Proposition d’argumentaire : le terroir comme guide sur les « Voies du Goût » : entre représentation et redéfinition.

Résumés

Cet article propose une réflexion sur le terroir tant que concept. Mais il n’a pas de traduction exacte en anglais du fait de sa signification symbolique dans notre culture française. On commencera par constater le lien législatif et le lien patrimonial avec le vin, qui va jusqu’à l’amalgame dans les mentalités. Nous proposons ici une acception du concept de terroir dans le champ d’étude de l’Information-Communication, à partir de ses représentations et des situations d’échange qu’il engage. Cela nous conduit à procéder à une analyse contextuelle qui mettra en avant de nouveaux besoins chez l’acteur (au sens sociologique) qui d’adapte au système dans lequel il doit s’intégrer. On obtient alors des logiques de représentations et de discours autour de la notion de terroir. Des valeurs oubliées réapparaissent dans notre vie courante telles que les traditions, l’identité locale, la préservation de savoir-faire régionaux, par exemple. Néanmoins, pour que la notion de terroir justifie son statut d’objet de communication, elle doit être étudiée dans un espace de « déploiement » : c’est ce qu’on appelle un espace figuratif. C’est pourquoi nous prouverons que le terroir est théâtralisé avec la vente de ses produits dans l’hypermarché. Ici, il s’agit de démontrer que le concept s’inscrit comme un objet de consommation et de communication car il est « manipulé » par l’acteur-consommateur au quotidien.

This article offers a reflection on the concept of “terroir”. This word has no exact translation in the English language because of the symbolic signification in the French culture.
We will state the legislative and patrimonial link between “terroir” and wine which is often mixed in the people’s mind. In the field of Information and Communication, we will establish a meaning to this concept of “terroir”, from the representation and the situations of consummation that this brings about. This will lead us to do a contextual analysis which will underline new needs for the actor (in the sociological sense of the term) who adapts himself to the system he has to integrate.
Then, we will obtain logics of representation and of speech around the notion of “terroir”. Forgotten values will reappear in daily life such as tradition, local identity and preservation of knows-how.
Nevertheless, to justify its status of aspect of communication, the notion of “terroir” must be studied in a space of display, which is a figurative space. Consequently, we will prove that the “terroir”, by being sold in a supermarket, is put on stage. It is a subject of consummation and communication because it is handled by an actor-consumer.

Plan

Texte

Introduction

Le concept de terroir questionne des disciplines différentes, ce qui contribue à son statut d’objet de communication au sens premier du terme : il est porteur de sens et de situations d’échange autour de lui et à travers lui. Ainsi, la notion de terroir nous guide sur « les voies du goût », dans ce qu’il porte de force symbolique et dans ce qu’il véhicule d’imaginaire chez l’individu. On se tourne alors vers le thème de la représentation du terroir sur la scène sociale. Elle complète une législation rigoureuse, une construction de normes dans la garantie de savoirs faire. Nous pouvons affirmer que le terroir justifie d’autant plus son statut d’objet de communication par le fait qu’il caractérise une culture, un lieu. Plus encore, il remet au goût du jour des valeurs, telles que le maintient d’un patrimoine local, qui dépassent les aspects topographiques et historiques, pour évoluer vers la transmission intergénérationnelle, réhabilitation implicite de la valeur de lien, et le goût dans ce qu’il a de convivial pour basculer dans le registre commensal. Le goût autour d’un plat est chargé d’un sens historico-affectif et il génère des situations de communication dans un contexte de repas partagé. Nous le verrons dans le cadre d’une interaction avec l’imaginaire du terroir comme stéréotype hypermoderne1 et le processus d’adaptation de l’acteur dans son système. Aussi, nous proposerons une acception du terroir spécifique aux champs d’étude des SIC : entre ses représentations et le possible espace figuratif de l’échange qu’il peut représenter.

Il faudra d’abord montrer en quoi la notion de terroir n’inclut pas uniquement la construction de normes viti-vinicoles, mais aussi un parcours significatif sur le goût et sur les échanges.

