Histoire de la réputation universelle du vin de Chablis. Des origines au milieu du XXème siècle

Résumés

Comment le vin de Chablis a-t-il si grande réputation ? Pour répondre à cette question, le but du présent article est d’étudier comment cette réputation a été fondée dans l’histoire selon les descriptions de son vin dans les médias. Depuis le Moyen-âge nous trouvons beaucoup des descriptions sur le vin de Chablis à Rouen mais cette ville portuaire n’est pas sa destination finale. En passant à Rouen vers l’Angleterre ou à Paris vers la Picardie, les Flandres et le Hainaut, les vins de Chablis sont exportés en Europe du nord. La réputation du chablis traverse la Manche au plus tard au milieu du XVIIème siècle. Les connaisseurs anglais sont influencés par les Français, comme C. REDDING par J.-A. CAVOLEAU et A. HENDERSON par A. JULLIEN dans la première moitié du XIXème siècle. Les anecdotes autour du chablis, comme son mariage avec l’huître et le goût de « la pierre à fusil » sont anciens et inventés par les Français. Malgré la deuxième place attribuée par les spécialistes au XIXème siècle, au-dessous du meursault parmi les vins blancs bourguignons, le chablis est plus connu que le meursault. Ca serait une conséquence des importateurs américains de la deuxième moitié du XXème siècle, comme F. SCHOONMAKER et A. LICHINE qui diffusent le nom de chablis aux Etats-Unis et au monde entier.

How the wine of Chablis has great reputation? To answer this question, the purpose of this paper is to analyze how this reputation was founded in history according to descriptions of its wine in the media. Since the middle ages we find many descriptions on the wine of Chablis at Rouen, but this port city is not its final destination. From Rouen to England or Paris to Picardie, Flanders and Hainaut, the wines of Chablis are exported to Northern Europe. The reputation of the Chablis crosses the Channel no later than the 17th century. English connoisseurs are influenced by the French, for example C. REDDING by J.-A. CAVOLEAU and A. HENDERSON by A. JULLIEN in the first half of the 19th century. Anecdotes about the wine of Chablis, as her marriage with the oyster and the taste of "gun flint" are old and invented by the French. Despite the second place of quality given by specialists in the 19th century, below the Meursault among White Burgundy wines, the Chablis is more famous than the Meursault. It would be a consequence of the American importers of the second half of the twentieth century, such as F. SCHOONMAKER and A. LICHINE broadcast the name of Chablis in the United States and around the world.

Plan

Texte

Introduction

Ayant soutenu une thèse de géographie sur le vin de Chablis1, l’auteur a déjà eu l’occasion d’en présenter des éléments2. Cette contribution, proche de son intervention en juin 2011, est en une partie.

Dans cette communication en Gironde, l’auteur introduit la notion de la réputation comme un des facteurs du vin de qualité. Egalement il constate la différence des histoires de ces deux vins blancs, le sauternes et le chablis, depuis 150 ans environ. Cependant l’histoire de la réputation internationale de ces deux vins commence bien avant le milieu XIXème siècle.

Comment le vin de Chablis a-t-il établi une si grande réputation ? Pour répondre à cette question, le présent article va énumérer des références sur les descriptions de son vin dans les médias au fil de l’histoire. Il complètera la présentation précédente.

Ce travail bibliographique s’arrête aux années 1970, à partir desquelles fleurissent les publications de guides du vin3. L’abondance de ces publications semble nécessiter une autre étude.

Depuis le Moyen-âge : la France et l’Europe

La thèse de Gérald-Jack GILBANK4 ne remonte qu’au début du XIXème siècle en raison du manque de sources. Avant G.-J. GILBANK c’est Roger DION qui a consacré quelques pages à Chablis dans son grand livre sur l’histoire de la vigne et du vin en France5. Parmi les travaux d’historiens, Marcel LACHIVER6 et Gilbert GARRIER7 s’inspirent de R. DION. Rosemary GEORGE publie un livre en anglais dans lequel on peut découvrir l’histoire des vins de Chablis à l’étranger8. Dans une publication régionale, Marie BECET laisse un petit article sur le vignoble de Chablis au Moyen âge qui contient deux pages sur le commerce et la réputation9. De plus il y a récemment eu quelques publications sur les vignobles chablisiens au XVIIIème siècle10 et au Moyen âge11. D’après les études précédentes l’auteur essaie de décrire les réputations des vins de Chablis dans l’ordre chronologique.

Notes sur le commerce du vin de Chablis depuis XIIème siècle

M. LACHIVER montre que le vin d’Auxerre est présent à Arras à la fin du XIIème siècle :

Jean Bodel, faisant jouer dans cette ville le Jeu de Saint-Nicolas, met en scène un tavernier promettant aux buveurs « vin d’Aucherre à plein tonnel »12.

En parlant du Jeu de Saint Nicolas de Jean BODEL, Philippe MENARD détaille cette scène.

On notera au passage la présence de pain chaud et de harengs chauds constituant l’essentiel du repas accompagnant le vin d’Auxerre, c’est-à-dire pour nous le vin de Chablis13.

Comme le Serein n’est pas navigable et que beaucoup de vin de la région chablisienne est envoyé par l’Yonne en passant par le port d’Auxerre, cette dénomination est naturelle.

Vers 1225 Henri D’ANDELI, poète et dignitaire de l’église de Rouen, écrit un poème de 204 vers « Bataille des Vins » qui nous laisse des noms de bon vin, surtout les vins blancs produits dans la moitié nord de la France et qui restent en honneur pendant tout le Moyen Age.

[…]
Et aussi vins de Trilbardou,
Vins de Nevers, vins de Sancerre,
Vins de Vézelay, vins d’Auxerre,
De Tonnerre et de Flavigny
De Saint-Pourçain, de Savigny,
Vin de Chablis et vin de Beaune,
Ce dernier vin n’est pas trop jaune,
Mais plus vert que corne de bœuf,
[…]14

R. DION parle d’un marchand du vin rouennais dans la même époque :

Nous connaissons, par des actes de ce souverain, un riche marchand rouennais, Martin de la Pommeraye, qui, en 1226, n’occupait pas moins de six navires à transporter vers l’Angleterre les vins qu’il recevait « de Francia et de Aucerre » (d’Ile-de-France et d’Auxerre) 15.

