Viticulture et production vinicole dans le Midi de l’Italie durant l’ère libérale (Fin XIXe – début XXe siècle)

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Viticoltura e produzione vinicola in Italia nel Mezzogiorno d’Italia in età liberale

Abstract

Entre la moitié du XIXe siècle et la première décennie du XXe siècle, les milieux ruraux de l’Italie du Sud sont confrontés à de profonds changements culturels. L’une des transformations les plus notables est l’augmentation soudaine des vignobles et de la production vinicole. Une croissance qui s’explique essentiellement par le besoin urgent de la France d’importer des quantités considérables de vin pour faire face à la diffusion du phylloxera. Toutefois, il s’agit de transformations qui révèlent ses faiblesses à l’occasion de la dénonciation du traité commercial avec la France en 1886-87. Ainsi, après l’expansion intervient la crise, dépression qui devient d’autant plus grave lorsque le phylloxera atteint la Sicile et les Pouilles, le deux régions principales de la viticulture du Midi de l’Italie. Par conséquent, à la veille de la première Guerre Mondiale, au moment du déclin de l’Italie libérale, la géographie viticole des régions du midi se trouve fortement changée et réduite en dimensions, en raison de présence insuffisante de réseaux associatifs capables à la fois de moderniser la production vinicole et de freiner la diffusion du phylloxera dans les vignobles.

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Les nouveaux scénarios

Il est incontestable qu’en 1861, au lendemain de l’unification de l’Italie, la culture de la vigne était déjà largement présente dans le paysage agricole du Midi de l’Italie1. Cependant, la proclamation du nouveau Royaume d’Italie provoque, à court terme, une accélération des transformations culturelles déjà en cours depuis des siècles. En effet, l’intégration de la péninsule italienne dans le contexte européen des échanges commerciaux – facilité par les politiques de libre échange engagées par la classe dirigeante du nouvel État unitaire – accentue ces processus, notamment dans certaines régions du Mezzogiorno2. Il s’agit de changements soudains réalisés à la fois par les grands propriétaires et par des petits locataires de façon parfois confuse. Quoique dans l’ensemble ces phénomènes modifient sensiblement les caractères de l’agriculture méridionale, ils ne sont pas à associer aux plus grands changements qui touchent les zones irriguées à culture intensive de la plaine du Pô entre le XVIIe et le XVIIIe siècle3. Dans cette perspective, l’incapacité du secteur primaire d’accumuler des capitaux dans les régions du Midi, même pendant des périodes de croissance et de profonde transformation, fournit une explication plausible au dualisme de longue durée qui s’observe dans l’histoire économique italienne4. Tout cela a comporté une accentuation de la stagnation de l’activité économique principale de l’Italie méridionale. Bien qu’il soit alors confronté à des marchés bien plus vastes et plus intégrés, le Mezzogiorno reste ancré dans des systèmes de gestion et dans des paradigmes organisationnels d’une production en continuité avec le passé. D’ailleurs, l’analyse des formes contractuelles montre une forte capacité d’adaptation aux changements culturels conditionnés par les contrats traditionnels. Les locataires supportent la plupart des coûts financiers des transformations, sans que cela engendre une révision, bien que marginale, des accords cristallisés depuis des siècles.

La forte croissance de la viticulture et de la production vinicole dans le Sud de l’Italie se situe, donc, dans ce contexte plus vaste5. Dans l’évolution de cette culture de la vigne, qui était déjà présente depuis longtemps dans le paysage agricole méridionale, il faut considérer deux grandes questions qui émergent en Europe lors de l’unification italienne : les maladies de la vigne d’origine américaine, qui détruisirent la plupart des vignobles français, et la crise agricole qui suivi, considérée comme la première grande crise de l’économie capitaliste.

Le premier de ces problèmes sera, toutefois, très favorable pour l’Italie, en particulier pour les campagnes du Midi. La propagation rapide du phylloxera en France, même en vertu de l’accord commerciale bilatérale signé en janvier 18636, offre une position privilégiée aux viticulteurs et aux producteurs vinicoles italiens7. Cela est confirmé à la fois par l’augmentation soudaine des surfaces plantées en vignes et celle de la production de vin8, mais aussi par l’absorption des exportations vinicoles italiennes par les marché transalpins9. La crise agricole, qui intervient au lendemain de l’introduction massive de céréales américaines dans les marchés du vieux continent, provoque une diminution généralisée des prix dans les dernières décennies du XIXe siècle. Ce phénomène accentue aussi les changements en cours dans les campagnes italiennes et dans d’autres zones européennes, en imposant une vaste rénovation de l’offre agricole qui se concrétise au travers une considérable reconversion des cultures et l’adoption de nouvelles orientations productives. D’ailleurs, ceci est un autre symptôme évident de l’intégration de l’agriculture italienne dans le scénario international. Il s’agit dès lors de faire face aux mutations soudaines d’un plus vaste contexte, un contexte à l’échelle européenne. Une confirmation des tendances que nous venons d’exposer est fournie par le cas de la production de soie qui, bien que dans des proportions réduites par rapport au passé, a continué à croître, du moment de l’Unité de l’Italie jusqu’au début du XXe siècle, en conquérant des positions de niche dans le cadre du commerce international10.

Les dimensions et les limites de la croissance viticole et vinicole dans les campagnes du Midi italien

Les données fournis par Emilio Sereni soulignent que l’augmentation des vignobles ainsi que de la production vinicole a surtout lieu dans le Mezzogiono. En effet, durant la période 1890-1894, alors que les changements culturaux étaient amorcés de longue date, les surfaces plantées en vignes s’accroissent de 60% dans les régions de l’Italie du Sud et de 42% dans les îles, tandis que dans l’Italie centrale, elles restent stables et diminue d’environ 7% dans les régions septentrionales11.

Il est toutefois très difficile de trouver des données analytiques fiables pour étudier la croissance des vignobles méridionaux. On peut tirer quelques enseignements des manuels de viticulture de l’époque qui mettent l’accent sur l’augmentation des espaces viticoles dans les régions du Midi. On attribue ainsi aux vignes le mérite d’avoir soulagé les problèmes générés par la crise céréalière des années 187012. Néanmoins, les manuels soulignent aussi que les transformations n’ont pas été en mesure d’apporter des améliorations à la viticulture ainsi qu’à la préparation et conservation des vins13.

