Traduction en français de l’article : Maria Teresa Martin Bertrand (Agrégé d’Espagnol), Catalina Martín Calzada et Joël Brémond (Professeur à l’Université de Nantes)
INTRODUCTION
La vigne sauvage euro-asiatique, nommée labrusca depuis les églogues de Virgile, constitue une origine dioïque des variétés cultivées qui sont fondamentalement hermaphrodites. Cependant, dans la République de Géorgie, il existe plusieurs espèces femelles qui sont encore cultivées. (Magrhadze et al., 2009). En Espagne, le cépage Ohanes de Almería doit être pollinisé artificiellement.
Les populations de vigne sauvage euro-asiatique qui appartiennent au taxon Vitis vinifera L., sous-espèce sylvestris (Gmelin) Hegi, s’étendent du Portugal au massif de l’Hindu Kush. On les trouve également dans le Maghreb, comme dans le bassin marocain de l’Ourika. Ces populations relictuelles correspondent à des étendues beaucoup plus peuplées conservées jusqu’au XIXe siècle. En effet, l’apparition des maladies fongiques d’Amérique du Nord, oïdium et mildiou, eurent un fort impact sanitaire sur les vignes européennes cultivées et sauvages (Ocete et al., 2007).
D’autre part, l’infestation radiculaire par le phylloxéra des espèces européennes cultivées, également d’origine nord-américaine, signifia la destruction du vignoble du Vieux Monde qu’il fallut reconstruire sur des porte-greffes résistants d’origine américaine. L’impact de l’insecte sur les populations sauvages dut être rare, puisque la vigne sauvage, malgré sa sensibilité à l’hémoptère en conditions de laboratoire, n’est pas présente dans les sols inondés et/ou sablonneux, mais pousse dans la nature (Ocete et Lara, 1994).
Dans les années 30, on commença à prendre conscience de la situation alarmante de certaines populations européennes. Concrètement, en Allemagne et en France, la canalisation du Rhin détruisit beaucoup de tronçons de végétation riveraine qui constituaient un habitat important pour les vignes. (Issler, 1938).
L’agression anthropique des habitats de la vigne sauvage constitue le principal problème pour sa survie. Les travaux publics (barrages, ponts, tracés de routes), l’expansion des zones agricoles et urbanisées, ainsi que les diverses interventions dans les bois riverains (dans certaines zones colluviales et deltas de certains fleuves) sont quelques-unes des raisons pour lesquelles la vigne sauvage est considérée comme une espèce menacée sur la liste rouge publiée par L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN, 1997).
Comme nous l’avons indiqué auparavant, une des autres raisons importantes de la régression de ces vignes fut l’introduction en Europe, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, de certaines espèces de vignes d’Amérique du Nord, utilisées comme porte-greffes, afin de pallier les effets provoqués par l’invasion du phylloxéra. Ces vignes ont déplacé les exemplaires sauvages de leur habitat, comme dans le cas d’importants fleuves d’Europe Centrale, comme le Danube (Ocete et al., 2000; Gallardo, 2005), de rivières et de ruisseaux, comme dans la réserve de la Biosphère de Montseny (Barcelone) et de Urdaibai (Biscaye), ainsi que dans le Parc Naturel de Cazorla, de Segura et de Las Villas. En France, la présence de porte-greffes envahissants est très importante dans le bassin du fleuve Têt (Cerdagne). Dans tout le continent européen, de la Pologne au Portugal, nous assistons parallèlement à une colonisation progressive des habitats périurbains par une autre vitacée introduite comme ornement et connue comme vigne vierge, Parthenocissus quinquefolia.
