L’évaluation sensorielle au service d’une nouvelle offre de verres à vin

Résumé

Consommateurs éclairés, attentifs aux objets exclusifs de la dégustation, comme professionnels du monde du vin, de la gastronomie et de l’œnotourisme attendent du verre à vin une polyvalence accrue. Disposer d’un verre par couleur, cépage ou appellation est révolu car en décalage avec nos modes de vie et nos circonstances de consommation et souvent incompatible avec les contraintes économiques ou organisationnelles que connaissent les professionnels de la filière.

Néanmoins, le verre continue de véhiculer une image qualitative et reste un vecteur incontournable pour permettre aux vins d’exprimer leurs caractéristiques sensorielles, principalement visuelles et olfactives. Plusieurs paramètres géométriques du verre comme ses diamètres d’ouverture et d’épaule (la section la plus large du verre), la forme et la hauteur de son calice, son volume, peuvent influencer la nature et l’intensité des sensations perçues par le dégustateur, à propos de vins tranquilles comme de vins effervescents [1 ; 2]. L’impact de la forme du verre, prise ici au sens large, sur les ressentis qu’ont des dégustateurs de vins, est au cœur de cette étude inédite qui conjugue argumentaire scientifique, arts de la table, gastronomie et développement économique d’une jeune société, Sydonios, qui s’est lancée le défi de proposer une nouvelle marque de verres dans un environnement pourtant concurrentiel et qui compte assoir sa crédibilité sur la démarche scientifique mise au service de cette nouvelle offre. Sept prototypes ont été dessinés et conçus sur dires d’experts en référence aux principaux critères géométriques évoqués précédemment puis testés par évaluation sensorielle. Leur conception s’est fondée non seulement sur l’esthétique mais également sur le ratio entre le diamètre maximum et le diamètre d’ouverture [3 ; 4]. Ces verres soufflés bouche, 100 % cristal sans plomb, voulus fins et légers, élaborés dans la plus pure tradition des maîtres verriers, ont vocation à se positionner sur le segment pré-luxe. Ils sont destinés à mettre en valeur les vins de propriétés, qu’ils soient dégustés sur site ou présents à la carte de bars à vins et de restaurants étoilés, en France et dans le Monde.

L’objectif de l’étude était de faire émerger des adéquations entre designs de verre et typologies de vin. Six vins, codés de 1 à 6, de profils très différents (un vin rouge riche et charpenté, un vin rouge sur la finesse, un vin blanc aromatique, un vin blanc moelleux, un vin rosé et un vin effervescent) ont été dégustés dans chacun des sept verres, codés de A à G, selon un plan d’expérience global établi sur des permutations lettres x chiffres pour écarter les effets d’ordre et de report. 71 professionnels de la filière viti-vinicole française ont participé à des séances d’évaluation sensorielle qui se sont déroulées sur quatre sites (Paris, Bordeaux, Champagne, Sancerre). Il était demandé aux dégustateurs d’évaluer la précision et l’adéquation du nez par rapport à la bouche. Les vins servis dans les sept verres (60 ml par verre), étaient présentés aléatoirement l’un après l’autre pour permettre à chaque dégustateur de positionner les verres sur une échelle linéaire non structurée propre à chaque vin. Un ensemble de 2 982 mesures, converties ensuite en notes comprises entre 0 et 10 ou en rangs, ont permis d’évaluer statistiquement les effets verre, vin, dégustateur, site de dégustation, le tout avec interactions. Il s’avère que deux verres se sont distingués significativement des cinq autres, l’un adapté au vin rouge riche et charpenté (baptisé R. 1,3), l’autre plus universel (baptisé R. 1,4).

L’objectif était donc atteint : resserrer la gamme autour d’une sélection étayée scientifiquement et segmenter l’offre. Fort de ce résultat, le temps du développement économique et commercial du porteur de projet a sonné. L’enjeu de la campagne de communication est désormais d’intégrer habilement les ressorts scientifiques de l’étude pour capter l’attention des professionnels, des prescripteurs et des réseaux de distribution comme relais de croissance et de visibilité.