Puis, nous nous intéresserons à la mise en discours et en scène du concept dans une logique contextuelle. Ce qui nous mènera à la mise en relief des supports de sens et des raisons du retour en force de l’imaginaire du terroir. Pour se faire, il emprunte des voies médiatiques afin de produire davantage qu’un « simple » message, mais plutôt un véritable contrat narratif hiérarchisé (du faire savoir, au faire croire, jusqu’au faire faire) au service d’un dispositif de commercialisation de produits dits du terroir.

A ce stade de notre présentation, nous pouvons valider l’interrelation entre le concept de terroir et des situations de communication, en terme de représentations. Ensuite, le lien entre les SIC et la sociologie des usages apparaîtra pour étudier les conséquences de la réhabilitation du terroir au sein du système dans lequel évolue l’acteur : comment ce dernier s’approprie un dispositif, mentionné ci avant, qui fait évoluer le statut du terroir d’objet de communication (médiations, espace figuratif) à objet de consommation .L’intérêt porté au contexte et à l’apparition de nouveaux besoins, dans la partie précédente, en rapport avec l’identification du dispositif nécessaire impulse une relation d’interdépendance paradoxale entre la grande distribution et le terroir. En effet, comment deux univers antithétiques, en apparence, peuvent interagir dans le but d’encourager l’acteur à la mise en place d’un parcours gustatif ? Cette progression met en lumière le constat que le terroir prend part au système dans lequel évolue l’acteur : il s’inscrit comme une valeur réelle de par le processus d’appropriation que l’acteur consommateur opère dans l’acte d’achat. Enfin, le plan de notre réflexion nous permettra de conclure sur une mise en perspective du terroir intégré dans un double-système : celui de l’hypermarché et celui de l’acteur. Que se passe-t-il quand ces éléments interagissent dans un contexte spécifique ? Ici, intervient le facteur de la sensorialité qui fonctionne sur le mode de la perception. Si l’on conjugue l’observation contextuelle de la deuxième partie avec le déploiement d’un dispositif de commercialisation des produits du terroir dans le troisième point, nous y ajoutons l’observation de l’individu en demande de réenchantement, réponse à l’hédonisme ambiant.2On parle d’un retour aux valeurs sensibles : bien-être, expériences tournées vers « l’agréable », convivialité, traditions et recherche de valeurs communes. De fait, l’interdépendance contexte-terroir donne lieu à un parcours gustatif enrichi par la coopération entre les sens et la subjectivité de l’individu en situation de mise en scène alimentaire. L’imaginaire, la mémoire, les affects s’insèrent dans ce qui semble être un simple acte physiologique, au premier abord. C’est la partie de la définition du terroir qui échappe à tout logique législative, historique ou patrimoniale parce qu’elle apparaît aux sens. Mais elle échappe à la réflexivité de l’acteur qui se laisse alors guider sur « les voies du goût ».

Le terroir : d’objet de labellisation à objet de communication.

Conscients que les produits du terroir sont soumis à des contraintes législatives en termes de classement, rappelons que la France est un pays précurseur en la matière. En effet, le législateur a reconnu depuis longtemps l’usage d’un nom géographique pour identifier un produit dont le caractère est dû à un terroir et à des pratiques, sans oublier la nécessité de le protéger des contrefaçons.3 Au départ, professionnels et individus-consommateurs sont d’accord sur l’identification implicite de l’interaction espace local-imaginaire symbolique au sein même de critères de labellisation.

L’imaginaire du terroir.

Nous pouvons lier les différents aspects législatifs en vigueur avec les répercussions qu’ils engendrent sur les mentalités. Ainsi, François ASCHER4 explique que le label AOC5 à une justification culturelle, en plus de la nécessité juridique. En effet, culturellement, il y a une relation d’interdépendance entre origine géographique et qualité du produit et savoirs faire humains. Ces critères culturels se regroupent sous l’expression plus générale « d’imaginaire du terroir » et ils s’accompagnent d’un constat sociologique médiatisé au quotidien de perte ou de nostalgie face aux abandons des traditions. De fait, la référence à la théorie du désenchantement développée par des philosophes comme Jean BAUDRILLARD, Paul VIRILIO et plus particulièrement Jean-François LYOTARD, dans son ouvrage La Condition postmoderne (éditions de Minuit, 2002), prend tout son sens ici. En guise de réponse à la révélation de ce qui peut se qualifier de malaise social, les médias encouragent au regain d’intérêt pour les éléments marqueurs d’un patrimoine local distinctif porteur de traditions, de logiques identitaires, mais aussi de nature et de santé. Ici, on en déduit que le concept de terroir s’inclut dans un imaginaire qui s’attache à rayonner sur un système porté par un acteur en quête de sécurité alimentaire et, nous le verrons, d’expériences gustatives plus exigeantes.

