Conflictualités et dynamiques du jeu social sous la Troisième République

Plan

Texte

Introduction

Au cœur des dynamiques prévalant dans la reconfiguration des mondes de la vigne et du vin en France au début du XXe siècle, les stratégies mobilisées en Bourgogne par les acteurs les mieux investis localement nous offrent un exemple saisissant du renversement historique de paradigme qui s’est opéré au début du XXe siècle. Placé depuis plusieurs décennies sous la domination d’un ordre marchand triomphant, captant l’essentiel de la plus-value à son seul profit, selon des pratiques libérales hautement revendiquées, le vignoble de Bourgogne bascule rapidement vers un nouvel ordre viti-vinicole consacrant l’origine foncière comme premier critère de la valeur et de la qualité des vins. En moins de dix ans, des premiers principes portés à la Chambre des députés en 1913 à l’échec définitif des partisans du commerce libéral au début des années 1920, la mutation est complète. Ce changement rapide témoigne du jeu des forces politiques et sociales locales qui ont initié le passage, aux conséquences déterminantes, des « usages » à l’ « origine » et de la marque au terroir. L’orientation radicale de la mise en normes du vignoble en faveur d’un « droit du sol » contre les logiques « hors-sol » prévalant jusqu’alors sans réserve, révèle le fonctionnement de sociétés rurales complexes où les rapports de force établis entre des acteurs individuels, des groupes d’intérêt constitués ou des corps intermédiaires nous permettent de mieux comprendre les liens tissés entre les échelles locale et nationale.

Dans cette perspective, il est nécessaire de comprendre comment l’extension des conflits d’intérêt locaux et les lignes de clivage les plus fines, imbriquées dans une superposition de réseaux et de contextes entremêlés, conditionnent l’émergence de politiques qui répondent à leur tour à des configurations et des équilibres locaux qu’elles cautionnent ou contrarient. L’énigme proposée à travers cette étude de cas demeure d’autant plus forte que le renversement des positions observé, entre le commerce et la viticulture, est conduit contre ceux qui au sein du vignoble maîtrisent l’innovation et déterminent les changements. La mutation commerciale du vin s’est en effet déroulée en apparence contre le commerce bourguignon lui-même, pourtant dominant, et qui, contrairement à son grand voisin champenois, n’a pas su, ou n’a pas pu, pérenniser un modèle de développement plus conforme à ses intérêts corporatistes. Évoquant ce grand basculement de la position des négociants de Bourgogne, Olivier Jacquet et de Gilles Laferté proposent une lecture fondée sur le renforcement d’un véritable consensus national autour de la viticulture et en faveur d’une « républicanisation » des campagnes à l’origine de la mise en place des nouveaux dispositifs législatifs1. Le renversement des positions en faveur de la propriété exprimerait alors « une première orientation républicaine de la qualité »2 , la loi et son interprétation supportant l’intérêt de la masse des petits propriétaires contre celui des négociants. Ici, la défense du monde rural, tant invoquée par les parlementaires de la IIIe République, apparaît comme l’un des vecteurs déterminants de l’évolution des rapports de force au moment où est réinventé en Bourgogne un discours culturel soutenant l’image du petit vigneron et de ses « terroirs ». Au final, selon les auteurs, un véritable « contrôle républicain du marché » s’est exercé3. Pourtant, au-delà de cette démonstration stimulante, il faut s’interroger sur l’orientation finale de l’interprétation ainsi proposée.

Cette victoire attendue de la viticulture et de la propriété face au négoce rejoint largement le consensus adopté par la suite autour de ce qu’il est convenu qu’il advienne : la petite viticulture émancipée est finalement parvenue à terrasser le grand négoce omnipotent et tout-puissant. En somme, grâce au bon fonctionnement des mécanismes institutionnels républicains, la démocratie rurale aurait fait son œuvre. Dans les faits, cette logique séduisante converge bien vers l’image consacrée en Bourgogne d’une petite viticulture locale triomphante. L’Histoire rejoint alors l’histoire des vainqueurs. Pourtant, une contradiction centrale demeure sur l’identité réelle des vainqueurs. Si, la logique politique républicaine a finalement su orienter la réglementation dans un sens plutôt favorable à la propriété, il apparaît bien dans le prolongement de cette démonstration que le processus parlementaire ait plutôt joué en faveur des propriétaires dominants les plus privilégiés, c’est-à-dire des principaux détenteurs des crus les plus réputées dont de nombreux négociants, influents par leur nombre et leur position sociale. De ce point de vue, force est de constater que la masse des petits propriétaires, détenteurs de vignes dépourvues de renommée commerciale, ne tire aucun bénéfice de l’orientation de la réglementation, bien au contraire ; ces derniers s’imposent comme les perdants d’un processus dont ils ont été largement exclus4. L’affaire est donc très complexe et il s’agira donc de dénouer au plus près le mode de fonctionnement de ce petit monde de la vigne et du vin dans une Bourgogne traversée par des lignes de rupture où s’entremêlent clans, parentés, patrimoines et sentiments d’appartenance.

Le choc de la reconfiguration des marchés et l’appel aux Pouvoirs publics

Au tournant des XIXe et XXe siècles, le négoce des vins s’affirme en Bourgogne par sa position très privilégiée, dominant un vignoble étonnamment fragmenté, des vignes de l’Yonne au Nord à celles du Mâconnais et du Beaujolais, plus au Sud, en longeant de Dijon à Santenay, la prestigieuse Côte bourguignonne et ses crus les plus renommés. Largement investi dans la production, par le contrôle qu’il exerce sans partage sur les achats à la propriété, il monopolise les activités liées à la fabrication des vins et à leur distribution sur des marchés lucratifs et souvent lointains. C’est à ce titre, que le commerce, fortement polarisé sur l’arrondissement de Beaune, place depuis la première moitié du XIXe siècle l’ensemble du vignoble bourguignon dans son orbite, à partir d’une nébuleuse de quelques centaines de petites maisons dont l’envergure commerciale dépasse parfois à peine celle de la petite viticulture émancipée.

La force de ses attributions repose alors sur la très grande liberté dont il bénéficie dans les modes d’élaboration et de transformation d’un produit naturel complexe, patiemment conduit au stade de la commercialisation à la suite d’une longue série de manipulations. La fabrication des vins, par de savants assemblages et coupages, offre la grande variété d’échantillons qui sert de base à la mise en commerce sur le marché de produits dont il contrôle seul l’identification par des dénominations foncières collectives. C’est en effet afin de conjurer la menace d’un développement inconsidéré de la concurrence extérieure et d’une fraude croissante que le négoce a appuyé tout au long du XIXe siècle l’élaboration de classements commerciaux arrimant résolument les marques locales de ses vins au registre de l’origine foncière. Dans ces hiérarchies, l’amalgame est donc constant entre la marque et sa dénomination géographique (Meursault, Pommard, Beaune, Corton, Nuits, Échézeaux, Clos de Vougeot ou Chambertin), valeurs commerciales perçues comme totalement indissociables pour les vins de Bourgogne. La marque appartient alors au seul négociant qui s’octroie l’essentiel de la plus-value au détriment d’une propriété subordonnée et maintenue au rang de simple pourvoyeuse de matière première agricole.

Cet ordre marchand triomphe encore largement lorsque l’onde de choc déclenché par la diffusion de l’épidémie phylloxérique atteint le vignoble à partir des années 1870. En renforçant des évolutions déjà bien établies, la crise soutient l’essor spectaculaire des vignobles méditerranéens au premier rang desquels l’Algérie fait très vite figure de principal producteur de « beaux vins de secours » pour le commerce local. A la fin du XIXe siècle, la métropole voit ses récoltes marquer un coup d’arrêt avant que la surproduction ne s’impose à mesure que se reconstituent les principaux vignobles méridionaux. En quelques années le commerce des vins est saturé et son marché national menace de se disloquer sous les effets conjugués de la surproduction et des fraudes endémiques qui l’accompagnent. Durant la dernière décennie du siècle, la croissance du phénomène, soutenue par la pénurie et l’effondrement de la qualité des vins produits par les vignes replantées en jeunes pieds américains, s’étend progressivement à tous les segments du marché. La chaptalisation abusive se développe alors dans tous les vignobles septentrionaux et s’étend rapidement à la fabrication de volumes colossaux de piquettes produites par macération et lavage des marcs. La fabrication de vins artificiels, vinés, colorés, plâtrés, produits en quantités fabuleuses par les négociants de Béziers, de Montpellier ou de Bercy, témoigne brutalement de l’anarchie qui s’empare alors du marché des vins.

Pour les négociants bourguignons, la menace est de taille d’autant que des quantités de vins, impossibles à chiffrer avec exactitude, circulent sous des appellations réputées de la Côte bourguignonne. En 1887, les dirigeants de la Chambre de commerce de Beaune se scandalisent d’avoir identifié des faux Pommards, Chambertins ou Clos de Vougeot sur le marché parisien5. Cette envolée spectaculaire de la contrefaçon des vins est une atteinte directe à leurs marques commerciales et aux intérêts les plus stratégiques du commerce loyal local. Cette situation nécessite d’urgence l’intervention des Pouvoirs publics pour restaurer une discipline de concurrence bâtie sur une nécessaire régulation.

L’action politique des négociants se conjugue alors au puissant mouvement hygiéniste en plein essor et à la question de la sécurité alimentaire qui prime dans les discours sur la qualité. Elle rejoint celle des producteurs qui soutiennent un discours de plus en plus marqué contre la concurrence déloyale et la fraude sur les dénominations. L’inquiétude face aux vins falsifiés l’a alors largement emporté dans les thèmes débattus à la Chambre de commerce de Beaune, dépassant les questions pourtant épineuses des tarifs douaniers et des taxes sur les boissons. Les plus ardents défenseurs de la liberté de circulation et de la libre entreprise lancent désormais des appels répétés en faveur d’une réglementation orchestrée par l’État au nom de la nécessaire discipline de concurrence. Incapables de fournir aux magistrats les moyens d’endiguer la fraude, les lois pionnières de 1851-1855 sont dénoncées pour leurs insuffisances par une partie du commerce local. Déjà, en 1856, les négociants beaunois s’étaient réunis au sein d’une Association commerciale viticole de l’Arrondissement de Beaune, appelée à lutter contre la fraude sous toutes ses formes et principalement contre « l’usurpation des noms de ses vins »6. Dirigée par une commission composée de quinze négociants7, l’association agit comme un véritable groupe de pression local « pour protéger le commerce loyal des vins naturels contre les dangers que lui font courir la fabrication des vins factices et les spéculations qui en résultent ». Devenue l’Association pour la réforme commerciale de Beaune en 1860, puis le Syndicat des négociants en vins de l’arrondissement en 1864, elle publie des mémoires, rédige des notes et interpelle le monde des élus8. En plaçant le règlement de la question de la fraude et de la contrefaçon de ses marques sur le terrain politique parlementaire, les notables du négoce contribuent à soutenir un profond processus de redéfinition des normes de la qualité.

En 1888, un ensemble réglementaire représenté par les premières « lois spéciales » est discutée et soutenu par les milieux du commerce bourguignon au sein du Syndicat de l’arrondissement de Beaune. Réunis en assemblée plénière à la Chambre de commerce le 13 septembre, les négociants interpellent leurs élus en présence du député Pierre Joigneaux et du sénateur Anatole Hugot. Un appel en faveur d’un « assainissement du commerce des vins » est adressé à ce titre au Président de la République Sadi Carnot, ancien ministre des Finances et député de Beaune. Après l’adoption de la loi Griffe en 1889, une première définition institutionnelle du vin est finalement retenue sous la pression des milieux politiques du Midi9 ; le vin est défini comme le produit de la fermentation des raisins frais. Dénoncée par la Chambre de commerce de Mâcon comme une atteinte aux principes de liberté d’entreprise, cette mesure est pourtant approuvée par la Chambre de commerce de Beaune qui soutient que les vins factices portent atteinte aux réputations des crus locaux en dévalorisant toutes les productions10. Prolongeant ce dispositif, la loi Brousse en 1891 impose qu’une première formulation des substances composant les vins soit dressée11. Destinée à interdire de nombreux composants chimiques, elle décide l’indication en gros caractères sur les récipients des vins plâtrés. En 1895, c’est le député de Beaune Henri Ricard qui relaie la parole des milieux du commerce local en soutenant la loi tendant à réprimer la sophistication des vins naturels par addition d’eau, d’alcool ou de vin artificiel. Dans un contexte d’instabilité sociale croissante liée au dérèglement introduit par les crises viticoles et vinicoles en France, les négociants bourguignons pèsent donc de tout leur poids en faveur d’une réglementation plus poussée. En 1898, Jules Méline propose dans cette perspective tracée, un premier projet de loi rassemblant sous un même édifice législatif les textes précédents. Car au moment où le monde parlementaire s’anime autour de la question devenue fondamentale des vins, rien ne semble pouvoir endiguer la fraude et la spéculation irraisonnée qu’elle anime sur les marchés. En engendrant la ruine et la misère de la viticulture du Midi, la surproduction et les falsifications fondent un environnement politique désormais tout entier absorbé par la question des tensions sociale dans le Languedoc. En 1904 les pouvoirs publics dépêche une commission d’enquête parlementaire dans le Midi qui donne jour à une première loi du genre, dont l’article 9 appelle « à mettre un terme à la situation qui est faite à la viticulture nationale ». Ainsi conçue, la loi du 1er août 1905 semble parachever l’édifice réglementaire de la lutte contre la fraude. Le texte punit « quiconque aura trompé ou tenté de tromper, soit sur la nature, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de toutes marchandises, soit sur leur espèce ou leur origine lorsque, d’après la convention ou les usages, la désignation de l’espèce ou de l’origine, faussement attribuée aux marchandises, devra être considérée comme la cause principale de la vente ; soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité » (article 1). Véritable copie de la législation belge mise en œuvre au même moment, la loi française introduit la création d’un service de la répression des fraudes chargé de contrôler sa bonne application. Incomplet et imparfait en matière vinicole, le texte introduit pourtant pour la première fois la notion d’origine parmi les caractéristiques susceptibles de définir une tromperie en matière commerciale.