Rouen n’est pas sa destination finale. En soulignant la préférence donnée au vin blanc au Moyen âge, l’auteur écrit suivant :

[...] des rivages de la Flandre à ceux de la Scandinavie et des pays baltiques, ce sont surtout vins blancs qui ont gardé jusqu’à nos jours, la faveur du public16.

En passant à Rouen vers l’Angleterre ou à Paris vers la Picardie, les Flandres et le Hainaut, les vins de Chablis sont exportés en Europe du nord.

Au milieu du XIIIème siècle, nous disposons de la description d’un voyageur dans la région auxerroise. Moine franciscain frère SALIMBENE DE ADAME arrive en Bourgogne en 1247 et décrit le paysage dominé par les vignes :

Les gens de ce pays, en effet, ne sèment point, ne moissonnent point, n’amassent point dans les greniers. Il leur suffit d’envoyer leur vin à Paris par la rivière toute proche, qui précisément y descend17.

D’après P. MENARD, la qualité de vin de Chablis est prouvée par ce moine franciscain qui examine la couleur et le parfum du vin18.

A la deuxième moitié du XIVème siècle, Eustache DESCHAMPS écrit un poème.

Avec des huîtres
Que le chablis est excellent.
Je donnerai fortune et titres
Pour m’enivrer de ce vin blanc
Avec des huîtres19.

Aujourd’hui on parle beaucoup de la relation entre les mets et le vin. Pour la promotion des vins de Chablis c’est traditionnellement des huîtres qui accompagnent la bouteille. C’est la description la plus ancienne de la relation entre chablis et les huîtres que l’auteur a trouvée.

Dans la première partie du XVème siècle, il y a eu un projet pour rendre le Serein navigable. Cependant ce projet ne s’est pas réalisé car les propriétaires du terrain, les moines de Pontigny, s’y sont opposés.

Les guerres de religions apportent la fin de l’apogée de Chablis. En 1528 la ville est pillée, incendiée, dévastée par les Huguenots.

Du XVIIème au XVIIIème siècle

M. LACHIVER dresse une carte de « l’approvisionnement de Paris aux XVII – XVIIIe siècles » dans laquelle les vins de Chablis sont mentionnés comme « vins fins et vins supérieurs ». Dans un sous-chapitre traitant les vins de l’Auxerrois du XIVème au XVIème siècle, l’auteur dit :

Vendus régulièrement plus cher que les vins « français » les vins d’Auxerre étaient assurés, par leur qualité, de durer plus longtemps qu’eux ; ce n’est qu’au XIXe siècle qu’ils devaient se dégager, sauf les chablis, alors que les vins de région parisienne étaient depuis longtemps exclus de tout commerce d’exportation20.

R. GEORGE indique que la réputation du chablis traverse la Manche au plus tard au milieu du XVIIème siècle21. Cette indication semble venir de l’œuvre d’André Louis SIMON, écrivain dans le domaine du vin, qui évoque

Life in a noble household 1641-170022. Ce livre est basé sur les archives du ménage de William RUSSELL, le cinquième comte et le premier duc de Bedford (household paper of William Russell, fifth Earl and first Duke of Bedford). Ce document montre les détails de la cave de ce duc.

The largest purchase in 1658 was for sixty-five gallons of Canary wine […] and, for the first time, glass bottles were ordered. Six years later the steward ordered sixty-two bottles of “Shably.” According to André Simon, this is the first record of Chablis in an English wine account23.

Le livre de Thomas BRENNAN, historien américain contemporain, étudie le commerce du vin en Champagne et en Bourgogne à l’époque moderne. Il montre la destination des vins du plus grand courtier chablisien à cette époque :

By the early eighteenth century, the brokers of Chablis were trading with markets across northern Europe. A better sense of this reach comes from the accounts of Petit’s colleague Edme Rathier, [...] He was owed nearly forty thousand livres for wine sent in the previous two years, much of it to a dozen merchants in Liège, Reims, Béthune, Rocroi, Troyes, and Rouen24.

En 1728 l’abbé Claude ARNOUX, publie Dissertation sur la situation de la Bourgogne25 à Londres. Dans ce livre en langue française il fait la comparaison entre les vins de la Haute Bourgogne et la Basse Bourgogne. Dans « Articles Troisième des Vins blancs » on trouve le nom de Chablis bien que sa qualité ne soit guère appréciée :

J’ay oüy cent fois vanter des Vins de plusieurs côtes qui sont auprès d’Auxerre, a qui on donnoit le nom de Vin de Bourgogne ; il est vray que ces côteaux sont en Bourgogne, mais ils sont eloignés de quatre vingt dix mille des vrays côteaux dont je viens de parler, qui produisent seuls ces Vins de Bourgogne qui sont en réputation, [...] & tous les autres climats de Bourgogne comme de Chablis & d’Auxerre n’ont aucune qualité des vrays Vins de Bourgogne, quoiqu’ils y soient veritablement faits & produits26.

En 1759 le chanoine GAUDIN, curé doyen de Chablis, entretient des relations épistolaires avec la belle et passagère protectrice de Jean-Jacques ROUSSEAU, Louise Tardieu d’ESCLAVELLES, dame de La Live d’Epinay. Il lui écrit :

Mon vin a du montant, étant bu il embaume, enchante le gosier et laisse une odeur suave de mousseron27.

Jean-Paul DESAIVE, un historien français contemporain, étudie les lettres de voiture pour montrer un aspect du commerce du vin chablisien au XVIIIème siècle. Ces lettres indiquent le nom du vendeur de vin, le nom du destinataire etc. Rédigée par un notaire sur une feuille volante, elle était expédiée avec la cargaison. J.-P. DESAIVE dit à propos des marchés du Chablis :

Les vins blancs du Chablisien, dans leur grande majorité, sont expédiés vers Paris et parfois vers les alentours immédiats de la capitale : aux cabaretiers de La Courtille ou de Vaugirard, par exemple, ou à Villeneuve-Saint-Georges, exceptionnellement à Versailles. D’autres envois sont destinés à des marchands de vin de Normandie (Rouen) ou de Picardie (Amiens, Doullens) et dans ce cas il est souvent précisé qu’ils seront vendus aux foires qui s’y tiennent : la foire de la Chandeleur à Rouen, notamment, [qui] est très courue28.