La « Carta vinicola d’Italia » (Charte vinicole d’Italie) constitue une autre source importante d’information, bien qu’elle ne possède pas toujours des données totalement fiables. La publication de la Charte provient de l’initiative de la Société Générale des Viticulteurs Italiens et elle est liée aux nombreuses enquêtes qui furent réalisées depuis l’Unité, la plus célèbre d’entre elles étant l’Enquête sur les conditions de l’Agriculture présidée par Stefano Jacini14. Les difficultés rencontrées dans l’élaboration de la Charte furent nombreuses : les problèmes d’organisation du secteur vinicole reflétaient fidèlement ceux de tous les autres domaines productifs du Royaume. Ces problèmes s’expliquent en large partie par la récente unification, qui induit aussi des ralentissements dans les travaux des bureaux chargés de récolter les données statistiques. Il est ainsi évident que l’extension des surfaces viticoles, qui avaient atteint entre-temps des dimensions considérables, n’avait pas été conduite ou suivie conformément à des plans généraux à l’échelle nationale, voire régionale. La spontanéité du processus de croissance se reflète ces recherches de données statistiques, créant de grosses difficultés dans la récupération de données ou d’informations fiables, surtout pour les provinces méridionales. Il s’agissait donc d’essayer de mettre de l’ordre dans la connaissance des évolutions en cours, dans l’appréhension de la réalité viticole et vinicole, objet encore à explorer de l’agriculture nationale15.

La Charte reste un document d’un grand intérêt malgré ses limites. Elle est, de plus, publiée en 1887, année très importante pour la viticulture italienne qui marque la dénonciation du traité douanier entre la France et l’Italie, point final de la période dorée de la viticulture méridionale. Le cadre d’ensemble permet de préciser l’analyse sur les changements culturaux qui ont lieu dans les campagnes du Midi, mais aussi de proposer des comparaisons avec d’autres régions de la péninsule italienne. L’augmentation des surfaces plantées en vignes a lieu presque dans toute l’Italie ; pourtant, les taux de croissance les plus élevés s’observent surtout dans certaines régions du Mezzogiorno, notamment en Sicile, dans les Pouilles, dans la Calabre et en Sardaigne, mais aussi dans le Piémont et dans le Latium, tandis que les vignobles de Vénétie, de Ligurie et de Lombardie se contractent sensiblement manifestent des sensibles16. Ce sont cependant les monographies régionales qui composent la mosaïque complexe de la Charte vinicole, qui fournissent les données les plus pertinentes pour les campagnes méridionales, zone où la croissance des surfaces viticoles était devenue très intense.

L’analyse régionale des données montre l’augmentation de la surface viticole sicilienne dans la seconde moitié du XIXe siècle : les environs de Trapani, quelque riche village de la province de Messine, la région de l’Etna, les villes de la province de Catane bénéficient de cette extension. Notons l’existence de plusieurs vignobles associés à l’activité de certains grands producteurs de marsala, de moscato et d’albanello, des vins très prestigieux tirés de cépages sélectionnées17. Parmi les exploitations les plus remarquables, citons l’établissement viticole de la famille Florio, qui disposait d’environ 300 travailleurs18. Il s’agissait toutefois de cas isolés : généralement, la forte croissance des surfaces plantées en vignes, surtout pendant les dernières décennies du XIXe, ne s’accompagne pas de développements de production aussi importants. Grâce aux conditions climatiques très favorables, il était possible de surproduire aisément sur des surfaces limitées et d’écouler sa récolte sur un marché français facile d’accès en raison du renforcement des routes commerciales maritimes.

La Calabre, en vertu d’un climat d’automne chaud et sec, ainsi que de la douceur des hivers, se plaçait dans la continuité de la Sicile, en se consacrant, elle aussi, à une production intensive de vins à haute teneur en alcool, qui se conservaient bien et étaient prometteurs économiquement. La proximité à la Sicile permettait de partager les mêmes marchés, dont la France, qui joua un rôle de premier plan19.

La Sardaigne possédait, dans l’ensemble, des caractéristiques assez similaires avec la Sicile, même si elle conservait cependant d’importantes spécificités régionales. En premier lieu, la viticulture représentait ici la seule culture intensive. En outre, remarquons sur l’île une tendance plus spéculative dans la conduite des vignobles, composés ici de plusieurs cépages. Ces facteurs témoignent d’une volonté de privilégier l’aspect quantitatif au qualitatif. Ces vins étaient donc moins chers ceux de Sicile20.

Dans les Pouilles, les transformations culturelles furent parmi les plus importantes au niveau national. Encore une fois, les sollicitations du marché étranger furent décisives dans ces processus, car les vins locaux se caractérisaient par une haute teneur en alcool, fort recherchée sur le marché français. L’augmentation des espaces viticoles se réalise d’abord dans la zone de Barletta, le centre traditionnel de la viticulture régionale. Mais, ensuite, elle touche aussi les autres provinces, notamment les plaines, atteignant de plus en plus la zone du Tavoliere dans le Nord de la région. Il est intéressant de constater que l’essor de la viticulture fait suite à une diminution des revenus tirés des oliveraies, de la culture des amandiers et des cultures arables. En outre, les nouveaux vignobles se concentrent sur des terrains considérés anciennement comme des sols à faibles rendements et consacrés jadis aux pâturages, voire laissés en friche.

La possibilité de transporter rapidement le vin à travers les réseaux maritimes et ferroviaires permet à la viticulture de devenir un pôle d’attraction pour la main d’œuvre et les capitaux financiers. Le secteur se transforme ainsi en moteur de la croissance économique régionale et plusieurs sociétés vinicoles italiennes et étrangères décident d’établir leurs bureaux et leurs entrepôts à Barletta, Bari, Brindisi et Bisceglie21.

Les écoles de viticulture et d’oenologie

La classe dirigeante du nouveau Royaume semble fonder beaucoup d’espoirs sur l’enseignement agricole et, en particulier, sur l’enseignement viticole et vinicole. Cette orientation repose sur l’idée que l’Italie doit demeurer, sur le long terme, un pays essentiellement agricole. Le système d’éducation prévu vise alors à fournir exclusivement de la main d’œuvre attendue comme « scuola di moralità, onestà, buona fede e cordialità, ispiratrice dell’amor di Patria »22 (une école de moralité, de honnêteté, de bonne foi et cordialité, d’inspiration à l’amour de la Patrie). En la matière, il était cependant difficile de s’appuyer sur l’héritage scolaire éclaté et pauvre des États pré-unitaires23. Il fut donc nécessaire d’agir sur deux plans : l’éducation agricole supérieure et l’éducation agricole inférieure. Deux instituts agricoles supérieurs furent inaugurés à Milan et Portici au début des années 1870 : ils revêtiront un rôle très important dans l’étude et dans la formation des cadres de l’agriculture italienne. La « scuola di Portici » (l’école de Portici), en particulier, en raison d’une vraie reconnaissance acquise dans les mondes scientifiques italiens et internationaux, devient le lieu hautement qualifié où se forme la plupart des cadres supérieurs du secteur agricole et, dans le cas spécifique de notre sujet, des domaines de la viticulture et de l’œnologie.