Labellisation et produits du terroir : vers une valeur historique testimoniale.

Nous émettons l’hypothèse que les produits du terroir, de par leurs critères de labellisation et leurs origines géographiques, se donnent comme témoins de l’Histoire. On comprend donc le nivellement des interactions à l’oeuvre dans une mise en discours autour du concept de terroir. L’identification à une typologie à partir de la consommation d’un plat régional, par exemple, peut fonctionner comme un marqueur géographique et comme « une grille de lecture » pour la transmission historique. D’après François ASCHER, le temps et les faits historiques sont interdépendants des pratiques alimentaires, car il est à noter que le terroir englobe tout produit issus d’un territoire et de techniques synonymes de normes et de qualité. En précisant que le concept doit dépasser la législation vini-viticole pour étudier les problématiques agro-alimentaires. Nous pouvons étendre l’impact du terroir en tant que phénomène rattaché à la sociologie des usages. Il s’agit de renforcer l’hypothèse que le concept s’immisce dans le quotidien des individus confrontés à la mise en récit du terroir dans le système de consommation. Cela à travers l’extension de gammes de produits et de normalisation, au-delà du secteur viticole.

Ainsi le terroir questionne les SIC et leur pluridisciplinarité : il gagne le statut d’objet de communication dès le constat de l’interaction « du marqueur géographique et du traçeur historique » dont il est porteur. Reprenons la citation de François ASCHER : « Avec le terroir plus encore qu’avec la nation, la géographie se donne comme histoire puisque ce sont elles qui façonnent les hommes et ce qu’ils mangent et sachant que ce que mangent les homme contribuent en retour à les façonner. » Par déduction le concept joue un rôle semblable à celui d’un adjuvant dans la thématique du retour aux valeurs traditionnelles et locales, il s’impose progressivement comme une variable que l’acteur choisira d’intégrer en l’adaptant, ou pas à son mode de vie.

Pourquoi assistons-nous à sa mise en signification et en représentation dans le système ?

En mangeant des produits du terroir, on incorpore aussi des images de paysages, de références communes, de la tradition et une identité collective. Pour se faire, l’imaginaire du terroir emprunte des voies médiatiques afin de produire davantage qu’un « simple » message, mais plutôt un véritable contrat narratif hiérarchisé (du faire savoir, au faire croire, jusqu’au faire faire).

L’attrait pour les produits du terroir fait écho à des processus qu’un acteur met en place pour s’adapter à son milieu de vie. La mise en récit du terroir par des voies médiatiques fait émerger un réseau de représentations qui spécifient une rétroaction, ou une réponse aux messages chez le récepteur. Il faut observer l’acteur dans son contexte pour identifier les nouveaux besoins impulsés par l’interrelation produits du terroir et climat social au sens large.

Acception pragmatique : analyse de l’environnement qui convoque de nouvelles valeurs systémiques.

Diverse représentations concourent à ériger le terroir comme une variable systémique lorsque l’acteur opère un processus d’adaptation au contexte. Le philosophe Gilles LIPOVETSKY décrit ce qu’il nomme l’hypermodernité dans son essai6, elle se manifeste par la quête de repères qui passent par le retour symbolique du lien. Apparaissent alors les thématiques de la tradition, de l’attention accordée à son alimentation. Le tout en interaction avec des événements qui promeuvent la convivialité et le bien-être.