A la même époque de l’autre de la Manche l’état des vins de Chablis est décrit par R. GEORGE :

Meanwhile, in England, Chablis had continued to make headway. The first white Burgundy to appear at a Christie’s sale was a Chablis (catalogued as Chablet), in 177029.

L’auteur démontre la popularité du chablis en Angleterre.

In his ‘General Instructions to His Royal Highness, the Prince of Wales’ (the future George IV), Dr. McBride wrote in 1793 that ‘the vin de Chable is a light pleasant wine and not unwholesome to be used at table instead of beer’. […] it does show that Chablis was becoming one of the better known French wine in England30.

Du XIXème siècle à la Deuxième Guerre mondiale : la France et le Royaume-Uni

Au XIXème siècle : Les classements français des vins et leurs diffusions au Royaume-Uni

D’après R. GEORGE, la réputation du chablis est établie et ce vin est reconnu comme un vin blanc de qualité considérable en France et à l’étranger avant le début du XIXème siècle31. Elle cite un poème faisant allusion à Chablis par un poète anglais de ce siècle, Robert BROWNING :

Then I went indoor, brought out a loaf
Half a cheese and a bottle of Chablis,
Lay on the grass and forgot the oaf,
Over a jolly chapter of Rabelais32.

A la même époque un poème français évoque l’accord du chablis avec les huîtres. Un cercle d’épicuriens existait sous la Restauration. Leur président, le chevalier Pierre de PIIS écrit :

Qui pourrait mettre en oubli
Le limpide et sec Chabli [sic],
Qui joint à tant d’autres titres
L’art de faire aimer les huîtres33.

Sous la Restauration Jean-Alexandre CAVOLEAU publie Œnologie française. Au début de sa description du département de l’Yonne, il fait la comparaison entre son vin icaunais et celui de la Côte d’Or en renommé et en superficie des vignes.

Le département de l’Yonne, partie de la Bourgogne, quoique moins renommé que celui de la Côte-d’Or, auquel il est contigu, produit néanmoins des vins d’une qualité remarquable, et son vignoble est plus étend34.

L’explication des vins blancs suit celle des rouges.

La première classe de vin blanc est le produit du pineau blanc, sans mélange. Celle-ci ne se trouve nulle part meilleure qu’à Chablis. Si ce vin est le produit d’une bonne année, il doit être très-blanc ; il est sec, diurétique, et a ce que l’on nomme le goût de la pierre à fusil35.

D’après R. GEORGE c’est la première mention de « la pierre à fusil » pour désigner le goût du chablis36.

Ce livre de J.-A. CAVOLEAU inspire à Cyrus REDDING, l’auteur de A history and discription of modern wines publié en 1833. Dans sa jeunesse il est envoyé à Paris comme correspondant de The examinar et y est resté comme éditeur de Galignani’s Messenger jusqu’en 1819. Il voyageait beaucoup dans les vignobles français et italiens pendant son séjour à Paris. Ce livre, d’après A. L. SIMON, est le livre le plus populaire en langue anglaise publié sur le vin et le plus copié par ses successeurs. Il n’est pas oublié aujourd’hui :

As a reference for information about wines of the 18th and early 19th centuries that are still produced today, there is nothing better in the English language37.

Les statistiques utilisées par J.-A. CAVOLEAU et C. REDDING et leurs classements par qualité des crus sont les mêmes38. De plus les citations similaires se trouvent dans le livre de C. REDDING.

The second division of Burgundy, considered as respects the excellence of its wines, is the departement of the Yonne. It contains, as has been already stated, more space devoted to the culture of the vine than the Côte d'Or; but though it produces some wines of very good quality, they are inferior to those of that renowned district39.

Cependant il faut souligner une différence délicate : le vin icaunais est « moins renommé que celui de la Côte d’Or » selon J.-A. CAVOLEAU, alors que ce spécialiste anglais dit quelques vins de très bonne qualité produit en Yonne « sont inférieurs à ceux du district renommé de la Côte d’Or ».

Dans les pages suivantes, cet auteur anglais apprécie le chablis avec son goût de « la pierre à fusil ».

Of the white wines of the Yonne, the best class is produced from the pineau blanc alone. The chief of these is Chablis. If this wine is the product of a favourable year, it should be very white; it is a dry wine, diuretic, and its taste is flinty40.

L’autre livre représentatif sur les vignobles français du début du XIXème siècle est Topographie de tous les vignobles connus d’Antoine André JULLIEN. L’auteur commence sa carrière dans le monde du vin comme marchand en gros à Paris. Il fait aussi des recherches sur l’œnologie. Dans ce livre il classe des villages viticoles en quatre niveaux. La supériorité du vin de Chablis dans la région chablisienne est constante. Chablis se trouve dans la « première classe » avec Tonnerre.

CHABLIS, à quatre lieues d’Auxerre. Ce vignoble produit beaucoup de vins blancs très estimés, et dont les meilleurs entrent dans la 2e classe du royaume, immédiatement après ceux des premières cuvées de Meursault (Côte-d’Or). Ils ont sur presque tous les vins du même genre, l’avantage de conserver leur blancheur transparente : ils sont spiritueux, sans être trop fumeux, ont du corps, de la finesse, et un parfum très agréable41.

Le classement des cuvées par A. JULLIEN n’est pas le même que celui de J.-A. CAVOLEAU ; 1° le Clos, 2° les cuvées dites de Valmur et de Grenouilles, 3° Vaudesir, Bourguereau et Mont-de-Milieu42. Cependant A. JULLIEN accepte l’idée précédente, le vin de Chablis est inférieur que celui de Meursault.