Pour l’éducation « inférieure » des jeunes des campagnes italiennes, il a été nécessaire de procéder à des formulations plus concrètes conformément aux processus de spécialisation culturelles lancés pendant les premières décennies de l’unification. Par conséquent, afin de renforcer l’attention sur l’augmentation des surfaces plantées en vignes et sur la production vinicole, émergent des écoles régionales en mesure de suivre et d’orienter les transformations culturelles à l’œuvre dans les campagnes de la péninsule. Il s’agissait de posséder des écoles capables de dialoguer avec les milieux ruraux locaux. L’école de viticulture et d’œnologie d’Avellino, inaugurée en novembre 1880, fût la première dans le Mezzogiorno et la deuxième en Italie après celle de Conegliano en Vénétie24. L’école avait été fortement souhaitée par Francesco De Santis, un important intellectuel local qui, à ce moment là, était Ministre de l’éducation du gouvernement présidé par Benedetto Cairoli. Le choix fut donc porté sur sa circonscription pour des raisons politiques et non pour répondre à une exigence réelle du milieu rural. Par conséquent, dès l’ouverture de la structure émergeront des problèmes financiers comme des tensions de nature environnementale. Les familles des élèves se montraient méfiantes ou même hostiles envers l’école, de sorte d’en compromettre le fonctionnement. Le directeur, Michele Carlucci, qui figurait parmi les experts viticoles les plus appréciés de l’Italie libérale, souligna à plusieurs reprises les difficultés rencontrées : « Le passate dominazioni, gli eccessi dei pubblici poteri civili, ecclesiastici e militari, hanno lasciato una triste eredità nello spirito di questi popoli, abituati a riconoscere come meritevole di considerazione e di stima solo chi riveste una qualsiasi carica pubblica nell'esercito, o nel clero o nelle amministrazioni »25 (Les anciennes dominations, les abus de pouvoir des autorités civiles, ecclésiastiques et militaires ont laissé une triste héritage dans l’esprit de ces populations. Seuls les titulaires d’une charge publique, militaire ou ecclésiastique, sont dignes de respect et des considérations pour ces gens). Ainsi, les enseignants étaient considérés avec suspicion, tandis que les élèves étaient considérés comme incompétents ou paresseux, obligés d’apprendre un métier humiliant par leurs parents. Enseignants et élèves étaient en fait l’objet de constantes moqueries et il fallu parfois l’aide de l’autorité publique pour mettre un terme aux contestations et aux menaces contre le personnel de l’école. Carlucci dénonçait aussi que : « Questa popolazione non era quindi in grado di comprendere l'importanza della funzione che la Scuola era chiamata ad esercitare e assisté alla sua creazione, oltre che colla diffidenza, colla quale vengono accolte le cose nuove, anche col dispregio, di cui si è larghi verso le cose reputate volgari »26 (Cette population n’était pas en mesure de comprendre l’importance de l’école et elle a assisté à sa réalisation non seulement avec la méfiance de la nouveauté, mais aussi avec le mépris qui est réservé aux choses vulgaires). La situation s’est améliorée avec l’abandon de la spécialisation viticole, lorsqu’il fut les enseignements et les champs d’expériences scolaires devaient mieux refléter l’agriculture locale. Carlucci encourage en outre les enseignements itinérants à travers l’activation de cours et de conférences organisés le samedi et la dimanche, ou les soirs de la semaine, dans les principaux villages. Le langage utilisé dans ces cours était délibérément simplifié, en dialecte local, de sorte que tout le monde pût comprendre les contenus et qu’il fût possible de créer un rapport de familiarité entre enseignants et paysans.

Dans l’Italie du Sud, deux autres écoles de viticulture et d’œnologie furent fondées à Catane et Cagliari. L’école sicilienne fut créée par le décret du 24 novembre 1881. Elle ouvrira toutefois seulement trois ans après. Le programme didactique prévoyait seulement des enseignements primaires qui visaient à donner une éducation et des pratiques de base aux élèves. L’absence d’un internat empêcha une fréquentation régulière de l’établissement par les étudiants, une bonne partie d’entre eux avait besoin d’un hébergement sur place27. Comme cela s’était déjà produit à Avellino, et après quelques années, l’expérience passée poussa les responsables de l’école de Catane à changer l’orientation des cours. Ainsi, pendant l’été 1894, ils décidèrent d’intégrer les enseignements dans des cycles de courte durée et accessibles à tous les agriculteurs sans conditions d’âge ou de niveau d’étude. Furent mise en place, dans le même temps, des conférences itinérantes dans les zones viticoles de la province. L’objectif était également de ralentir la propagation du phylloxera, insecte qui malgré tout, détruira une grand partie du vignoble de la région de Catane28.

L’école de viticulture et d’œnologie de Cagliari a, au contraire, exercée une influence plus marginale sur le milieu viticole local29. Dans son cas, on retrouve beaucoup des problèmes déjà évoqués à Avellino, même si, par certains côtés, ils sont encore plus accentués. Un climat de méfiance profondément enracinée entoure l’école. L’idée était largement répandue que des fils de paysans n’avaient pu s’inscrire, non seulement en raison de difficultés économiques, mais également pour des problèmes d’analphabétismes, problèmes récurrents aussi dans les autres écoles. Le directeur de l’école Sante Cettolini commentait d’ailleurs la situation ainsi : « L'operaio di campagna desidera ritrarre dai figli al più presto possibile qualche vantaggio dedicandoli ai lavori campestri »30 (Le paysan tient à envoyer ses fils le plus tôt possible travailler dans les champs pour en tirer de petits profits). L’école est restée fermée longtemps en raison d’un nombre d’inscriptions insuffisant. Le terrain autour de la structure était de surcroît très mauvais : le champ s’étalait sur environ 16 hectares et malgré, plusieurs travaux de défoncement et de plantation, le directeur Cettolini se plaignait que les élèves étaient contraints de travailler dans d’autres vignobles de la zone pour s’exercer.

L’établissement des caves coopératives, en revanche, obtinrent plus de succès. Une petite cave avait été fondée à Cagliari en 1893, dans le but de vinifier en commun pour obtenir des vins correspondants à la demande du marché, ainsi qu’une rémunération appropriée pour les viticulteurs31. D’autres caves coopératives avaient également été fondées au sein des principaux centres viticoles des Pouilles et de la Sicile, comme à Barletta, Noto et Riposto. Elles furent généralement bien accueillies par les populations locales et ne rencontrèrent pas les mêmes résistances que les écoles de viticulture évoquées précédemment. Cela s’explique probablement, tant par les fonctions fondamentalement pratiques et expérimentales des écoles de coopératives, que par le contexte essentiellement viticole de leur emplacement.