Dans la Péninsule ibérique, les habitats qui abritent encore un plus grand nombre de populations de vigne sauvage sont les bois riverains, où cette plante est plus sensible à l’action anthropique que d’autres lianes, comme c’est le cas des Clematis ou Hedera, entre autres (Arnold et al., 2005). Certains facteurs, comme la disponibilité d’eau pour l’irrigation et la facilité pour y accéder font que ces zones soient les plus favorables à l’établissement d’exploitations agropécuaires, forestières et aux zones d’épandage. C’est pour cette raison que les bois riverains constituent un des écosystèmes naturels les plus agressés par l’intervention humaine (Blanco et al., 1998).
Il convient également de rappeler que le vignoble est soumis à une importante et croissante érosion génétique (Vallecillo y Vega, 1995), c’est pourquoi il faut sauvegarder toute la biodiversité des ceps sauvages espagnols, qui constituent un important pool génétique. Il ne faut pas non plus oublier les anciennes variétés traditionnelles qui sont très souvent et généralement très minoritaires. La comparaison du nombre de cépages cités par Clemente y Rubio (1807) en Andalousie et l’actuelle composition du vignoble de cette région est un exemple très clair de l’énorme perte d’agrodiversité.
Le problème de l’érosion génétique est ancien. N’oublions pas qu’il y a eu au début de la viticulture une première sélection d’exemplaires hermaphrodites, ainsi que divers procédés de domestication que nous verrons ultérieurement (Forni, 2004). Ainsi seules les plantes conformes aux besoins de ces sociétés se sont répandues progressivement.
Il faut ajouter à ces faits que dans la grande majorité des zones viticoles, il s’est produit une importante réduction du nombre de variétés cultivées de chaque Denominación de Origen (AOC) pour des raisons techniques et/ou en raison de la demande du marché.
Ce processus de perte de diversité s’accélère car il se produit par ailleurs partout en Espagne une importation massive de vignes qui proviennent de l’étranger, comme c’est le cas du chardonnay, sauvignon blanc, cabernet sauvignon, merlot, syrah, etc. qui tendent à rendre plus homogène l’offre des vins au niveau mondial (Ocete et al. 1999).
Les variétés de raisin de table et de passerillage ont été également touchées par ce problème. Dans le premier cas, dans les rares vignes des sierras de Almería les anciens cépages laissent progressivement leur place aux cépages apyrènes (seedless), d’origine étrangère. Ce phénomène a réduit drastiquement l’extension du cépage Ohanes déjà évoqué, homonyme d’une localité de la province de Almería. Les grappes étaient exportées par bateau vers de lointains marchés dans des tonneaux remplis de sciure de liège, c’est pourquoi ce cépage était connu également sous le nom de « Raisin du bateau » (Rueda, 1932).
Pour couronner le tout, le problème s’aggrave car seul un petit nombre de clones avec certificat sanitaire de chaque variété commerciale est disponible sur le marché. Ce fait constitue le coup de grâce à la biodiversité du vignoble espagnol.
En définitive, la nécessité de conserver le plus grand nombre de variétés traditionnelles et d’exemplaires sauvages peut être d’une grande utilité pour la réalisation d’essais d’amélioration des variétés cultivées et pour maintenir le patrimoine viticole de la région. Dans le deuxième cas, cette amélioration pouvait s’appliquer tant aux vinifères qu’aux porte-greffes, puisque la vigne sauvage a évolué librement par rapport à la sélection artificielle humaine réalisée depuis les débuts de la viticulture, comme nous le verrons ultérieurement. Les exemplaires sauvages contiennent, par conséquent, une importante diversité génique qui peut être employée pour conférer aux variétés cultivées tant vinifères que porte-greffes, une plus grande résistance face à certaines épidémies, maladies et conditions abiotiques. Il existerait parmi ces dernières la résistance aux inondations et au calcaire actif.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Entre les mois de mai et juin, pendant la période de floraison de la vigne sauvage, plusieurs zones naturelles de diverses régions espagnoles ont été parcourues pour trouver des vignes dioïques, c’est-à-dire des vignes réellement sauvages. Les régions explorées ont été l’Andalousie, l’Estrémadure, Castille-La Manche, Castille-Léon, la Galice, les Asturies, le Pays Basque, la Navarre, l’Aragon et la Catalogne.