Ce livre d’A. JULLIEN influence un médecin londonien, Alexander HENDERSON. Son The history of ancient and modern wines publiée en 1824 est considérée comme le premier livre en anglais qui décrit en détail ce que l’on appelle le « modern wine »43. Avant sa publication, il a voyagé en France, Allemagne et Italie pour visiter les vignobles. Au début du chapitre sur les vins de France, l’auteur évoque A. JULLIEN :

referring such of my readers as may wish for more particular details to the work of JULLIEN, on which, as far as concerns the growths of France, the fullest reliance may be placed44.

A. HENDERSON donne plus d’importance au vin rouge qu’au blanc en Bourgogne :

The WHITE wines of Burgundy are less numerous, and consequently less generally known than the red; but, nevertheless, maintain the highest rank among the French white wines, and are not inferior to the red either in aroma or flavour45.

Le vin de Bourgogne semble être d’abord celui de Côte d’Or pour lui. Après les descriptions de Meursault et Montrachet, Chablis n’est décrit qu’en une ligne. Chablis est classé avec les autres vins blancs tonnerrois, Pouilly et Fuissé.

To the second class belong the white wines of La Perrière, La Combotte, La Goutte d'Or, La Genevrière, and Les Charmes, all situated in the territory of Meursault; [...] Mont Rachet. The vineyards of Vaumorillon and Les Grisées, in the district of Tonnerre; of Valmur, Grenouilles, Vaudesir, Bouguereau, and Mont de Milieu, in the vicinity of Chablis; and of Pouilly and Fuissey, near Mâcon, afford the best white wines of the other departments46.

Au milieu du XIXème siècle, Jules GUYOT, chargé par le gouvernement de Napoléon III d’une enquête sur les vignobles de France écrit :

Les vins de Chablis occupent un des premiers rangs parmi les vins blancs de France ; ils viennent se placer tout près des vins de Meursault. Spiritueux, sans que l'esprit se fasse sentir, ils ont du corps, de la finesse et un parfum charmant ; leur blancheur et leur limpidité sont remarquables. [...] Malgré la grande réputation dont ils jouissent à juste titre, et depuis longtemps, leur valeur réelle est, selon moi, plus haute encore que leur renommée47.

Ces qualificatifs étudiés ci-dessus s’utilisent aujourd’hui encore pour décrire le chablis. P. MENARD, dans son article cité ci-dessus, montre les similitudes entre la description de chablis du frère franciscain italien SALIMBENE DE ADAME au milieu du XIIIème siècle et le critique gastronomique contemporain GAULT MILLAU48.

Egalement pour honorer son vin, les louanges des chablis chantées par J. GUYOT se trouvent dans le site internet de l’office de tourisme de Chablis49.

Encore J. GUYOT apprécie le chablis ainsi :

Mais ils se distinguent surtout par leurs qualités hygiéniques et digestives et par l'excitation vive, bienveillante et pleine de lucidité qu'ils donnent à l'intelligence50.

Ces qualités hygiéniques et digestives semblent se servir à la naissance d’une anecdote de chablis51.

La réputation des chablis ne s’arrête pas au Royaume-Uni. Le roman de Léon TOLSTOÏ, Anna Karénine décrit la société russe au XIXème siècle. On trouve le mot de chablis dans une scène d’un dîner.

Bien Monsieur. Quel vin de table désirez-vous ?
Du nuits. Non, donne-nous plutôt le classique chablis52.

Nous venons de citer les mentions des vins de Chablis depuis environ un millénaire. La réputation de ces vins semble bien fondée dans la haute société d’Europe avant la fin du XIXème siècle.

André Louis SIMON et « Wine & Food Society »

Né à Paris en 1877, André Louis SIMON va à Londres en 1902 comme chargé du marché anglais pour la maison de champagne, Pommery & Greno. Un an après l’éditeur de Wine and Spirit Trade Review lui demande d’écrire des articles sur l’histoire du commerce du champagne en Angleterre. C’est sa première carrière de wine writer. Il publie plus de cent livres et brochures sur le vin et la gastronomie dans sa vie. Avec l’aide d’Alphonse James Albert SYMONS il fonde « Wine & Food Society » en 1933. Son objectif est « d’inciter les gens qui partagent les mêmes intérêts à se réunir pour savourer les plaisirs de la table dans un esprit de camaraderie et de convivialité »53.

De la fin de 1935 et au début de l’année suivante, il voyage aux Etats-Unis où la Prohibition vient d’être abolie. Pendant son voyage plusieurs succursales de « Wine & Food Society » sont nées dans des grandes villes américaines comme New York, Chicago, San Francisco, Los Angeles et la Nouvelle Orléans.

S’il y a aujourd’hui plusieurs acteurs pour la promotion des vins de Chablis dans les niveaux différents, de local la confrérie des Piliers Chablisiens et le Bureau Interprofessionnel du Vin de Bourgogne (BIVB), à national et international la SOPEXA et l’UBIFRANCE, il n’existe pas d’équivalents au premier tiers du XXème siècle. Par conséquent il est important d’examiner les écrits d’A. L. SIMON, en tant que fondateur de la « Wine & Food Society » qui contribue à la diffusion des vins français dans le monde entier. Parmi les élèves d’A. L. SIMON, on ne doit pas oublier Hugh JOHNSON qui « est reconnu un des meilleurs écrivains sur le vin hors de l’aspect technique »54. Il écrit ses souvenirs du fondateur de la société dans le site de la « International Wine & Food Society », le nom actuel de « Wine & Food Society »55.

Les informations sur le vin en langue anglaise lues par les Américains préparent ainsi le développement commercial de chablis aux Etats-Unis dans la deuxième moitié du XXème siècle. De plus les nouveaux pays consommateurs de vin, par exemple au Japon, sont informés par des sources anglo-saxonnes plus que françaises56. Il est indispensable d’étudier les publications sur le chablis par A. L. SIMON.

En 1926, il publie Bottlesscrews day en expliquant la publication de ce livre en détail :

MORE than twenty years ago I undertook to write the “History of the Wine Trade in England,” [...] When I came to the eighteenth century I paused, not for lack of material, but, on the contrary, because I found such a vast amount of information that a volume dealing with the eighteenth century and written on the same lines as the three preceding ones would have been too bulky57.