Dans l’ensemble, le projet de formation proposé par la classe dirigeante du Royaume d’Italie visait à la rationalisation des transformations culturelles qui caractérisaient les campagnes méridionales pendant l’époque libérale. La limite du projet, compte tenu des problématiques financières, fut le contexte socioculturel de l’Italie de l’époque : les écoles se confrontaient à des traditions locales fortement enracinées en proposant des connaissances qui, souvent, semblaient étrangères ou incompréhensibles aux locaux (en premier chef sans doute, en raison d’une réelle fracture linguistique encore non résorbée plusieurs décennies après l’unité. En bref, la liaison entre la présence d’une école et l’amélioration des connaissances agricoles dans la région d’influence n’était pas automatique. Les problèmes étaient plus complexes et ne pouvaient se résoudre en opposition aux pratiques traditionnelles. Ces oppositions plutôt généraient des ruptures irrémédiables entre les porteurs d’un savoir intrinsèquement élitiste, bien que scientifiquement établi, et les personnes qui devaient pourtant profiter de ce savoir. Le risque, donc, était d’augmenter l’écart entre les techniciens et les paysans, un aspect d’ailleurs exacerbé pendant le difficile moment du phylloxera.

Les changements de scénario : le phylloxéra en Sicile

L’absence de dialogue devient plus évidente au moment le phylloxera se répand rapidement en Sicile. L’île et plus généralement l’Italie, qui avaient bénéficié jusque dans les années 1870 d’une position très favorable sur le marché français – car l’insecte ravageur n’avait pas encore atteint leurs vignobles – vont dramatiquement perde cet avantage en un temps très court32.

Comme cela a été déjà souligné, la viticulture avait accompli des progrès considérables en Sicile. Dans le contexte essentiellement agricole de l’île, la viticulture jouait un rôle central et elle était considérée comme l’activité la plus productive après la céréaliculture. Les surfaces plantées en vignes évoluèrent ainsi de 120.000-130.000 hectares dans les années 1850 à environ 200.000 hectares au début des années 1870. Elles atteignirent une surface de 300.000 hectares pendant les années 188033. Le nombre des travailleurs employés témoignait de l’importance du domaine viticole. Giuseppe Inzenga, directeur des « Annali Siciliani » et professeur d’économie à Palerme, a mis l’accent sur ce point en considérant la viticulture comme « la valvola di sicurezza contro la campestre miseria (...) il pane certo e sicuro del campestre proprietario »34 (la soupape contre la misère des campagnes (…) le pain quotidien certain des propriétaires fonciers). Les paysans qui possédaient des petits vignobles accédaient, donc, à une source de prospérité qui garantissait aussi la préservation de l’ordre social, au point que « essere molto lontani di osservare fra noi quelle campestri agitazioni, che in terraferma si agitano spesso fra contadini e proprietari, quando ai primi per un caso qualunque, messi colle spalle al muro, manca un tozzo di pane per potersi sfamare alla giornata »35 (les troubles entre paysans et propriétaires qu’on observe fréquemment dans les campagnes de l’Italie continentale, en Sicile, au contraire, sont bien rares).

Il fut inévitable, donc, qu’au début des années 1880, la découverte des premiers vignobles atteint par le phylloxera dans la province de Caltanissetta, qui était toutefois l’une des zones les moins viticoles de la Sicile, engendre un sentiment diffus d’inquiétude alimenté, d’ailleurs, par l’impréparation du personnel responsable des inspections dans les vignobles. Le mécontentement débouche alors rapidement sur de grandes manifestations de protestation, soutenues par les membres siciliens du parlement, bien souvent eux mêmes propriétaires viticoles. À vrai dire, déterminer rapidement la présence du phylloxera n’était pas une opération facile, puisqu’Sicile l’insecte atteignait les racines profondeur, un comportement jusque là inconnu dans d’autres localités touchées. Conformément aux lois adoptées l’année précédente, on arracha tous les vignobles estimés comme infectés, ainsi que la végétation des zones voisines. Ce choix, non discriminatoire accrut les protestations populaires déjà soutenues par les représentants politiques locaux36. D’ailleurs, les experts se montraient indécis à l’égard d’une destruction généralisée des vignes touchées par la maladie, d’une part, parce qu’au niveau internationale, notamment dans les campagnes françaises, cette méthode s’était avérée inefficace, alors que d’autres stratégies comme le greffage des vignes européennes sur des ceps américains montraient leur succès ; d’autre part, en raison des lourdes charges d’indemnisation qui grevaient les caisses de l’État37. Entre-temps, la maladie atteint aussi d’autres provinces siciliennes où la viticulture était plus répandue : d’abord Messine, ensuite Catane, puis les environs de Raguse, notamment Noto et Pachino. La propagation rapide de la maladie poussa le personnel technique à abandonner la méthode des destructions38. Ce choix ne s’accompagna pas toutefois de l’adoption de solutions alternatives, sauf le rappel générique à l’utilisation d’insecticides pour essayer de maintenir vivant des vignobles qui, bien qu’ils produisaient encore des vins de bonne qualité, étaient désormais destinés à disparaître en raison du puceron ravageur. La découverte de l’infection qui avait atteint de vastes zones de l’île n’avait pourtant pas freiné l’implantation de nouveaux vignobles, car le marché français continuait à demander des grosses quantités de raisins. Les vignes continuaient à se répandre, sans aucune précaution contre le phylloxera, les vignerons locaux estimant que l’éventualité d’une propagation de l’insecte dans leurs campagnes était très faible. Les protagonistes des nouvelles plantations furent surtout les paysans poussés par l’opportunité d’augmenter leurs revenus à travers la production de vin. Généralement, afin de couvrir les coûts initiaux de l’implantation de vignes « si provvedeva ricorrendo a prestiti usurai, sotto forma cambiaria, presso privati o presso banche popolari, le quali riscontravano gli effetti presso gl'istituti di emissione »39 (on utilisait des prêts usuraires auprès de privés ou de banques).

Nous sommes donc face, à ce moment là, à une situation très contradictoire : d’une part on observe la diffusion rapide des infections, largement présentes en Sicile mais aussi dans d’autres régions du Midi comme la Sardaigne et la Calabre et, d’autre part, on note l’absence d’une stratégie gouvernementale efficace pour lutter contre le phylloxera, Etat qui ne prévoit que l’adoption de mesures préventives destinées à éviter la propagation généralisée du puceron. Ces mesures ont alors pour seule conséquence de condamner les vignobles encore existants ou ceux en cours de reconstitution.

