modernes. Cela pourrait être compris comme une faiblesse identitaire. Toutefois, un regard plus attentif montre que les autres éléments patrimoniaux restent en place, tels que la présence de la famille dans le domaine et l’existence de la maison juste à côté.
Surtout, même avec ces changements socioéconomiques et la croissance de la pression urbaine (qui dans quelques régions menace le vignoble), l’histoire de l’immigrant et le rapport avec l’Italie sont toujours présent dans le discours – réellement présent, en considérant que le dialecte du Vénétie est la langue courante entre les immigrants –, dans le quotidien et en tant qu’élement promotionnel de la région. Ainsi, cette identité italienne au Brésil continue à être renforcée et, peut-être, agit-elle comme un point de stabilité parmi les mutations.
Répercussion dans les nouvelles régions
Au-delà de la région de colonisation italienne, la viticulture du Brésil occupe aujourd’hui de nouveaux terroirs qui commencent à gagner de la place dans la production vitivinicole nationale. Dans la plupart des cas, les nouveaux vignobles ont démarré dans les années 1980 (les pionniers), avec une réelle expansion à partir des années 2000. l’italianité apparaît-elle aussi dans ces régions ? Y a-t-il un rapport entre les italiens et les nouveaux vignobles ?
Il s’agit des questions complexes qui n’acceptent pas un simple « oui » ou « non » comme réponse. Notre démarche se propose de discuter le sujet à partir de l’exemple de deux régions émergentes – la Campanha Gaúcha et le Vale do Rio São Francisco (voir Figure 5) – qui n’ont pas eu des flux de colonisation italienne et démarrent aujourd’hui le processus de mise ne place d’AOC.
La Campanha Gaúcha se situe également dans l’Etat de Rio Grande do Sul, à proximité de la frontière avec l’Uruguay ; la région fournit actuellement par 10% de la production de vitis vinifera du Brésil. Les premières traces de vignobles dans ce terroir sont des zones isolées, plantées par les jésuites au XVIIème siècle et par les portugais au XVIII siècle. Même si l’expansion de cette production et sa consolidation en tant que territoire du vin n’ont pas eu lieu, la région est apparue, dans des études techniques, comme la plus adaptée du RS pour la production de la vigne et cela, en raison de caractéristiques edaphoclimatiques avantageuses. L’une de ces études a été réalisée avec la participation de l’Etat, des universités locales et de l’Université de Davis (EUA), dans les années 1970. Ainsi, la reprise de la production viticole a eu lieu à partir des années 1980, à travers les investissements de multinationales (des Etats-Unis et du Japon). Depuis de l’années 2000, débute une nouvelle expansion de la production, avec la participation directe des producteurs de la région qui crééent leurs propres vignobles et domaines. La démarche actuelle favorise le développement des activités liées au tourisme et génère des modes d’organisation institutionnalisés (Flores, 2011).
Au nord-est du Brésil, dans un climat semi-aride, le Vale do São Francisco (Etats de Pernambuco et Bahia) est la principale région de viticulture tropicale du pays. Ici, le vignoble commercial s’est développé aussi dans les années 1980, ce qui à placé la région en tant que pionnière dans les vignobles tropicaux. Les conditions climatiques semi-aride, alternant une saison sèche avec une baisse d’humidité, permet jusqu’à 5 récoltes tous les 2 ans – une exception dans le scénario international (Tonietto & Pereira, 2012). En réalité, la région est un pôle de fruticulture tropicale, production destinée à l’exportation et basée sur une agriculture irrigué. Un autre point de convergence avec la Campanha Gaúcha est que le vignoble commercial a été mis en œuvre par une industrie multinationale (dans ce cas, en coopération avec un producteur local). Le premier vin du nord-est du Brésil a été commercialisé en 1985. La production à bénéficiée d’une impulsion dans la dernière décennie, comme l’illustre l’installation des unités de deux importants groupes de la filière : un d’origine portugaise, l’autre, le principal groupe brésilien. Ce terroir a une production caractéristique de vins jeunes ; c’est un nouveau concept qui conduit au développement de techniques de conduite et d’élaboration spécifique et qui s’inscrit dans un nouveau marché.
Jusqu’à présent, il n’y a pas de rapport évident entre ces deux régions et les traditions de l’Italie. Le vignoble tropical est un concept neuf et, dans la Campanha Gaucha l’image de l’immigrant Italien laisse la place au « gaúcho »5 et au paysage de la Pampa qui forment les traits identitaires de ce territoire (Flores & Medeiros, 2012). Cependant, la Serra Gaúcha joue un rôle direct sur deux enjeux pratiques : la présence de domaines originaires de la Serra Gáucha dans les nouvelles régions et la migration de vignerons et de professionnels.