Des populations de raisins rouges de la Sierra de Cadix, du nord de Cáceres, des Pyrénées navarraises et de La Rioja ont été vendangées. Les microvinifications ont été effectuées avec des levures autochtones, avec macération des peaux pendant 20 jours, à une température de 20º C.
Une révision bibliographique des textes espagnols de botanique et de viticulture conservés à la Bibliothèque nationale de Madrid a été menée, afin de trouver des références géographiques de vigne sauvage et des références sur l’utilisation séculaire de ces vignes en Espagne.
Des enquêtes sur l’utilisation locale et traditionnelle de ces vignes ont été réalisées auprès d’habitants en milieu rural, où se trouvaient ces populations de vignes.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Distribution et caractéristiques de la fleur
Dans toutes ces régions, plusieurs populations de vignes sauvages ont été trouvées, sauf en Galice. Dans près des 600 localisations avec plus de 2 500 individus au total, les exemplaires mâles présentaient une fleur mâle pure, alors que celle des femelles était femelle avec des reflets d’étamine comme l’indique Ocete et al. (2007). Aucun exemplaire hermaphrodite n’a été trouvé dans les habitats des régions indiquées. Presque 90% des populations de vigne sauvage trouvées correspondaient à des bois riverains, c’est-à-dire des formations azonales qui abritent des taxons à feuilles caduques. Le reste de ces populations correspond à des milieux colluviaux principalement situés sur la côte cantabrique, des Asturies au Pays basque français. On trouve également quelques populations sur des arénosols de l’embouchure du fleuve Guadalquivir, dans les provinces de Cadix et Huelva.
Usages alimentaires
Pendant l’holocène la vigne sauvage était très présente dans les écosystèmes méditerranéens. Il est prouvé que les populations mésolithiques cueillirent et consommèrent ses fruits (Guerrero, 1995; Rodríguez Ariza et al., 1996; Buxó, 1992; 1996).
Selon les références de Rivera et Walker (1989), les baies de vigne sauvage ont contribué directement, dans la Péninsule ibérique pendant les époques préhistorique et historique, à l’alimentation des hommes, et ce depuis le paléolithique. Les restes carpologiques les plus importants de graines sauvages dans la Péninsule sont ceux de Castellon Alto, dans le village grenadin de Galera, qui datent de l’âge du bronze (Rodríguez-Ariza et al. 1996).
Plus récemment, des témoignages sur la consommation directe de raisins sauvages, de mûres, de pissenlits et d’asperges sauvages pendant l’après-guerre en Andalousie et en Estrémadure ont été recueillis (Ocete et al, 2004).
Usages œnologiques et fabrication du vinaigre
Naturellement, les grappes sauvages constituèrent la matière première du vin avant l’utilisation des variétés hermaphrodites.
Dans l’œuvre de CARBONELL (1820) on peut lire cette réflexion:
Il y a peu de productions naturelles que l’homme se soit appropriées pour sa consommation sans les altérer ou les modifier, grâce à des préparations qui varient beaucoup par rapport à leur état primitif: la farine, la viande, les fruits, tout reçoit de la main de l’homme un principe de fermentation avant qu’il ne lui serve d’aliment, y compris les objets purement luxueux, de caprice, ou d’imagination, comme le tabac, les parfums et Co , etc. Ils doivent à l’art des modifications particulières. Cependant, c’est dans la fabrication des liqueurs que l’homme a déployé tout son génie, car, si l’on excepte l’eau et le lait, tout le reste est le fruit de son œuvre. La nature n’a jamais formé de liqueurs spiritueuses, elle ne fait que favoriser la putréfaction de la grappe dans le cep, alors que son jus devient grâce à cet art une liqueur agréable, tonique et nutritive, que nous appelons vin.