Fruits d’un processus scientifique intégré au service d’un jeune acteur économique au carrefour entre gastronomie, arts de la table et œnotourisme, deux verres Sydonios sont aujourd’hui réalité. Ils marient performance œnologique, élégance et finesse. Dans cette présentation, l’accent sera mis sur la démarche scientifique développée et sur ses retombées au bénéfice de ce nouvel acteur de la filière.

Plan

Texte

Introduction

Consommateurs éclairés, attentifs aux objets exclusifs de la dégustation, comme professionnels du monde du vin, de la gastronomie ou de l’œnotourisme attendent du verre à vin une polyvalence accrue. Disposer d’un verre par couleur, cépage ou appellation est révolu car en décalage avec nos modes de vie et nos circonstances de consommation et souvent incompatible avec les contraintes économiques ou organisationnelles que connaissent les professionnels de la filière.

Néanmoins, le verre continue de véhiculer une image qualitative et reste un vecteur incontournable pour permettre aux vins d’exprimer leurs caractéristiques sensorielles, principalement visuelles et olfactives. Plusieurs paramètres géométriques du verre comme ses diamètres d’ouverture et d’épaule (la section la plus large du verre), la forme et la hauteur de son calice, son volume, peuvent influencer la nature et l’intensité des sensations perçues par le dégustateur, à propos de vins tranquilles comme de vins effervescents1, 2. L’impact de la forme du verre, prise ici au sens large, sur les ressentis qu’ont des dégustateurs de vins, est au cœur de cette étude qui conjugue argumentaire scientifique, arts de la table, gastronomie et développement économique d’une jeune société française qui s’est lancée le défi de proposer une nouvelle marque de verres dans un environnement pourtant concurrentiel et qui compte assoir sa crédibilité sur la démarche scientifique mise au service de cette nouvelle offre.

L’objectif de l’étude était de faire émerger des adéquations entre designs de verre et typologies de vin.

Matériel et méthode

Sept prototypes ont été dessinés et conçus sur dires d’experts en référence aux principaux critères géométriques évoqués précédemment puis testés par évaluation sensorielle (illustration 1).

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Illustration  : 7 verres utilisés pour l’étude. Le verre codé F correspond à un ratio déjà existant. « Cliché de Sydonios® avec autorisation d’utilisation et de reproduction »

Leur conception s’est fondée non seulement sur l’esthétique mais également sur le ratio entre le diamètre maximum et le diamètre d’ouverture3, 4.

Ces verres soufflés bouche, 100 % cristal sans plomb, voulus fins et légers, élaborés dans la plus pure tradition des maîtres verriers, ont vocation à se positionner sur le segment pré-luxe. Ils sont destinés à mettre en valeur les vins de propriétés, qu’ils soient dégustés sur site ou présents à la carte de bars à vins et de restaurants étoilés, en France et dans le Monde.

Six vins, codés de 1 à 6 (tableau 1), de typologies très différentes (un vin rouge riche et charpenté, un vin rouge sur la finesse, un vin blanc aromatique, un vin blanc moelleux, un vin rosé et un vin effervescent) ont été dégustés dans chacun des sept verres.

Tableau 1 : Détail des vins sélectionnés.

Appellation

Composition

Numéro de code

Haut-Médoc 2014

60% Cabernet Sauvignon

35% Merlot

5% Petit Verdot

1

Sauternes 2014

92% Sémillon

8% Sauvignon Blanc

2

Marsannay 2014

100% Pinot Noir

3

Sancerre blanc 2016

100% Sauvignon Blanc

4

Champagne brut mis en bouteille en avril 2013, dosage 8 g/l

70% Pinot Meunier, 30% Pinot Noir

5

Bandol rosé 2016

20% Grenache, 20% Cinsault par pressage direct, and 60% Mourvèdre par “saignée”

6

Les verres ont été codés de A à G, selon un plan d’expérience global établi sur des permutations lettres x chiffres pour écarter les effets d’ordre et de report (Illus. 2).

