Le vignoble dans la Rioja Alta (Espagne) et sa localisation à partir de facteurs topo-géomorphologiques

Translated from:
El viñedo en la Rioja Alta (España) y su localización a partir de factores topo-geomorfológicos

Abstract

Les marchés conditionnent l’extension et la production de certaines cultures, notamment la culture de la vigne. Cependant, on peut encore observer l’influence de certains paramètres environnementaux dans l’organisation spatiale de ces cultures, spécialement dans les régions où il existe une grande diversité géographique. Dans cet article nous allons expliquer l’influence des facteurs topographiques, géomorphologiques et édaphiques sur la distribution de la superficie du vignoble de La Rioja Alta, une des régions où la tradition vitivinicole et la superficie cultivée font partie des plus importantes dans la Denominación de Origen Calificada Rioja.

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Traduction en français de l’article : Maria Teresa Martin Bertrand (Agrégé d’Espagnol), Catalina Martín Calzada et Joël Brémond (Professeur à l’Université de Nantes)

INTRODUCTION

La Rioja est considérée comme une des régions vitivinicoles les plus importantes d’Espagne. En effet, les vins sont consolidés sur les marchés mondiaux et font concurrence aux exportations des nouveaux pays producteurs (Australie, Chili, Nouvelle-Zélande, États-Unis ou Afrique du Sud).

Tout comme dans d’autres régions méditerranéennes, la culture de la vigne dans La Rioja remonte à l’Antiquité, mais c’est au Moyen Âge, qu’associée à la vie monacale, elle devient spécialement importante. En effet, une des plus anciennes références revient au roi Sancho de Navarre qui, en 1102, reconnaissait juridiquement les vins de Rioja (Conseil régulateur de la Denominación de Origen Calificada Rioja, 2007). En 1787, la Real Sociedad Económica de Cosecheros de Rioja est créée afin d'encourager la culture de la vigne, d’élaborer et de commercialiser son vin. Sa plus grande reconnaissance date actuellement de 1991, lorsqu’un Ordre Ministériel accorde à la Denominación de Origen Rioja le caractère « Calificada » (DOCa Rioja). Il s’agit de la première et de la seule, jusqu’à ce jour, à avoir atteint ce rang au niveau national.

L’histoire a déterminé les reculs et les augmentations de la superficie du vignoble de La Rioja, qui connaît son apogée entre la deuxième partie du XIXe siècle et les premières années du XXe siècle.

En 1877 la superficie vinicole totale de La Rioja était de 31 100 hectares. Au cours de la décénnie suivante, nous constatons une augmentation rapide qui atteint 52 392 hectares, extension qui se maintient jusqu’en 2000. La région vit à cette époque un véritable «âge d’or du raisin» (Piqueras Haba, 2005). En effet, l’importante croissance des exportations vers la France, qui traversait alors une crise profonde à cause de la destruction des ceps par le phylloxéra introduit en 1868 par des plants américains, explique l’augmentation de la superficie cultivée et de la productivité. En Espagne, les premiers foyers de la maladie datent de 1878, mais ce n’est qu’en 1898 que le phylloxéra se propage rapidement à travers la Vallée de l’Èbre et atteint la région de La Rioja Alta en 1899. C’est à partir de cette année que la superficie viticole recule à cause du phylloxéra et d’une nouvelle conjoncture économique conditionnée par la chute du marché français et des prix du vin. Pendant les dix premières années du siècle passé il fallut donc remplacer complètement les ceps touchés par le phylloxéra par des plants américains (Larrea Redondo, 1974). En 1915, la superficie cultivée de La Rioja atteignait à peine 22 015 hectares.

Le secteur reprend alors lentement avec, par conséquent, une augmentation de la superficie cultivée. Dans les vingt dernières années du siècle passé, on avait dépassé 35 000 hectares. Ainsi, la superficie vitivinicole de la DOCa Rioja, qui comprend les territoires du Pays Basque et de Navarre, était de 39 349 hectares en 1983, de 46 972 hectares en 1990 et 63 474 hectares en 2004. Si l’on considère exclusivement le territoire de la Communauté autonome de La Rioja, la superficie du vignoble atteint 41 507 hectares.