Les derniers mouvements dans la filière indiquent que l’expansion des domaines brésiliens est dûe au développement de vignobles dans de nouvelles régions, au-dehors de la Serra Gaúcha. ce processus se base sur plusieurs facteurs touchant à une recherche de diversification, à l’amélioration de la qualité, rà la éduction des couts opérationnels et, surtout, au prix du terrain. Ainsi, la Vale do São Francisco a reçu des investissements d’un important groupe et la Campanha Gaúcha a attiré plusieurs initiatives. A partir de 2005, les deux entreprises qui possédaient du capital international dans la Campanha ont été acquises par des domaines de la Serra. Aussi, deux autres importantes caves de la Serra possèdent des nouveaux vignobles dans la Campanha. Les nouvelles régions permettent la plantation de surfaces plus importantes et l’emploi de pratiques viticoles modernes. Il s’agit d’un processus récent et en mouvement, contexte dans lequel il est difficile et risqué d’évaluer les impacts sur le territoire. Les premières observations montrent, par exemple, un impact dans la gestion des entreprises, qui absorbent des pratiques et des valeurs. De fait, les décisions ont tendance à être prises au siège de ces entreprises. Dans la Campanha Gaúcha, par exemple, une multinationale fait maintenant partie d’une coopérative de la Serra. Plus récemment, des vignerons de la Campanha ont été intégrés dans la coopérative – un mouvement typique de la Serra, mais inédit dans la Campanha, qui n’a pas une tradition similaires.
En outre, le déplacement des vignerons et des professionnels vers ces nouvelles régions est évident. D’abord, il faut considérer que la Serra Gaúcha est la région viticole la plus traditionnelle, donc, elle possède une centralité par rapport à la recherche et à la formation des professionnels dans le domaine. Un fait saillant est l’actuel IFRS6, dont le campus de Bento Gonçalves offre une formation technique en œnologie depuis de 1962 et un diplôme de technicien depuis 1998. Elle est la plus ancienne formation du Brésil dans le domaine et une référence (la majorité des domaines de Bento Gonçalves ont des professionnels qui ont étudié dans cette école). Dans la Vale do São Francisco, par exemple, déjà implantées dans l’exportation de raisins de table, les entreprises sont allées au sud à la recherche de personnels qualifiés. Aussi, le premier vin a été réalisé avec la participation des spécialistes de la Serra Gaúcha, de descendance italienne, qui après ont constitué leur propre cave. Cette présence est encore plus remarquable dans la Campanha Gaúcha.
Dans les nouvelles caves, surtout à la Campanha, même si les entrepreneurs vivent dans la région depuis des décennies, dans leurs discours apparaît souvent une référence à une origine italienne de leur famille et au rêve de construire un domaine. L’enjeu ici est que cette caractéristique n’est pas placée en tant que repère emblématique pour le terroir. Même dans la Vale do São Francisco, où des nouvelles caves adoptent comme nom de marque celui de la famille (d’origine italienne), la figure des immigrants ou d’autres rapports avec la culture italienne ne sont pas exploités.
Toutes ces remarques pour dire que l’italianité continue à jouer un rôle dans les nouvelles régions, elle agit comme un réflexe dans la réussite du vignoble de la Serra Gaúcha. Toutefois, les nouvelles régions, dans la mesure où elles réussissent à se structurer, s’éloigne petit à petit des rapports avec l’Italie pour, peut-être, penser à devenir des vignobles plus brésiliens. Ou bien, éventuellement, il peut s’agir d’autres repères liés à l’esprit entrepreneurial de ces immigrants – venu de l’Italie et qui maintenant se déplace parmi les régions du Brésil.
Quel territoire?
Une personne invitée à découvrir la Serra Gaúcha, sans connaissance des informations historiques et géographiques étayées ci-dessus, sera peut-être amené à plus percevoir ce territoire comme un bout d’Europe en Amérique du Sud que comme un lieu proche de l’image du Brésil telle qu’elle est diffusée à l’extérieur. La chaleur de l’été (durant quelques mois) est remplacée par un hiver humide, les plages par un vignoble et, au lieu de la samba, résonnent des musiques Italiennes. Cet image, plutôt caricatural, montre un peu la diversité de ce pays et les nombreux chemins et surprises que le vin peut nous faire découvrir.
La réflexion a montré l’existence, dans la Serra Gaúcha, de plusieurs repères d’une culture qui a traversé l’océan pour se territorialiser. Ainsi, analyser un vignoble italien au-dehors de l’Italie est, d’un epart, un exemple pratique pour évoquer comment les territorialités peuvent dépasser les frontières officielles d’un pays et continuer vivres ailleurs. D’autre part, ce texte à mis en évidence des exemples expliquant pourquoi le vin représente plus qu’une filière sur ce territoire, mais la réussite d’un rêve, d’une région. D’autres questions qui n’ont pas été abordées ici mériteraient un regard plus attentif comme, par exemple, le fait que l’Italie est le pays de l’Europe qui exporte la plus de vin au Brésil (devant le Portugal et deux fois plus que le volume commercialisé par la France), ce qui pourrait indiquer l’existence de relations favorisées par une proximité culturelle, ou de coopérations et de partenariats entre les deux pays dans plusieurs domaines. Questions ouvertes donc, pour des nouveaux travaux.
Une façon de voir ce vignoble est l’étude des pratiques des italiens au Brésil, ou, autrement dit, des traditions italiennes « typiquement brésiliennes ». Au-delà d’essayer de répondre à cetet problématique, il est plus intéressant d’appréhender la diversité de phénomènes à l’œuvre et de savoir comment, à partir du vin et de la notion de terroir, il est possible de systématiser une analyse sur l’identité locale et de mettre en évidence la façon dont ses acteurs, à travers leurs territorialités, ont contribué à la formation et au développement de toute une société.