On assiste à la suggestion de nouveaux besoins en la matière sous l’interrelation acteur-contexte hypermoderne en mal de repères. Par conséquent, on note que le concept de terroir prend aussi une dimension socio-communicationnelle car il peut refléter l’atmosphère d’une époque, le positionnement de mentalités en guise de réponse. Des événements surviennent afin d’asseoir le terroir dans le système de l’individu qui, par processus d’adaptation, répondra plus ou moins consciemment au messages qui lui sont destinés. Dans ce cas de figure, le terroir s’infiltre dans la thématique du goût et dans les représentations médiatiques qui en sont faites. Ainsi que dans le complément des arguments que sont la qualité et la traçabilité. Cette mise en représentation du terroir donne une signification plus accessible à l’acteur, qui est aussi un consommateur. L’interaction goût-terroir impulse de nouvelles valeurs dans la mise en forme de messages : on constate que le concept peut prendre des représentations différentes dans le but de s’intégrer dans le système qui fonctionne autour d’une logique de nouveaux besoins liés au stéréotypes hypermodernes. L’esthétique des médiations est stratégiquement « travaillée » pour valider la signification et la pertinence des produits dits du terroir en contexte de recherche de repères traditionnels et de goût, distinctifs de savoirs faire et de sécurité, ou la certitude de « ne pas manger n’importe quoi fabriqué n’importe où ». Parce que c’est le contexte qui prône le réinvestissement des valeurs identitaires délaissées et que les produits du terroir proposent de remettre au goût du jour en se plaçant comme un médiateur entre l’individu-consommateur et les dites valeurs. De toutes façons, il gagne une autre acception quand on le situe et qu’on le manipule sous l’angle des SIC : celui du médium de messages fédérateurs.

Théâtralisation du concept de terroir.

Il s’agit de la mise en récit et en scène de l’objet de communication dans le but de transporter du sens et des valeurs. Lesquels engageront un processus d’appropriation, réponse de l’acteur et synonyme de l’efficacité des stratégies médiatiques au service du terroir pour le rendre attractif d’abord, et systémique, ensuite, au sens socio-communicationnel du terme. Ainsi, l’acteur-cible des messages mettant en récit des produits du terroir se saisit des références empruntées à des traditions locales

Nous pouvons faire un lien avec la théorie fondamentaliste de GIDDENS, c’est-à-dire « une pratique traditionnelle sortie de son contexte historique et géographique et instrumentalisée dans le cadre d’un projet contemporain. » Ce point de réflexion atteste que le terroir vu comme un objet de communication met en perspective l’acteur et son positionnement dans son système à travers l’appropriation d’une part de la force symbolique, de la logique identitaire et traditionnelle qu’il véhicule, pour les faire siennes en choisissant ses modalités d’intégration. On parle d’un « bricolage » dans l’axe de la sociologie des usages. Nous pouvons en déduire que le concept étudié s’insinue de façon nivelée dans un parcours programmatique, qui rappelle le contrat narratif mentionné ci avant,7 qui se matérialise par une rétroaction dite positive en réponse aux messages.

A ce stade du contrat de communication, nous comprenons que l’immersion des produits du terroir dans le quotidien du consommateur passe par une stratégie médiatique élaborée à partir d’une observation du contexte global. Cela lui suggère une possibilité d’adaptation dans la recherche de la qualité et de la représentation testimoniale que peuvent revêtir les produits du terroir après leur théâtralisation dans un espace de vente. Lequel vise à faire découvrir ou redécouvrir des saveurs et des savoirs faire par « les voies du goût » puisque c’est le deuxième argument lors de la mise en récit de ce type de produits, après celui de la labellisation.

Dispositif de déploiement du terroir.

Pour valider nos hypothèses, il faut les lier à un dispositif privilégié, dans le but de mettre en relief le concept de terroir en lui affectant des ressorts esthétiques qui le placeront au rang d’alternative au phénomène sociologique de perte des repères (« décrédibilisation des grands récits », d’après Jean-François LYOTARD8). La grande distribution est la scène propice à la mise en scène du concept de terroir dans le but de faire évoluer son statut d’objet de communication qui génère des échanges à celui d’objet de consommation qui propulse le terroir sur un marché concurrentiel.

