Le vignoble provençal est l’un des plus anciens de France. Installé par les Grecs sur le littoral au VIe siècle avant J.-C., il s’est développé à l’époque romaine. Le vignoble est composé de trois vastes appellations (Côtes de Provence, Coteaux d’Aix-en-Provence, Coteaux varois en Provence), de six appellations de taille modeste (Cassis, Bandol, Bellet, Palette, Pierrevert, Les Baux-de-Provence) et de huit IGP. C’est le premier vignoble de vin rosé du monde : sur les 1,6 million d'hectolitres produits, 88 % des volumes sont dans cette couleur, mais les vins blancs et rouges, moins connus, sont aussi de qualité (Moustier, 2015).
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) est aussi la première destination touristique pour les Français (27 millions de nuitées) et la seconde pour les étrangers (7 millions). La consommation de ces visiteurs est estimée à plus de 10 milliards d’euros par an. Les atouts de la région sont multiples : mer et montagne proches, excellent ensoleillement, paysages emblématiques, riche patrimoine, évènements culturels renommés… La motivation première des touristes n’est évidemment pas liée prioritairement à la visite du vignoble. Toutefois, les interactions entre la vigne et les pratiques récréatives sont nombreuses. D’une part, géographiquement, la région touristique recoupe deux grands ensembles viticoles : les Côtes du Rhône et l'aire des appellations provençales (voir carte 1). D’autre part, économiquement, le tourisme estival a contribué dans la période contemporaine à l’engouement pour le vin rosé. Mais au delà de ces affirmations factuelles, l’objectif de cet article est d'approfondir l’analyse des relations entre tourisme et vignoble. Il s’agit notamment d’envisager la place pour les dynamiques œnotouristiques régionales vue sous l’angle de l’ancrage territorial de l’agriculture et de l’activation des ressources spécifiques (Gumuchian et Pecqueur, 2007). Afin de conduire cette recherche, nous avons privilégié une approche qualitative, fondée sur des entretiens semi-directifs avec les acteurs de la filière viti-vinicoles et du tourisme.
Les enjeux du modèle agritouristique dans les vignobles provençaux
Le contexte particulier de la viticulture provençale : pression foncière et recherche de valeur ajoutée
L’importance spatiale du vignoble provençal, ses succès commerciaux, ne doivent pas faire oublier ses redoutables défis dans le contexte des mutations d’une région marquée par le triple processus de littoralisation, de métropolisation et de tertiairisation économique. Il en résulte sur le plan agricole, de forts enjeux liés à la concurrence foncière (Perrin, 2007) et aux conflits d’usage, au maintien d’un tissu économique et social dans les campagnes de l’arrière-pays ou des interstices urbains et périurbains, et plus largement au problème de renouvellement des actifs dans les systèmes productifs locaux.
Dans ce cadre contraint, l’enjeu pour la viticulture est bien de trouver de nouvelles sources de valeur ajoutée avec :
- des produits se positionnant sur un marché concurrentiel en cherchant une spécificité se traduisant par l’émergence de signes officiels de qualité et d’origine (SIQO), de plus en plus hiérarchisés (Jadault, Moustier, 2014) ;
- de nouvelles formes de mise en marché, fondées sur des circuits courts de proximité à l’échelle du grand bassin de population – permanente ou intermittente – que constitue PACA. C’est ici que la demande de produits « d’origine locale » peut se doubler d’une demande de typicité, voire de « terroir » de la part de territoires touristiques qui cherchent à mettre en avant une offre de produits locaux qui sont la « signature » du territoire. Il s’agit bien d’une logique de « panier local », plus que de terroir, où l’on met en avant auprès du visiteur une « palette » de productions et de savoir-faire de transformation, « ambassadeurs » de l’image touristique ;
- des filières des produits sous signe de qualité développant des stratégies marketing en direction de la clientèle touristique, alliant une présence dans les sites fréquentés par des points de vente, la visite des domaines ou coopératives de production, etc. On vise alors l’adaptation à l’évolution des attentes des clientèles en associant davantage la rencontre du vigneron et la découverte du « terroir » à la découverte du produit ;
- le renforcement des synergies entre des produits vitivinicoles, des services spécifiques et le tourisme qui fait le lien entre la demande et les diverses offres coordonnées du territoire.