Il est difficile d’indiquer l’époque à laquelle les hommes ont commencé à le fabriquer. Cette précieuse découverte semble disparaître dans la nuit des temps; ainsi l’invention du vin a ses fables, tout comme les objets dont l’utilité s’est généralisée.
Dans certaines zones européennes, comme en Allemagne et en Autriche, la production de vin avec des grappes sauvages s’est maintenue jusqu’à une époque récente. De plus, dans certaines régions d’Italie et d’Allemagne, les grappes sauvages se mélangeaient aux grappes cultivées afin de baisser le prix de production des vins de maison en milieu rural (Anzani et al., 1993; Schumann, 1971). En Sardaigne, la Carte de Logu, un codex qui contient une série de lois de la deuxième moitié du XIVe siècle, punit la vente de vigne sauvage. Avec ses baies on élaborait les vins appelés vinu de marxani ou vino de caprai (Lovicu et al., 2009).
En ce qui concerne les qualités œnologiques des microvinifications, il convient de souligner que le degré alcoolique varie entre 8 et 13% en volume: la valeur la plus basse correspond aux Pyrénées navarraises et la plus élevée à la Sierra de Cadix. Le pH oscille entre 2,1 et 3,5 et l’acidité totale entre 4 et 5 g d’acide sulfurique, étant donné les contenus élevés en acide tartrique et malique des échantillons, très supérieurs à ceux des vinifères traditionnels cultivés. Ceci est un fait important pour l’élaboration des vins dans les zones méditerranéennes.
L’intensité de la couleur est un paramètre sans aucune commune mesure, obtenue par l’addition des absorbances à 420, 520 et 620 nm. L’intensité de couleur des échantillons oscillait entre 11,1 et 11,5. Ce rang indique que le vin a une belle robe (vin rouge bien marqué).
En ce qui concerne la totalité des polyphénols, le chiffre moyen se situe autour de 80 mg/l, ce qui indique qu’il s’agit de vins à dotation polyphénolique élevée, comme pour subir un élevage prolongé. D’autre part, la concentration d’anthocyanes au dessus de 300 mg/l indique que le raisin sauvage a une vocation tinctoriale puissante. C’est pour cette raison que, dans la Sierra de Cazorla, le moût de raisins rouges a servi à la coloration des vins blancs provenant de la région de Jaén de Torreperogil et de la Manche (Ocete et al., 2000).
Il faut souligner que l’acidité totale élevée du moût est un facteur très important dans les régions viticoles méridionales, où les moûts des variétés cultivées présentent une acidité basse. De plus, il présente une bonne structure polyphénolique (Ocete et al., 2004).
Selon Quer (1784), les grappes femelles et mâles avaient d’autres usages œnologiques.
Les Raisins de la Vigne sauvage sont stypiques, et ses grappes et ses fleurs se mélangent dans le moût pour donner au vin une durée plus importante, ainsi qu’une certaine saveur râpeuse, agréable au goût, et réconfortante pour l’estomac.
L’apport du fruit sauvage diminuait le pH du moût puisqu’il augmentait le contenu d’acides et facilitait ainsi une bonne conservation du vin, alors que les volatils contenus dans les fleurs conféraient au mélange un arôme fruité.
Les vins rouges provenant de grappes sauvages mûres présentent un bon équilibre entre le degré alcoolique et l’acidité totale et, après un long processus de macération, ils acquièrent une belle robe (couleur rouge bien marquée), avec une dotation polyphénolique élevée qui améliore la conservation du vin de base et apporte une concentration élevée d’anthocyanes (Ocete et al., 2004 a et b).
Les baies ont également servi à la fabrication du vinaigre. En Espagne, notre équipe de travail a recueilli des témoignages sur ce thème, en particulier dans la Sierra de Cazorla, dans le bassin du Rumblar (Zocueca) et dans la Sierra de Grazalema (El Bosque, Prado del Rey et Zahara de la Sierra) où cette activité s’est maintenue à un niveau familial jusqu’à il y a environ trente ans. Il ne faut pas oublier que par le passé le vinaigre et le sel étaient les conservateurs d’aliments les plus employés en Europe.