Interdépendance paradoxale entre le dispositif de la grande distribution et le concept de terroir.

C’est par l’intérêt porté aux nouvelles variables contextuelles envisagé précédemment que l’on parvient à identifier un dispositif adéquat. On lui doit cette relation d’interdépendance paradoxale convenue entre la grande distribution et le terroir. En effet, comment deux univers antithétiques peuvent interagir dans le but d’encourager l’acteur à la mise en place d’un parcours gustatif ? Cette progression met en lumière le constat que le terroir apparaît comme une valeur réelle de par le processus d’appropriation que l’acteur-consommateur opère dans l’acte d’achat. Cette association permet de le faire participer à la boucle systémique et de le transformer en objet de consommation banalisé, grâce à la promotion de ses valeurs qui se veulent une des alternatives d’adaptation au malaise sociétal.

Hypermarché et tradition, le cas de Reflets de France

L’acception de la notion de terroir est complétée par son aspect marchand hypermoderne qui ne craint pas les associations surprenantes entre l’univers impersonnel et programmatique de la grande distribution et les produits issus de terroirs régionaux. On assiste à la commercialisation de ces produits portés par l’intérêt des grandes enseignes à partir de leurs Marques De Distributeurs (MDD)9 respectives qui se placent en représentantes des produits du terroir. Nos recherches se focalisent sur deux MDD : « Reflets de France » chez Carrefour et « Nos Régions ont du talent » chez Leclerc. Les deux marques sont régies par le label AOC. Intéressons-nous plus particulièrement à la marque « Reflets de France », créée en 1996. La stratégie de communication corrobore notre hypothèse de la mise en scène et en récit d’un concept afin de susciter des situations de communication par une création d’intérêt qui, à son tour l’érigera au rang d’objet de consommation avec les conséquences systémiques exposées ci avant. Le dispositif mis en place joue sur le lexique des valeurs à réhabiliter ou à découvrir, c’est ce que l’étude du site internet de la marque nous montre.10 Le site est organisé en rubriques dont les titres misent sur des stéréotypes pour faciliter l’impact sur les mentalités au sens général. Par exemple, « les recettes d’antan », « le tour de France des traditions », « pour perpétuer les savoirs faire traditionnels », « une assurance de qualité ».Précisons que les recettes sont élaborées par une équipe dirigée par Joël Robuchon qui choisit les recettes et les fait tester à un panel de consommateurs. A l’argument des traditions à préserver et à transmettre, s’ajoutent celui de la confiance grâce à l’intervention d’un chef qui fait aussi partie « du paysage gastronomiques français ».

Puis, le site tient à préciser que la loi de la traçabilité est respectée, citons : « les produits de la gamme Reflets de France ont en commun d’être préparés dans leur terroir d’origine, avec les recettes et les nsavoirs faire traditionnels des producteurs locaux. Reflets de France la recette d’origine, celle des temps de nos grands-mères, et les ingrédients utilisés sont tous produits à proximité ». Cette mise en récit impulse une représentation accessible à quiconque est réceptif à la thématique des valeurs fondamentales que sont les transmissions intergénérationnelles des traditions liées à un patrimoine historico-régional et à la question de « la santé dans son assiette ». En conclusion, l’interrelation entre ces deux univers antithétiques permet des échanges communicationnels grâce au déploiement de la symbolique du terroir dans ce qui devient un espace figuratif. C’est-à-dire que l’immersion des produits du terroir fonctionne par un nivellement dans sa logique de représentation parce que la grande distribution permet de les théâtraliser, de leur donner une validité et une signification discursive dans leur commercialisation.

De par ses représentations qui co-existent dans la force de sa symbolique, la notion de terroir est bien un objet de communication. On intègre ce caractère symbolique de façon proportionnelle selon les domaines concernés. Dans le champs des SIC, on travaille sur l’hypothèse du terroir comme variable systémique qui s’intègre à travers ce même discours dont l’acteur se fait le médiateur. Que cela soit en rapport avec les critères de labellisation d’un produit, ou avec les petits producteurs, mais aussi la publicité, la mise en exposition stratégique dans des linéaires. Et enfin, les gourmands et les gourmets qui investissent plus ou moins consciemment les produits de terroir d’une représentation testimoniale au sein du contexte ritualisé du repas.