En effet, les reconstitutions des champs se poursuivent de manière continue et autonome jusqu’en 1887, moment où dénonciation du traité douanier avec la France provoque l’effondrement des exportations dans l’hexagone. À partir là, le scenario se modifie de façon substantielle : les reconstitutions anarchiques des vignobles deviennent inutiles, les débouchés étrangers se sont taris.

C’est donc pendant cette période que les viticulteurs de l’île se tournent résolument vers l’utilisation les porte-greffes américains, technique salvatrice utilisée en France depuis déjà un moment40.

Dans l’ensemble, le phylloxera bouleverse profondément la géographie viticole traditionnelle de la Sicile. Avant l’apparition de l’insecte, les vignes couvraient les plaines côtières, mais aussi les zones de l’intérieur et les pentes autour des villages. A partir du moment où elle est décidée, la reconstitution sur porte-greffes américains se concentrent essentiellement dans les campagnes de la côte, les vignes de l’intérieur disparaissant totalement à certains endroits. Selon les estimations réalisées à l’époque, des 308.000 hectares de vignobles existants avant l’arrivée de la maladie, seulement 78.000 hectares ont survécu en 1903 ; Cette même année, sont seulement replantés 73.000 hectares sur les 230.000 détruits, c’est-à-dire moins d’un tiers du total41. La perte économique subie en raison du phylloxera se chiffre alors à environ 800.000.000 Lires. En outre, la reconstruction des vignobles exigea une grande quantité de capitaux, puisque la plantation de 1000 vignes greffées coûtait entre 500 et 600 Lires, lorsque l’on bonifiait les terrains infectés avec des opérations de défonçage (tandis que les coûts oscillaient entre 250 et 400 lires sans la réalisation de cette opération). Le gouvernement tenta d’aider les viticulteurs siciliens à travers la distribution, à des prix modérés, de porte-greffes américains cultivés dans les pépinières de certaines localités viticoles de l’île. Au final, ce furent les paysans et les petits propriétaires qui payèrent les coûts le plus élevé de l’invasion du puceron américain42.

Les consortiums anti-phylloxériques dans les Pouilles

Comme nous l’avons déjà souligné dans l’analyse de la « Carta vinicola italiana », les campagnes des Pouilles ont été largement impliquées dans le processus d’expansion de la viticulture et de la production vinicole Italiennes. Par conséquent, il était inévitable que la découverte des premiers symptômes du phylloxera, en 1899, dans la province de Bari, suscitent de vives inquiétudes. Les grands propriétaires viticoles des Pouilles, qui constituaient aussi une proportion considérable de la députation parlementaire régionale, furent probablement marqués le cas de la Sicile motivés par la l’importance des intérêts en jeu. Ils décidèrent donc d’élaborer une proposition commune pour cadrer la mise en place des consortiums anti-phylloxera. Sur l’initiative, notamment d’Eugenio Maury, personnalité politique éminente du Midi italien et grand propriétaire viticole de Cerignola, ils rédigèrent un projet de loi qui fut présenté au ministre de l’Agriculture Antonio Salandra à l’occasion d’un de ses voyages à Bari suite aux premières infections. La proposition comportait de grandes innovations et se concentrait sur l’exigence urgente de réaliser des consortiums anti-phylloxera, financés partiellement par les propriétaires des vignobles situés dans les zones affectées. En bref, les objectifs principaux des consortiums se résumaient ainsi : garantir la surveillance des vignobles ; l’exploration préventive des champs suspects ; la réalisation de pépinières pour la production de vignes résistants au phylloxera afin d’accélérer à la reconstruction avec des porte-greffes américains43. Salandra accepta la proposition et le projet devint rapidement une loi44. La lutte contre le phylloxera se développa donc de manière tout à fait différente à la Sicile. La participation des propriétaires, même financièrement, était claire, comme la nécessité d’adopter de façon certaine les porte-greffes américains45. Le rapport complexe entre les techniciens, les propriétaires et les vignerons semblait donc reposer sur une base plus solide.

Toutefois, l’activité des consortiums ne fut un long fleuve tranquille : d’abord ils furent confrontés à des contraintes de nature administrative, notamment concernant l’élaboration des règlements d’application, ce qui retarda considérablement leur travail. En dépit du climat de collaboration qui s’était instauré pendant la phase de préparation, les nouvelles institutions furent également accueillies avec méfiance. On observe en particulier une accentuation de la division entre les techniciens chargés de la direction des consortiums et les propriétaires et locataires des vignobles. Leobaldo Danesi, responsable des consortiums des Pouilles et de la province de Teramo, fit, en juillet 1907, le point sur la situation dans un rapport détaillé. Dans les quatre provinces concernées – Bari, Lecce, Foggia et Teramo – 55 consortiums coexistaient, avec 35 dans la province de Bari, 12 dans la province de Lecce, 6 dans la province de Foggia et 2 dans celle des Abruzzes. Ces organisations possédaient, dans leur ensemble, 79 pépinières de vignes américaines qui fournissaient aux viticulteurs associés les greffons et les porte-greffes proportionnellement à la contribution versée. Cependant, le nombre des associations vigneronnes volontaires restait limité, notamment parce que le soutien financier du ministère de l’Agriculture destiné à ces organisations s’était révélé totalement défaillant46. Ce fut donc pour cette raison que le gouvernement se décida pour une révision partielle de la loi, permettant ainsi au ministère de l’Agriculture d’établir les consortiums de sa propre initiative, en contournant la passivité de certains propriétaires locaux47. En 1913, le législateur introduisit une nouvelle loi visant à décentraliser la lutte contre le phylloxera en favorisant l’octroi de prêts aux consortiums à travers la « Cassa depositi e prestiti » (similaire à l’institution financière publique française de la Caisse des dépôts et consignations). Ces prêts pouvaient s’élever à deux millions de Lires par an48. Les mesures de facilitation contenues dans la nouvelle loi avaient été demandées avec insistance par les députés des Pouilles, qui soutinrent fortement cette loi au parlement. Reste que les progrès furent malgré tout modestes : dans l’ensemble, les consortiums passèrent de 101 à 113 entre 1910 et 1915, sachant que la plupart était encore concentrés dans la région des Pouilles. Dans d’autres régions qui avaient été sévèrement touchées par le phylloxera comme la Sicile et la Sardaigne, seuls deux consortium avaient été fondés, l’un à Marsala et l’autre dans les campagnes autour de Cagliari.