Usages médicinaux
Si nous observons, par exemple, le recueil de chansons populaires basques des deux côtés des Pyrénées (c’est un article sur l’Espagne publié en France), nous pouvons trouver des paroles en basque qui font allusion à l’usage médicinal du vin dans le recueil réalisé par Hidalgo y Llano (2007) :
Arno xuri, arno gorri
Arno kolore ederra
Mundu huntan dan argelenari
Hik emaiten dakok indarra
Vin blanc, vin rouge/ vin de belle couleur/ au plus faible de ce monde/ tu lui donnes de la vigueur (paroles de la Basse Navarre, recueillies para Azkue).
Medicu, barbero gustiac
Erremedie aundiac
Dituzta besterentzat
Baña beti berenzat
Escatzen dute lenena
Ardo zarric dan onena
Les médecins et les chirurgiens/ de grands remèdes ils connaissent/ quand les autres souffrent/ mais pour eux toujours/ ce qu’ils demandent en premier/ c’est le meilleur des vieux vins (paroles recueillies par Domingo Patricio Meagher).
Quant aux usages médicinaux des vignes sauvages, il existe plusieurs références dans divers textes espagnols anciens recueillis par Font Quer (1999). En 1784 Quer disait au sujet de la montée de la sève pendant l’étape des « pleurs » :
De la Vigne sauvage et cultivée, plusieurs usages sont faits en Médecine. L’eau que celle-ci perd ou pleure au printemps est apéritive, diurétique et bonne pour les yeux, et c’est pour ces maladies que certains la conservent.
Laguna disait de la vigne sauvage (1570):
(...) "nous l'avons tellement oubliée qu'elle ne nous doit rien, mais elle s'efforce encore de nous servir et de nous plaire avec ce qu’elle peut; je veux dire que son fruit, avec ses tiges, avec ses feuilles et avec ses fleurs aux utilisations infinies, principalement quand elle est mûre et qu’elle couvre parfaitement un membre. Ces facultés sont beaucoup plus efficaces dans la labrusca et principalement dans celle qui produit l’énanthe que dans la vigne cultivée... «
Pour ce qui est de l’utilisation de ces grappes avant leur maturation, elles ont été utilisées dans la fabrication d’une sorte de rafraîchissement, appelé verjus. Voici ce que Quer signale sur ses propriétés médicinales:
Les Raisins qui ne sont pas mûrs ou Verjus, et leur jus, servent à se rafraîchir et à resserrer; ils excitent l’appétit, répriment les fièvres, et retiennent les selles.
Selon la Notice historique chorographique du Muy Noble y Real Valle de Mena, datée de 1796, il est dit: « Il y a beaucoup de vignes dans les monts et sur le bord des chemins et sur les rives des fleuves et son fruit est très bon pour le verjus ». Cette vallée, voisine des Encartations de Biscaye, a été un des lieux importants de production de chacolí castillan.
Usages dans les rites funéraires
Dans plusieurs cultures de la Péninsule ibérique, les baies de vigne ont servi tout au long des siècles comme offrande dans les rituels funéraires.
En Andalousie de nombreuses tombes découvertes contenaient des pépins de vigne sauvage, par exemple dans les sites archéologiques de Cordoue (Torreparedones, Cerro de la Cruz-Almedinilla): fin de l’âge du bronze/pleine période ibérique de l’âge du fer (Jones et Reed, 2000; Arnanz, 2000); Almería (Las pilas-Mojácar; los Millares): époque chalcolithique (Buxó, 1997; Rovira Buendía, 2000); Grenade (Castellon Alto-Galera: Bronze (Buxó, 1997); ou Cadix (Château de Doña Blanca): fin de l’âge du bronze/fer (Chamorro, 1991).