L’objectif de ce travail est de connaître les facteurs topographiques, géomorphologiques et édaphologiques de l’organisation spatiale du vignoble dans La Rioja Alta. Il est évident que dans les espaces habités, ce sont les facteurs historiques, sociaux ou économiques qui expliquent ces paysages. Il ne faut cependant pas oublier que dans certains de ces espaces, notamment dans les paysages agricoles, il existe encore des éléments du milieu rural qui expliquent leur organisation. Aujourd’hui encore, le vignoble exige des conditions environnementales très précises, liées au climat et au sol, pour produire un vin de qualité que le consommateur expert peut facilement identifier. Ceci limite sa culture commerciale à des espaces très concrets (Fabbri, 2002). Arnáez et al. (2006) indiquent que l’espace joue un rôle important pour le vignoble. La délocalisation de sa culture par rapport aux meilleures enclaves peut avoir des répercussions très importantes sur la qualité du vin, ainsi que des conséquences socioéconomiques évidentes.

CHAMP D’ÉTUDE

La Rioja Alta, qui a une superficie de 1 136 km2, est une des six régions de la Communauté autonome de La Rioja (Espagne) (Fig. 1). Elle se trouve dans la région la plus à l’est de la Dépression de l’Èbre sur des matériaux tertiaires (grès) et quaternaires (graviers et sables). Une petite partie de la région, celle qui se trouve le plus au nord, inclut des matériaux secondaires, avec une prédominance de calcaires (Montes Obarenes et Sierra de Toloño) et c’est ici que l’on atteint les plus grandes altitudes de la région (Pico del Toloño, 1 264 m).

Fig. 1 Situation du champ d’étude

Fig. 1 Situation du champ d’étude

L’Èbre, un des principaux fleuves de la Péninsule ibérique, débouche sur le versant méditerranéen, traverse La Rioja Alta du nord-ouest au sud-est, arrive à La Rioja par les Conchas de Haro, un défilé escarpé de calcaires secondaires et traverse la région d’une manière sinueuse formant ainsi de beaux exemples de méandres. De plus, trois autres rivières (Tirón, Oja et Najerilla), affluents de l’Èbre, traversent également la région.

Le climat de la Rioja Alta est un climat méditerranéen continental adouci par l’influence des basses pressions atlantiques (Climent, 1994). Ainsi, le champ d’étude est beaucoup plus humide et frais que le secteur Est de La Rioja, qui connaît une amplitude thermique plus importante et des précipitations plus faibles.

Fig. 2. Carte des isothermes de La Rioja Alta

Fig. 2. Carte des isothermes de La Rioja Alta

Comme le montre la figure 2, plus on avance vers le centre de la Dépression, plus les températures sont élevées. Les températures annuelles moyennes varient de 11,3 ºC à Santo Domingo de la Calzada, (639 m d’altitude) à 13,2 ºC à Cenicero, (437 m d’altitude). La carte des isothermes montre que la plus grande partie de La Rioja Alta oscille entre 13 et 11 ºC et l’on enregistre des valeurs inférieures à 10 ºC dans le piémont du Système ibérique.

Fig. 3. Carte des isohyètes de La Rioja Alta

Fig. 3. Carte des isohyètes de La Rioja Alta

La carte des précipitations montre que l’on enregistre moins d’épisodes pluvieux dans les zones de plus faible altitude, avec des valeurs comprises entre 400 et 500 mm par an (Fig. 3). L’altitude explique que, vers le nord (Montes Obarenes-Sierra de Toloño) et vers le sud (piémont du Système ibérique), les pluies augmentent et atteignent même des valeurs proches de 900 mm par an.

Les superficies couvertes par la végétation naturelle sont très rares dans La Rioja Alta puisque l’espace agricole est prédominant. Elles sont reléguées aux Montes Obarenes-Sierra de Toloño et aux rives des fleuves. Dans les Montes Obarenes-Sierra de Cantabria la végétation est caractéristique du sol meso-supraméditerranéen, où les chênaies (Quercus rotundifolia) et les rouvraies (Quercus faginea) prédominent et poussent dans des sols où les contenus en carbonates sont élevés. Là où ils ont été éliminés, il existe un fourré de substitution composé de Buxus sempervirens (buis), Prunus spinosa (prunelier), Rosa canina (rosier), Crataegus monogyna (aubépine monogyne), Erica vagans o Genista hispanica.