Cette dernière démarche de « mise en système », renvoie à un double processus de patrimonialisation et de territorialisation1 (Rieutort, 2009 ; Esposito-Fava, 2010 ; Debarbieux, 2014). Dans cette conception, la présence d’éléments entrant en synergie les uns avec les autres permet d’intégrer dans la valeur du produit ou du service une rente de qualité territoriale (Mollard, Pecqueur, 2007). La ressource sera successivement identifiée, activée, voire spécifiée (via SIQO de type AOP), et agrégée à d’autres biens et services, réunis entre eux avec un rôle actif du consommateur/touriste ; la ressource territoriale peut aussi permettre d’élaborer des synergies entre produits et enclencher un développement sur la base d’un ensemble de produits et services. Un tel « panier » se concrétise à partir d’activités qui jouent un rôle d’« opérateur ». Le tourisme en constitue un bon exemple puisqu’il fait le lien entre la demande et les diverses offres coordonnées du territoire (exploitations agricoles vivantes, produits agroalimentaires de terroir, pratiques et savoir-faire, paysages culturels comme les cultures en terrasses, architecture traditionnelle, patrimoine culinaire, productions artisanales, composantes culturelles comme les coutumes ou fêtes, pratiques de loisirs, etc.).L’existence d’un patrimoine partagé et d’une base sociale commune apparaît essentielle dans l’émergence et la solidité d’un système qui permet de discriminer favorablement les territoires concernés et leur trajectoire d’évolution. Dans cette construction sociale faite d’interactions, on devine que le rôle intercesseur du tourisme est fondamental : non seulement, il intervient sur la réputation du territoire, mais surtout il amène sur les marchés locaux bon nombre de consommateurs à la recherche de produits et services spécifiques. Bref, dans cette recherche d’ancrage territorial, l’oenotourisme peut constituer une « porte d’entrée ».
Les nouveaux enjeux du tourisme provençal
Dans le même temps, et même si la Région PACA constitue une très grande destination touristique, le littoral et l’arrière-pays plus rural sont également confrontés à de nouveaux défis : comment renouveler l’attractivité de la destination ? Peut-on s’adapter aux nouvelles pratiques des touristes (courts séjours même si la durée demeure un peu plus longue en Méditerranée, mobilités de proximité, activités de loisirs et des sports de pleine nature, itinérances, etc.) pour lesquelles les valeurs d’expérience, d’initiation, d’immersion dans les territoires sont attendues ? En définitive, comment passer à une approche du tourisme « par le territoire », valorisant ses acteurs et ressources combinés ?
Les réponses des acteurs du tourisme se traduisent alors par le glissement des « territoires de pratiques » aux « territoires à vivre » (Perron et Beesau, 2013)avec une recherche de différenciation des destinations… qui elle-même conduit à un intérêt accru pour la singularité des territoires touristiques et pour leurs ressources spécifiques (voir tableau 1). Le processus est vecteur de décloisonnement et débouche sur l’élargissement de la gamme des produits en désaisonnalisant l’offre touristique. Finalement, par la diversification de leur offre et leur quête de différenciation, les territoires touristiques s’engagent dans un processus de construction et de valorisation touristique de leurs spécificités culturelles.
Parallèlement, cette démarche nouvelle vise à faire en sorte que le vignoble provençal soit davantage perçu comme un facteur d’attractivité pour le tourisme. L’enjeu est important car les enquêtes montrent qu’il est cité seulement comme troisième motif de séjour en PACA alors que c’est le premier facteur d’attractivité dans les autres régions viticoles françaises (source : collectif, 2009). Or, sur ce plan stratégique, plusieurs atouts existent.
Tableau 1 : Nouveaux enjeux du développement touristique. Source : d’après Perron et Beesau, 2013.
Approche par les pratiques |
Approche par le territoire |
|
Valeurs de références |
Attentes des clientèles |
Acteurs locaux |
Rapport au territoire |
Espace support Destination : pôle, station |
Espace vécu et approprié Destination : territoire Ancrage |
Ressources valorisées |
Génériques, multi-activités |
Spécifiques Logiques de valorisation et de renouvellement Economies locales |
Modes de valorisation |
Segmentation du marché, cloisonnement, concurrence |
Complémentarité/combinaison des ressources |
Attentes clientèles |
Satisfaction individuelle : dépassement de soi, activités, contemplation |
Satisfaction relationnelle : expérience, immersion, rencontre, initiation, ressourcement, recherche d’authenticité |
De forts liens entre tourisme et vignoble provençal
En effet, la vigne et les vignobles AOP– aux côtés des oliviers, de la lavande et d’autres produits provençaux – présentent de nombreuses interactions avec le tourisme régional.