Ce fut encore une fois Eugenio Maury qui expliqua clairement les raisons qui empêchèrent la réalisation de nouveaux consortiums. Le député dénonça les mesures prévues dans la loi de 1913 lors d’un débat animé à la Chambre sur le bilan du Ministère de l’Agriculture en 1916. Ces mesures n’avaient, selon lui, pas été appliquées. En effet, la situation s’était détériorée entre-temps puisque les prêts que les consortiums avaient demandés à la « Cassa depositi e prestiti » avaient été suspendus, alors que l’allocation d’un million de Lires que le Ministère destinait à la lutte contre le phylloxera – qui était déjà insuffisante – avait été réduite à 400.000 Lires. Les consortiums rencontraient essentiellement d’importantes difficultés économiques, sans pouvoir bénéficier des moyens financiers promis par la loi de 191349.

Les nouvelles caractéristiques de la géographie viticole méridionale

La propagation progressive du phylloxera a engendré des transformations profondes dans la géographie viticole italienne. Au début du XXe siècle, le nouveau bureau de la statistique, établi en 1909 au sein de la direction générale du Ministère de l’Agriculture, démarre une enquête pour estimer la surface agricole utilisée dans le pays. Dans le relevé statistique, la surface plantée en vignes est classée en deux catégories : dans la première, la plus vaste, sont répertoriées les cultures mixtes, zones où la viticulture est associée aux céréales ou « mariée » à des arbres ; dans la seconde, minoritaire, sont énoncées les cultures spécialisées (vignes étaient seules ou associées à des arbres fruitiers. Ce dernier mode de conduite était très fréquent dans le Midi italien avant l’arrivée du phylloxera, avec une forte densité de vignobles, alors que fruitiers étaient bien plus rares). A la suite de la reconstitution des vignobles sur pied américain, l’espace des vignes s’est restreint et ces dernières furent de plus en plus associées à des oliviers et à des amandiers, puisque les profits tirés de la production vinicole avaient baissé de façon considérable après la rupture des relations commerciales avec la France. Le risque le plus important pour le secteur serait alors la surproduction, phénomène qui se manifesta à plusieurs reprises au début du XXe siècle (notamment en Sicile et dans les Pouilles, deux des régions du Sud de l’Italie les plus touchées par la maladie).

Ainsi, à la fin de la période de l’Italie libérale (entre l’Unité et l’instauration du fascisme), la géographie viticole italienne devint très différente de celle qu’elle était au début du XXe siècle : les deux régions les plus viticoles sont alors l’Émilie-Romagne et les Marches, où les vignobles couvrent presque deux cinquièmes du territoire agricole régionale, malgré une culture peu intensive. Suivent, dans le classement, la Vénétie, la Toscane, la Campanie, l’Ombrie et le Latium. En Sicile et dans les Pouilles, les surfaces plantées en vignes occupent alors un douzième de la surface agricole totale50. Pourtant, cette classification n’offre pas une vue complète sur l’importance de la viticulture dans chaque région, puisque l’intensité des cultures répertoriées est finalement très différent. Dans certains cas, à l’importance des surfaces, ne correspond pas une production importante de raisins. Pour procéder à une analyse détaillée il était indispensable d’établir une distinction entre cultures mixtes et cultures spécialisées. L’adoption de ces critères mettait en évidence l’importance du Piémont, des Pouilles et de la Campanie pour la viticulture nationale.

À l’échelle régionale, le Piémont se classait à la première place parmi les régions italienne pour la production totale de raisins et à la production tirée des cultures mixtes. Dans cette région, qui possédait l’industrie vinicole la plus avancée de la péninsule, les zones de coteaux étaient encore de première importance pour la viticulture51. La Campanie avait réalisé un grand bond en avant du, encore une fois, à la production des cultures mixtes. Les Pouilles conservaient une place prééminente, même si, après le phylloxera, on observa une tendance des oliveraies à remplacer progressivement les vignobles spécialisés. En Sicile, la réduction des espaces viticoles fut sensible, car le processus de reconstruction des vignobles n’avait été réalisé que partiellement, en particulier après la rupture du traité commercial avec la France en 1887, déterminant ainsi des transformations culturales importantes. Toutefois, une pratique s’inscrivait dans la continuité : dans l’île, mais aussi dans les Pouilles, en Sardaigne et en Calabre, les nouvelles plantations viticoles s’orientaient vers une culture spécialisée de la vigne, même si parfois associées à d’autres plantes ligneuses. Dans les régions du Midi, donc, la viticulture spécialisée n’avait pas été abandonnée malgré la réduction des surfaces de production. Ce processus illustre d’ailleurs la prise de conscience des propriétaires et des vignerons : la production vitivinicole ne pouvait plus garantir les profits d’avant. Par conséquent, ils préférèrent remplacer une partie des vignobles touchés par le phylloxera, dont la reconstruction imposait d’ailleurs des coûts élevés, par d’autres cultures arboricoles.

La grande question qui reste en toile de fond est l’amélioration qualitative de la production vinicole du Mezzogiorno. En effet, après la proclamation du Royaume d’Italie, les régions du Midi avaient presque exclusivement compté sur les marchés étrangers demandeurs de grandes quantités de vins ou de moûts, sans se préoccuper de la qualité des productions. Il faudra attendre les décennies suivantes pour que s’amorce une réelle recherche de la qualité. Les efforts en ce sens furent alors globalement positifs, si on considère que, malgré les difficultés croissantes imposées par les processus de globalisation en cours, la qualité et la typicité des vins de l’Italie méridionale est désormais reconnue et appréciée au niveau international.

Notes

1 Emilio Sereni, Storia del paesaggio agrario, Bari, Laterza, 1961; Piero Bevilacqua, Clima, mercato e paesaggio agrario nel Mezzogiorno, in Storia dell’agricoltura italiana, a cura di Id., vol I, Spazi e paesaggi, 1989, Venezia, Marsilio, pp. 643-676. Return to text

2 Sur l’évolution des exportations dans les États pré-unitaires voir : Rosario Romeo, Gli scambi degli stati Sardi con l'estero nelle voci più importanti della bilancia commerciale (1851-1859), Torino, Centro studi piemontesi, 1975; Ira A. Glazier, Il commercio estero del Regno Lombardo-Veneto dal 1815 al 1865, in "Archivio economico dell'Unificazione italiana", serie I, voi. XV, 1966, f. unico; Franco Bonelli, Il commercio estero dello stato pontificio nel secolo XIX, in "Archivio economico dell’Unificazione italiana", serie I, vol. XI, 1961, f. 2; Augusto Graziani, Il commercio estero del Regno delle Due Sicilie dal 1838 al 1858,in "Atti dell'Accademia Pontaniana", nuova serie, vol. VI, anno accademico 1956-1957, pp. 201-217. Return to text