En général, il n’y a pas de bois riverains denses au bord des fleuves qui passent par La Rioja Alta mais, lorsqu’ils ont été respectés, nous pouvons observer des peupleraies dont les espèces principales sont le peuplier noir ou peuplier (Populus nigra), le peuplier blanc (Populus alba) et le saule blanc (Salix alba). Dans la strate herbacée, les graminacées abondent.

Dans les communes les plus méridionales du champ d’étude, où les conglomérats tertiaires de bord de bassin se sont déposés et où les altitudes sont les plus considérables, il existe des bois de chênes (Quercus pyrenaica) et des repopulations de conifères.

Tableau 1. Types de cultures dans La Rioja Alta (2006)

Culture Hectares Pourcentage sur la totalité cultivée
Céréales 36 966 54,6
Vignoble 21 025 31,1
Légumes 3 973 5,9
Cultures industrielles 2 326 3,4
Tubercules 1 540 2,2
Légumineuses 790 1,1
Cultures fourragères 590 0,8
Arbres fruitiers 278 0,4
Autres 123 0,2
Total 67 611

Source: Statistique Agraire Régionale - Gouvernement de La Rioja

La population de La Rioja Alta est actuellement de 48 929 habitants, c’est-à-dire 15,8% du total régional. Il s’agit d’une région très rurale, où l’on compte soixante-quinze communes peu peuplées, exception faite des trois chefs-lieux de la région qui articulent le territoire: Haro (11 463 habitants), Nájera (8 073 habitants), et Santo Domingo de la Calzada, (6 780 habitants). Traditionnellement, la région a axé son activité économique sur l’agriculture: dans les noyaux les plus petits, les cultures sur des terrains non irrigués (vigne et céréale) alternent encore avec les cultures sur des terres irrigables traditionnelles en fonction des caractéristiques environnementales (Tableau 1). Les activités industrielles et tertiaires n’existent que dans les chefs-lieux.

MÉTHODOLOGIE

Pour la réalisation de ce travail nous avons retenu les communes de La Rioja Alta où la superficie du vignoble est importante et nous avons exclu celles où sa présence est simplement symbolique (moins de 10 hectares). Sur les 75 communes qui forment la Rioja Alta, 61 ont été retenues: elles représentent 889,3 km2 et totalisent 17 209 hectares de vignoble.

Par la suite, la carte de superficie du vignoble (Fig. 4) a été créée à partir de la cartographie digitale élaborée par le projet INDO (SIGOLEICO), cédée par la Consejería de Agricultura, Ganadería y Desarrollo Rural du Gouvernement de La Rioja (Département d’Agriculture, Élevage, et Développement Rural). Cette cartographie, qui présentait des insuffisances, a été revue et complétée avec l’orthophoto fournie par le Gouvernement de La Rioja grâce à la IDERioja (Infrastructure de Données Spatiales de La Rioja, Consejería de Turismo y Medio Ambiente; Département de Tourisme et d’Environnement), à la SiPac (Consejería de Agricultura, Ganadería y Desarrollo Rural) et à la cartographie du MTN 1/25 000 de Haro et Nájera (170-III, 203-I et 203 II).

Fig. 4. Carte de superficie du vignoble cultivé dans La Rioja Alta

Fig. 4. Carte de superficie du vignoble cultivé dans La Rioja Alta

La deuxième source d’information de notre étude a été le Modèle Digital du Terrain (MDT) du Gouvernement de La Rioja (équidistance des courbes de niveau de 5 m). Le MDT a fourni des cartes d’altitude, de pentes et d’exposition. Pour compléter le nombre de variables disponibles dans l’analyse de la distribution du vignoble, nous avons travaillé sur des cartes géologiques, géomorphologiques et de sols. La carte géologique de La Rioja Alta a été obtenue à partir de celle élaborée par El Instituto Geológico y Geominero, (Institut Géologique et Géominier d’Espagne) de Casalarreina (169), Haro (170), Santo Domingo de la Calzada (202), Nájera (203) et Logroño (204), à l’échelle 1/50 000. Les cartes géomorphologiques de ces pages ont été obtenues grâce à Julián et al. (1992). La Rioja ne dispose que de peu d’informations sur les types de sols et sur leurs caractéristiques. En effet, les études realisées sont soit très partielles et font référence à des lieux très concrets (Martínez Vidaurre et al., 2003 et 2004), soit très générales et donc peu précises (Ruiz Hernández, 1988). Ainsi, conscients de cette approximation très générale et simplifiée, mais très utile pour établir des critères de base, nous avons utilisé la cartographie élaborée par Machín (1994) et basée sur la classification de la légende de la FAO-UNESCO (révisée en 1989). Toutes ces cartes ont été scannées et importées vers un programme graphique Raster, puis intégrées dans un Système d’Information Géographique et géo-référentiées en coordonnées UTM. Toutes les cartographies ont été travaillées avec une résolution de 10 mètres par cellule.