Ce livre de 1926 est la suite de son œuvre précédente traitant du commerce du vin en Angleterre au XVIIIème siècle ; il parle de Claude ARNOUX et son livre Dissertation sur la situation de la Bourgogne mentionné ci-dessus dans la partie de Bourgogne.

Monsieur Arnoux, a French tutor in London, was so grieved when he discovered that the wines of his native Burgundian hills were so little known in England and so very difficult to obtain, that he wrote, in 1725, a little book on the wines of Burgundy, how to know which were the best, where to buy them and how to have them shipped to England58.

A la suite de ces lignes citées, il continue à présenter le livre de C. ARNOUX. Comme lui, A. L. SIMON divise les vins de Bourgogne en trois catégories ; « vins de primeur » et « vins de garde » pour le rouge et tous les vins blancs. Chablis et Auxerre apparaissent après Meursault, Puligny, Aloxe et Montrachet. Juste après la citation du livre de C. ARNOUX, l’auteur parle du livre de Duncan MACBRIDE qui est aussi cité par R. GEORGE comme on l’a vu dans le sous-chapitre « Du XVIIème au XVIIIème siècle » :

Curiously enough, D. McBride who published, in 1793, a book entitled: ”General instructions for the Choice of Wine and Spirituous Liquors, dedicated to His Royal Highness the Prince of Wales,” confirmed Arnoux’s poor opinion of the wines of Chablis59.

L’évaluation du vin de Chablis par A. L. SIMON est plus claire dans un petit livre60. Deux pages consacrés aux vins blancs de Bourgogne commencent par cette question :

Which is the best-known White Burgundy?
The wines of Chablis61.

[…]
Is Chablis the best White Burgundy?
No. The White wines of the Côte d’Or Département are finer, but they are also more expensive.
Which is the best?
Le Montrachet is easily the first, like Yquem among Sauternes62.

D’après ces lignes il est clair que l’auteur place Chablis en dessous de Montrachet. En ce qui concerne les vins bourguignons pas onéreux ;

Are there no cheap White Burgundies?
None are really cheap, but the least expensive are those from the Saône-et-Loire, the best known being the wines of the townships of Pouilly and Fuissé, wines sold usually as Pouilly and sometimes as Pouilly-Fuissé63.

Au début des années 1970, quand les exportations de vin de Chablis diminuent aux Etats-Unis à cause de la hausse des prix, c’est Pouilly-Fuissé qui y devient très populaire64. Ces lignes par la plume d’A. L. SIMON sont pratiquées par les importateurs américains environ un demi-siècle après la publication.

Egalement, Frank Hedges BUTLER, un marchand de vin londonien, met l’accent plus à Montrachet qu’à Chablis dans son livre des années 1920.

Puligny-Montrachet and Chassagne-Montrachet produce the exquisitely delicate Montrachet, which stands supreme among the white wines of the Côte d’Or, like Château Yquem in the Bordelais, and very high among the white wines of the world. The general name used on wine lists for the white Burgundies is “Chablis”. They are drier than the white Sauternes of Bordeaux and are favoured for drinking with oysters65.

Les médias anglais de la première moitié du XXème siècle se font l’écho de la renommée de chablis mais le jugent inférieur à montrachet parmi les vins blancs de Bourgogne.

A partir du milieu du XXème siècle : les Etats-Unis

Les médias américains avant la Seconde Guerre mondiale

Depuis 1933, même avant l’abolition de la Prohibition, Gustav Selmer FOUGNER contribue à une rubrique quotidienne « Along the wine trail » au New York Sun. Un recueil de ses articles est publié en 1934 sous le même titre que sa rubrique66. Dans son livre, il ne parle de Chablis qu’en quelques lignes, en opposant la Basse et la Haute Bourgogne :

In upper Burgundy are grown the light and well-flavored wines of the Maconnais and Beaujolais, the most famous of which is Moulin-à-vent, while in lower Burgundy, in the department of the Yonne, are the great vineyards of Chablis, a dry, pale white wine, probably the most imitated wine in the world67.

L’auteur déjà parle des imitations du chablis68.

Les deux Américains, Frank SCHOONMAKER et Alexis LICHINE, dont les ouvrages sont étudiés ci-dessous, commencent à importer des vins français à partir des années 1930. La lettre signée par A. LICHINE conservée au Domaine Servin à Chablis confirme que la relation commerciale entre les deux remonte à 1943.

Marie-Françoise GRIVOT insiste sur le rôle de l’installation militaire qui donne l’occasion aux officiers américains de fréquenter Chablis :

Surtout, l’installation du S. H. A. P. E. dans la forêt de Fontainebleau vaut aux vignerons chablisiens la visite fréquente d’officiers américains qui se font dégustateurs, acheteurs, diffuseurs du chablis. Une part importante de l’exportation du chablis se dirige vers les Etats-Unis69.

G. J. GILBANK aussi dit :

Il semble bien que l’initiative d’un démarrage rapide des exportations vers les Etats-Unis revienne à d’anciens officiers de l’armée américaine qui étaient stationné dans le vignoble en 1945 ; l’un d’eux était Alexis LICHINE, le futur exportateur du Quai des Chartrons70.

Plusieurs vignerons chablisiens racontent l’importance des officiers américains71.

Deux vulgarisateurs-marchands aux Etats-Unis

R. PARKER, critique américain, dit dans son guide :

Historiquement, les ouvrages les plus intéressants ont été écrits par ceux qui faisaient commerce du vin, tels Alexis Lichine et Frank Schoonmaker, dont les livres sont mondialement connus72.

Ces deux Américains écrivent beaucoup de présentations des vins plutôt que de critiques dans cette période. Les médias américains du milieu du XXème siècle sont examinés autour de ces deux personnages.