Pourtant, les tensions ne se relâchent pas et deux ans après le vote de la loi de 1905 qui devait restaurer la confiance, la récolte métropolitaine s’élève à 66 millions d’hectolitres auxquels s’ajoutent les 8,6 millions d’hectolitres d’Algérie. Le marché est plus que jamais sous tension12. C’est dans le Midi viticole, sévèrement touché par la surproduction, que la révolte éclate en mai et juin 190713. Des manifestations, rassemblant de 200000 à 300000 personnes, éclatent dans toutes les métropoles, à Narbonne, Béziers, Montpellier, Nîmes14. La « Grande peur » que font naître dans les esprits les révoltes de 1907 provoque alors un choc considérable dont les ondes conduisent désormais le régime républicain à maintenir une constante vigilance à l’égard de la question du vin. Les choix et les exigences portés par l’unité du Languedoc viticole et par la Confédération générale des vignerons du Midi deviennent dès lors, pour le pouvoir, des priorités. Prolongeant le processus législatif entamé en matière vinicole, la loi du 5 août 1908 tente de fournir le cadre général qui doit servir de base à une meilleure régulation du marché par l’identification de l’origine des vins. La loi donne ainsi l’initiative de la délimitation régionale à des règlements d’administration publique. L’article 11 livre le soin à l’administration de délimiter les zones d’appellations désignées par la Champagne, la Bourgogne, le Cognac et le Bordelais15. Pourtant, dès les années suivantes, la mesure s’avère presque inapplicable. En Bourgogne l’affaire préoccupe largement le commerce et ses représentants qui s’interrogent sur les conditions de l’application de la loi dans le vignoble et l’attitude de la propriété16. Les événements de Champagne conjugués aux tensions de la Gironde achèvent de convaincre le nouveau ministre de l’Agriculture Jules Pams d’inscrire à l’ordre du jour une modification législative majeure instaurant la méthode de délimitation par la voie judiciaire et non plus administrative.

C’est là, une rupture radicale dans le processus de mise en place de la réglementation en matière viticole. Le transfert du pouvoir du parlement vers l’exécutif, qu’avait introduit les « lois spéciales » jusqu’en 1905-1908, aboutit dès lors à investir le pouvoir judiciaire de prérogatives qui s’avèreront par la suite immenses. L’article 1er du projet de loi « Pams-Dariac » précise que les magistrats devront tenir compte dans leurs jugements concernant les nouvelles délimitations de l’origine du produit, de sa nature, de sa composition et de sa qualité17.

Jeux de pouvoir et dynamique des réseaux locaux

C’est en novembre 1913, lors des discussions du projet de loi gouvernemental sur les délimitations à la Chambre, que les députés du vignoble bourguignon, Étienne Camuzet, Pierre Charles, Alfred Muteau, Émile Vincent (Côte-d’Or), Julien Simyan et Jean-Pierre Simonnet (Saône-et-Loire) s’associent pour modifier le texte proposé dans un sens plus conforme à leurs intérêts collectifs. Le texte original précise en effet que « sera puni de la même peine quiconque aura employé sciemment une dénomination géographique pour désigner des produits différents de ceux auxquels les usages locaux, loyaux et constants ont attribué cette dénomination à raison de leur origine, de leur nature, et de leurs qualité substantielles »18. Représentant de la viticulture et du commerce « honnêtes », Étienne Camuzet précise lors des débats initiés que les mots « qualités substantielles » prêtent largement à confusion et qu’avec ses collègues il refuse de s’engager « dans la voie compliquée et tortueuse de la garantie des qualités substantielles » et préfère en somme que l’on s’en tienne à la seule origine des vins. L’amendement, soutenu par deux députés de la Gironde et Édouard Barthe, est alors adopté contre l’avis du ministre en charge du projet19.

Perçue comme presque anecdotique dans le texte, la modification engage pourtant bien des conséquences considérables pour le négoce qui, faute de pouvoir se référer au lien indissociable qui existe entre les types de vins qu’ils commercialisent et leur qualité, ne pourront plus que constater l’exclusivité qui est désormais attribuée à l’origine. La nouvelle logique consacre donc la délimitation des zones d’appellations des vins selon la seule origine des raisins qui ont servi à leur production. En définitive, la propriété se retrouve investie brutalement d’une prééminence nouvelle qu’aucune de ses organisations représentatives n’avaient jusqu’alors osé réellement revendiquer.

Davantage encore avec ce projet de loi, si l’origine devient le nouveau dogme réglementaire, leur usurpation frauduleuse est un délit puni par les tribunaux au titre de l’atteinte portée à une propriété commerciale ou industrielle. Là encore, et dans le cadre du prolongement de l’action menée sous l’impulsion d’Étienne Camuzet, les modifications engagées lors des discussions de novembre 1913 à la Chambre des députés s’avèrent fondamentales. Il importe en effet pour le député de la circonscription de Beaune d’éliminer toutes les failles qui pourraient entraver le projet qu’il s’est fixé en faveur de la propriété. Dans cet objectif, le mot « sciemment » du texte initial débattu pourrait à cet égard permettre aux fraudeurs potentiels et à ceux qui chercheront inévitablement à contourner l’intransigeance de ses règles, de soutenir devant un tribunal la thèse de l’erreur de manipulation rendant inopérante toute forme de sanction. C’est ainsi qu’un deuxième amendement est proposé par les députés Étienne Camuzet, Pierre Charles, Louis Hébert (Côte-d’Or), Julien Simyan, Jean-Pierre Simonnet et Jean Bouveri (Saône-et-Loire), puis voté le 15 novembre 1913, engageant la suppression dans le 2e paragraphe du mot « sciemment ». Les pénalités seront donc appliquées « même aux personnes ayant désigné leur bonne foi sous une appellation d’origine des vins n’ayant pas droit à cette appellation »20. Par ailleurs, de nouveau à l’initiative de ces mêmes députés bourguignons rejoints par Pierre Lefol (Côte-d’Or), il est décidé de préciser que ces dispositions sont « applicables aussi bien aux fraudes par falsifications qu’aux fraudes par substitutions »21. Enfin, la poursuite des débats achève l’édifice réglementaire en donnant les moyens aux viticulteurs de Bourgogne de protéger leur production en la rendant publique par la déclaration de récolte des produits à appellation d’origine et à la tenue d’un registre de compte spécial d’entrées et de sorties22.

En organisant ainsi le suivi de l’origine des vins, les députés bourguignons poussent les négociants dans leurs derniers retranchements et soutiennent que les registres de la Régie mentionnent les quantités et les origines de tous les vins expédiés23. Il s’agit bien d’une renaissance du projet gouvernemental de « vignette de garantie » pour les vins24 proposé en 1909 par le ministre des Finances Georges Cochery et qui avait été pourtant unanimement rejeté par les chambres syndicales du commerce de Bourgogne et par les représentants réunis de la Confédération Générale des Associations Viticoles de la Bourgogne lors de leur assemblée générale du 9 septembre 190925.

Pourtant, si devant ce déluge de réglementations contraignantes la viticulture joue habilement sa carte, les négociants ne désarment pas et ils consentent très vite à utiliser la future loi à leur avantage comme le montre les accords passés entre la viticulture26 et le commerce27 de Bourgogne, lors de la réunion de Chalon-sur-Saône, le 7 janvier 191428. Confirmant leur accord d’ensemble sur les textes adoptés par la Chambre en novembre 1913, les représentants des deux professions s’entendent « après un courtois échange de vues et une étude approfondie du projet » sur deux demandes de modifications majeures à faire porter au texte législatif. Se référant à la réunion de Chalon du 12 octobre 1911, l’assemblée réunie demande que le contrôle d’entrée et de sortie des caves soit purement quantitatif et qu’il soit assuré par la seule mention de l’appellation régionale. En outre, les professionnels demandent à l’unanimité que « les mélanges des produits énoncés au paragraphe 1er du présent article [art. 4] jugés nécessaires dans l’intérêt de la qualité de ces produits demeurent autorisés (…) ». En d’autres termes, l’interprétation ainsi avancée du projet de loi de 1913 figure comme un bon compromis pour tous, permettant à la viticulture de restreindre la zone d’approvisionnement légale des vins de Bourgogne à l’aire de production des trois départements viticoles, et au commerce d’obtenir une aire d’approvisionnement large au sein de laquelle les coupages sont autorisés sur le modèle du processus engagé en Champagne29.

L’orientation favorable qui s’est amorcée dans ces premiers pourparlers de 1914 achève de convaincre les négociants de la bonne orientation du projet. L’affaire est d’autant plus admise au sein de la Chambre syndicale que dans l’attente d’une nouvelle législation il est prévu de désigner une Commission régionale permanente mixte afin d’étudier de manière plus approfondie les usages locaux, loyaux et constants qu’il conviendra de prendre en compte30. Réunie pour la première fois le 3 juin 1914 à Chalon, cette Commission mixte de Bourgogne se termine par la décision prise à l’unanimité d’adresser à M. le sénateur Jenouvrier, rapporteur de la loi sur les appellations d’origine, une demande précisant notamment que « les représentants attitrés de la Propriété et du Commerce des Vins de Bourgogne, reconnaissant qu’il est impossible d’introduire le droit au coupage dans un texte législatif concernant les appellations d’origine, sont d’accord pour demander qu’une clause soit insérée attribuant à des Commissions mixtes la réglementation des pratiques reconnues indispensables »31.

A l’échelle de la Côte-d’Or, où le poids du négoce est écrasant et où la question des usages est capitale étant donnée l’extrême fragmentation de la Côte, une sous-commission mixte se réunit le 13 janvier 1917. Elle rassemble, du côté de la viticulture, Adolphe Savot, président de la Confédération Générale des Associations Viticoles de Bourgogne et MM. Boudier et Chouet-Parizot, membres de la Confédération, ce dernier remplaçant M. le marquis d’Angerville mobilisé. Le commerce est représenté par Simon Moine, président de la Chambre syndicale du Commerce en gros des vins et spiritueux de l’arrondissement de Beaune et Alexis Chanson, vice-président, alors que Adrien Sarrazin, président du Syndicat du Commerce en gros des vins de la Côte-d’Or est mobilisé. Lors de cette réunion, les délégués décident unanimement que « en absence d’une législation qui se fait attendre sur la protection des appellations d’origine, on doit, pour régler les cas d’espèces qui peuvent se présenter, s’en rapporter aux usages locaux, loyaux et constants. Or, de tout temps, il a été admis que les vins de Bourgogne vendus, aussi bien en France qu’à l’étranger, sous des noms connus, devraient mériter ces appellations, moins encore par leur origine précise, que par l’ensemble des qualités distinctives qui ont fait leur réputation »32. Suivent de nombreuses précisions rappelant les attentes développées par le commerce et concernant chacune des appellations des vins fins ; le texte ajoute enfin que « sous ces noms de crus collectifs, peuvent être vendus des vins de Pinot fin, récoltés dans un autre cru, à la condition que le cru substitué ait des qualités équivalentes à celles du cru désigné de même année et qu’il soit coté de même prix. »33

Ce texte, baptisé « compromis de Dijon », confirme pour le commerce l’alignement total des représentants de la viticulture sur la nécessité du coupage et des équivalences en Bourgogne. En cela, il augure bien d’une entente prochaine susceptible de permettre l’élaboration d’un véritable « statut bourguignon » préservant les usages historiques du négoce34.

Pourtant, dans une lettre adressée à la chambre syndicale le 28 mai 1917, Louis Mathieu, directeur de la Station Œnologique de Bourgogne, souligne à quel point les résolutions prises à Dijon sont en contradiction complète avec les dispositions législatives adoptées par la Chambre des députés le 27 novembre 191335. Comment pourrait-on maintenir en l’état le principe des équivalences tout en restant en conformité avec une loi en cours d’adoption qui propose de rattacher de manière rigoureuse chaque appellation à son aire géographique stricte ? En réalité, et sans vouloir préjuger de l’avenir de la loi, les négociants en vins réaffirment la primauté des « usages locaux, loyaux et constants » qui, comme le reconnaissent les responsables de la propriété réunis à Dijon, confèrent au commerce une entière liberté en matière de vinification et de commercialisation36. Comment donc une loi qui prétend s’appuyer sur ces principes pourrait-elle, en Bourgogne, les bafouer ?

Ainsi, au lendemain de la guerre, l’adoption rapide de la loi sur la délimitation des appellations d’origine le 6 mai 1919 déjoue tous les pronostics. Le cadre réglementaire discuté à la veille de la guerre est adopté sans aucune nuance, au détriment complet des négociants en vins37.

C’est en effet dans un climat profondément marqué par la mémoire de la guerre, en pleine ouverture des négociations sur le nouvel ordre international, que le processus législatif engagé sur la réglementation en matière vinicole, en apparence promis encore à de longues négociations, tourne et court et s’achève par l’adoption hâtive du texte d’avant-guerre. Une telle précipitation préfigure une première réponse patriotique de la nation reconnaissante à l’égard du sacrifice des dizaines de milliers d’ouvriers viticoles et de vignerons tombés au Champ d’honneur et dont la dimension symbolique s’inscrit pleinement dans la sacralisation de l’héroïque soldat des tranchées de Verdun. Pour les parlementaires l’affaire est, à cet égard, entendue et il n’est pas besoin de discuter davantage d’un projet dont l’objet principal réside dans la reconnaissance du courage, de l’ardeur, du travail et du poids politique évident des masses vigneronnes, notamment celles du Midi. En 1919, plus que jamais, il s’agit donc d’honorer et de rassurer les vignerons, un groupe agricole soumis aux importantes fluctuations du marché du vin et toujours prompt à s’organiser.

Par ailleurs, l’évolution rapide du contexte international pousse les dirigeants politiques à vouloir replacer le plus rapidement possible la France sur la voie du redressement économique. Très attractifs, les marchés extérieurs doivent permettent au pays de gagner des devises étrangères en vue de rééquilibrer la balance commerciale et de juguler l’inflation à un moment où le vin fait toujours figure de seule production de masse à forte vocation exportatrice. L’adoption rapide d’une réglementation claire doit ainsi soutenir la reprise rapide des liens commerciaux rompus par la guerre38. Bien-sûr, l’Allemagne reste dans cet objectif un client traditionnel très spécifique que les négociations de Versailles entendent bien soumettre aux produits français et à leur réglementation39.

Ainsi, le projet Jenouvrier est adopté sans modifications au Sénat le 27 février 1919, puis à la Chambre des députés le 24 avril, avant que la loi ne soit promulguée le 6 mai. Si aucune définition légale des termes portant sur les usages ou sur les origines n’est adoptée, la loi impose la délimitation des appellations d’origine des vins par la seule voie judiciaire. C’est un formidable processus de décentralisation à l’échelle judiciaire de la question des délimitations régionales des vins qui se met en place. Ainsi l’article 1er précise :

« Toute personne qui prétendra qu’une appellation d’origine est appliquée à son préjudice direct ou indirect et contre son droit, à un produit naturel ou fabriqué, et contrairement à l’origine de ce produit, ou à des usages locaux, loyaux et constants, aura une action en justice pour faire intervenir l’usage de cette appellation.