3 Luciano Cafagna, Dualismo e sviluppo nella storia d’Italia, Venezia, Marsilio, 1989. Return to text

4 John A. Davis, Mutamenti di prospettiva sul cammino dell’Italia verso il ventesimo secolo, in Pierluigi Ciocca, Gianni Toniolo, Storia economica d’Italia. 1. Interpretazioni, Roma-Bari, Laterza, 1999, pp. 218-220. Return to text

5 Pour un regard d’ensemble sur ce sujet voir Francesco Dandolo, La fillossera e le campagne meridionali. Trasformazioni economiche e nuovi assetti colturali (1861-1913), San Severo, Gerni, 1997; Id., Vigneti fragili. Espansione e crisi della viticoltura nel Mezzogiorno in età liberale, Napoli, Guida, 2010. Return to text

6 Sergio Zaninelli, L’economia nella storia d’Italia del secolo XIX, Torino, Giappichelli, 1997, pp. 122-123. Return to text

7 Pour un regard d’ensemble sur l’agriculture de la péninsule pendant cette période voir Ghino Valenti, L’Italia agricola dal 1861 al 1911 in Cinquant’anni di storia italiana. Pubblicazione fatta sotto gli auspici del Governo per cura della R. Accademia dei Lincei, Roma, Accademia dei Lincei, 1911; Giacomo Acerbo, L’agricoltura italiana dal 1861 ad oggi, in L’economia italiana dal 1861 al 1961. Studi nel primo centenario dell’Unità d’Italia, Milano, Giuffrè, 1961; Mario Bandini, Cento anni di storia agraria italiana, Roma, Cinque Lune, 1957; Emilio Sereni, Il capitalismo nelle campagne (1860-1900), Torino, Einaudi, 1977 (I edizione 1947). Return to text

8 Pendant la période 1870-1874, les surfaces plantées en vignes s’élevaient à 1.870.109 hectares et la production vinicole moyenne était de 27.136.534 hectolitres ; dans la période suivante 1879-1883, les espaces viticoles montent à 3.095.293 hectares et la production moyenne s’élève à 35.524.360 hectolitres ; Corrado Montoneri, L'azione svolta per la Viticoltura e l'Enologià prima e dopo il fascismo, in Nuovi Annali di Agricoltura, Roma, 1933, n. 1-2, p. 125. Return to text

9 Entre 1871 et 1878, les exportations italiennes à l’étranger montrent une tendance assez instable, restant toujours au-dessous de 600.000 hectolitres ; en revanche, en 1879, elles ont presque doublées par rapport à l’année précédente, avec 27.627.850 millions de Lires généré, soi une hausse de 17.126.710 millions de Lires ; Ministero di Agricoltura, Industria e Commercio, Direzione Generale Agricoltura, Notizie e studi intorno ai vini ed alle uve d’Italia, Roma, Bertero, 1896, pp. 844-845. Return to text

10 Giovanni Federico, Seta, agricoltura e sviluppo economico in Italia, in “Rivista di Storia economica”, a. XXI, n. 2 (2005), p. 146. Return to text

11 Emilio Sereni, II capitalismo nelle campagne, cit., p. 212. Return to text

12 Sur la vaste littérature de la période, voir Francesco Dandolo, Alcune indicazioni bibliografiche per la storia della viticoltura in Italia (1880-1910), in "Bollettino Bibliografico", a cura del Centro Studi perla Storia Comparata delle società rurali in età contemporanea, Napoli, Guida, 1989, pp. 35-49 et la bibliographie, pp. 50-56. Return to text

13 Nicola Ricciardelli, Vinificazione meridionale, Casale Monferrato, Marescalchi, 1917, p. 1; Ottavio Ottavi, Viticoltura teorico-pratica, Casale Monferrato, Cassone, 1885, pp. 2-3. Return to text

14 Alberto Caracciolo, L’inchiesta agraria Jacini, Torino, Einaudi, 1958. Return to text

15 Sur ces questions voir Pasquale Villani, Società rurale e ceti dirigenti. Pagine di storia e storiografia, Napoli, Morano, 1989. Return to text

16 Giovanni Battista Cerletti, Cenni illustrativi generali, in "Bollettino della Società Generale dei Viticoltori Italiani" Roma, 1887, p. 217. Return to text

17 Giovanni Battista Cerletti, Cenni illustrativi generali, in "Bollettino della Società Generale dei Viticoltori Italiani" Roma, 1887, La Sicilia, p. 566. Return to text

18 Orazio Cancila, I Florio. Storia di una dinastia imprenditoriale, Milano, Bompiani, 2008, pp. 280-281. Return to text

19 Meridionale Adriatica, in "Bollettino della Società Generale dei Viticoltori Italiani" Roma, 1887, p. 407. Return to text

20 Meridionale Adriatica, in "Bollettino della Società Generale dei Viticoltori Italiani" Roma, 1887, La Sardegna, p. 591. Return to text

21 Meridionale Adriatica, p. 408. Return to text

22 Anna Pia Bidolli, Simonetta Soldani (a cura di), L’istruzione agraria (1861-1928), Ministero per i Beni e le Attività Culturali , Direzione Generale per gli Archivi, Roma, Pubblicazione degli Archivi di Stato, 2001, p. 29. Return to text

23 Le Ministre Miceli jugeait ainsi l’état des écoles agricoles de la période pré-unitaire : « Prima del 1860, epoca gloriosa del nostro Risorgimento, nell'Italia era generalmente a deplorarsi il numero scarso, lo sviluppo disarmonico, il coordinamento non sempre proprio a raggiungere lo scopo prestabilito, e il difetto di correlazioni vicendevoli delle scuole di agricoltura » (Avant l’unification, les écoles agricoles étaient bien rares et souffraient d’une organisation insuffisante, voire confuse); Bidolli et Soldani, cit., p. 1. Pendant la période 1831-1881, 110 écoles furent fondées. 55 existaient encore en 1881. Entre 1830 et 1870 sont plutôt construites des colonies agricoles de correction pour les mineurs « di giovinetti corrigendi o riformatori con indirizzo all'arte dell'agricoltura » Atti Parlamentari, Camera, Legislatura XIV, disegni di legge e relazioni, sessione 1880-82, n. 180, Ordinamento delle scuole agrarie e forestali, dell'8/3/1881, pp. 31-32. Return to text