Frank SCHOONMAKER

Frank SCHOONMAKER est né en 1905 aux Etats-Unis. Après deux ans d’études à l’Université Princeton, à l’âge de 20 ans, il va en Europe pour voyager pendant quelques années. Il commence sa carrière comme journaliste d’un guide de voyage. Pendant son séjour en Europe il développe son intérêt pour le vin en visitant les pays viticoles. Il fréquente des vignerons et des commerçants du vin. Au moment où la fin de la Prohibition s’approche, il écrit une série d’articles sur le vin pour The New Yorker qui est publié sous le titre de The complete wine book73. Le critique de ce livre apparu dans Time reflète bien ses cadres historiques.

Good wine needs no bush, but U. S. wine-bibbers, still weltering in the unaccustomed freedom of Repeal, do not know good wine from bad74.

De retour à New York il crée une société d’importation de vins Bates & Schoonmaker en 1934. La Deuxième Guerre mondiale amène une pénurie des vins européens aux Etats-Unis et il est allé en chercher en Californie avec Alexis LICHINE. F. SCHOONMAKER est considéré comme « un supporter des vins américains de bonne heure et [il] critique des vignerons américains qui étiquettent leurs vins d’après les types des vins européens comme chablis, burgundy et chianti plutôt que les noms géographiques spécifiques et ceux de cépages75. » Son respect des dénominations européennes du vin semble venir de son maître français Raymond BAUDOUIN, fondateur de La Revue du Vin de France qui l’initie à la législation des Appellations d’Origine Contrôlées (AOC). R. BAUDOUIN encourage à embouteiller au domaine un certain nombre des meilleurs petits producteurs bourguignon et entre les deux guerres.

Cependant c’est Frank SCHOONMAKER, importateur américain, qui mérite notre gratitude pour avoir été le premier à discerner tout ce qu’on pouvait attendre, du point de vue de la qualité, de l’embouteillage au domaine, et qui a ouvert à ce moment le marché américain76.

Une publicité dans La Revue du Vin de France, dans la fin des années 1940, indique « Frank Schoonmaker Sélections » avec Michel REMON comme fournisseur chablisien77.

La connaissance du vin de F. SCHOONMAKER en a fait une autorité reconnue tant du gouvernement qui le consulte souvent, que des professionnels. Il publie plusieurs livres sur le vin et à la fin de sa vie il écrit son Encyclopedia of wine. J. M. GABLER parle de cet encyclopedie :

There were six editions of the very popular work from 1964 to 1975. Following Mr. Schoonmaker’s death, a revised seventh edition was released with Julius Wile as the editor78.

Alexis LICHINE

L’autre grand écrivain-commerçant du vin aux Etats-Unis, A. LICHINE est né à Moscou en 1913. Il a passé son enfance à Paris et allé aux Etats-Unis à son adolescence. En retournant à Paris il trouve un poste au bureau de Paris du Herald Tribune. Grâce à l’abolition de la Prohibition, il trouve sa vocation79. Le rédacteur en chef du journal pense que les Américains s’intéresseront au vin à la fin de Prohibition. En 1934 A. LICHINE voyage de Champagne au Bordelais pour écrire des articles sur les vignobles français.

L’année suivante il travaille dans une boutique de vin à New York. Il fonde le « Wine of the month club » qui livre une bouteille par mois avec des renseignements sur les vignobles et des explications sur la manière de servir.

En 1937, quand il est embauché par un importateur new-yorkais de vin, il rencontre F. SCHOONMAKER qui possède une boutique à New York. Sa boutique régulièrement envoie des brochures aux amateurs. Ses vins sont achetés par R. BAUDOUIN en France.

A. LICHINE est un des spécialistes du vin qui prépare la liste du vin chez Antoine, un restaurant de la Nouvelle-Orléans. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il passe trois ans en Europe et en Amérique du Nord dans « United States Army Military Intelligence ». On dit qu’il a fourni des grandes bouteilles du vin au Général EISENHOWER80.

Après la guerre il se remet aux affaires du vin aux Etats-Unis. Dans les années 1950 il achète le Château Cantenac-Prieuré qui devient le Château Prieuré-Lichine en Margaux et il est également copropriétaire du Château Lascombes, un autre cru classé de Margaux.

En 1951 il publie Wines of France en collaboration avec William Edman MASSE. Un chapitre d’une dizaine pages s’appelle « Chablis : Oysters & Vintners ». Le mariage traditionnel du vin de Chablis et l’huître est confirmé dans ce livre.

Il écrit par exemple environ cinq pages sur sa visite chez Marcel SERVIN, un vigneron typique pas seulement de Chablis mais aussi de toute la Bourgogne81. L’auteur dresse le portrait du vigneron, sa famille, son travail et bien sûr de son vin. Il cite ce vigneron :

Nowadays everybody wants clear Chablis, with all the sediment strained out – the particles of grape, the lees as a result of fermentation, everything – but when you do that, it takes some of the good out of the wine. But the color is what counts. They used to put white of eggs in red wines, and isinglass in white wines, and even blood, or milk, or gelatin. Now we use pills82.

Bernard SERVIN, un des fils de Marcel et François SERVIN, le petit fils de Marcel et le propriétaire du domaine aujourd’hui racontent leur relation amicale avec A. LICHINE. Une lettre à Marcel datée en 1965 et signée par A. LICHINE dit :

La qualité de vos produits les ont fait s’imposer sur le Marché Américain où ils ont pris une place de choix et je suis fier d’avoir l’exclusivité de votre nom pour l’ensemble de ce territoire. Il figure sur la carte des plus grands restaurants de ce pays comme dans la plupart des grandes caves particulière83.

Deux des familles de vignerons qui vendent du vin à A. LICHINE parlent d’un camion spécial pour mettre en bouteille le vin84. A cette époque-là, les petits vignerons ne s’équipent pas d’un instrument à embouteiller du vin. Le camion embouteilleur venu de Beaune gare chez les vignerons et mettent sur l’étiquette « Mise en bouteille par le propriétaire ». Cette nouvelle circulation du vin est considérée comme menaçante pour certain négociant.