Ces liens sont d’abord géographiques (voir carte 2). En Provence le vignoble, implanté dans des zones rurales, périurbaines et urbaines, est aussi positionné au cœur de grandes zones touristiques : littoral, Alpilles, bassin d’Aix-en-Provence et massif de la Sainte-Victoire, arrière-pays varois avec ses villages de caractère et marchés colorés...
Les liens sont ensuite culturels et relèvent du registre des imaginaires touristiques. Les enquêtes réalisées par le Comité Régional du Tourisme (Le Magadure, 2010) montrent ainsi la très forte association des représentations entre vins rosés et Région PACA, notamment pour les clientèles étrangères (surtout les Britanniques, Allemands, Belges ou Hollandais) (voir tableau 2).
Enfin, si l’on tente de raisonner en termes de ressource territoriale et de « paniers de biens », la même étude du CRT PACA fondée sur une analyse multi-variée des images/objets désirés par les touristes, apprend que les vins rosés sont associés à d’autres ressources comme l’olive, la lavande, le poisson, les marchés, le mas, le folklore, les fêtes, Cézanne, Avignon… Ce vaste champ lexical est rattaché en PACA à l’univers de l’authenticité, par contraste aux univers provençaux de la détente (Promenade des Anglais, Vieux port, yacht, plage, spa, pétanque) ou de l’évasion-nature (calanques, rafting, neige, randonnées, Alpes, vélo). Conjointement, ces mêmes études distinguent le poids de clientèles aisées, la forte présence de retraités et d’étrangers… avec une part estimée de vente directe au caveau à plus de 14 %. (contre 10 % dans la vallée du Rhône, estimation Inter Rhône). On voit donc bien que les acteurs régionaux disposent d’atouts pour conforter la valorisation croisée du tourisme et de la vigne.
Tableau 2 : Les éléments jugés les plus symboliques de PACA aux yeux des clientèles (réponse assistée). Source : LE MAGADURE, 2010, CRT PACA / IPSOS
Résultat en % des répondants |
Moyenne des étrangers (5542 enquêtés) |
Moyenne des Français (1 000 enquêtés) |
Le soleil |
44 |
83 |
Le vin, les vignobles, les caves |
25 (2ème rang) |
27 (17ème rang) |
La lavande |
22 |
72 |
Les herbes de Provence |
21 |
54 |
Les parfums/les odeurs |
20 |
53 |
La lumière/les couleurs |
19 |
49 |
L’olive, l’olivier et l’huile d’olive |
18 |
72 |
Les mas provençaux/les bastides |
16 |
45 |
La salade niçoise |
15 |
26 |
La bouillabaisse |
13 |
43 |
La peinture |
12 |
15 |
Le rosé |
12 (11ème rang) |
34 (13ème rang) |
La pétanque |
12 |
57 |
L’Olympique de Marseille |
12 |
31 |
Le Pastis |
12 |
53 |
Les cigales |
12 |
70 |
Les tissus provençaux |
11 |
31 |
La sieste |
10 |
41 |
Les santons |
5 |
29 |
La truffe |
4 |
3 |
(Photo 1 : le vignoble des Côtes de Provence à Gassin (83) et le golfe de Saint-Tropez (Cliché, Ph. Moustier) ; photo 2 : le vignoble de Bandol et le village perché du Castellet (83) (Cliché Cl. Arnaud) ; photo 3 : le Vignoble des Côtes de Provence - Sainte-Victoire, au pied de la montagne chère à Paul Cézanne, à Puyloubier (13) (Cliché, Ph. Moustier) ; photo 4 : le vignoble de Cassis (13) sous le cap Canaille, au fond le massif des calanques. (Cliché, F. Moustier).
Des expériences encourageantes
Un processus tardif mais associant de multiples acteurs
Contrairement à certaines régions françaises, où l’œnotourisme s’est développé avant ou après la Seconde Guerre mondiale (Alsace, Bourgogne, Champagne), cette activité est récente au sein du vignoble provençal. Des efforts conséquents avaient été réalisés, tant par les caves particulières que par les coopératives, notamment lors du passage en AOC, pour accueillir les visiteurs dans les caveaux, mais la démarche restait avant tout commerciale.