La même action appartiendra aux syndicats et aux associations régulièrement constitués depuis six mois au moins, quant aux droits qu’ils ont pour objet de défendre. »

Pour chaque appellation qui sera définie à la suite d’une procédure judiciaire, la loi du 6 mai 1919 impose au commerce un strict respect du principe d’origine. Ainsi, à partir du 1er septembre 1919, les négociants doivent tenir un registre d’entrées et de sorties pour les produits achetés avec appellations d’origine française. C’est l’administration des Contribution indirectes qui veille à l’application de cette loi. Le but est d’empêcher un négociant qui aurait inscrit à l’entrée un certain volume de vin d’une appellation donnée d’en déclarer un volume supérieur à la sortie. Chaque vin d’appellation acheté doit figurer à l’entrée avec le nom l’identifiant et la date de l’achat. Un tel cadre réglementaire bouleverse d’autant plus les négociants qu’il s’agit-là d’une remise en cause complète de toutes leurs pratiques.

Le renversement des paradigmes : le refuge du foncier

Discuté à la Chambre des députés en novembre 1913, le projet législatif amorcé en faveur d’une délimitation judiciaire des appellations d’origine est interrompu par la Première Guerre mondiale qui conduit à un renversement complet de la conjoncture économique. Pour les contemporains les plus aisés, bourgeois, riches entrepreneurs, commerçants et négociants, la guerre s’est accompagné de rapides désillusions. Si les années de l’entre-deux-guerres ne semblent pas infléchir clairement l’orientation de nos acteurs vers les revenus du capital mobilier, la croissance inflationniste privilégie bien momentanément dans les années 1920 le redressement des revenus mixtes au détriment des salaires qui suivent avec retard la hausse des prix au détail. Les sommes considérables qui ont parfois été investies par nos acteurs dans les bons de la Défense nationale durant la Première Guerre mondiale sont perdues, ou presque. Les intérêts de ces titres et ceux des bons du Trésor ont été en effet très largement absorbés par l’inflation des années 1920 et chacun comprend alors que les épargnants seront remboursés en monnaie de singe.

Les placements et les titres refuges disparaissent progressivement de l’horizon financier au moment où le monde économique se fragmente ; certains centres d’investissements internationaux font banqueroute et plusieurs Etats refusent définitivement d’honorer leurs dettes. À l’évidence, par leurs activités commerciales ouvertes sur les marchés internationaux, les négociants perçoivent très rapidement cette fragilisation de leurs positions professionnelles et, par conséquent, de leur fortune familiale. Conscients de ce renversement historique de la conjoncture économique, nos acteurs subissent également de plein fouet l’application nouvelle en France d’une réglementation fiscale perçue comme inquisitoire. Le pouvoir politique français s’oriente en effet résolument vers la mise en place d’une politique fiscale plus lourde, en rupture avec celle presque négligeable du XIXe siècle, couvrant pour la première fois un impôt significatif sur les successions, la mise en place d’un impôts progressif conduisant à frapper les revenus les plus élevés et la consolidation d’un édifice de prélèvement moderne frappant de taxes substantielles le montant des bénéfices industrielles et commerciaux, comme ceux des intérêts et des plus-values. La conjoncture ainsi rapidement rappelée témoigne des tendances lourdes qui désormais mettent à mal les conditions d’accumulation du capital qui prévalaient depuis un siècle. La situation s’est en effet brutalement renversée et il ne suffit plus pour qu’un patrimoine résiste à l’épreuve du temps de l’entretenir par la perpétuation sereine d’une activité familiale héritée dont on oriente les bénéfices sur quelques placements assurés de bon père de famille.

Depuis la Première Guerre mondiale, la transmission du patrimoine des négociants n’est ainsi tout simplement plus assurée comme elle l’était auparavant. Pour qu’un capital ne soit pas inexorablement condamné à se réduire et à disparaître, il faut que chaque génération transmette un patrimoine beaucoup plus important que celui dont elle a hérité. Or, la masse des négociants propriétaires dont le capital mobilier est progressivement malmené dans les années 1930, avant d’être laminé durant la Seconde Guerre mondiale, peut être conduite à envisager l’immobilier viticole à la source de leur affaire, comme le nouveau point d’équilibre, centré autour de revenus fonciers qui permettraient d’échapper aux faillites, à l’effondrement des profits et, en tout cas, à l’altération complète du capital familial.

À l’écart des fortes turbulences commerciales et financières, progressivement abritée par un nouvel édifice réglementaire pris en charge par les Pouvoirs publics, la vigne retrouve donc incontestablement une partie de l’intérêt qu’elle avait perdu depuis la période phylloxérique. Dans un environnement politique tout entier imprégné d’une profonde culture agrarienne, la propriété foncière, le domaine viticole, la terre, identifient à nouveau, rassemblent et protègent, là où le commerce et les flux financiers inquiètent, déstabilisent, affaiblissent, voire corrompent. Les valeurs « sédentaires » fondatrices d’une culture viticole locale, celles qui n’avaient sans aucun doute jamais véritablement quitté l’esprit d’une large partie des négociants, s’imposent à nouveau, rejetant les principes « nomades » d’un monde devenu dangereux, parce que hors-sol, sans identification véritable et, selon certains, apatride et cosmopolite40.

Dès lors, pour toute une partie du petit et moyen négoce viti-vinicole local ultra-majoritaire, apeuré par l’effritement de son capital, le « clos »41 renoue avec son identification originelle. Il est le fragment protecteur transmis en propriété au fil des générations. L’espace qu’il conserve est, par nature, fermé, rejetant hors de son enceinte protectrice, les étrangers, les négociants alchimistes de Bercy ou les ambitieux cupides en quête de profits rapides. Il est le fidèle gardien d’un héritage ancestral qui ne demande désormais plus qu’à échapper à la corruption du temps pour fondre sa valeur dans la permanence des échelles géologiques. Le repli sur des thèmes portés par la production, la politique active menée par les Pouvoirs publics dans ce sens et les critères presque exclusivement naturalistes retenus dans l’interprétation des appellations d’origine en Bourgogne, se chargeront du reste.

En définitive, le désintérêt global porté par le négoce depuis la crise phylloxérique à l’égard des investissements fonciers viticoles n’est pas sans limites. Au contraire, la conjoncture économique tourmentée de l’entre-deux-guerres, dont certains signes distinctifs s’amorcent dans le domaine financier et monétaire dès 1910-191142, rappelle à la partie majoritaire des petits négociants enrichis issus d’une viticulture locale avec laquelle ils n’ont jamais rompu, toute l’importance du cœur constitutif de leur patrimoine, c’est-à-dire ici de leur domaine viticole familial. Plus que jamais, la vigne joue sa fonction primordiale de réserve de revenus et de garantie d’une position sociale ; son identité reconnue et la relative spécialisation que les négociants ont entamé sur les parcelles les plus renommées appuient d’autres revenus, supportent des bénéfices commerciaux et assurent un recours, voire un repli, dans les périodes les plus tourmentées. Pour la masse du petit négoce bourguignon dont les activités s’inscrivent dans l’identification à un domaine viticole local, la vigne n’a jamais été exclusivement saisie comme un fardeau laissé à la viticulture. Elle est, dans les climats les plus nobles, une référence commerciale à maîtriser et un refuge interposé entre les aléas de la fortune et les jeux du commerce.

Ce constat nous fournit une source essentielle de compréhension des comportements adoptés par une très large partie des petits négociants propriétaires, troublés par les désordres financiers qui altèrent une part de leur épargne, obsédés par le souci d’endiguer la montée d’un négoce parasitaire et fraudeur extérieur à la Bourgogne, et restés toujours fidèles à leurs domaines viticoles familiaux.

C’est ce petit négoce de propriétaires enrichis, largement majoritaire dans la Côte bourguignonne et soutenu par quelques grands personnages représentatifs du commerce local, qui n’a plus aucun intérêt à ce que les règles de la production et de l’échange se maintiennent dans ces conditions. Pour eux, la rupture de la Grande Guerre et la crise des marchés financiers ont agi comme le révélateur de la fin d’un temps.

La bataille des appellations

Regroupés en syndicats qui peuvent désormais intenter des actions en Justice pour faire respecter la délimitation géographique de chaque appellation contre les fraudeurs, les intérêts viticoles locaux sont rapidement pris en charge par quelques éminents riches propriétaires du vignoble. Dans ses travaux, Olivier Jacquet a parfaitement décrit cet univers syndical nouveau et le rôle prééminent joué par le Syndicat de Défense de la Viticulture Bourguignonne et ses dirigeants, à la tête desquels s’impose le marquis d’Angerville43. Cette structure fondée dans le cadre de la défense des intérêts de la propriété viticole, consacre l’essentiel de son budget dans le financement d’actions judiciaires destinées à faire respecter la délimitation géographique précise de chaque cru défendue par leurs propriétaires devant les tribunaux civils. À ce titre, le syndicat prend en charge un inspecteur de la Répression des Fraudes agréé par le Ministère de l’Agriculture44 et dont la fonction consiste à traquer les fraudes et relever les infractions constatées en application de la loi45. C’est Paul Murat qui, durant l’entre-deux-guerres, devient ainsi l’agent chargé de collecter les preuves par ses contrôles inopinés dans les caves et les magasins des négociants, pratiquant dans toute la Côte bourguignonne un véritable travail d’investigation surtout à l’encontre de la corporation du commerce46.

La fraude est constatée lorsqu’il y a découverte de vins, stockés ou mis en vente, dont l’appellation ne correspond pas à sa nature réelle. Les constatations s’opèrent à partir du contrôle strict des pièces de Régie et du registre d’entrée et de sortie de cave qui doivent reporter avec précision les quantités achetées par appellation facturées par les producteurs et celles des vins mis à la vente. Une fois l’infraction constatée, les professionnels concernés sont convoqués à la gendarmerie où l’on procède à leur déposition avant qu’ils ne soient convoqués par un juge d’instruction auprès du Tribunal civil de leur circonscription où il est décidé s’il y a lieu de poursuivre cette procédure en Justice correctionnelle47.

Ici encore, Olivier Jacquet a décrit avec précision les mises en accusation et les jugements de certaines personnalités éminentes du Commerce. Parmi les inculpés, on retrouve une partie du grand négoce local dont Charles Bouchard48, Adrien Sarrazin, Félix Liger-Bélair, Alfred Boisseaux, Henri Leroy, Maurice Duverne, Antoine Gloria, Jean Morin, Jean Legrand, Bernard Coron, Marius Clerget, Henri Gauthey, Albert Rossigneux, Antonin Rodet, Jean Roux, etc.49. Tour à tour, c’est toute une partie de la fine fleur des négociants qui se retrouve engagée dans des procédures parfois longues et toujours très préjudiciables à leurs affaires. Par ailleurs, la géographie des négociants inculpés révèle la forte représentation des pôles commerciaux de Dijon, Nuits, Meursault et Santenay, alors que Beaune reste beaucoup moins touchée par les mises en causes50. Ce constat reproduit à plus d’un titre le clivage marquant du négoce de la Côte bourguignonne et il s’impose comme fondamental dans la compréhension des logiques parfois contraires suivies par chaque structure représentative.

En nous appuyant la liste des procès pour fraudes au cours desquels le Syndicat de Défense de la Viticulture Bourguignonne ou le Syndicat de Défense des Propriétaires de Grands Vins fins de la Côte-d’Or se sont portés partie civile de 1919 à 194051, il est possible d’établir un premier aperçu de l’ampleur des condamnations touchant les négociants dans tout le vignoble. Au total, 99 procès ont été engagés contre le négoce, soit une moyenne de 5 par an, principalement devant les Cours de Justice de Beaune, Dijon, Chalon, Auxerre et Mâcon. Ces procès contre le négoce représentent un peu plus de la moitié des jugements, devant ceux engagés contre des courtiers, des viticulteurs et des restaurateurs52. Un part importante de ces procès a lieu devant le tribunal civil de Beaune (45% selon Olivier Jacquet) et ces actions s’inscrivent dans un coût et des versements pour les plaignants de plus en plus importants. Parallèlement le combat judiciaire et les condamnations répétées des négociants ne respectant pas l’application stricte des appellations géographiques portent un coût financier élevé que les membres de la Chambre syndicale des négociants de l’arrondissement de Beaune constatent avec inquiétude en 1931.

Le vote de la loi de 1919 et les premières conséquences de son application en Bourgogne ont achevé de semer le trouble dans les rangs du commerce bourguignon. Malgré l’unanimité de façade prononcée lors de la réunion des représentants de toutes les chambres syndicale représentatives des négociants en vins de Bourgogne, le 22 janvier 1921 à Beaune53, le commerce est très largement divisé par des logiques et des stratégies contraires. Alors que les négociants du Mâconnais, du Beaujolais et de l’Yonne s’en tiennent aux principes de la loi en privilégiant les négociations ouvertes à Beaune avec les représentants de la viticulture, le commerce de la Côte-d’Or se déchire, écartelé entre trois ensembles de plus en plus opposés.

Dans ce département en effet, s’impose au sommet le Syndicat du Commerce en gros des vins et spiritueux de l’arrondissement de Beaune dont la prééminence s’appuie sur le nombre important de ses adhérents54 représentatifs de toutes les aires viticoles du vignoble de Bourgogne55. Ayant pris en main les intérêts de toute la profession du vignoble, le syndicat beaunois est à l’origine d’une stratégie évidente de rapprochement avec les représentants de la viticulture, et en particulier de la Confédération Générale des Associations viticoles de Bourgogne, menée sous l’impulsion de tous les bureaux élus depuis les premiers débats sur les délimitations initiés en 1908-1911.

À l’opposé, le Syndicat du Commerce en gros des vins et spiritueux de la Côte-d’Or, de Dijon56, et sa structure d’action, autoproclamée sous le nom de Confédération Générale du Commerce en gros des vins de Bourgogne, s’opposent radicalement à cette ligne de conduite. Sous la direction d’Adrien Sarrazin, ces puissants réseaux du négoce dijonnais oeuvrent à dénoncer systématiquement toutes formes de concessions faites à l’égard de la viticulture. Ainsi, et coupant court aux résolutions pourtant prises à l’unanimité le 22 janvier 1921, le commerce dijonnais signale par voie de presse le 26 février, et au nom du Commerce bourguignon tout entier, que le retour aux pratiques conformes aux usages précédents la loi de 1919 représente le seul et unique objectif de la profession57.

Face à cette opposition radicale entre deux logiques concurrentes, l’Union des Négociants de Bourgogne, qui revendique 21 adhérents à sa création en 192158, rassemble le noyau dur du très puissant commerce de Nuits-saint-Georges. Minoritaire à la chambre syndicale de Beaune à laquelle tous ses membres adhèrent, la très jeune association déclare vouloir défendre les intérêts d’un négoce fortement atteint par les conséquences de la nouvelle législation viticole. Dans les faits, ses membres exigent la poursuite de la pratique des coupages dans le cadre des équivalences géographiques admises depuis les origines du commerce en gros des vins de Bourgogne. Proches dans leurs propos du commerce dijonnais, ils s’affilient plus volontiers à Beaune pour peser sur les décisions de la chambre la plus représentative du négoce de Bourgogne59.