Les nouvelles méthodes commerciales font forcément naître un conflit avec les commerces traditionnels85. L’importateur, A. LICHINE écrit dans l’avant-propos de son Guide to the wines and vineyards of France en 1979 :

Les négociants français voyaient d’un mauvais œil les intrus qui cherchaient à pénétrer leur domaine et leur glissaient sur tous les plans des bâtons dans les roues86.

Pourquoi cherchent-ils du vin chez des propriétaires et pas chez les négociants ? A. LICHINE raconte :

En Bourgogne, seuls quelques rares producteurs mettaient leur vin en bouteille « au domaine », et il ne fut pas facile de persuader les autres d’en faire autant. Aujourd’hui, ils ne s’en contentent plus et la plupart vont jusqu’à vendre leur vin directement aux consommateurs. Mais c’est leur produit, alors qu’auparavant les négociants souvent ne le vendaient guère qu’après coupages87.

Le problème de l’authenticité du vin des négociants est aussi évoqué par un de membre de la famille Servin88. Cependant l’achat direct chez des vignerons assure aussi le prix bas et il semble que c’est le début du bon rapport qualité-prix de chablis.

A. LICHINE révise totalement son livre écrit avec W. E. MASSE et publie Guide to the wines and vineyards of France en 1979. Ce livre est considéré comme « A book for reference and to take along when travelling through the French wine country »89. Dans l’avant-propos de ce livre il raconte le début de son travail.

Une dizaine pages sont consacrées à Chablis. La critique d’A. LICHINE sur les négociants s’y trouve aussi.

Etant donné qu’une grande partie de ces vins est acquise par des négociants, il est bon de se fier à la réputation de celui qui a mis le vin en bouteilles à son nom90.

Au début des années 50, il est un des plus gros importateurs et distributeurs de grands vins français aux Etats-Unis. Parallèlement il tient le rôle d’un vulgarisateur du vin pour augmenter l’intérêt du public. Il publie son Encyclopedia of wines and spirits qu’il remet à jour chaque année. Son édition française est révisée régulièrement depuis 1980.

D’après J. M. GABLER, son encyclopédie est :

An essential reference. It has sold over 250,000 copies and has been issued in many editions, [...]91

Les livres écrits par les deux grands importateurs du vin français ne parlent pas beaucoup de la deuxième position de chablis après des vins blancs de la Côte-d’Or comme meursault et montrachet établie par A. JULLIEN au XIXème siècle92 et affirmée par A. L. SIMON début du XXème siècle93.

R. PARKER confirme les positions neutres des deux marchands du vin :

[...] l’un et l’autre ont bâti leur situation sur la vente du vin et non sur sa critique, même s’ils se sont affranchis dans leurs écrits, de leurs intérêts de commerçant94.

Cependant les importateurs n’ont pas d’intérêt à présenter les vins introuvables au marché aux consommateurs. A. L. SIMON déjà indique le manque de production des bons vins blancs de Côte d’or pour les grands marchés95. C’est Chablis qui fournit l’offre manquant en Côte d’or.

Conclusion :

Ces études bibliographiques clarifient l’établissement de la réputation du vin de Chablis à travers de l’histoire. Les connaisseurs anglais sont influencés par les Français, comme C. REDDING par J.-A. CAVOLEAU et A. HENDERSON par A. JULLIEN dans la première moitié du XIXème siècle. Les anecdotes autour du chablis, comme son mariage avec l’huître et le goût de « la pierre à fusil » sont anciens et inventés par les Français. Malgré la deuxième place attribuée par les spécialistes au XIXème siècle, au-dessous du meursault parmi les vins blancs bourguignons, le chablis est plus connu que le meursault. Ça serait une conséquence des importateurs américains de la deuxième moitié du XXème siècle qui diffusent le nom de chablis aux Etats-Unis.

Bibliographie

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GARRIER Gilbert : Histoire sociale et culturelle du vin, Paris : Larousse-Bordas, 1998, 767 p.

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ICHIKAWA Yoshinori : « L’usurpation de l’appellation est-elle toujours négative pour les producteurs ? : L’exemple du chablis dans son histoire », Food Geography, n° 1, 2011, pp. 36-45.

JULLIEN André : Topographie de tous les vignobles connus, Paris : chez l’auteur, 1816, 566 p.

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TOLSTOÏ Léon : Anna Karénine, traduit par Sylvie LUNEAU, Paris : Flammarion, 1988, 2 vol.

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« Frank Schoonmaker Sélections », La Revue de Vin de France, n°142, octobre-novembre-décembre 1949, p. 31.

Notes

1 ICHIKAWA, 2008. Retour au texte

2 ICHIKAWA, 2010. ICHIKAWA, 2011. Retour au texte

3 Le premier numéro de The wine advocate de Robert PARKER est apparu en 1978. En 1987 son Wine Buyer's Guide est paru aux Etats-Unis et plusieurs de ses guides sont traduits en français depuis 1990. Le premier Guide Hachette des vins de France 1986 est publié en automne 1985. Retour au texte

4 GILBANK, 1981. Retour au texte

5 DION, 1977. Retour au texte

6 LACHIVER, 1988. Retour au texte

7 GARRIER, 1998. Retour au texte

8 GEORGE, 1984. Retour au texte

9 BECET, 1971. Retour au texte

10 BRENNAN, 1997. DESAIVE, 2002. Retour au texte

11 MENARD, 2001. Retour au texte

12 LACHIVER, 1988, p. 76. Retour au texte

13 MENARD, 2001. Retour au texte

14 http://www.cepdivin.org/anthologie/batailledvins.html, consulté le 23 septembre 2011. Retour au texte

15 DION, 1977, p. 217. Retour au texte

16 DION, 1977, p. 241. Retour au texte

17 LACHIVER, 1988, p. 76. Retour au texte

18 MENARD, 2001. Retour au texte

19 Cité par LACHIVER, 1988, p. 57. Retour au texte

20 LACHIVER, 1988, p. 163. Retour au texte

21 GEORGE, 1984, p. 22. Retour au texte

22 THOMSON, 1937. Retour au texte

23 GABLER, 2004, p. 366. Retour au texte

24 BRENNAN, 1997, pp. 135-136. Retour au texte

25 Selon le site internet du Bureau Interprofessionnel du Vin de Bourgogne, ce livre est « 1er livre consacré au vin de Bourgogne », http://www.vins-bourgogne.fr/connaitre/la-terre-de-bourgogne/l-histoire/les-dates,14,104.html, consulté le 23 septembre 2011. Retour au texte