La légende vient de la mythologie grecque, recueillie par Euripide, selon laquelle Dyonisos accompagné de son cortège de Ménades arriva à Thèbes avec l’intention d’y établir son culte. Il planta des vignes autour du tombeau de sa mère, Sémélé, foudroyée à la vue de Zeus. Penthée, fils d’Agavé, soeur de Sémélé, et roi de Thèbes, qui ne croyait pas en sa divinité, interdit son culte. Cadmos était le grand-père de Penthée et Dionysos, père de Sémélé et d’Agavé, ancien roi de Thèbes. Dans la tragédie Les Bacchantes (Euripide, Ve et IVe siècles av. J.-C.) on peut lire:
“Je vois près du palais la tombe de ma mère, la foudroyée, et les débris de sa demeure, fumants du feu de Zeus, attestant à jamais la vengeance d’Héra, son insulte à ma mère.
A Kadmos je sais gré d’avoir fait de ce sol inviolable aux pas humains, le sanctuaire de sa fille. J’ai voulu, tout autour étendre, vert réseau le pampre orné de grappes.”
Dans la Péninsule ibérique, des poteries contenant des graines de vigne cultivée, parfois carbonisées, ont été retrouvées dans des tombes romaines, tout comme le signalait déjà Ovide (1er siècle apr. J.-C.):
“C’est aussi le moment d’honorer les tombeaux, d’apaiser les âmes des ancêtres et de porter de menues offrandes sur le tertre des sépultures. Les Mânes demandent peu de choses (…), ils se contentent du don des couronnes qui recouvrent une tuile, de quelques grains (de raisin), d’une pincée de sel, de pain trempé dans le vin et de violettes éparses”.
Dans certains cas, des graines sauvages ont été également retrouvées. Selon Torres-Vila et Mosquera-Müller (2004), dans la zone de Los Bodegones (Mérida), dans un important complexe funéraire paléochrétien d’époque romaine des IVe et Ve siècles, des graines sauvages mélangées à des graines cultivées ont été trouvées. Cette découverte suppose, d’après ces auteurs, l’existence d’un jardin funéraire où furent plantés des ceps des deux types de vignes pour l’utilisation de leurs fruits dans les rites funéraires chrétiens. Les grappes évoquaient des symboles comme le vin eucharistique, le dogme fondamental de la résurrection et la communion avec les agapes funéraires.
Autres usages
D’après Quer (1784), un des autres usages était le suivant:
“Les sarments des vignes sauvages ou non taillées, se tordent pour former de grosses cordes, qui servent d’amarres pour les barques, pour les filets de pêche et pour beaucoup d’autres objets”.
On a pu constater que les treilles du Parc Naturel de los Alcornocales étaient utilisées jusqu’à il y a une quinzaine d’années pour la fabrication des anneaux de nasses de pêche employées par la flotte de Barbate (Ocete et al., 2004 a). Cette utilisation était également très commune sur la côte orientale asturienne.
D’autre part, l’acide tartrique présent dans le moût a servi comme améliorant de pâtes céramiques (Carreño, 2005). Actuellement, ce composé est toujours employé dans la fabrication de ciments à usage odontologique.
Malgré l’importance dans le passé, dans le présent et dans le futur de cette ressource phytogénétique, il n’existe en Espagne aucune loi, ni au niveau de l’État ni au niveau autonomique. Ceci semble inexplicable car elle compte près de 1 200 000 hectares de vignoble, la plus grande superficie au monde. Il est urgent de disposer de cette législation afin de favoriser la conservation in situ et ex situ de cette origine sur laquelle est fondée notre culture européenne de la Vigne et du Vin.
Remerciements: Les auteurs aimeraient remercier D. Carlos Barahona Nieto et la Fondation Dinastía Vivanco pour leur collaboration.