Cette division du négoce de la Côte-d’Or, à la différence de celui des deux autres départements -plus faible et moins soumis à la menace du morcellement extrême de leur aire viticole-, rend improbable toute forme d’entente au moment où l’unité syndicale proposée par la Chambre de Dijon est rejetée catégoriquement par celle de Beaune60. C’est donc la Chambre syndicale de Beaune qui porte désormais seule le poids des tractations et des négociations avec la viticulture. Ce choix du rapprochement s’impose comme une réussite avec le succès incontestable de la réunion de Morey le 24 août 1921 lors de laquelle Simon Moine, président honoraire du syndicat, et Alexis Chanson, président, obtiennent des délégués des syndicats et coopératives vinicoles de Brochon, Gevrey-Chambertin, Morey, Chambolle-Musigny, Vosne-Romanée, Nuits-saint-Georges, de ceux de l’Union Syndicale des Producteurs de Grands Vins blancs de Meursault et de tous les groupements affiliés au Syndicat général de Défense de la Côte de Nuits, un accord pour la création d’un Syndicat mixte ouvrant la voie à des négociations « pour la défense de leurs intérêts communs ». Malgré le refus de MM. Dubois et d’Angerville, responsables de la Confédération Générale des Associations viticoles de Bourgogne et du Syndicat Général des Producteurs de Grands Vins de la Côte-d’Or61, d’avaliser le projet, une Assemblée générale constitutive du Syndicat mixte est réunie avec succès le 11 novembre suivant sous la présidence d’Adolphe Savot62. Lors de cette réunion, la viticulture de Bourgogne, reconnaît à l’unanimité le principe « des équivalences déterminées par le classement arrêté dans le Plan Statistique dressé en 1860 par le Comité d’Agriculture de l’arrondissement de Beaune et de Viticulture de la Côte-d’Or »63. Ce ralliement in extremis des principaux acteurs de la viticulture sur les principes défendus par le commerce s’impose en apparence comme une victoire très précieuse même si aucun accord écrit n’est signé.

C’est dans ces circonstances incertaines, et avec l’essor constant du nombre d’affaires portées devant les tribunaux et altérant l’image et les finances du négoce, que se déroule l’Assemblée générale de la Chambre syndicale de Beaune le 29 avril 192264. A cette occasion, Albert Rossigneux et Jean Morin, tous deux représentants de l’Union des Négociants de Bourgogne, interpellent vivement le président Chanson en lui reprochant son inaction et la naïveté des initiatives prises dans le cadre de pourparlers qui n’ont selon eux d’autres objectifs pour les responsables de la viticulture que de gagner du temps alors que la Justice frappe sévèrement tous ceux qui poursuivent la pratique des équivalences dans leur commerce. L’attaque à l’égard du bureau se fait pressante lorsqu’il est reproché au président de s’être bien peu investi dans la défense des maisons qui ont été condamnées pour avoir utilisé dans leurs marques commerciales le mot « cuvée »65. La firme Chauvenet de Nuits-saint-Georges, en particulier, a été très sévèrement sanctionnée pour cela en 1921. Jean Morin propose alors à l’assemblée de refuser la réélection d’Alexis Chanson, trop peu combatif selon lui, et d’élire à la présidence M. Giboulot, directeur de la maison Chauvenet, à titre de protestation. Loin d’être isolé, Morin est rejoint dans ses protestations par d’autres alliés de poids, Albert Rossigneux, Edouard Moingeon, Félix Liger-Bélair et Léon Grivelet de Nuits-saint-Georges, Raymond Morot de Grésigny et Paul Court de Dijon, Auguste Moreau et Charles Bouchard de Beaune, Prosper Maufoux de Santenay ; tous dénoncent l’inertie totale dans laquelle est tombée la chambre syndicale, incapable de rompre avec sa désastreuse politique de conciliation66.

Confronté à cette ambiance inédite d’extrême défiance, le président demande un vote pour l’approbation des travaux de la Chambre, qui aboutit, par une courte majorité, à une mise en minorité du bureau (34 non, 30 oui et 4 bulletins blancs, sur 68 votants présents). Ce résultat représente une première dans l’histoire de la Chambre syndicale de Beaune dont le bureau, pourtant composé des plus grands notables de l’arrondissement (Moine, Chanson, Jadot, Latour, Drouhin, Jaffelin, Louis) est renversé sous l’impulsion conjuguée des hommes de l’Union des Négociants de Bourgogne, de la Chambre de commerce de Beaune et du syndicat de Dijon. Le coup de force a réussi et l’équilibre au sein de la chambre s’est inversé. Mais pour être complète, la prise de pouvoir des tenants d’une ligne plus dure à l’égard de la viticulture doit désormais être confirmée lors de l’Assemblée générale extraordinaire qui se réunit le 13 mai suivant. Dans ces circonstances, rien n’est acquis.

Le compromis local à tout prix

Dès lors, les jours qui séparent la démission du bureau de la convocation d’une nouvelle Assemblée générale sont le théâtre d’affrontements ouverts entre les deux tendances marquées du négoce bourguignon. Les armes ne sont pourtant pas les mêmes et l’aristocratie beaunoise du vin, délogée de ses réseaux traditionnels de la chambre syndicale et de celle du commerce, mobilise tous azimuts ses partisans tentant habilement de rallier à elle la masse du très petit négoce viticole local. Une campagne virulente s’engage alors de part et d’autre, dans laquelle se mêlent diffamations, langages peu courtois et chantages et dont l’enjeu central est celui du contrôle des instances représentatives du négoce de Bourgogne et donc, de sa ligne politique future.

Dès les premiers jours de mai, une note imprimée signée par les anciens membres du bureau, Alexis Chanson, Louis Jadot, Charles Jaffelin, Simon Moine, Louis Latour et Joseph Drouhin est adressée à tous les membres de la Chambre syndicale. Elle expose sans détours la menace claire d’une scission et évoque la trahison, selon eux des intérêts du négoce, orchestrée par Charles Bouchard :

« Monsieur et cher Collègue,

Après la dernière réunion générale et devant la divergence de vues que met en lumière la note incluse, il nous avait paru qu’une seule solution s’offrait à nous, si dure soit-elle, celle de la scission.

Nous ne pouvions consentir à marcher à la remorque de Nuits et de Dijon, comme le font inconsidérément certains Beaunois, qui se prêtent ainsi à laisser enlever à notre centre commercial la place d’honneur qu’il est en droit de revendiquer hautement.

Toutefois, liés profondément à notre Syndicat, dont le père de l’un de nous fut président fondateur, il nous est apparu ensuite qu’une semblable attitude ne nous serait permise qu’après une seconde consultation de l’Assemblée Générale.

Nous répondrons donc à la convocation de Samedi.

Mais si la nouvelle Chambre devait être en majorité entre les mains de l’U.N.B. et du Syndicat de Dijon ou de leurs partisans, ou, si par la suite, notre doctrine d’entente avec la propriété ne prévalait plus, nous nous retirerions et nous appellerions immédiatement à nous ceux qui veulent à Beaune un Syndicat indépendant qui conserve notre doctrine. »67

Une nouvelle note imprimée datée du 11 mai rapporte encore :

« Il nous est impossible de résister au besoin d’exprimer notre réprobation de la violente campagne qui a été menée contre notre Président et de flétrir l’usage qui a été fait, pour la faire réussir, de l’insolence de M. MORIN. De celle-ci, d’ailleurs, l’indignation de nos collègues à fait justice.

Qu’on ait trouvé M. CHANSON, et qu’on nous ait jugés nous-mêmes trop timorés, trop faibles vis-à-vis de la propriété, c’était le droit de chacun. Et à cela nous n’avons rien à dire.

La tâche à laquelle il s’était attelé avec M. MOINE s’est heurtée, dans cette dernière période, à tellement de mauvais vouloir du côté de certains chefs de la propriété, pendant que la conspiration sournoise qui a éclaté samedi, travaillait en sous-œuvre avec âpreté, jusqu’au sein de notre Chambre, à miner son influence, qu’un découragement indiscutable paralysait notre action.

La direction de notre Chambre de Commerce, elle-même, cherchait de plus en plus à nous évincer.

A la Commission d’Exportation, par exemple, on a brusqué le vote d’une façon simplement scandaleuse pour écarter le Président du Syndicat. (…)

L’attaque qui a réussi est un effort violent pour obtenir l’unité d’action dans une direction que nous affirmons fausse, pour faire absorber le Syndicat de Beaune par le Syndicat de Dijon. [souligné et accentué en gras dans le texte] (…).

Nous ne sommes pas battus par les nôtres. C’est ce qu’il fallait démontrer. »68

Les mêmes négociants ajoutent plus loin :

« (…) nous étions dans le vrai quand nous nous élevions autrefois avec chaleur contre la doctrine de l’un de nos membres : ‘‘La loi est inapplicable, élevons-nous tous contre elle’’. ‘‘Faisons bloc, et l’on ne nous pourra rien’’.

C’est cette conviction, encore vivace malgré les échecs, qui a fait la coalition de samedi. On veut une seule doctrine, la doctrine de lutte. Nous disons plus, on voudrait, on l’aurait dit ces jours derniers en propres termes, UN SEUL SYNDICAT, LE SYNDICAT DE DIJON. (…)

Notre conviction a toujours été et reste que la propriété et le commerce devaient finir par se regarder non pas en adversaires, mais en collaborateurs. La viticulture ne peut pas se passer du commerce, et le commerce n’a pas le droit de se passer de la viticulture. Les intérêts primordiaux sont ceux de la terre ; le commerce doit aider la terre et non pas chercher à usurper son patrimoine ».

Le lendemain, à la veille de l’Assemblée générale, le 12 mai, une deuxième note dactylographiée, signée cette fois de Simon Moine et d’Alexis Chanson seuls (les président honoraire et président démissionnaires du bureau) est diffusée, rappelant quel danger il y aurait pour tous à s’éloigner de la « doctrine » de Beaune, bâtie de longue date aux côtés de la viticulture. La menace est clairement établie sous les traits de l’influence fatale de négociants extérieurs, principalement venus de Nuits et de Dijon, tentant de provoquer la « fusion avec un autre groupement qui n’a pas craint de proclamer que le remède aux difficultés actuelles était la lutte ouverte contre la Propriété protégée par la loi : doctrine funeste dont les graves conséquences ne sont que trop visibles aujourd’hui… ». Les propos tenus sont alors graves et ses auteurs cherchent à placer les membres de la chambre devant leurs responsabilités en leur rappelant leur rôle éminent d’acteurs lors de la dernière scène qui se jouera à l’occasion de l’Assemblée générale suivante. Ils écrivent encore en guise d’avertissement solennel : « nous croyons devoir vous redire en terminant : gardez-vous des mauvais bergers… »69. Le même jour, Jaffelin, Drouhin et Latour diffusent une mise en garde devant la constitution de faux bulletins qui rapprocheraient leurs noms de ceux de l’Union des Négociants de Bourgogne, groupement dont ils rappellent être totalement étrangers car « nous ne pouvons, en effet, sembler approuver la fraction de nos collègues qui a cru devoir mener contre M. Chanson et, en fait, contre la doctrine du syndicat de Beaune, la lutte que l’on sait »70.

À propos de cette « doctrine de Beaune », dont il est partout question, Auguste Moreau, secrétaire et trésorier de la Chambre de Commerce et proche de Charles Bouchard, tente d’en tracer quelques traits, en réponse sans doute aux attaques portées contre son camp :

« La doctrine du syndicat (…) dont nous parlent nos adversaires n’a jamais été celle de l’abandon devant l’adversité et leur soi-disant désintérêt pour la cause commune n’est, bien au contraire, qu’un intérêt bien senti »71.

 

Ces intérêts opposés qui découlent des doctrines contradictoires mis en avant à l’occasion de cet épisode définissent en réalité les lignes idéologiques fondamentales à partir desquelles s’articule le clivage majeur opposant les deux principaux groupes d’intérêts mis en concurrence. Il y a en effet d’une part, la doctrine portée par les représentants des très puissantes maisons de commerce de Beaune, mais surtout de Nuits et de Dijon (Charles Bouchard, Albert Rossigneux, Maurice Duverne, Paul Court, Raymond Morot de Grésigny, etc.). Ces derniers, dont les volumes d’affaires sont souvent incomparablement supérieurs à ceux des maisons de l’arrondissement de Beaune72, soutiennent une logique commerciale nécessairement bâtie sur l’abondance et l’accroissement continu de réseaux d’approvisionnement et de commercialisation vus comme extensibles. A la source de leur réussite, la liberté de commercer et la limitation des réglementations de production leur permettent de s’approvisionner dans tous les vignobles sans restriction73, de produire des vins d’assemblages de très grande qualité et d’investir, par leur puissance financière, des marchés lointains, parfois à armes égales avec les maisons champenoises. Cette option d’un commerce revendiquant coûte que coûte la conservation des principes d’avant la législation sur les appellations s’impose sous les traits d’un monde libéral « d’ancien régime » revendiquant des privilèges emportés par la réglementation des appellations. À l’opposé, l’idéologie concurrente -ou « doctrine de Beaune »- révèle l’existence d’un monde concurrent dominé par une vingtaine de familles de l’aristocratie du vin, c’est-à-dire de l’univers des lignées établies souvent d’assez longue date dans la propriété foncière locale d’où elles sont parfois issues et d’où elles tirent une large partie de leur rente commerciale (Chanson, Latour, Drouhin, Moine, Jaffelin, Louis, Jolliot-Paulin, Jadot, Capitain-Gagnerot, Seguin-Manuel, etc.). Ce monde n’est pas intégralement celui des négociants propriétaires de la Côte, il s’affirme davantage par l’identification de ses lignées à des domaines viticoles réputés, par les liens familiaux étroits qu’il a conservé avec la viticulture par-delà la crise phylloxérique et par la défiance constante qu’il entretient à l’égard des mondes locaux concurrents dont Nuits et surtout Dijon qui lui renvoient l’image de la faible envergure de ses maisons. Car c’est bien là l’un des aspects essentiels de l’identité du commerce de l’arrondissement de Beaune ; sa prépondérance incontestable à l’échelle de l’ensemble du vignoble de Bourgogne -tant en nombre de maisons qu’en volume global commercialisé ou qu’en réputation de ses vins fins- tranche singulièrement avec la très faible dimension des établissements qui le composent. Si 62,3% des maisons du vignoble de la Côte-d’Or déclarent avoir commercialisé en 1931 moins de 1000 hl de vins, elles sont 51,1% dans l’arrondissement de Dijon, 48,4% dans le canton de Nuits-saint-Georges et 87,4% dans le reste de l’arrondissement de Beaune74. Or, pour ce petit et très petit négoce du Sud du département, largement majoritaire en nombre au sein des instances représentatives, le cadre réglementaire de la loi de 1919 met à l’abri d’une concurrence extérieure les petites propriétés viticoles commerciales qui le composent. Dans cette perspective, la loi n’est pas perçue par l’ensemble du négoce comme une source de ruine et une entrave à ses affaires, bien au contraire, elle l’oriente résolument vers une rassurante stratégie malthusienne de repli et de défense garantie par la protection de l’Etat. Dans ce monde, la propriété et l’ordre prévalent donc sans conteste devant une liberté commerciale toujours étroitement limitée par la taille des entreprises.