Les cartes de base et leurs dérivés ont été manipulés avec des Systèmes d’Information Géographique. L’information apportée par l’analyse cartographique a été transférée à une base de données qui, avec l’aide d’un puissant programme informatique (SPSS 15.0 ©), a pu faire l'objet de différentes analyses statistiques.

RÉSULTATS

Vignoble et altitude. Les sources historiques indiquent que dans La Rioja le vignoble a existé à des altitudes très supérieures aux altitudes actuelles (García Santamaría et Martín Losa, 1982). En effet, dans la sierra, il existait des monastères, pour lesquels il était indispensable de disposer de vin pour la liturgie et pour leur consommation. Actuellement, le vignoble est exploité uniquement sur des terres se trouvant à basse altitude (Tableau 2). En effet, 80% de celui-ci se trouve entre 400 et 600 mètres d’altitude (la moitié du vignoble se trouve entre 500 et 600 mètres), ce qui correspond à 8 638 hectares. 16,1% des vignes occupent 2 767 hectares entre 600 et 700 mètres, et au-dessus de 700 mètres, la présence du vignoble est purement symbolique, avec environ 82 hectares.

Tableau 2. Distribution du vignoble selon l’altitude.

Altitude (m) Superficie Rioja Alta (ha) % sur le total Superficie du vignoble (ha) % sur la totalité du vignoble
400-500 15 810 17,8 5 720 33,2
500-600 38 406 43,2 8 639 50,2
600-700 22 586 25,4 2 768 16,1
700-800 6 822 7,7 82 0,4
800-900 2 577 2,9
900-1 000 1 450 1,6
>1 000 1 284 1,4
88 935 17 209

Vignoble et versant. Le versant est un des autres facteurs déterminants pour localiser le vignoble, car plus son inclinaison est importante, plus les travaux agricoles sont compliqués. D’après le tableau 3, 88% de la superficie de La Rioja Alta a des pentes inférieures à 15%, alors que seulement 6% du territoire présente des pentes supérieures à 20%, qui correspondent aux escarpements les plus prononcés des systèmes montagneux (comme les Montes Obarenes ou la Sierra del Toloño) et aux importantes dénivellations qui se produisent entre les différents niveaux de glacis ou de terrasses fluviales.

68% des vignobles ont des inclinaisons inférieures à 10%, alors que l’intervalle d’inclinaison entre 5 et 10% concentre la moitié des vignes de La Rioja (8 674 hectares). Environ un quart des vignes (4 733 hectares) se trouve sur des pentes comprises entre 10 et 15%. Les versants qui ont plus de 15% de dénivellation n’ont qu’une valeur symbolique (4% de la superficie viticole) et ne sont pas cultivés.

Tableau 3. Distribution du vignoble selon de la pente.

Pente Superficie Rioja Alta (ha) % sur le total Superficie du vignoble (ha) % sur la totalité du vignoble
<5 18 784 21,1 3 027 17,6
5-10 38 039 42,7 8 674 50,4
10-15 21 249 23,9 4 734 27,5
15-20 5 703 6,4 632 3,7
20-30 4 199 4,7 140 0,8
30-40 740 0,8 3 0,0
40-50 161 0,2
>50 59 0,07
88 935 17 209