Conclusion ouverte.

Nos recherches se focalisent sur le retour aux valeurs sensibles interdépendantes de la mise en discours des produits du terroir dans l’espace figuratif de l’hypermarché. Les problématiques du bien-être, les questions de la quête hypermoderne d’expériences tournées vers « l’agréable », la convivialité dans la commensalité d’un repas. La thématique trouve alors une justification dans les questions de communication et l’interaction contexte-terroir donne lieu à un parcours gustatif enrichi par la coopération entre les sens et la subjectivité de l’individu dans l’acte alimentaire. L’imaginaire, la mémoire, les affects s’insinuent dans ce qui est un besoin physiologique au départ. Celui ci est complexifié par ce qu’on nomme la polysensorialité, tendue vers ce qu’on compare à une organisation trinitaire : une mise en signification discursive autour du terroir qui engage son introduction dans le quotidien à travers sa mutation en support sensoriel via des expériences gustatives. On fait alors référence aux champs de la sémiotique et de l’esthétique appliqués à l’immersion du concept de terroir dans un système tourné vers la tentation du réenchantement. Elle fait figure d’adaptation aux nouveaux besoins socio-communicationnels qui sont la signature symbolique d’une époque.

C’est la partie qui occulte toute logique législative, historique ou patrimoniale parce qu’elle apparaît aux sens et à leur dimension paraverbale. Mais elle échappe à la réflexivité de l’acteur qui se laisse « guider sur les voies du goût ».

Bibliographie

ASCHER François, Le mangeur hypermoderne : une figure de l’individu éclectique, Paris, éditions Odile Jacob, Mars 2005, 330 pages.

BERARD Laurence et Marchenay Philippe, Les produits du terroir. Entre culture et règlements, Paris CNRS éditions, Avril 2004, 214 pages.

BOUTAUD Jean-Jacques, Le sens gourmand : de la commensalité, du goût, des aliments, édition.Jean-Paul Rocher, Juin 2006, 200 pages.

BOUTAUD Jean-Jacques, Scènes gourmandes, rencontres BIAC 2005, Paris, éditions Jean-Paul Rocher, Juin 2006, 200 pages.

CORBEAU Jean-Pierre et POULAIN Jean-Pierre, Penser l’alimentation : entre imaginaire et rationalité, Toulouse, éditions Privat, Juin 2002, 206 pages.

HEILBRUNN Benoît, La consommation et ses sociologies, Espagne, éditions Armand-Colin, Novmbre 2005, collection 128, réédition, 126 pages.

HETZEL Patrick, Planète conso : marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation, Paris, éditions D’Organisations, Avril 2002, 375 pages.

Notes

1 D’après G. LIPOVETSKY, Les temps hypermodernes, Grasset, 2004. Retour au texte

2 D’après M. ONFRAY, La raison gourmande, philosophie du goût. Retour au texte

3 Bérard L. et Marchenay Ph. , Les produits de terroir, entre cultures et règlements, CNRS éditions, 2004. Retour au texte

4 In Le mangeur hypermoderne : une figure de l’individu éclectique, Odile Jacob, 2005. Retour au texte

5 Début du 20ème siècle, mis en place après les multiples crises viticoles en France. Retour au texte

6 In Les Temps hypermodernes, Paris, Grasset, Collection Essais, Janvier 2004, 200 pages. Retour au texte

7 Cf. page 4, introduction partie 2) Retour au texte

8 Ibidem, page 3. Retour au texte

9 Apparues dans la grande distribution française au cours de la décennie 1975-1980, sous le nom de « produits Retour au texte

10 http://www.carrefour.fr Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Valériane Tavilla, « Proposition d’argumentaire : le terroir comme guide sur les « Voies du Goût » : entre représentation et redéfinition. », Territoires du vin [En ligne], 1 | 2009, publié le 01 février 2009 et consulté le 21 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1442

Auteur

Valériane Tavilla

Doctorante, Université de Bourgogne LIMSIC_CIMEOS_EA4177

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