24 Décret du 27/10/1879, n. 5158. Return to text

25 Carlucci M., R. Scuola di Viticoltura e di Enologia in Avellino. Relazione riassuntiva sul suo funzionamento dalla fondazione fino all'agosto del 1896, in "Giornale di Viticoltura e di Enologia", Avellino, 1896, p. 361. Return to text

26 Carlucci M., R. Scuola di Viticoltura e di Enologia in Avellino. Relazione riassuntiva sul suo funzionamento dalla fondazione fino all'agosto del 1896, in "Giornale di Viticoltura e di Enologia", Avellino, 1896, pp. 361-362. Return to text

27 Archivio Centrale dello Stato, Ministero di Agricoltura, Industria e Commercio, Direzione Generale Agricoltura, V versamento, busta 74, Relazione sul bilancio preventivo della R. Scuola di Viticoltura ed Enologia di Catania, anno 1887/1888. Return to text

28 Relazione sull'attività della R. Scuola di Viticoltura ed Enologia di Catania nel decennio 1896-1905, Catania, Galatola, 1906, p. 19. Return to text

29 L’école de Cagliari a été fondée par le décret du 11/4/1886, n. 3837. Plus tard, en 1890, une nouvelle école fut fondée à Pérouse ; Archivio Centrale dello Stato, Ministero di Agricoltura, Industria e Commercio, Direzione Generale Agricoltura, V versamento,busta 83. Return to text

30 L’engagement et le dynamisme du directeur se justifiait ainsi : « La scuola nell'ambiente apatico in cui è sorta ha bisogno di dimostrare un'attività continua e di prendere iniziative nuove per il Paese » (L’école, dans l’ambiance apathique où elle est née, a besoin de toujours montrer une activité continue, ainsi que de prendre des initiatives nouvelles pour le Pays). Archivio Centrale dello Stato, Ministero di Agricoltura, Industra e Commercio, Direzione Generale Agricoltura, V versamento, busta 73, Relazione della R. Scuola di Viticoltura ed Enologia di Cagliari, anno 1889/1890. Return to text

31 Sante Cettolini, Le cantine sociali in Sardegna. Osservazioni e schema di uno statuto per una cantina sociale in Cagliari, Cagliari, Valdes, 1895. Return to text

32 Sur le phylloxera en Italie voir aussi: Sergio Zaninelli, Un tema di storia dell 'agricoltura italiana tra Otto e Novecento: la diffusione della fillossera ed il rinnovamento della viticoltura, in Fatti e idee di storia economica nei secoli XII-XX. Studi dedicati a Franco Borlandi, a cura di Carlo Maria Cipolla, Bologna, Il Mulino, 1977, pp. 861 -878; Pasquale Villani, La diffusione della fillossera in Italia, in Cultura, Società, Potere. Studi in onore di Giuseppe Giarrizzo, Napoli, Morano, 1990, pp. 377-397. Return to text

33 Giuseppe Giarrizzo, La Sicilia e la crisi agraria in Autori vari, I fasci siciliani, vol. I, Bari, De Donato, 1976, p. 18. Return to text

34 La citation a été reprise de Orazio Cancila, Variazioni e tendenze dell'agricoltura siciliana a cavallo della crisi agraria, in Autori vari, I fasci siciliani, vol. II, Bari, De Donato, 1976, p. 258. Return to text

35 Idem. Return to text

36 Archivio Centrale dello Stato, Ministero di Agricoltura Industria e Commercio, Direzione Generale Agricoltura, II versamento, busta 78, lettera del prefetto della provincia di Caltanissetta al ministro dell'Agricoltura, di Industria e Commercio del 7/4/1880. Return to text

37 Atti della commissione consultiva per la fillossera del 2/6/1880, in Ministero di Agricoltura Industria e Commercio, Annali di Agricoltura, n. 27, Roma, 1880, pp. 33-40. Return to text

38 Atti Parlamentari, Camera, Legislatura XV, documenti, sessione 1882-86, n. XLIX, Relazione sui provvedimenti adottati contro la fillossera in Italia e all’estero nel 1884 del 30/5/1885, pp. 16-17. Return to text

39 Reale Cantina sperimentale di Noto, Atti del Congresso dei viticultori siciliani a Noto, 24-26 agosto1894, Noto, Zammit, 1894, p. 25. Return to text

40 Carlo Fabiano Fabiani, Le viti americane e la ricostituzione dei vigneti, Torino, Paravia, 1930, p. 127. Return to text

41 Giunta parlamentare d'inchiesta sulle condizioni dei contadini nelle province meridionali e nella Sicilia, Inchiesta parlamentare sulle condizioni dei contadini nelle provincie meridionali e nella Sicilia, vol. VI, Sicilia, tomo I, Relazione del delegato tecnico prof. Giovanni Lorenzoni, Roma, Bertero, 1910, pp. 75-76. Return to text

42 Giunta parlamentare d'inchiesta sulle condizioni dei contadini nelle province meridionali e nella Sicilia, Inchiesta parlamentare sulle condizioni dei contadini nelle provincie meridionali e nella Sicilia, vol. VI, Sicilia, tomo I, Relazione del delegato tecnico prof. Giovanni Lorenzoni, Roma, Bertero, 1910, pp. 73-74. Return to text

43 Atti Parlamentari, Camera, Legislatura XVIII, sessione 1892-1894, documenti, n. XIX/bis, p. 98. Return to text

44 Loi du 6 juin 1901, n. 355. Return to text

45 Atti Parlamentari, Camera, Legislatura XXII, sessione 1904-09, discussioni, seduta del 27 maggio 1905, p. 3381. Return to text

46 Atti Parlamentari, Camera, Legislatura XXIII, sessione 1909-13, documenti, n. XIX, p. 140. Return to text

47 Loi du 7 juillet 1907, n. 490. Return to text

48 Loi du 26 juin 1913, n. 786. Return to text

49 Eugenio Maury, Per la difesa della viticoltura e dell’arboricoltura, tipografia della Camera dei deputati, Roma, 1916, pp. 5-6. Return to text

50 Francesco Carpentieri, Trattato di viticoltura moderna, vol. I, 1929-30, Casale Moferrato, Ottavi, p. 68. Return to text

51 Sante Cettolini, Trattato di viticoltura moderna, Catania, Battiato, 1927, p. 468. Return to text

References

Electronic reference

Francesco Dandolo, « Viticulture et production vinicole dans le Midi de l’Italie durant l’ère libérale (Fin XIXe – début XXe siècle) », Territoires du vin [Online], 6 | 2014, 01 September 2014 and connection on 21 November 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=809

Author

Francesco Dandolo

Professeur, Università degli Studi di Napoli « Federico II »

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