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Illustration  : Illustration du plan d’expériences avec le croisement des vins (chiffres) et des verres (lettres). « Graphique de l’auteur ».

En effet, un « bon » plan doit respecter des contraintes pratiques (non négligeables) : salle, nombre de sujets, de produits par juges, nombre de séances, etc.

Il doit apporter une connaissance la plus précise possible des produits (la note d’un produit ne doit pas être perturbée par d'autres facteurs comme les juges, les rangs d'évaluation, les effets de succession). L'effet produit, celui recherché en premier lieu, ne doit pas être confondu avec les autres effets. Par exemple, si le produit 1 est toujours dégusté au rang 1 il peut y avoir une confusion entre l’effet produit et l’effet rang, de la même façon, on peut trouver une confusion produit / succession si un produit x est toujours précédé du même produit y et suivi du même produit z. De plus, il peut y avoir une certaine lassitude lorsque tous les produits sont toujours dégustés dans le même ordre. Il est aussi préférable qu’un juge n’évalue pas toujours le même produit sinon il y aura une confusion possible produit / juge : on ne saura pas si une note élevée ou faible provient du produit ou du juge.

Pour cette évaluation sensorielle, 71 professionnels de la filière viti-vinicole française ont participé à des séances qui se sont déroulées sur quatre sites (Paris, Bordeaux, Champagne, Sancerre mais principalement à Paris et Bordeaux).

Il était demandé aux dégustateurs d’évaluer la précision et l’adéquation du nez par rapport à la bouche. Les vins servis dans les sept verres (6 cl par verre), étaient présentés aléatoirement l’un après l’autre pour permettre à chaque dégustateur de positionner les verres sur une échelle linéaire non structurée propre à chaque vin (Illus. 3).

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Illustration  : Exemple d’utilisation de l’échelle linéaire non structurée lors de la dégustation d’un vin donné. « Graphique de l’auteur ».

Un ensemble de 2 982 mesures, converties ensuite en notes comprises entre 0 et 10 ou en rangs, ont permis d’évaluer statistiquement les effets verre, vin, dégustateur, site de dégustation, le tout avec interactions. L’illustration 4 fournit une partie du plan d’expériences pour la dégustation ayant eu lieu à Paris. Par exemple, le juge n°1 a dégusté les 6 vins suivant l’ordre vin n° 1 avec la séquence de verres E – A – G – C – D – B – F, puis le vin n° 3 avec la séquence de verres G – C – B – E – F – D – A, et ainsi de suite.

Illustration  : Illustration 4 : Exemple d’une partie de la structure du plan d’expériences. « Graphique de l’auteur ».

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Résultats

Les traitements statistiques occupent une large place en évaluation sensorielle. En effet, dans tout ensemble de données sensorielles, de nombreuses variabilités interviennent comme les variabilités entre les juges et propres à chaque juge (nommées inter et intra individuelles) et les variabilités inter et intra produits dégustés. Démêler ces variabilités implique comme on l’a vu précédemment, le recueil de nombreuses données, selon un protocole de dégustation précis et un dépouillement statistique adapté. Usuellement, ces données sont analysées à l’aide de l'analyse de la variance (ANOVA). La variabilité de la moyenne des produits est une mesure brute de l'effet produit5.

Les données ont été traitées en utilisant le logiciel RStudio, version 1.1.4566. Pour les 7 verres et les 6 vins, les données sensorielles ont été analysées à l’aide d’ANOVA permettant d’indiquer si au moins une moyenne d’un groupe de notes est différente d’un autre groupe. En revanche, pour identifier la structure des différences au sein de plusieurs groupes, il est nécessaire d’appliquer après l’ANOVA, un test de comparaisons multiples de moyennes (appelé test de comparaisons de paires ou test post-hoc). Le test de Student-Newman-Keuls a été utilisé7. Au préalable, les conditions d’utilisation de l’ANOVA ont été vérifiées et validées.