Ce bref regard porté sur les équilibres sous-jacents aux deux doctrines concurrentes explique alors la faible probabilité du négoce libéral « d’ancien régime » de l’emporter sur les principes d’une thèse radicalement opposée à la réglementation et, plus encore, ouvertement hostile à la Propriété viticole locale. Le négoce « hérité », celui des petites propriétés viticoles et des domaines transversaux composés d’une grande variété de vignes de crus, joue davantage la carte des délimitations restrictives que celle des équivalences larges et des coupages abondants.

Ainsi, des nombreuses propositions de listes qui circulent dans la perspective de l’Assemblée générale du 13 mai, toutes traduisent une réelle volonté d’apaisement en plaçant en positions favorables des candidats de consensus, voire du camp adverse75. À cet égard, plusieurs personnages attirent la sympathie des deux camps et parmi eux le doyen d’âge, Jules Billet-Petitjean, peut par sa position rassembler la majorité des voix sur son nom. Le 1er mai 1922, Maurice Duverne (J. Calvet & Cie) écrit à Albert Rossigneux (Geisweiler & Fils) qu’« il ne faudrait pas que la future Chambre syndicale tombe d’un excès dans l’autre et donne l’impression de vouloir, dorénavant et brutalement, rompre avec la Propriété ». Par ailleurs, il ajoute qu’« il ne faut pas que les nouvelles élections de la Chambre se passent avec accompagnement de tempête guerrière, ni d’appels aux armes ! »76. À cet égard, Duverne précise qu’une candidature de Rossigneux serait soutenue par Bouchard, Montoy, Billet-Petitjean, Darviot, mais qu’il y aurait « danger » à utiliser le nom de Liger-Bélair77. Les tractations vont bon train et le bureau démissionnaire consent à son tour au compromis en acceptant de travailler à l’avenir aux côtés de toutes les personnes de bonne volonté.

Dans ces conditions, l’Assemblée générale du 13 mai est un succès de participation avec 105 négociants présents contre 74 lors de celle du 29 avril78. Après les formules d’usage et les protestations de Raymond Morot de Grésigny et d’Albert Rossigneux contre les accusations, selon eux mensongères, qui ont été véhiculées dans les notes imprimées adressées aux membres par l’ancien bureau, Charles Bouchard réitère son constat d’une chambre syndicale bien peu combative, ayant échoué dans sa mission de défense des intérêts du négoce. Pourtant, très vite, l’hostilité entre les deux camps retombe lorsque Jean Morin, secrétaire et co-fondateur de l’U.N.B., exprime son inquiétude devant la menace d’une scission qu’il entend à tout prix éviter, y compris par la dissolution, s’il le faut, du groupe des négociants de Nuits. Dès lors, l’affaire est entendue et le chantage mené par l’ancienne direction a porté ses fruits, l’Union des Négociants de Bourgogne n’est pas prête à risquer la rupture. Les négociants de Nuits ne peuvent se permettre de se retrouver seuls en première ligne et, là encore, la peur de l’absorption par Dijon fait merveille.

Lors du vote au premier tour pour renouveler les 15 membres titulaires, et alors que Moine et Chanson ne souhaitent pas se représenter, 6 candidats proches de la majorité sortante sont élus : Paul Germain (81 voix), Charles Pécot (75 voix), Henri Arnoux (73 voix), Louis Latour (71 voix), Charles Jaffelin (66 voix) et Louis Montoy (64 voix) et 5 en faveur des partisans d’un changement de politique : Charles Giraud (73 voix), Albert Rossigneux (69 voix), Prosper Maufoux (66 voix), Maurice Duverne (56 voix) et Jean-Baptiste Moreau (54 voix). Parmi les autres, Charles Bouchard, notamment, obtient 49 voix, contre 47 à Joseph Drouhin et Louis Jadot, ce qui traduit bien la division de la Chambre en deux camps sans doute assez comparables en nombre. Aux deuxième et troisième tours, sont élus : Giboulot, Clerget-Buffet, Jadot et Brenot. Au final, cette nouvelle Chambre s’inscrit dans l’équilibre instable d’un compromis précaire bâti sur la seule peur de la scission. Parmi les membres titulaires, Louis Latour est élu président avant d’abandonner son poste l’année suivante à Paul Germain, dans des circonstances toujours très tourmentées79.

Désormais, et malgré la forte présence d’une opposition interne à la ligne politique suivie, les partisans de l’entente avec la viticulture ont réussi à conserver le contrôle de la chambre syndicale qui reste intégralement portée par leur doctrine.

Le négoce libéral vaincu face à la coalition des « dominants hérités »

C’est par la mise en place d’une alternative commerciale aux appellations d’origine que la frange libérale du négoce de Bourgogne entend réagir à la nouvelle législation. Dès juin 1919 en effet, une circulaire publiée par la Chambre syndicale de Dijon traduit la nouvelle orientation désormais clairement évoquée par les négociants en vins de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire80 qui refusent de se laisser enfermer par les interdits frappant désormais les pratiques traditionnelles des équivalences et du coupage. Prenant acte de l’impossibilité qui est désormais établie de poursuivre leurs activités sous des noms de crus selon les anciennes pratiques, le texte appelle à ne vendre les vins dorénavant que sous des « noms de fantaisies » ; libre à chacun de créer ses propres dénominations qu’il commercialise par l’intermédiaire de son réseau de représentation et de distribution. Les marques ainsi définies doivent à terme permettre de soutenir l’émergence sur le marché d’une nouvelle offre dont la qualité et le volume pourront égaler, puis dépasser ceux des grands vins de crus.

Avec l’adoption de cette stratégie, chaque maison redevient libre de produire des quantités importantes de vins sans être soumise à des règles administratives contraignantes. On l’aura compris, la difficulté revient donc ici dans la capacité de chaque établissement à promouvoir de manière individuelle ses propres marques. Mais si les puissantes maisons dijonnaises, telles que Louis Gasquiel, Edmond Lanternier, Noirot-Carrière, Charpentier & Paris ou même Paul Court, disposent sans aucun doute des capacités financières pour imposer leurs marques, il n’en est pas de même pour une très large majorité d’établissements qui, notamment dans l’arrondissement de Beaune, se distinguent par une envergure plus faible.

C’est ainsi qu’à Beaune, le débat s’engage pour la première fois au sein de la Chambre syndicale sur l’idée d’une alternative commerciale aux appellations d’origine lors de la séance du 16 juin 191981. Il aboutit quelques jours plus tard, le 21 juin, au premier engagement en faveur des vins de marque. Mais, exposé par le président Simon Moine, le projet beaunois s’appuie sur la mise en place de « marques syndicales collectives » définies sous un nombre restreint de noms commerciaux réservés aux membres et vendus à des prix fixés. Sans se substituer complètement aux appellations de villages, qui doivent subsister, ces marques permettraient avantageusement de vendre tous les vins ne bénéficiant pas d’appellation d’origine82. L’objectif évoqué ici consiste donc à fidéliser rapidement la clientèle à travers de nouvelles identifications communes auxquelles seraient adjoint le nom des firmes ; il s’agit ici d’obtenir « la concentration de toutes les énergies commerciales », seule à même de garantir le succès d’une telle révolution sur le marché des vins de Bourgogne83. Véritable label collectif, les nouvelles appellations proposées par le syndicat pour ses marques reposent sur l’utilisation du mot « Cachet » suivi d’une couleur définissant le niveau de sa qualité (« Cachet Rouge », « Cachet Vert », « Cachet Bleu », « Cachet Mauve », « Cachet Pourpre », etc.). Si les professionnels les plus « libéraux » s’enthousiasment pour cette proposition, les autres restent en revanche beaucoup plus sceptiques et les négociants ne parviennent pas à s’entendre clairement sur une désignation associant l’idée de vins de prestige à l’identité bourguignonne de ses promoteurs84.

Dans l’immédiat donc, ce sont les marques commerciales de chaque maison qui doivent être diffusées à grande échelle. Mais parmi les négociants favorables, certains considèrent qu’il s’agit à terme de remplacer le système des appellations de village, alors que d’autres s’en tiennent à soutenir une innovation commerciale complémentaire. Quoi qu’il en soit, chacun le conçoit, une telle modification contribuera inévitablement à désorienter la clientèle et à placer les agents de commerce dans une position très difficile. Pour soutenir la réussite d’une telle révolution dans les habitudes commerciales, il faut un événement fondateur suscitant l’adhésion des consommateurs et susceptible de lancer la promotion des nouvelles appellations privées.

C’est à l’occasion de la création de la Foire Vinicole de Beaune en 1922, à l’initiative de la Chambre de commerce de Beaune et de son président Charles Bouchard, qu’une quinzaine de maisons propose pour la première fois de manière commune une gamme variée de vins de marques se substituant aux anciennes appellations de villages. On vend alors des « Bouchard Aîné Cuvée d’Or », « Bourgogne Morin Monopole », « Chauvenet Cuvée Fine », « Liger-Bélair Réserve Ducale », « Bourgogne Calvet Vieille Roche », « Arthur Barolet Grande Réserve » ou « Maire & Fils Cachet d’Argent »85. Les dénominations cherchent souvent à attribuer aux vins une dimension hors-normes par la mobilisation de termes à connotation aristocratique ; ce sont les « Domaine du Marquisat », « Beauchâteau Monopole »86, « Château De La Tour Monopole », « Château-Gris Monopole », « Comte de Lupé Cuvée Réservée » ou « Comte de Lupé Carte Or »87. Jean Méhu, conseiller du commerce extérieur français, évoque alors dans un article de presse l’importance du rôle des marques en Bourgogne et réaffirme la nécessaire proximité qu’il faut établir avec le modèle champenois :

« Pour boire un Grand Bourgogne, il faut s’attacher plus encore au nom du vendeur qu’au nom du cru ; il faut réclamer une Marque dont on a jugé la valeur, comme on réclame une Marque de Champagne parce qu’on apprécie mieux celle-ci que celle-là. (…) Le consommateur, grâce aux Marques des Maisons bourguignonnes va faire lui-même une sélection et, de ce fait, il n’aura plus à redouter les déceptions qu’il a encore parfois en réclamant simplement un vin de Bourgogne dont l’étiquette ne porte que le nom le nom d’un village Bourguignon. »88

Mais, la réussite d’une « champagnisation de la Bourgogne »89 repose en premier lieu sur la capacité des agents commerciaux à convaincre la clientèle du bien-fondé de cette entreprise. A Nuits-saint-Georges, la maison Lupé-Cholet & Cie multiplie les notes adressées à ses représentants afin de les convaincre du haut niveau de qualité de ces nouvelles appellations en monopole90 et de l’importance du changement de références que cela implique auprès des consommateurs de vins de Bourgogne :

« Nous avons l’honneur de présenter nos nouvelles cotes à nos collaborateurs. Qu’ils nous permettent d’attirer spécialement leur bonne attention vers nos marques ‘‘Monopole’’. (…) Sous nos marques ‘‘Monopole’’ nous offrons de bons et grands vins, pleins d’avenir, nous ménageant au surplus, le gage sérieux du commerce de demain. (…) Aussi, nos bons agents ne seront jamais assez prévenus que l’avenir de nos marques ‘‘Monopole’’ se confond avec un passé dont nos amis sont aussi fiers que nous-mêmes.

Nous savons que les premiers efforts risquent de se heurter à quelques préjugés. La transition sera-t-elle laborieuse parfois ? Nous la faciliterons en continuant à présenter les principaux crus dont les vins ont été élevés et amendés chez nous. Mais que nos vaillants collaborateurs ne se rebutent pas à la pensée de certains obstacles, obstacles que nous avons peut-être le tord de prévoir. Le succès nous est assuré avec un peu de patience et de tact. » 91

Dans la réalité pourtant, deux obstacles demeurent, rendant le succès d’une telle opération assez hasardeux. Soucieux de conserver leurs prérogatives individuelles, hantés par le désir d’asseoir constamment leur liberté sur le maintien de secrets de fabrique et profondément jaloux des succès enregistrés par leurs proches concurrents, les négociants bourguignons se montrent à peu près incapables de s’entendre sur des marques collectives aux caractères communs. Le choix retenu par plusieurs d’entre eux, à l’occasion de la Foire Vinicole de Beaune, d’apposer les dénominations « Carte Blanche », « Carte Verte », « Carte Bleue », « Carte Rouge », « Carte d’Argent », « Carte d’Or », à côté de leur nom de marque privée pour désigner une nouvelle hiérarchie qualitative, reste très diversement partagé. Par ailleurs, la grande majorité des négociants de l’arrondissement de Beaune refuse ce choix et s’oppose catégoriquement à l’usage des marques92.

Enfin, la conversion des acheteurs s’avère d’autant plus difficile qu’elle concerne en premier lieu une clientèle de connaisseurs souvent aisés et qui privilégient les appellations anciennement reconnues et à forte réputation quel que soit le niveau de qualité des vins de marques nouvellement promus. Les habitudes et les exigences de la distinction soutiennent donc inévitablement les noms les plus évocateurs de la Côte bourguignonne93. A ce titre, la clientèle privilégiée des restaurateurs, en particulier parisiens, maintient de ce point de vue inévitablement des pratiques privilégiant la poursuite de leurs habitudes commerciales ; car si les vins de marques bourguignons sont achetés à des tarifs presque toujours inférieurs à ceux portant des appellations de villages, la marge commerciale obtenue sur ses derniers reste en revanche largement supérieure94. Au final, les sommeliers, personnages incontournables contrôlant l’approvisionnement des caves des plus grands restaurants de Paris et de province95, n’ont aucun intérêt direct à prolonger la nouvelle politique commerciale initiée par les maisons bourguignonnes, sauf à risquer de perdre leur clientèle d’habitués ; c’est ce que précise sans nuances l’un des agents de commerce de la maison Lupé-Cholet & Cie pour Paris :

« Je sais bien que vos vins en Monopole sont d’excellente qualité et dépassent de loin ce qu’on peut trouver ailleurs dans des appellations connues. Vous prêchez une fois de plus un converti. (…) Je regrette comme vous de n’avoir pas assez de clients pour ce genre de vins ; mais il y a bien peu de restaurateurs sur la place de Paris qui veulent entendre cela et il n’y a rien à faire pour leur faire sortir certaines idées de la tête (…) les sommeliers sont les plus difficiles et je ne vois pas très bien comment les convertir. (…) Mon ami Alphonse [sommelier au Buffet à Paris] me dit encore que la clientèle ne voit que par les noms réputés des Richebourg, des Musigny ou des Chambertin (…). »96

Le renversement des logiques commerciales au profit des vins de marques ne constitue donc pas, dès le départ, une alternative réellement crédible. Les négociants impliqués dans ce bouleversement des références commerciales ont très largement sur-estimé leur capacité à conduire un projet impliquant une modification radicale du comportement des consommateurs. Leurs faibles capacités financières, l’absence d’unité réelle et l’insuffisante prise en compte de l’intérêt des intermédiaires à porter leur innovation contrarient clairement les chances de réussite97.