La réflexion est plus précoce et avancée dans le vignoble des Côtes de Provence : dès 1958-1959, une première proposition de création d'une route des vins – sur le modèle alsacien – est engagée avec un système de fichiers et panneaux pour les domaines offrant un intérêt touristique le long de la RN 7 et de la D 89. Mais cette route ne traverse pas certaines localités à la production renommée, et on envisage d’ajouter la restauration et de compléter la route par une maison des vins. En 1977, lors du passage du vignoble en AOC, on décide une remise en état de la route des vins, puis vient la création de la Maison des vins aux Arcs en 1986.
Les débuts de l'œnotourisme sont donc axés sur des initiatives individuelles, souvent liées au départ à des domaines, accompagnées ou non par les syndicats vignerons. Ce n’est que quelques années plus tard, que ces actions sont fédérées afin d’être mieux connues et mises en réseau, par les organisations professionnelles agricoles, mais aussi par les organismes touristiques (offices de tourisme, CRT).
Les structures professionnelles ont compris que le vin pouvait élargir l'éventail déjà très riche de l'offre touristique et qu'il était un complément à certains atouts de la région : climat, paysages, patrimoine, gastronomie... Les fédérations des caves particulières et coopératives, les syndicats viticoles, le Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP), les chambres régionales et départementales d'agriculture se sont investies dans cette démarche, à laquelle se sont associés les professionnels du tourisme, mais aussi les collectivités locales.
Trois grands types d'actions peuvent être identifiées : les multiples initiatives au niveau des caveaux, les démarches initiées par les structures professionnelles et enfin les circuits et routes des vins. Ces actions ne touchent pas de façon uniforme l'ensemble du vignoble, tout d'abord en raison de la taille très inégale du volume de chaque appellation, mais aussi de la localisation des caves et enfin de la politique commerciale des structures.
De nombreuses initiatives locales
Les initiatives au niveau des caves marquent le dynamisme de ces entreprises. Au départ basées sur l'accueil au caveau et la dégustation des produits, les actions se sont enrichies au fil du temps avec la découverte du vignoble (pédestre, équestre, à vélo), des manifestations annuelles liées à la présentation du millésime, des initiations à la dégustation, la création d'hébergements (gîtes, chambre d'hôtes) et la mise en place de manifestations culturelles variées (expositions, théâtre dans les vignes...).
Comme dans d’autres grands vignobles (Bordelais, Languedoc, Champagne…), de nouveaux acteurs, investisseurs extérieurs, ont joué la carte de l’accueil dans les vignes et chais, mobilisant parfois architectes de renom et moyens considérables (SCHIRMER, 2008). Parmi les exemples les plus connus on peut citer le « Château Beaulieu » et le « Château La Coste » dans les coteaux d'Aix-en-Provence ainsi que le « Château de Berne », le « Château Sainte-Roseline » et la « Commanderie de Peyrassol » dans les Côtes de Provence. Le domaine du « Château La Coste » au Puy-Sainte-Réparade, racheté en 2002 par l'homme d'affaires irlandais Patrick McKillen, une propriété de 200 ha dont 125 en vigne, a été complètement transformé sous la direction de Matthieu Cosse (également vigneron au domaine Cosse-Maisonneuve à Cahors). Les vignes sont conduites en biodynamie et une cave ultramoderne, dessinée par l’architecte Jean Nouvel, a été construite ; le propriétaire a également fait de son vignoble un centre d’art, où se dressent des œuvres de Louise Bourgeois, Alexander Calder, Tadao Ando, Andy Goldsworthy… Le château a reçu en 2015 le prix du meilleur site œnotouristique français, décerné par « La Revue du vin de France ». Pour autant ces initiatives restent peu nombreuses et l’offre touristique est majoritairement entre les mains de propriétaires locaux, voire des coopératives.
Les démarches mises en place par les structures professionnelles sont tout aussi variées, elles peuvent être de plus grande envergure ou ciblées sur quelques caves. Il est parfois plus facile de les identifier et d'en assurer le relais par les professionnels du tourisme. Les opérations de signalétique du vignoble ont été souvent pionnières. Les présentations du millésime, au niveau de la plupart des appellations, pour les professionnels du tourisme et le grand public sont maintenant incontournables. Des opérations événementielles sont menées : balades gourmandes, fête des vendanges, pique-niques, rallye, régate...