Vignoble et exposition. Plusieurs facteurs interviennent dans le développement et la maturation du raisin, notamment l’orientation de la plantation. Dans La Rioja Alta, 42% de la superficie cultivée est exposée au nord (nord, nord-ouest et nord-est) (Tableau 4), un pourcentage qui dépasse clairement les vignobles sur les versants exposés au sud (26%). Ainsi le relief de la région explique l’orientation des plantations. En réalité, la proximité du Système ibérique par rapport à l’axe central de la Dépression de l’Èbre (à peine 30 kilomètres) fait qu’à partir du contact entre la Sierra et la Dépression, la topographie se transforme en une faible côte de glacis et de terrasses exposées normalement au nord. Il n’est donc pas rare que les expositions septentrionales (nord-ouest, nord et nord-est) soient les plus fréquentes dans la région et qu’elles occupent 42,8% du territoire, obligeant ainsi l’agriculteur à s’adapter à cette situation. Les orientations méridionales se trouvent presque exclusivement dans le piémont des Montes Obarenes-Sierra del Toloño, sur la rive gauche de l’Èbre, même si leur superficie est très limitée.

Tableau 4. Distribution du vignoble selon l’exposition.

Exposition Superficie Rioja Alta (ha) % sur le total Superficie du vignoble (ha) % sur la totalité du vignoble
Nord 13 670 15,4 2 475 14,4
Nord-est 12 223 13,7 2 135 12,4
Est 8 615 9,7 1 539 8,9
Sud-est 9 498 10,7 1 962 11,4
Sud 5 434 6,1 1 002 5,8
Sud-ouest 6 408 7,2 1 559 9,1
Ouest 5 466 6,1 1 348 7,8
Nord-ouest 12 175 13,7 2 747 16
Plat 15 445 17,4 2 442 14,2
88 934 17 209

Vigne, lithologie et sols. Dans La Rioja Alta, 10 164 hectares de vignes sont cultivés sur des grès, des limons et des argiles (tableau 5). Différents types de sols se sont développés sur ces lithologies, mais les plus fréquents sont les cambisols calcaires et les kastanozems. Les premiers ont un mince profil A (10 cm), un humus de type mull, une texture moyenne, une structure grumeleuse et une bonne perméabilité. Un horizon B de texture plus limoneuse se développe en-dessous, avec un contenu en carbonate calcique élevé qui atteint parfois 30% (Machín, 1994). On voit ce type de lithologies et de sols dans les vignobles au niveau du cours moyen du Najerilla et du Tirón et sur les rives gauches et droites de l’Èbre. Les kastanozems calciques présentent une morphologie et une génétique très semblables à celle des cambisols, même s’ils se développent dans des zones plus pluvieuses, comme celles du piémont des Montes Obarenes et la Sierra del Toloño.

Tableau 5. Distribution de la superficie du vignoble selon la lithologie et les sols.

Kastanozems Cambisols Fluvisols Calcisols Total
Grès, limons et argiles 2 844 ha27,9% 6 463 ha63,5% 267 ha2,6% 591 ha5,8% 10 164 ha100%
Graviers, sables et limons 1 248 ha18,4% 2 067 ha30,5% 629 ha9,3% 2 815 ha41,6% 6 759 ha100%
Conglomérats et grès 212 ha98,1% 2 ha0,9% 2 ha0,9% 216 ha100%
Marnes 65 ha92,8% 1 ha1,4% 1 ha1,4% 3 ha4,2% 70 ha100%
Total 4 156 ha 8 743 ha 898 ha 3 411 ha

Plus d’un quart de La Rioja Alta est formée par des graviers, des sables et des limons qui correspondent à des matériaux alluviaux de l’ère quaternaire (Fig. 5). Le déplacement des matériaux tertiaires de la Dépression et la réactivation systématique des escarpements marginaux de la Sierra ont provoqué le déplacement d’affouillements quaternaires jusqu’au fond de la Dépression. Les variations climatiques du pléistocène ont determiné l’évolution complexe du réseau fluvial et ont provoqué une alternance de moments d‘accumulation avec d’autres moments d’incision. Des calcisols et des cambisols se sont développés sur ces matériaux (Tableau 5). Il s’agit de sols peu profonds (moins de 50 cm) séparés abruptement du dépôt quaternaire.

Les dépôts de graviers et de sables quaternaires comptent logiquement une importante proportion de cailloux roulés enveloppés dans une fine matrice et qui s’incorporent aux sols pendant les différentes tâches agricoles. Le puissant appareil radiculaire de la vigne ne rencontre aucune difficulté pour se frayer un chemin entre ces matériaux. C’est dans le cours inférieur de la rivière Najerilla (spécialement à Cenicero), dans le cours moyen de la rivière Oja et tout au long des rives de l’Èbre que l’on trouve des vignobles sur des graviers et des sables.