Pourtant, c’est l’interprétation nouvelle de la législation de 1919 qui porte le coup de grâce à l’expérience. Devant l’inquiétude de la viticulture et l’alerte donnée par d’Angerville, président du Syndicat de Défense des Propriétaires de Grands Vins fins de la Côte-d’Or98, aux représentants politiques du département, la Chambre syndicale reçoit la confirmation de l’interdit qui frappe tous les vins de marques issus du vignoble et susceptibles d’en détourner les appellations. Ainsi, c’est la Cour d’Appel de Bordeaux qui, dans un arrêt prononcé le 19 décembre 1923, précise la première cet interdit, exposant « que la loi du 6 mai 1919, qui régit les appellations d’origine en ce qui touche les vins, reconnaît aux propriétaires récoltants l’usage exclusif du nom de leur cru, et interdit aux commerçants d’user dans leurs opérations d’autres dénominations que celles qui ressortent des déclarations de récolte et des pièces de régie »99.

En d’autres termes un négociant ne peut, à partir d’un stock de vins de Bourgogne régulièrement reçu et déclaré sur son registre d’appellations, vendre ces mêmes vins sous des marques régulièrement déposées. Dès lors, renoncer aux appellations d’origine déclarées à la propriété constitue en soi, une infraction à la loi sur les appellations d’origine. En conséquence, les vins de marques ne peuvent être produits qu’à partir de produits dépourvus de toute appellation d’origine, ce qui complique largement leur production pour le négoce bourguignon d’autant que, quelques années plus tard, la législation se renforce encore. La loi du 29 décembre 1929 impose ainsi que désormais tous les vins d’importation, qui servaient traditionnellement aux coupages, aux remontages et à la fabrication des vins de marques, doivent désormais circuler en France sous l’indication de leur pays d’origine, dénomination qui fait obligatoirement l’objet d’une entrée au registre et d’une sortie équivalente sous la même dénomination100. Cette fois, c’en est fini des projets alternatifs aux principes des appellations d’origine en Bourgogne. Le négoce libéral n’a désormais plus beaucoup d’issues pour tenter de sauvegarder quelques-unes de ses prérogatives.

À partir de 1923, le négoce semble faire front commun autour de la question des équivalences toujours débattue au sein de la Commission mixte permanente101. Le débat s’engage autour d’une première proposition qui consisterait pour la Côte bourguignonne à donner l’équivalence des grands noms de crus -Meursault, Volnay, Pommard, Beaune, Aloxe-Corton, Nuits-saint-Georges, Vosne-Romanée, Vougeot, Chambolle-Musigny, Gevrey-Chambertin- à tous les vins de 1er cru classés sous la couleur rose dans le plan statistique de 1860. Toutes les communes auraient donc un certain nombre d’hectares de vignes qui rentreraient dans cette catégorie. Les autres crus (verts et jaunes) n’auraient droit qu’à l’appellation des villages de crus moins importants de Santenay, Chassagne, Auxey, Monthélie, Savigny, etc.

Mais le projet le plus prometteur provient de l’Union des Négociants de Bourgogne à Nuits-saint-Georges qui, en désaccord avec les orientations suivies par la Commission mixte, forme en 1924 avec la collaboration du Syndicat de Défense de la Côte de Nuits (comprenant tous les villages viticoles de Premeaux à Fixin) un premier groupement constitué en un Syndicat des Négociants de la Côte de Nuits rassemblant la plupart des négociants de Nuits-saint-Georges à Gevrey-Chambertin. L’initiative vise à créer un consortium d’achat pratiquant le principe des équivalences en accord avec la propriété. Il s’agit de proposer aux propriétaires de vins fins adhérents d’acheter chaque année leurs productions sous certaines conditions de prix et de qualité négociées102. Le consortium aurait donc pour but d’assurer aux propriétaires des achats réguliers à des prix fixés par des commissions communales composées en nombre égal de propriétaires et de négociants. Partenaire d’un établissement de crédit, le consortium disposerait en outre d’une caisse susceptible d’effectuer des avances à des propriétaires qui n’auraient pas pu écouler toute leur production. Le commerce reçoit en échange l’exclusivité de la vente des vins des producteurs aux négociants membres et la reconnaissance officielle d’un droit de coupage de 25%. Henri Challand, porteur du projet, assure que les délégués de 19 communes ont déjà approuvé le projet dans ce sens103. Pourtant, la question de la légalité de l’initiative reste préoccupante104 et, plus grave, les propriétaires unanimement favorables lors de la réunion préliminaire du 29 avril 1924, sont désormais opposés en août. La solide influence des représentants du Syndicat Général de Défense des intérêts viticoles et vinicoles du département de la Côte-d’Or, notamment, a fait son œuvre105.

Malgré cet échec, une première structure interprofessionnelle est créée dans le cadre des délibérations sur les appellations en 1926106. L’Union Propriété-Commerce ainsi constituée sous la présidence de Charles Ozanon et les vice-présidences de d’Angerville, Germain et Chauvet, rappelle par la composition de son bureau, l’entente nouvelle qui doit désormais régner de part et d’autre. Pourtant, à l’image de l’initiative qui conduit au même moment à la création d’une bien impuissante Fédération des syndicats du Commerce en gros des vins et spiritueux de Bourgogne107, le projet d’Union Propriété-Commerce n’enregistre vite que des désillusions et les principaux représentants en charge de la propriété semblent n’avoir pas d’autre intérêt que celui d’occuper le terrain des négociations pour mieux en garantir l’échec. Ainsi, de la Commission mixte à cette Union nouvelle, les débats entre les corporations s’éternisent souvent sans jamais aboutir alors que le processus judiciaire valide, pendant ce temps et à la suite de chaque procès engagé, la délimitation géographique des crus. Les représentants les plus avertis du commerce ne peuvent que constater que les négociations menées sont prises de court par les procès de délimitations.

Or, l’une des conséquences du processus judiciaire de délimitation des appellations réside dans la consécration d’une logique malthusienne sans concession qui concentre sur quelques communes « héritées » les appellations commerciales qui portaient autrefois l’ensemble des vins de Bourgogne. Dès lors, puisque seule l’origine géographique est retenue comme critère d’identification, le vignoble voit s’élever dans des proportions considérables un trafic clandestin d’acquits fictifs, c’est-à-dire de déclarations de volumes de vins d’appellations n’ayant jamais été produits, ni même livrés, vendues par des producteurs malhonnêtes à des négociants fraudeurs108. Ce commerce acquiert une telle envergure que de nombreux professionnels s’en émeuvent109. En 1931, le président de la Commission d’enquête parlementaire s’inquiète de cette tendance et on lui rapporte des exemples surprenants avec notamment des déclarations en propriété de 100 hl à l’hectare à Pommard, de 150 hl en Montrachet110.

Si la dynamique judiciaire à l’œuvre joue donc pleinement à l’encontre des vœux initialement avancés par le Commerce, elle ruine également les illusions de la petite propriété « déshéritée », implantée dans des aires viticoles autrefois dominées par une forte appellation commerciale voisine et qui, depuis 1919, est conduite à perdre tous ses droits. Ainsi, Prosper Maufoux, négociant en vins, maire de Santenay et président du Syndicat de défense des communes déshéritées, demande la suppression de la Commission mixte jugée trop partiale selon lui et bien peu représentative de la réalité du négoce et de la propriété. Une nouvelle commission devrait être selon lui nommée pour une moitié par les groupements commerciaux et pour l’autre moitié par les groupements vinicoles et viticoles des deux Côtes111. Mais avec l’opposition catégorique que prononce le président Germain à l’encontre de cette suggestion, la chambre poursuit en apparence sa politique confuse et stérile d’isolement, refusant obstinément d’allier sa cause à celle de la masse des vignerons « déshérités » pourtant tous partisans des équivalences mais dont les intérêts ne sont pas partagés, à l’évidence, par tous les membres de la chambre syndicale112.

De part et d’autre en effet, la Commission mixte censée engager des pourparlers jusqu’en 1926113, constitue à l’évidence une structure de négociation entièrement soumise aux vœux des possédants, riches propriétaires viticoles et négociants propriétaires investis dans les crus les plus réputés. Malgré leurs appartenances à des corporations distinctes, les intérêts de ses représentants convergent semble-t-il très nettement vers la préservation d’entités commerciales viticoles restreintes susceptibles d’accaparer les noms les plus illustres de la Côte.

Ainsi, de 1914 à 1922, les délégués représentants du commerce sont tous issus du négoce propriétaire établi de l’arrondissement de Beaune. Par la suite, les négociants libéraux, toujours peu convaincus de la pertinence du rôle de la Commission et désavantagés dans la perspective de négociations avec la viticulture, s’abstiennent la plupart du temps de l’intégrer114. Dans ses pourparlers sur les délimitations, le commerce est donc presque toujours représenté par des personnages issus du camp de l’entente, c’est-à-dire celui dominé par une aristocratie de négociants beaunois fortement investis dans la propriété de vignes de crus (Simon Moine, Alexis Chanson, Louis Latour, Joseph Drouhin, Charles Jaffelin, Emile Louis, Paul Germain), qui se sont toujours opposés globalement à l’alternative commerciale des vins de marques et qui ont un intérêt réduit à voir s’affirmer un système d’équivalences larges dans lequel les puissants concurrents de Nuits et de Dijon, notamment, trouveraient leur place.

De la même façon, lorsque après la création de l’Union Propriété-Commerce en 1926, le débat s’oriente sur la création d’« îlots d’appellations »115 (forme intermédiaire entre l’appellation communale et le régime des équivalences à l’échelle du vignoble) les négociants s’affrontent pour des raisons opposées. Pour Henri Capitain, propriétaire à Ladoix et à Aloxe-Corton, le projet est bon car il permet d’associer des unités de production cohérentes sans attiser les querelles de voisinage. A l’opposé, Prosper Maufoux, propriétaire et maire de Santenay, considère qu’une telle pratique conduirait à isoler les aires viticoles peu renommées, telles que Santenay, alors que d’autres profiteraient d’un espace d’approvisionnement plus large et protégé. Enfin, Louis Latour, important propriétaire en Corton, s’y oppose également mais pour des raisons contraires, puisqu’il rappelle qu’il serait très préjudiciable à ce village à réputation mondiale d’être associé avec d’autres moins renommés :

« M. Louis Latour fait observé qu’Aloxe n’a pas été consulté, il y a donc là une véritable injustice, car si le village, à réputation mondiale, est relégué dans un îlot de production avec deux villages de réputation moindre [Pernand-Vergelesses et Ladoix], il y aurait là une situation insupportable du fait, qu’au terme même du contrat précité, Aloxe-Corton ne pourra pas jouir d’une équivalence avec Beaune, Pommard ou Volnay par exemple »116.

À l’échelle communale et à celle des syndicats d’appellations qui se constituent dans les années 1920 partout au sein de la mosaïque du vignoble, certains personnages éminents du négoce local prennent ainsi en main directement le destin de mouvements viticoles de défense des appellations d’origine dans l’objectif clair de veiller à la protection de leurs propres domaines viticoles. A Santenay, Jean-Baptiste Roux est président du Syndicat de défense des intérêts viticoles de Santenay. A Aloxe-Corton, Louis Latour est maire de la commune et président du Syndicat de protection de l’appellation d’origine Corton. A Ladoix-Serrigny, Henri Capitain, maire de la commune est le président et co-fondateur du Syndicat de Défense de Ladoix et il mène un engagement sans concession opposé au principe des équivalences117.

C’est cette situation, les conflits d’intérêts, alliances et complicités qui transcendent les clivages les plus évidents (négoce contre viticulture), que le négociant mâconnais Laneyrie expose sans détours dans ses écrits :

« Dans la même région, les propriétaires des communes déshéritées deviennent les ennemis des propriétaires à privilèges. (…) Autrefois, les consommateurs étaient trompés par certains négociants ils le sont aujourd’hui par certains propriétaires avec la complicité des mêmes négociants. Rien n’est changé. (…) [En définitive,] la loi sur les Appellations d’origine (…) sous notre régime démocratique, n’est qu’une loi de privilégiés. »118

Du côté de la viticulture, les représentants qui agissent au nom de la « petite propriété », tels que Charles Dubois, Albert Noirot, Henri Gouges, Charles Ozanon ou le marquis d’Angerville, s’apparentent bien davantage en effet à de riches propriétaires « hérités » qu’à la réalité du discours républicain qu’ils entendent porter. Sem d’Angerville (président du Syndicat Général de Défense des Producteurs de Grands Vins de la Côte-d’Or et du Syndicat Général de Défense des intérêts viticoles et vinicoles du département de la Côte-d’Or qui rassemble plusieurs dizaines d’associations de producteurs affiliés) possède depuis 1906 le « Domaine des Ducs » légué par son parrain, Jobart du Mésnil, propriétaire vigneron et personnage éminent de Volnay119. Son parcours professionnel se rapproche de celui de certains propriétaires marquants du vignoble dont, par exemple, le comte Jules Lafon, président du Syndicat des Grands vins blancs de Meursault, décrit par Gilles Laferté120. Son domaine, d’environ 15 hectares, couvre des appellations prestigieuses des crus de Pommard et de Volnay qui ne le placent, à l’évidence, pas parmi la masse des petits vignerons propriétaires locaux. De la même façon, le général Henri Rebourseau, président du Syndicat de Défense de l’appellation Chambertin, F. Grivelet, président du Syndicat de Défense de l’appellation Musigny, Etienne Camuzet, président du Syndicat de Défense de l'appellation Clos-de-Vougeot, Henri Gouges, président du Syndicat de Défense des intérêts viticoles et vinicoles de Nuits-Saint-Georges et vice-président du Syndicat général de défense des producteurs de grands vins de la Côte-d’Or, ou Albert Noirot, président du Syndicat de Défense de Vosne-Romanée, s’appuient sur des domaines qui leur confèrent une position très singulière dans la Côte bourguignonne121.