Une mise en réseau originale : route des vins et labellisation
Enfin, des circuits ont été organisés à l'échelle du territoire ou d'une zone. Ils permettent de fédérer l'ensemble des initiatives. De façon originale, si l’on compare à d’autres vignobles, c’est bien la Chambre régionale d'agriculture qui a porté le projet de « La route des vins de Provence ». Cette route réunit 420 domaines et caves coopératives2, ainsi que cinq maisons des vins et œnothèques3 ; elle s'étend de Nice au Rhône, sur huit appellations, trois dénominations de terroir en Côtes de Provence et huit IGP. La réflexion avait débuté en 2009 dans le Var, mais a été menée à son terme par la Chambre régionale d'agriculture dans une véritable stratégie de « ressource territoriale » qui vise à :
- Favoriser l’agritourisme en Région en proposant les multiples produits provençaux et en mettant en réseau les initiatives individuelles ;
- Fédérer à la fois les coopératives et les domaines, les trois vastes appellations (via le Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence- CIVP) et les plus modestes, petites en surface mais à la notoriété ancienne ;
- Associer au-delà du vitivinicole, les acteurs territoriaux et organismes touristiques.
Tableau 3 : L’offre œnotouristique de la Route des vins. Source : Guide de la route des vins de Provence et entretiens
Bandol |
Les Baux |
Bellet |
Cassis |
Palette |
Côtes de Provence |
Coteaux d’Aix |
Coteaux varois |
IGP |
Total |
% |
|
Total participants |
44 |
6 |
6 |
6 |
2 |
237 |
45 |
51 |
23 |
420 |
- |
Dont coopératives |
2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
32 |
8 |
9 |
1 |
52 |
- |
Dont domaines |
42 |
6 |
6 |
6 |
2 |
205 |
37 |
42 |
22 |
368 |
- |
Dégustations |
39 |
5 |
6 |
5 |
2 |
201 |
39 |
30 |
22 |
349 |
83,1 |
Hébergements |
5 |
0 |
1 |
0 |
0 |
59 |
7 |
9 |
8 |
89 |
21,2 |
Camping |
2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
5 |
3 |
3 |
3 |
16 |
3,8 |
Circuits |
41 |
6 |
6 |
2 |
2 |
182 |
44 |
38 |
20 |
341 |
81,2 |
Restauration |
5 |
0 |
2 |
0 |
0 |
30 |
4 |
3 |
4 |
48 |
11,4 |
Accueil groupes |
33 |
5 |
5 |
3 |
2 |
156 |
32 |
32 |
15 |
283 |
67,4 |
Espace enfants |
7 |
1 |
2 |
2 |
1 |
36 |
10 |
8 |
2 |
69 |
16,4 |
Accueil handicapés |
23 |
6 |
4 |
4 |
2 |
154 |
39 |
31 |
17 |
280 |
66,7 |
Agriculture biologique |
7 |
5 |
4 |
3 |
1 |
52 |
20 |
15 |
8 |
115 |
27,4 |
Label découverte |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
9 |
13 |
9 |
2 |
33 |
7,9 |
Part du total des appellations |
62,9 |
50 |
60 |
54,5 |
66,7 |
57,8 |
58,4 |
60 |
- |
61,9 |
- |
Dont coopératives |
66,7 |
0 |
0 |
0 |
0 |
84,2 |
66,7 |
90 |
- |
82,5 |
- |
Dont domaines |
62,7 |
50 |
60 |
54,5 |
66,7 |
55,1 |
56,9 |
56 |
- |
59,8 |
- |
Les actions s’orientent dans trois directions. Il s’agit d’une part de mettre en place un site internet haut de gamme et bilingue (http://routedesvinsdeprovence.com) avec des clichés et des clips vidéo libres de droits pour les adhérents. Un guide officiel papier est édité en 2015 et une application IPhone est en cours de construction. D’autre part, des actions de communication sous diverses formes sont confiées au CIVP. Enfin, la signalétique est renforcée sur le terrain à travers des panneaux financés par les départements (réalisé dans le Var, en cours dans les Bouches-du-Rhône).