Les conglomérats et grès, ainsi que les marnes, sont des lithologies moins abondantes. Les conglomérats datent de l’ère tertiaire et se trouvent au pied des Montes Obarenes-Sierra del Toloño ou dans le secteur le plus méridional de la région, dans l’antichambre du paléozoïque de la Sierra de la Demanda. La superficie cultivée sur cette lithologie est très faible et ne représente que 216 ha (Tableau 5).

Fig. 5. Distribution de la superficie de La Rioja Alta et du vignoble selon la lithologie. 1) Grès, limons et argiles; 2) Graviers, sables et limons; 3) Marnes; 4) Conglomérats et grès.

Fig. 5. Distribution de la superficie de La Rioja Alta et du vignoble selon la lithologie. 1) Grès, limons et argiles; 2) Graviers, sables et limons; 3) Marnes; 4) Conglomérats et grès.

Vignoble et formes du relief. La distribution du vignoble de La Rioja Alta selon les formes du relief est complexe (Tableau 6). En effet, la plupart de ces formes correspond à des formations caractéristiques de la Dépression de l’Èbre. Sur ses deux rives, et sur ses affluents Oja et Najerilla, les terrasses fluviales sont plus ou moins présentes et les différents niveaux sont groupés en terrasses basses (niveaux 1-3), moyennes (4-5) et hautes (6-12). La superficie la plus étendue se trouve sur les premières qui concentrent également la superficie de vignoble la plus importante (4 107 hectares, 24%). Si l’on ajoute la superficie viticole de toutes les terrasses fluviales, on obtient un total de 5 924 hectares, c’est-à-dire 34,4% des vignobles.

Les matériaux de l'ère tertiaire affleurent dans les zones sans sédiments quaternaires et sont également habituels dans les escarpements et les talus qui se trouvent entre les différents niveaux de glacis et de terrasses. Environ 4 000 hectares de vignes (22,7%) y sont cultivés.

Les glacis constituent 30% de la région de La Rioja. Comme pour les terrasses fluviales, les différents niveaux sont reproupés en glacis bas (niveaux 1-3), moyens (4-5) et hauts (6-12). Dans les glacis bas, 3 708 hectares de vignes (21,5%) sont exploités. Un pourcentage similaire de superficie vitivinicole correspond aux glacis moyens, concrètement 18,4% (3 160 hectares), alors que les hauts glacis représentent à peine 2% de l’aire analysée et à peine 1,7% des vignes.

Tableau 6. Distribution du vignoble selon les formes du relief.

Superficie Rioja Alta (ha) % sur le total Superficie du vignoble (ha) % sur la totalité du vignoble
Structures pliées, fracturées, escarpements et versants en calcaires 2 695 3,0 - -
Affleurements de grès tertiaires 24 898 28,0 3 911 22,7
Terrasses hautes (6 à 12) 6 360 7,2 1 191 6,9
Terrasses moyennes (4 à 5) 3 795 4,3 626 3,6
Terrasses basses (1 à 3) 22 309 25,1 4 107 23,9
Glacis hauts (niveaux 6 à 12) 1 819 2,0 300 1,7
Glacis moyens (niveaux 4 à 5) 9 520 10,7 3 160 18,4
Glacis bas (niveaux 1 à 3) 15 241 17,1 3 708 21,5
Vallées en auge et paléo-canaux 560 0,6 117 0,7
Versants régularisés 847 1,0 52 0,3
Barres fluviales et érosion hydrique 888 1,0 36 0,2
TOTAL 88 934 17 209

CONCLUSIONS

La culture du vignoble dans La Rioja Alta, qui est la région la plus au nord-ouest de la Communauté autonome de La Rioja (Espagne), fait partie du paysage agricole depuis très longtemps. Cependant, son développement le plus spectaculaire a lieu à la fin du XIXe siècle, avec la crise du vignoble français envahi par le phylloxéra à partir du milieu des années 1860 et la construction des premières grandes bodegas. Dans les dernières années, la superficie du vignoble exploité et la demande de plantations ont augmenté. Ainsi, après les céréales, la vigne représente la seconde culture en superficie. Cependant, ses importants rendements économiques font d’elle le produit agraire qui offre les bénéfices les plus élevés, car les crus de Rioja ont consolidé leurs marchés nationaux et internationaux, puisqu’ils sont considérés comme des vins de grande qualité.