Conclusion

Habilement revêtus des habits de représentants de « l’artisanat agricole »122 défendu au même moment par la Chambre des députés123, les personnages les mieux investis au sein du puissant réseau des propriétaires de la Côte bourguignonne ont donc patiemment pris possession des organismes locaux initiant la prise de décision au cœur des mécanismes d’interpellation des Pouvoirs publics. À la tête de syndicats ou d’associations qui ont placé dans leur orbite des centaines de petits producteurs locaux, certains d’entre eux ont conduit directement les affaires du monde viti-vinicole local dans un contexte d’instabilité économique et marchande déterminant. Ces stratégies individuelles et collectives observées se sont inscrites dans un affrontement de premier ordre opposant les propriétaires « dominants hérités » contre un commerce libéral dépourvu de majorité et de stratégie, au détriment de la masse des petits vignerons propriétaires « déshérités ». C’est bien là l’une des conséquences majeures de l’avènement du processus judiciaire dans le vignoble, celui de la consécration d’une nouvelle classe de propriétaires minoritaires au détriment d’une autre, majoritaire mais largement dominée économiquement et politiquement.

Dans ses propos, lors du passage en 1931 de la Commission d’enquête parlementaire dans le vignoble, M. Naudin, président du Syndicat des propriétaires vignerons des Hautes-Côtes et secrétaire général de l’Union syndicale des Hautes-Côtes de Beaune et de Nuits-saint-Georges témoigne avec une étonnante lucidité de son amertume devant la situation. Selon lui, il s’agit là de l’avènement historique « des intérêts d’une minorité viticole » fascinée par l’appât du gain, avec la complicité d’une partie du négoce et de leurs relais politiques, tous tournés « contre les gueux, contre les prolétaires de la viticulture bourguignonne »124. Il termine en déclarant que depuis longtemps, dans cette histoire, la législation a joué en faveur de l’intérêt d’une minorité agissante contre l’intérêt général125. Pour l’heure cependant, le temps est au ralliement général à un équilibre qui fonde pour longtemps la nouvelle configuration du vignoble.

Notes

1 JACQUET Olivier et LAFERTÉ Gilles, « Appropriation et identification des territoires : la mise en place des AOC dans le vignoble bourguignon », Cahiers d’Economie et de Sociologie Rurales, n°76, 2005, p. 5-23. Retour au texte

2 LAFERTÉ Gilles, Folklore savant et folklore commercial : reconstruire la qualité des vins de Bourgogne. Une sociologie économique de l'image régionale dans l'entre-deux-guerres, sous la dir. de Florence WEBER, Thèse élaborée en collaboration avec l'IHC, E.H.E.S.S., 2002, p. 311. Retour au texte

3 JACQUET Olivier et LAFERTÉ Gilles, « Le contrôle républicain du marché. Vignerons et négociants sous la Troisième République », Annales. Histoire, Sciences Sociales, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Armand Colin, 61e année, n°5, septembre-octobre 2006, p. 1147-1170. Retour au texte

4 Les appellations claironnantes lancées par le commerce au XIXe siècle et qui s’étendent depuis des décennies le long d’aires de production larges englobant tous les villages viticoles sans notoriété propre, selon le système dit des « équivalences », sont progressivement accaparées par une infime minorité viticole au détriment du plus grand nombre. Les nombreux vignerons propriétaires des communes de la Côte ainsi qualifiées de « déshéritées », associés à ceux de la plaine et de l’arrière côte, perdent par l’application de la loi 1919 toute possibilité de vendre leurs vins selon la coutume. L’échec d’un compromis permettant l’adaptation des usages historiques du négoce, notamment par une interprétation plus souple des appellations, sonne alors principalement comme une défaite sans appel pour les petits vignerons propriétaires pourtant ultra-majoritaires. Retour au texte

5 Chambre de commerce et d’industrie de Beaune : Correspondance – Copie de lettres, courrier du président de la Chambre de commerce de Beaune et à ses confrères de la Chambre syndicale, 30 juin 1887. L’affaire est renouvelée en 1894 sous la présidence de Charles Cloutier. Retour au texte

6 Archives municipales de Beaune : M-20-935. Retour au texte

7 La commission était composée de MM. Rougeot, président, Edmond Michaud, vice-président, Edmond Poulet, secrétaire, Henri Pothier, secrétaire et Gustave de Beuverand, Simon Gauthey, Champy, Edmond Frey, Léon Dubois, Duvaut-Blochet, Hasenklever, Liger-Bélair, Labouré-Roi, Bruninghaus et Maire. Retour au texte

8 Archives départementales de la Côte-d’Or : 20 M-127. Retour au texte

9 STANZIANI Alessandro, Histoire de la qualité alimentaire : XIXe-XXe siècle, op. cit., p. 140-144. Retour au texte

10 Chambre de commerce et d’industrie de Beaune : Correspondance avec la Chambre de commerce de Mâcon, 1890-1891. Retour au texte

11 Ibid. p. 144-152. Retour au texte

12 La Vigne Mâconnaise et Beaujolaise. Bulletin officiel des chambres syndicales des négociants et représentants commissionnaires des vins et spiritueux des arrondissements de Mâcon, Charolles et Louhans, n°37, mars 1909. Retour au texte

13 A l’occasion du centenaire de la révolte de 1907, la bibliographie s’est étoffée sur la question de la révolte de 1907. Pour une compréhension détaillée de l’événement, voir notamment PECH Rémy et MAURIN Jules, Préf. de Maurice AGULHON, 1907. Les mutins de la République. La révolte du Midi viticole, Toulouse, E. Privat, 2007, 329 p. (bibliographie p. 326-329) ; PECH Monique, PECH Rémy et SAGNES Jean, avec la collaboration de PIC François et VIEUX Michel, 1907 en Languedoc et en Roussillon, Montpellier, Espace Sud, 1997, 283 p. ; voir également SAGNES Jean, « La révolte de 1907 : protestation viticole ou protestation régionale ? », Actes des Universités d’été 1986-1987, Nîmes, Marpoc, 1988, p. 167-179 ; pour une approche globale de la crise voir l’état des lieux proposé en 1989 dans PIC François et SAGNES Jean, La crise de 1907 en Languedoc et en Roussillon : bilan historiographique et essai de bibliographie, Toulouse, E. Privat, 1989, 361 p. ; enfin, la commémoration du centenaire de cet événement donnera lieu au colloque scientifique « Le Vin et la République », à Montpellier les 18-19-20 octobre 2007, placé sous la direction scientifique de Geneviève GAVIGNAUD-FONTAINE, Jean GARRIGUES, Paul ALLIÈS, Fabien NICOLAS et Philippe LACOMBRADE. Retour au texte

14 FERRÉ Georges, 1907. La guerre du vin. Chronique d’une désobéissance civique dans le Midi, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 1997, 142 p. ; SAGNES Jean et SÉGUÉLA Jean-Claude, 1907 : la révolte du Midi de A à Z, Béziers, Aldacom, 2007, 1992 p. Retour au texte

15 ROUDIÉ Philippe, Vignobles et vignerons du Bordelais…, op. cit., p. 221-222. Retour au texte

16 Arch. Maison Bouchard Aîné & Fils à Beaune : X2-3-1, Dossier délimitation administrative de la Bourgogne, 1911. Retour au texte

17 Arch. Maison Bouchard Aîné & Fils à Beaune : X2-3.3, Rapport sur le projet Pams-Dariac, 1913-1914. Retour au texte

18 Journal Officiel de la République Française, Chambre des députés, 1ère séances du 20 novembre 1913, p. 3457. Retour au texte

19 JACQUET Olivier, Les syndicats viti-vinicoles en Bourgogne…, op. cit., p. 228-229 ; cette modification demeurera longtemps l’un des principaux points d’affrontement entre la propriété et le commerce en Bourgogne. C’est lors de la séance du 20 octobre 1943 du Comité national du C.N.A.O que, pour la première fois, les dirigeants du nouvel organisme d’intérêt public évoquent officiellement leurs regrets sur cet amendement de novembre 1913, souhaitant qu’il soit désormais définies des « qualités substantielles » propres à chaque appellation ; voir à ce sujet INAO : Rapport de séance du Comité national, 20 octobre 1943. Retour au texte

20 Journal Officiel de la République Française, op. cit. ; Centre des Archives économiques et financières : Z-5132, Amendement législation viti-vinicole, 15 novembre 1913. Retour au texte

21 Ibid. Retour au texte

22 JACQUET Olivier, Les syndicats viti-vinicoles en Bourgogne…, op. cit., p. 231-232. Retour au texte

23 Ibid. Retour au texte

24 Ibid., p. 233-234. Retour au texte

25 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, n°31, 31 décembre 1909, p. 13-14. Retour au texte

26 Représentée par la Confédération Générale des Associations vinicoles de Bourgogne. Retour au texte

27 Représenté par les syndicats de Beaune, Belleville, Dijon, Chablis, Chalon, Mâcon, Villefranche. Retour au texte

28 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, n°40, 31 décembre 1914, p. 6-8. Retour au texte

29 La Treille. Organe officiel du syndicat du commerce en gros des vins & spiritueux de la Côte-d’Or à Dijon. Assemblée générale du 30 octobre 1913. Retour au texte

30 Ibid. Retour au texte

31 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, année 1921 – 1er semestre 1922, n°46, 3e année, 30 juin 1922, p. 11. Retour au texte

32 Arch. Syndicat des Négociants en vins de Bourgogne : Rapport de la sous-commission mixte du département de la Côte-d’Or, 13 janvier 1917. Retour au texte

33 Ibid. Retour au texte

34 CHANSON Alexis, « Des usages locaux, loyaux et constants se rapportant à la pratique du Commerce des vins de Bourgogne », Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, n°42, 31 décembre 1916, p. 35-42. Retour au texte

35 Arch. Syndicat des Négociants en vins de Bourgogne : Lettre de L. Mathieu à S. Moine, 28 mai 1917. Retour au texte

36 Arch. Syndicat des Négociants en vins de Bourgogne : Lettre de S. Moine à L. Mathieu, 7 juin 1917. Retour au texte

37 Bulletin de la Chambre de commerce de Mâcon-Charolles-Tournus, n°170, 4ème trimestre 1919, p. 258-266. Retour au texte

38 ROUDIÉ Philippe, Vignobles et vignerons du Bordelais, op. cit., p. 250-251. Retour au texte

39 GARRIER Gilbert, « La définition de l’appellation d’origine (1919-1930) », Revue des Œnologues, n°92, juillet 1999, p. 39. Retour au texte

40 Nous verrons plus loin qu’une étonnante similitude s’impose entre les négociants, souvent propriétaires, qui revendiquent des formes idéologiques à caractère très réactionnaire et radical. Retour au texte

41 C’est-à-dire en Bourgogne, la parcelle de vigne enclose par des murs de pierres sèches ou meurgers. Retour au texte

42 L’année 1910 est d’ailleurs marquée pour la première fois depuis la période révolutionnaire par une poussée inflationniste de près de 10%. Retour au texte

43 JACQUET Olivier, Les syndicats viti-vinicoles en Bourgogne…, op. cit., p. 258-269. Retour au texte

44 Ce droit de placer un agent de l’Etat rémunéré sur les fonds versés par les syndicats, associations ou communes a été initialement établi par la loi de finance du 27 février 1912. A Beaune, la Chambre syndicale multiplie les condamnations à l’égard d’une loi qui place un fonctionnaire « à la solde d’une catégorie de citoyens pour en réglementer d’autres » ; voir Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, nouvelle série, n°23, juillet 1924, p. 10. Retour au texte

45 Ibid., n°29, nouvelle série, mars-avril 1925, p. 6-21. Retour au texte

46 JACQUET Olivier, Les syndicats viti-vinicoles en Bourgogne…, op. cit., p. 258-269. Retour au texte

47 Ibid. Retour au texte

48 Arch. Maison Bouchard Aîné & Fils à Beaune : X1-1-5, Dossier Appellations et Procès, 1929-1938 ; Arch. Maison Bouchard Aîné & Fils à Beaune : X1-1, Dossier de demande d’une loi d’amnistie, 1931. Retour au texte

49 Archives départementales de la Côte-d’Or : U7-Cf-2-26, U9-Ce-422-504, 2U-1246-1292. Retour au texte

50 JACQUET Olivier, Les syndicats viti-vinicoles en Bourgogne…, op. cit., p. 286. Retour au texte

51 Ibid., Annexes VI. Retour au texte

52 Ibid., p. 269-272. Retour au texte

53 Lors de la réunion de Beaune, les syndicats du Commerce en gros des vins de la Bourgogne, représentés par les délégués du Syndicat de l’Yonne, du Syndicat de la Côte-d’Or, à Dijon, de l’Union de Négociants de Bourgogne, à Nuits-saint-Georges, du Syndicat de l’arrondissement de Beaune, du Syndicat de l’arrondissement de Mâcon et les délégués du Beaujolais, ont été unanimes à exprimer l’avis qu’il est indispensable qu’une entente intervienne avec les représentants de la Propriété dans le but d’obtenir une tolérance nécessaire de la part des Services administratifs chargés du contrôle des registres des appellations d’origine : « Ils chargent le président du Syndicat de Beaune de proposer à M. le Président des Associations Viticoles de la Bourgogne de réunir à cet effet précis et à une date aussi rapprochée que possible, les Délégués de la Propriété et du Commerce constituant la Commission mixte » ; voir : Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, année 1921 – 1er semestre 1922, n°46, 3e année, 30 juin 1922, p. 12. Retour au texte

54 164 adhérents en 1922. Retour au texte

55 Par le jeu des doubles, voire parfois des triples affiliations, certains négociants adhèrent à plusieurs Chambres syndicales régionales. Retour au texte

56 36 adhérents en 1922. Retour au texte

57 Le procès-verbal de la séance de la Chambre de Commerce de Beaune ouverte le 16 avril 1921 rapporte : « Ce groupement commercial voisin [Confédération Générale du Commerce en gros des vins de Bourgogne] a contribué par son attitude à créer une atmosphère hostile, en se déclarant en lutte ouverte avec les dirigeants de la Propriété, en adoptant intégralement le point de vue si fâcheux du Syndicat de Dijon, en nous compromettant ensuite, par des initiatives imprudentes, prises en contradiction formelle avec les résolutions arrêtées à l’unanimité à Beaune, le 22 janvier. Ces manœuvres et l’exagération même des exigences que l’on prétendait imposer à la Viticulture, ne pouvaient aboutir qu’à l’échec des pourparlers que nous avions engagés.», dans : Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, année 1921 – 1er semestre 1922, n°46, 3e année, 30 juin 1922, p. 13. Retour au texte