La carte 3 qui montre la répartition géographique des viticulteurs adhérant à la démarche, confirme la diffusion de l’initiative sur plusieurs axes ou taches de l’intérieur et du littoral ; l’adhésion est forte dans les aires des Côtes de Provence, des coteaux varois, au nord-ouest d'Aix-en-Provence ou sur les terroirs de Bandol ou Bellet. L’offre est diversifiée (tableau 3).
Même si on relève une place importante des dégustations, circuits, accueil de groupes, les hébergements et l'agriculture biologique tiennent un rôle non négligeable. Au total, plus de 60 % des vignerons des appellations sont concernés (voire davantage pour les petites appellations) et même 82 % des coopératives. Ajoutons qu’à côté des journées portes ouvertes et des présentations annuelles du millésime par ces structures, beaucoup de caveaux offrent la possibilité d’acquérir des produits du terroir (huiles d’olive, miels, confitures…), certains écoulant aussi leur production de fruits et légumes. Des manifestations culturelles annuelles sont aussi organisées :
- des concerts (classique, jazz) dans une dizaine de structures ;
- du théâtre dans quatre ;
- des expositions (peinture, photo) dans une quinzaine ;
- des visites de musées (quatre) et de parcs et jardins (cinq) ;
D’autres expressions plus originales sont aussi présentes :
- des marchés de Noël (quatre) ;
- des repas gastronomiques ou champêtres associant les vins du domaine (douze) ;
- un parc animalier ou centre équestre ;
- des ateliers de travail de la vigne / vendanges (deux) et découverte du cycle de la vigne tout au long de l’année (trois) ;
- des circuits VVT dans cinq domaines, dont un dans le cadre de « Vélo tout terroir ».
En termes de démarche de développement territorial, deux entités, le Pays d'Aix-en-Provence et la Provence verte, possèdent par ailleurs le label « vignobles et découvertes »4, marque mise en place par les différents opérateurs de l’univers du tourisme (Atout France, Chambres d’agriculture avec « Bienvenue à la ferme ») et du vin (en liens avec la Route des vins de Provence). Depuis 2013 dans le Pays d’Aix-Sud Luberon, on se positionne sur l’axe prometteur « culture-terroir-pleine nature » en associant 30 domaines viticoles (dont 5 coopératives), 26 hébergeurs et 25 restaurants. Dans la Provence Verte, le label a été décroché en mai 2014 ; il permet des actions sur trois aires d’appellations (Côtes de Provence, Coteaux-varois en Provence, Coteaux d'Aix-en-Provence) avec notamment 29 caves, 25 hébergeurs et 5 restaurants. On relève la mise en place d’une page internet ou de plaques signalétiques (avec les divers partenaires : domaines, caves, hébergement, restauration), l’élaboration d’une carte du territoire « Label vignoble découverte » et la réalisation d’un manuel de vente pour professionnels du tourisme. De façon plus originale, une action « Patrimoine et viticulture » propose une journée de visite. En 2016 elle concernait la villa du Loou, ferme gallo-romaine à vocation viticole, à la Roquebrussane et le domaine de la Nestuby à Cotignac. Parallèlement, les professionnels du label participent au salon « Destination vignoble », qui a lieu tous les deux ans en direction des agences spécialisées et des tour-opérateurs.
Un bilan prometteur
Une forme d’œnotourisme endogène
L'œnotourisme en Provence est maintenant bien installé : qualité des vins, professionnalisation de l'accueil dans les caves, visites et circuits organisés dans le vignoble, association des produits agroalimentaires et services en un « panier de biens », organisation d'événements promotionnels, culturels, sportifs... La mise en place récente de la route des vins de Provence, fédérée par la Chambre régionale d'agriculture, montre bien la volonté de la profession de poursuivre dans cette voie et dans la mise en réseau, ce qui est important pour une bonne lisibilité de l'offre encore trop atomisée. En effet, le défi de l’œnotourisme provençal est double. Premièrement, cette activité se déploie sur un vignoble étendu, offrant de multiples possibilités ; elle n’est pas centrée sur un axe linéaire comme en Alsace, Bourgogne ou Champagne. Deuxièmement, les acteurs viticoles qui « portent » cette diversification sont encore majoritairement des coopérateurs ou domaines particuliers ancrés localement. Il s’agit de les associer pour susciter une action collective.