L’intéraction de certains facteurs environnementaux joue encore un rôle important dans certains paysages agraires historiques, même si actuellement la plus grande partie des cultures est organisée en fonction des dynamiques des marchés et de la disponibilité de la main d’oeuvre. Ce sont ces facteurs environnementaux qui ont été pris en compte lorsqu’il a fallu expliquer la distribution de la superficie cultivée du vignoble.

Nous avons constaté que pratiquement tout le vignoble exploité de La Rioja Alta se trouve entre 400 et 700 mètres, même si en réalité 50,2% de la superficie totale se trouve entre 500 et 600 mètres. L’altitude est donc un facteur important dans la distribution du vignoble et un indicateur indirect des conditions climatiques à l’échelle locale. Ces altitudes enregistrent les températures les plus favorables (spécialement pendant la période de maturation du raisin) et des précipitations autour de 400-500 mm par an, valeurs qui sont en accord avec les besoins exigés par la vigne.

Pour une croissance adéquate, la vigne exige des conditions thermo-pluviométriques, ainsi qu’une certaine quantité de lumière et d’insolation. Ainsi, le minimum nécessaire d’heures d'insolation est de 1 500 à 1 600, dont au moins 1 200 pendant la période végétative (Andrades, 1991), ce qui explique que les versants exposés au nord sont peu favorables. Malgré tout, la moitié de la superficie du vignoble de La Rioja Alta est orientée au nord car l’agriculteur a été très conditionné par la disposition générale du relief. En ce qui concerne la production et la qualité des moûts, les meilleurs vignobles se trouvent dans certains secteurs bien orientés au soleil, ce qui est le cas du piémont des Montes Obarenes-Sierra de Cantabria.

Une partie importante de la superficie cultivée se trouve sur des versants de moins de 10% de pente (68%). Il est cependant intéressant de souligner que 4,5% du vignoble est cultivé sur des versants qui ont une inclinaison supérieure à 15%. Les meilleurs emplacements sont occupés par la vigne, ce qui oblige à exploiter des versants très en pente (espaces les plus fragiles quant aux processus érosifs) pour augmenter la superficie du vignoble.

La vigne ne pousse pas correctement sur les sols humides. C’est pourquoi les vignobles se trouvent rarement à proximité des cours d’eau. Dans le cas de La Rioja Alta les plus grandes superficies cultivées se trouvent sur des sols calcaires (cambisols et calcisols) qui se sont développés sur des glacis et des terrasses basses et moyennes. Les sols et les matériaux sédimentaires des terrasses et des glacis sont composés d’un grand nombre de cailloux enveloppés dans une mince matrice. Les puissantes racines de la vigne n’ont aucune difficulté à se frayer un chemin dans ce type de matériaux.

En définitive, le paysage du vignoble dans La Rioja Alta présente une certaine diversité qui s’explique par les caractéristiques topographiques et géomorphologiques de la région. Le relief, qui est la conséquence du déplacement et du dépôt de matériaux pendant l’ère quaternaire, les types de pentes, de sols et d’expositions, et la façon dont l’homme a géré les terres tout au long de l’histoire, apportent une variété environnementale remarquable à La Rioja Alta, ainsi que des paysages qui méritent la plus grande protection.

Remerciements:

Cette étude fait partie du projet de recherche “Comportamiento y modelización espacio-temporal de la transferencia de sedimentos en diferentes usos del suelo: laderas con un uso agrario intensivo" (CGL2007-66644-C04-03/HID) financé par le Secrétariat d’État aux Universités et à la Recherche.

Bibliography

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Illustrations

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Electronic reference

José Ángel Llorente Adán, « Le vignoble dans la Rioja Alta (Espagne) et sa localisation à partir de facteurs topo-géomorphologiques », Territoires du vin [Online], 3 | 2011, 01 January 2011 and connection on 24 November 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1417

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José Ángel Llorente Adán

Departamento de Ciencias Humanas, Universidad de La Rioja

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