26 ARNOUX, 1728, pp. 46-47. Retour au texte

27 Cité par BREJOUX, 1959. Retour au texte

28 DESAIVE, 2002. Retour au texte

29 GEORGE, 1984, p. 23. Retour au texte

30 GEORGE, 1984, p. 23. Retour au texte

31 GEORGE, 1984, p. 27. Retour au texte

32 Cité par GEORGE, 1984, p. 23. Retour au texte

33 Cité par GINESTET, 1986, p. 55. Retour au texte

34 CAVOLEAU, 1827, p. 338. Retour au texte

35 CAVOLEAU, 1827, p. 340. Retour au texte

36 GEORGE, 1984, p. 29. Retour au texte

37 GABLER, 2004, p. 304. Retour au texte

38 Par exemple, la production de l’Yonne est 886 604 hectolitres et 23 638 886 francs en valeur. Retour au texte

39 REDDING, 1833, p. 105. Voir note ci-dessus, CAVOLEAU, 1827, p. 338. Retour au texte

40 REDDING, 1833, p. 106. Retour au texte

41 JULLIEN, 1816, p. 102. Retour au texte

42 JULLIEN, 1816, pp. 102-103.. Retour au texte

43 GABLER, 2004, p. 176. Retour au texte

44 HENDERSON, 1824, p. 151. Retour au texte

45 HENDERSON, 1824, p. 167. Retour au texte

46 HENDERSON, 1824, p. 168. Retour au texte

47 GUYOT, 1868, p. 139. Retour au texte

48 MENARD, 2001. Retour au texte

49 Voir note ci-dessus, GUYOT, 1868, p. 139, http://www.chablis.net/index.php, consulté le 23 septembre 2011. Retour au texte

50 GUYOT, 1868, p. 139. Retour au texte

51 En ce qui concerne du mariage entre le chablis et l’huître, on dit que les huîtres consommées à Paris autrefois sont souvent en mauvais état après plusieurs jours de voyage de la région côtière. Chablis, vin sec, désinfecte ces huîtres pourries. Retour au texte

52 TOLSTOÏ, 1988, p. 82. Retour au texte

53 Le site d’ « Americas » de l’International Wine & Food Society (http://64.78.24.216/americas/am_Fr.htm) consulté le 27 septembre 2011. Retour au texte

54 GABLER, 2004, p. 207. Retour au texte

55 http://www.iwfs.com/secretariat/working_with_andre.htm, consulté le 27 septembre 2011. Retour au texte

56 TADA, 2002, p. 82. Retour au texte

57 SIMON, 1926, p. xi. Retour au texte

58 SIMON, 1926, p. 167. Retour au texte

59 SIMON, 1926, p. 170. Retour au texte

60 SIMON, 1939. Retour au texte

61 61 SIMON, 1939, p. 15. Retour au texte

62 SIMON, 1939, p. 16. Retour au texte

63 SIMON, 1939, p. 16. Retour au texte

64 Monsieur William FEVRE le 27 juin 2004. Retour au texte

65 BUTLER, 1926, p. 70. Retour au texte

66 FOUGNER, 1934. Retour au texte

67 FOUGNER, 1934, p. 14. Retour au texte

68 Pour les usurpations du nom de Chablis, voir ICHIKAWA 2011. Retour au texte

69 GRIVOT, 1964, p. 170. Retour au texte

70 GILBANK, 1981, p. 352. Retour au texte

71 Monsieur Jean-Paul DROIN le 14 février 2004, Monsieur Jean-Claude SIMONNET le 12 mars 2004, Monsieur William FEVRE le 27 juin 2004. Retour au texte

72 PARKER & ROVANI, 2001, p. 38. Retour au texte

73 SCHOONMAKER & MARVEL, 1934. Retour au texte

74 « Bush », Time, le 24 décembre 1934. Retour au texte

75 GABLER, 2004, p. 323. Retour au texte

76 PARKER, 1993, p. 61. Retour au texte

77 « Frank Schoonmaker Sélections », La Revue du Vin de France, 1949. Retour au texte

78 GABLER, 2004, pp. 324. Retour au texte

79 LICHINE, 1985, p. 1. Retour au texte

80 GABLER, 2004, p. 228. Retour au texte

81 LICHINE & MASSE, 1951, p. 89. Retour au texte

82 LICHINE & MASSE, 1951, pp. 91-92. Retour au texte

83 La lettre à Marcel SERVIN signée par A. LICHINE du 19 juin 1965, conservée au Domain Servin. Retour au texte

84 Monsieur Jean-Paul DROIN le 14 février 2004, Monsieur François SERVIN le 14 mai 2004. Retour au texte

85 Plusieurs vignerons interrogés le disent. Retour au texte

86 LICHINE, 1979, p. 8. Retour au texte

87 LICHINE, 1979, p. 8. Retour au texte

88 Monsieur Bernard SERVIN le 21 mai 2004. Retour au texte

89 GABLER, 1985, p. 166. Retour au texte

90 LICHINE, 1979, p. 160. Retour au texte

91 GABLER, 1985, p. 166. Retour au texte

92 JULLIEN, 1816, p. 102. Retour au texte

93 SIMON, 1939, p. 15. Voir la note ci-dessus. Retour au texte

94 PARKER & ROVANI, 2001, p. 38. Retour au texte

95 SIMON, 1939, p. 15. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Yoshinori Ichikawa, « Histoire de la réputation universelle du vin de Chablis. Des origines au milieu du XXème siècle », Territoires du vin [En ligne], 4 | 2012, publié le 01 mars 2012 et consulté le 14 octobre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1391

Auteur

Yoshinori Ichikawa

Docteur en Géographie, Bibliothèque de la Maison du Japon, Cité Internationale Universitaire de Paris

Droits d'auteur

Licence CC BY 4.0