Il s’avère que deux verres se sont distingués significativement des cinq autres, l’un adapté au vin rouge riche et charpenté (baptisé R. 1,3), l’autre plus universel (baptisé R. 1,4) (Illus.5).

Image

Illustration  : Résultat de la comparaison des moyennes de l’association verre/vin pour les verres C et G. « Graphique de l’auteur ».

Les performances de ces deux verres sont montrées sur la figure 6 (Illus. 6).

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Illustration  : Description des performances des verres C et G. « Graphique de l’auteur ».

Il est à noter une sous-performance pour les verres avec des ratios extrêmes (A, B, E, et F excepté pour le vin de Bourgogne pour celui-ci).

Perspectives de développement commercial

L’objectif était donc atteint : resserrer la gamme autour d’une sélection étayée scientifiquement et segmenter l’offre.

Fort de ce résultat, le temps du développement économique et commercial du porteur de projet allait pouvoir commencer. L’enjeu de la campagne de communication allait être désormais d’intégrer habilement les ressorts scientifiques de l’étude pour capter l’attention des professionnels, des prescripteurs et des réseaux de distribution comme relais de croissance et de visibilité.

Conclusion

Fruits d’un processus scientifique intégré au service d’un jeune acteur économique au carrefour entre gastronomie, arts de la table et œnotourisme, deux verres aux caractéristiques contrastées sont aujourd’hui réalité. Ils marient performance œnologique, élégance et finesse.

Notes

1 Thomas Hummel, Jeannine F. Delwiche, Christian Schmidt, Karl-Bernd Hüttenbrink, « Effects of the form of glasses on the perception of wine flavors: a study in untrained subjects », Appetite, n°41, 2003 p. 197-202. Retour au texte

2 Gérard Liger-Belair, Guillaume Polidoric, Virginie Zéninari, « Unraveling the evolving nature of gaseous and dissolved carbon dioxide in champagne wines: A state-of-the-art review, from the bottle to the tasting glass », Analytica Chimica Acta, n°732, 2012, p. 1-15. Retour au texte

3 Margaret A. Cliff, « Influence of wine glass shape on perceived aroma and colour intensity in wines », Journal of Wine Research, n°12 (1), 2001, p.39–46. Retour au texte

4 Jeannine F. Delwiche, Marcia L. Pelchat, « Influence of glass shape on wine aroma”, Journal of sensory studies, n°17, 2002, p.19-28. Retour au texte

5 Jérôme Pagès, « Le traitement statistique des données sensorielles », La revue MODULAD, n°18, 1997, p. 1-20. Retour au texte

6 RStudio Team, RStudio: Integrated Development for R. RStudio, Inc., Boston, 2016, MA URL http://www.rstudio.com/. Retour au texte

7 Jason C. Hsu, Multiple comparisons theory and methods, Chapman Hall/CRC, USA, 1996, 296 pages. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Laurence Dujourdy, Antoine Schvartz, Baptiste Larbre et Yves Le Fur, « L’évaluation sensorielle au service d’une nouvelle offre de verres à vin », Territoires du vin [En ligne], 10 | 2019, publié le 16 octobre 2019 et consulté le 20 avril 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1724

Auteurs

Laurence Dujourdy

Service d’Appui à la Recherche, AgroSup Dijon, 26 Boulevard Petitjean, 21000 Dijon, France

Antoine Schvartz

Sydonios, 16 rue de Fleurus, 75006 Paris, France.

Baptiste Larbre

Sydonios, 16 rue de Fleurus, 75006 Paris, France.

Yves Le Fur

Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation, AgroSup Dijon, CNRS, INRA, Université Bourgogne Franche-Comté, 17 rue Sully, 21000 Dijon, France.

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