Parallèlement au thème de la « ressource territoriale » et parfois de façon combinée, on voit bien que la diffusion de l’œnotourisme en Provence est fondée sur cette mise en relation et ce réseau territorialisé. En effet, avec les combinaisons d’acteurs qu’il suppose, l’agritourisme démultiplie le nombre de parties prenantes. En Provence, cette mise en réseau est facilitée par l’existence d’un groupe de vignerons engagés dans le collectif, le partage de valeurs et l’ancrage territorial de l’initiative.
Vers une valorisation conjointe agriculture/tourisme
Si les initiatives en matière de valorisation des ressources vitivinicoles contribuent à une démarche de communication sur les produits, elles conduisent plus largement à une dynamique de développement territorial avec un impact économique. L’étude réalisée en 2009 par le CIVP, le CDT 84, le CRT PACA et Inter Rhône montre ainsi que les touristes des caveaux sont positivement influencés par cette expérience et qu’en PACA, le contact avec le producteur apporte légèrement plus d’impact que les autres régions françaises et favorise l’achat par correspondance ; en moyenne, l’achat de vins par visite s’élève à 106 € en France et à 110 € en PACA. Les activités non liées au vin, qu’elles soient culturelles, gastronomiques, sportives et autres sont souvent plébiscitées par les touristes fréquentant les caveaux. Par ailleurs, la perception de la qualité des vins de la Région est aussi renforcée : plus de 50% des visiteurs repartent avec une image positive du territoire. En définitive, tout se passe comme si, comme nous en avions émis l’hypothèse, un « panier de biens » était en construction grâce aux initiatives des acteurs locaux de l’agriculture, du tourisme et des collectivités territoriales.
Une innovation sociale et organisationnelle
L’exemple du déploiement de l’œnotourisme en Provence montre l’intérêt d’un itinéraire innovant qui met en réseau les produits et les acteurs, et fait émerger un véritable « territoire-réseau »… Si l’espace d’application a été défini de façon flexible et pertinente en fonction de l’emprise spatiale nécessaire à la conduite du projet spécifique. Il est surtout important de souligner le rôle du dispositif partenarial de prise de décision et d’intervention dans ce processus de valorisation de la ressource viticole. Dans un contexte régional marqué par la pression foncière, urbaine et touristique, il était nécessaire de coordonner les intérêts individuels et collectifs, et éventuellement d’arbitrer les conflits qui pouvaient émerger. Une telle démarche suppose de définir l’ensemble des personnes pouvant être impliquées (producteurs, restaurateurs, hébergeurs, etc.) mais aussi d’assurer l’animation et la médiation du collectif de personnes concernées. C’est ici que l’on retrouve le rôle clé de la Chambre régionale d’agriculture.
Dans un second temps, il faudra pérenniser cette activité en fidélisant la clientèle étrangère, en valorisant davantage le triptyque « Vin-Terroir-Patrimoine », en poursuivant la mise en réseau des acteurs de l'œnotourisme, mais aussi en mettant sur le marché de nouveaux produits liés à l'attente des touristes.
Conclusion
Dans un contexte contraignant (pression foncière, urbanisation et conflits d’usage), le vignoble provençal s’est engagé dans une dynamique œnotouristique, dont les premiers résultats en termes de valeur ajoutée sont patents et les potentiels prometteurs, bien qu'elle suppose la mobilisation d'acteurs nombreux et variés. D’ores et déjà les liens entre producteurs se renforcent (notamment autour de la Route des vins de Provence), les produits touristiques émergent, la demande est forte, les dépenses des oenotouristes dans les caveaux et dans les territoires sont conséquentes et plus élevées que la moyenne française. Mais, la mise en œuvre de cette stratégie complexe – à la fois vitivinicole et touristique – repose sur un double mouvement. Il s’agit, d’une part, de renforcer l’ancrage local de ces activités, de manière à les mettre directement en relation avec les consommateurs et visiteurs. La présence d’acteurs endogènes, notamment de vignerons amarrés en Provence, et d’intercesseurs comme la Chambre Régionale d’agriculture est semble-t-il un atout majeur. D’autre part, l’enjeu est de combiner ces ressources en un véritable « panier de biens et services », et de les mettre en relation avec les dynamiques d’un territoire résidentiel et touristique attractif, dans le cadre d’un projet élargi et multi-partenarial permettant l’immersion, la rencontre, le ressourcement et la recherche d’authenticité.