58 L’U.N.B. a été fondée à Nuits-saint-Georges au lendemain de l’Assemblée générale de la Chambre syndicale de Beaune, le 21 juin 1919. Retour au texte

59 Ibid. Retour au texte

60 Ibid., p. 14. Retour au texte

61 Ibid. p. 27 ; l’échec est d’autant plus grave que d’Angerville fait également savoir qu’il n’est par ailleurs pas question pour la viticulture d’accepter une rectification des déclarations de stocks du négoce au 1er septembre 1919. Retour au texte

62 Le 11 novembre 1921, 20 délégués du commerce et 20 délégués de la viticulture se réunissent à Beaune pour adopter les grandes lignes du statut du Syndicat mixte et nommer le Conseil d’Administration comprenant 10 membres du négoce et 10 de la viticulture. Retour au texte

63 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, année 1921 – 1er semestre 1922, n°46, 3e année, 30 juin 1922, p. 46 ; seules, semble-t-il, les communes de Volnay et de Pommard refusent cet engagement. Retour au texte

64 Ibid., p. 40-50. Retour au texte

65 Lors de l’Assemblée générale de la Chambre syndicale de Beaune du 21 juin 1919, les membres présents s’étaient opposés sur la définition du mot « cuvée » et la « définition bourguignonne » exposée par Louis Latour, approuvée par 39 voix contre 23, avait conclu que le terme ne pouvait en effet être attribuée à des vins sans origine. Retour au texte

66 Arch. Syndicat des Négociants en Vins de Bourgogne : Note manuscrite concernant l’Assemblée générale du 29 avril 1922, 2 p. Retour au texte

67 Arch. Syndicat des Négociants en vins de Bourgogne : Note d’informations adressée aux membres de la Chambre syndicale de Beaune, début mai 1922. Retour au texte

68 Ibid., Note imprimée, Jaffelin, Drouhin, Latour, Jadot, 11 mai 1922. Retour au texte

69 Ibid., Note imprimée, Moine, Chanson du 12 mai 1922. Retour au texte

70 Ibid., Note imprimée, Jaffelin, Drouhin, Latour, du 12 mai 1922. Retour au texte

71 Ibid., Lettre manuscrite d’Auguste Moreau à Albert Rossigneux, 7 mai 1922. Retour au texte

72 Archives départementales de la Côte-d’Or : 1-Pa et 2-Pb, Matrices générales des contributions directes, patentes des marchands de vins en gros, 1930-1940 ; ainsi en 1930 les maisons Bouchard Aîné & Fils, J. Calvet & Cie, Geisweiler & Fils, Paul Court & Successeurs, Jules Regnier & Cie, notamment, commercialisent 3 à 4 fois les volumes vendus par Louis Latour, Maurice Drouhin, Louis Jadot ou Charles Jaffelin. Retour au texte

73 Nous avons vu dans le chapitre 1 que si la firme Bouchard Aîné & Fils n’investit plus dans le vignoble local, elle entame en revanche au tournant du siècle le développement d’un vaste domaine en Algérie. Retour au texte

74 ADCO : 1-Pa et 2-Pb, Matrices générales des contributions directes, patentes des marchands de vins en gros, 1931. Retour au texte

75 Arch. Syndicat des Négociants en vins de Bourgogne : Listes distribuées à la 2e AG du 13 mai 1922. Retour au texte

76 Arch. Syndicat des Négociants en vins de Bourgogne : Lettre manuscrite (pelure) de Duverne à Rossigneux, 1er mai 1922. Retour au texte

77 Félix Liger-Bélair est le président de l’U.N.B. Retour au texte

78 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, année 1921 - 1er semestre 1922, n°46, 3e année, 30 juin 1922, p. 52-57. Retour au texte

79 Louis Latour déclare notamment : « Je n’ai pas été, par contre, sans rencontrer des divergences de vues très marquées, parfois complètes. Elles m’ont souvent fait douter que ma présence ici soit bien conforme aux vœux de la grande majorité de nos membres, et ce sentiment n’a pas été sans contribuer à hâter ma décision de me retirer ». A ce titre, Albert Rossigneux, trésorier, ironise sur cette démission très opportune selon lui ; dans Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, n°8, nouvelle série, février 1923, p. 11. Retour au texte

80 Lettre-circulaire diffusée à tous les négociants des syndicats de Beaune, Chablis, Mâcon, Villefranche, datée du 12 juin 1919 à Dijon. Ce texte sera suivi en novembre d’un article plus complet et d’un projet rédigé destiné à la presse et à la clientèle ; voir Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, n°44, 31 décembre 1919, p. 72-73. Retour au texte

81 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, n°44, 31 décembre 1919, p. 43. Retour au texte

82 Ibid., p. 44-47. Retour au texte

83 Ibid., p. 45. Retour au texte

84 Dans la séance du 7 juillet 1919, Me Berlant, avocat-conseil du syndicat déconseille vivement l’utilisation du mot « Cuvée » susceptible d’être interprété par un tribunal comme créant une confusion dans l’esprit des consommateurs avec les vins de crus ; voir Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, n°44, 31 décembre 1919, p. 48-49. Retour au texte

85 AMB : 18 Z 774-863, Fonds J. Calvet & Cie, Catalogues de vente de maisons de Bourgogne, 1920-1950. On retrouve un ensemble également très complet pour l’entre-deux-guerres de catalogues de vente dans le dossier Foire Vinicole des Archives de la Chambre de commerce de Beaune. Plusieurs exemples sont repris par Gilles Laferté dans LAFERTÉ Gilles, Folklore savant et folklore commercial, op. cit., p. 294. Retour au texte

86 LAFERTÉ Gilles, Folklore savant et folklore commercial, op. cit., p. 294. Retour au texte

87 Arch. Lupé-Cholet & Cie : Catalogues de vente de maisons concurrentes et étiquettes diverses, 1920-1960. Retour au texte

88 Arch. Lupé-Cholet & Cie : 2 Ka, Correspondance commerciale, texte dactylographié de l’article de Jean Méhu daté de novembre 1922. Retour au texte

89 Commission d’enquête parlementaire…, op. cit., p. 272. Retour au texte

90 Arch. Maison Lupé-Cholet & Cie à Nuits-saint-Georges : LC2-70, « A Nos Collaborateurs », circulaire interne, octobre 1922. Pour la promotion des vins de marque afin de faciliter la transition commerciale visant à court-circuiter les vins d’appellation. Retour au texte

91 Arch. Lupé-Cholet & Cie : 2 Ka, Correspondance commerciale, Notes « à nos Collaborateurs », datée d’octobre 1922. Retour au texte

92 C’est le cas notamment de Louis Latour, Alexis Chanson, Louis Jadot, Charles Jaffelin, Henri Capitain et de tous les partisans d’un rapprochement avec la viticulture. Retour au texte

93 A ce titre, la maison Lupé-Cholet & Cie se lance dans une véritable croisade pour discréditer les noms géographiques garantis par les appellations d’origine. Voir Arch. Maison Lupé-Cholet & Cie à Nuits-saint-Georges : LC3-1, « La défense du Commerce en face des abus des appellations d’origine », note dactylographiée adressée aux agents de commerce, 1924. Le texte précise : « Il faut convaincre surtout l’amateur que les contrôles délimitatifs ne garantissent nullement l’origine des vins. Ils ne font que garantir des chiffres d’entrée et de sortie chez les négociants, mais rien des qualités fondamentales de la marchandise. (…) [Or] la véritable origine ne peut partir que des milieux ou le vin est fini (…) c’est-à-dire de la cave du négociant (…) ». Retour au texte

94 Arch. Maison Lupé-Cholet & Cie à Nuits-saint-Georges : LC1, Correspondance commerciale avec l’agent Michel de Giuliani à Paris, 1940-1944. Livraisons du restaurant Marius, du Grand Hôtel de l’Ecu de France, du Palais des deux Brasseries., de l’Auberge d’Arbois, de l’Hôtel du Dauphin. Retour au texte

95 Arch. Maison Lupé-Cholet & Cie à Nuits-saint-Georges : LC3-30, « Quelques références les plus en vue parmi notre clientèle », note dactylographiée, 1921. Retour au texte

96 Arch. Lupé-Cholet & Cie : 2 Ka, Correspondance commerciale, Courrier de M. Scherrer, agent de commerce au Chatou, 13 octobre 1927. Retour au texte

97 Arch. Maison Bouchard Aîné & Fils à Beaune : X2-3-6, Lettre de Raymond de Grésigny, négociant à Dijon et à Gevrey-Chambertin, à Charles Bouchard, négociant à Beaune, 28 octobre 1926. A propos des vins de marque et de la foire de Beaune, l’auteur adresse à son confrère une brève note manuscrite dans laquelle il précise : « Je dois dire que nous n’avons jamais eu la moindre commande à la suite de l’exposition de notre marque à la foire vinicole. Cette simple réflexion ne comporte d’ailleurs aucune récrimination. » Retour au texte

98 Rappel historique dressé par d’Angerville dans : Commission d’enquête parlementaire…, op. cit., p. 325-334 ; c’est encore la dénonciation ironique du « Bourgogne Tartempion » décrit par d’Angerville : « Or, qu’est-ce donc que ce Bourgogne Tartempion ? C’est un vin qui pourra être confectionné par un savant mélange de Mascara, de Maury, d’Espagne, etc. et, éventuellement -tout arrive- d’un peu de Bourgogne, et cela impunément, sans que l’inspecteur puisse désormais exercer le moindre contrôle. », Ibid., p. 272. Retour au texte

99 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, nouvelle série, n°30, mai 1925, p. 10-11. Retour au texte

100 Ibid, n°61, nouvelle série, janvier-février 1930, p. 7. Retour au texte

101 Ibid, n°11, nouvelle série, mai 1923, p. 7. Retour au texte

102 Ibid., n°21, nouvelle série, mai 1924, p. 4-8. Retour au texte

103 Ibid. Retour au texte

104 L’avocat de la Chambre syndicale, Me Rougé, rappelle que le coupage constitue, quels que soient les accords établis avec la Propriété, une infraction à la loi sur les appellations d’origine. Le négoce se désespère de ne pouvoir obtenir les mêmes avantages que leurs confrères d’Alsace (qui ont obtenu un droit de mouillage de 20%) et de Champagne où « l’impunité est légendaire ! » ; voir Ibid. Retour au texte

105 Ibid., n°28, nouvelle série, février 1925, p. 4. Retour au texte

106 Ibid., n°46, nouvelle série, mai-juin 1927. Retour au texte

107 Domiciliée à Beaune, la nouvelle fédération syndicale créée en 1927 est présidée par Paul Germain (Beaune), avec à ses côtés les vice-présidents Chauvet (Villefranche) et Simonnet (Auxerre), les secrétaire et secrétaire adjoint Drouhin (Beaune) et Maître (Dijon) et le trésorier Charles Piat (Mâcon). Dès l’origine, cette structure est contestée par les négociants de Dijon et de Nuits-saint-Georges, très peu représentés, qui y voient une entité à la solde du seul Commerce de Beaune et de sa doctrine. Progressivement, le négoce de Nuits-saint-Georges disparaît des organisations représentatives et finit par être totalement évincé de la Chambre syndicale de Beaune au début des années 1930, soulignant par là le désaccord majeure qui se maintient entre les professionnels des deux villes. Retour au texte

108 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, nouvelle série, n°23, juillet 1924, p. 9. Retour au texte

109 Commission d’enquête parlementaire…, op. cit., p. 236-237. Retour au texte

110 Ibid., p. 237 ; Barthe déclare notamment : « On m’a déclaré à Villefranche et à Mâcon qu’il y en avait en Bourgogne [des marchés occultes d’acquits fictifs]. Un commerçant malhonnête peut aller ainsi acheter du papier et avec des Corbières, des Algérie, des Espagne, des vins de ma région, vendre des vins à appellation d’origine. Je le regrette pour la réputation de nos vins et la défense de notre vignoble. Il faut faire disparaître ces regrettables abus ». Retour au texte

111 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, nouvelle série, n°30, mai 1925, p. 16-18. Retour au texte

112 Ibid. Retour au texte

113 Constat unanimement reconnu lors des Assemblées générales de la Chambre syndicale de Beaune en janvier 1925, 1926, 1927 ; Cf. Ibid., n°27, nouvelle série, janvier 1925 ; Ibid., n°36, nouvelle série, janvier 1926 ; Ibid., n°43, nouvelle série, janvier 1927. Retour au texte

114 La présence de représentants du camp libéral, Mommessin, Liger-Bélair, Morot de Grésigny, lorsqu’elle est avérée, porte alors bien peu à conséquence. Retour au texte

115 Des négociations identiques s’ouvrent pour le Beaujolais et le Mâconnais. L’Yonne n’est pas concernée puisque les partenaires y ont obtenu des conditions acceptables en 1930. Retour au texte

116 Syndicat du Commerce en Gros des Vins et Spiritueux de l’Arrondissement de Beaune, Bulletin de la Chambre syndicale, Beaune, Imprimerie René Bertrand, nouvelle série, n°68, mai-juin-juillet 1931, p. 4. Retour au texte

117 Arch. Maison Capitain-Gagnerot à Ladoix : Dossier Syndicat d’appellation de Ladoix, 1919-1938. Retour au texte

118 LANEYRIE François, Des conséquences de l’application en Bourgogne de l’application de la loi dite de protection des Appellations d’origine…, op. cit., p. 31-34. Retour au texte

119 JACQUET Olivier, Les syndicats viti-vinicoles en Bourgogne…, op. cit., p. 293-297. Retour au texte

120 LAFERTÉ Gilles, Folklore savant et folklore commercial…, op. cit., p. 327-334. Retour au texte

121 JACQUET Olivier, Les syndicats viti-vinicoles en Bourgogne…, op. cit., p. 415-416. Retour au texte

122 Formule utilisée par le député Edouard Barthe, président de la Commission d’enquête parlementaire sur la situation de la viticulture en 1931 ; Cf. Commission d’enquête parlementaire…, op. cit., p. 229. Retour au texte

123 LYNCH Edouard, Moissons Rouges. Les socialistes français et la Société Paysanne durant l’entre-deux-guerres (1918-1940), Paris, Septentrion, Temps-Espace-Société, 484 p. Retour au texte

124 Commission d’enquête parlementaire…, op. cit., p. 247-250. Retour au texte

125 Ibid. Retour au texte

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Référence électronique

Christophe Lucand, « Conflictualités et dynamiques du jeu social sous la Troisième République », Territoires du vin [En ligne], 5 | 2013, publié le 01 mars 2013 et consulté le 21 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=784

Auteur

Christophe Lucand

Docteur en Histoire, Agrégé. Chercheur Associé, Centre Georges Chevrier, MSH de Dijon, Université de Bourgogne

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