Le circuit de l'espace vitivinicole et la formation du territoire dans la Serra do Sudeste, Rio Grande do Sul, Brésil

  • The Spatial Circuit Structure and Shaping the Territory in Serra do Sudeste, Rio Grande do Sul, Brazil
Traduit de :
O Circuito Espacial Vitivinícola e a Formação do Território na Serra do Sudeste, Rio Grande do Sul, Brasil

Résumés

Dans la Serra do Sudeste, dans l'État du Rio Grande do Sul, les domaines viticoles de la Serra Gaúcha financent des investissements dans des projets d'expansion des activités vitivinicoles, avec la mise en place de vignes. Ce processus recherche de nouveaux espaces productifs et utilise les spécificités naturelles locales pour produire de nouveaux cépages. L'expansion de la vitiviniculture dans la Serra do Sudeste modifie la structure de production qui, pendant une longue période historique, a été tributaire de l'élevage de bovins et d'ovins. Le développement de ce processus a des implications dans la formation et l'organisation du territoire car il modifie le pouvoir des groupes sociaux locaux, créant ainsi de nouvelles territorialités. Actuellement, il est déclaré que la Serra do Sudeste peut déjà être considérée comme une zone vitivinicole de terroir spécifique. Quelle est la relation entre la vitiviniculture et les activités agricoles préexistantes ? Comment le circuit de l'espace productif est-il structuré ? La formation d'un nouveau territoire a-t-elle lieu, à l'instar de la vitiviniculture de la Campanha Gaúcha ?

In the Serra do Sudeste, in the State of Rio Grande do Sul, wineries of the Serra Gaúcha are financing investments in projects aiming at expanding wine-making and grape-growing activities with the planting of vineyards. This process seeks new production spaces and uses the local and natural characteristics to produce new grape varieties. The expansion of wine-making and grape-growing sector in the Southeastern Serra alters the production structure that was dependent on cattle and sheep farming for a long time. The development of this process has an impact on the shaping and organization of the territory, since it modifies the power of local social groups and creates new territorialities. It is currently stated that the Southeastern Serra can already be considered as a wine-making and grape-growing area with a specific terroir. Which is the relationship between the wine industry and the pre-existing agricultural and animal activities? How does the production spatial circuit structure itself? Is the shaping of a new territory necessary, as it happens for the wine-making and grape-growing in the Campanha Gaúcha. These and other questions will start to be answered in this paper.

Plan

Texte

Introduction

Les différences socio-économiques dans le Rio Grande do Sul servent de thème à plusieurs recherches dans les universités et autres organismes d'État travaillant sur le développement régional. C'est un État qui présente une inégalité régionale marquée, et le Sud possède des données économiques avec des taux inférieurs à celles des autres régions. Plusieurs initiatives gouvernementales ont été mises en œuvre depuis 2003. Le gouvernement fédéral s'est ainsi engagé dans une Politique nationale de développement régional (PNDR), coordonnée à l'époque par le ministère de l'Intégration nationale et dont l'objectif était d'inverser le fossé historique entre les régions développées et sous-développées. Ces actions, et d'autres encore, ont permis une diversification productive qui a rendu possible l'insertion de la vitiviniculture commerciale.

Le Rio Grande do Sul est reconnu au niveau national pour la production de vins et de ses dérivés, et les produits de la Serra Gaúcha sont ceux qui se distinguent dans le commerce1. En 2014, environ 413 000 tonnes de raisins ont été récoltées2, environ 300 000 tonnes ont été traitées et environ 200 millions de litres de vins et de dérivés ont été produits dans l'État du Rio Grande do Sul3.

Lorsque nous parlons de zones vitivinicoles productives, nous évoquons des territoires déjà consolidés comme le Vale dos Vinhedos, dans la Serra Gaúcha, au nord-est du Rio Grande do Sul. Cet espace possède une tradition dans la production du vin et de ses dérivés, regroupant plusieurs domaines viticoles et même une Indication Géographique (IG). D'autres, comme la Campanha Gaúcha, sont actuellement en train de se constituer en tant que pôle de production vitivinicole.

Dans cette recherche nous nous intéresserons à la mise en place de cultures de raisins dans la région appelée Serra do Sudeste4. Il s'agit d'un espace sans antécédents quant à cette activité, et dont l'activité agricole principale était l'élevage de bovins et d'ovins.

Dans cette contribution, nous opterons pour le concept de circuit de l'espace productif où chaque étape du processus interfère d'une certaine manière dans l'espace. Par exemple, en vitiviniculture, la plantation de vignes modifie le paysage, les domaines viticoles établissent de nouvelles relations avec la pratique de l'œnotourisme, la commercialisation du vin atteint des marchés éloignés de la zone de production et prend le nom et les caractéristiques de cet espace. Ainsi, cela crée des ancrages et des flux dont les impacts socio-spatiaux doivent être étudiés pour comprendre les changements du territoire.

La vitiviniculture s'est réellement implantée dans le Rio Grande do Sul après la formation de colonies d'immigrants italiens, dans un processus de colonisation qui commence à partir de 1875. Le colonisateur italien5 apporta des techniques de culture de la vigne et de production de vin. Dans les années 1960, des investissements sont réalisés avec des capitaux extérieurs et des sociétés multinationales situées dans les régions nord-est et sud du Rio Grande do Sul sont créées. Ces processus permettent alors d'implanter de nouveaux systèmes de culture entraînant des changements dans le circuit de l'espace de production vitivinicole, principalement dans les relations entre le producteur de raisins et le domaine viticole.

Des systèmes techniques sont, depuis, mis en œuvre, pour renforcer un processus de verticalisation de la production qui donne à l'industrie la responsabilité de la culture et de la transformation du raisin. La main-d'œuvre est qualifiée et les investissements sont étayés par des études scientifiques menées par des groupes nationaux et internationaux.

Afin de comprendre les processus spatiaux qui s'établissent avec l'expansion de la vitiviniculture, nous avons opté pour l'étude de ces phénomènes dans la Serra do Sudeste (figure 1), dans l'État du Rio Grande do Sul. Dans les années 1970, des recherches scientifiques de l'Institut de recherche agricole du Secrétariat à l'agriculture du Rio Grande do Sul (IPAGRO) ont mis en évidence le potentiel édaphoclimatique de la Serra do Sudeste pour la culture du raisin. Actuellement, la production totale de ces municipalités est de 787 hectares de vignes et d'environ 3 342 tonnes de raisins6, ce qui correspond à plus de 50 % de la valeur de l'ensemble de la production agricole de la Serra do Sudeste. Nous avgons centré notre recherche sur la municipalité d'Encruzilhada do Sul, commune qui accueille les investissements de plusieurs entreprises vinicoles de la Serra Gaúcha.

Figure 1. Localisation de la Serra do Sudeste dans l'État de Rio Grande do Sul.

Figure 1. Localisation de la Serra do Sudeste dans l'État de Rio Grande do Sul.

La mise en place de la vitiviniculture provoque des changements sur le territoire et il y a une lutte de pouvoir entre les groupes sociaux locaux déjà existants dans cet espace et les nouveaux acteurs responsables de la formation du circuit de l'espace vitivinicole. Ainsi, il est fondamental de vérifier le rôle des différents processus qui se produisent dans l'espace géographique, en comprenant la logique de distribution des activités économiques, la dynamique des flux matériels et immatériels et les implications socio-spatiales de l'adaptation de cet espace au circuit de l'espace productif de la vigne et du vin.

Circuit de l’espace de production et organisation du territoire

La référence théorique choisie partira d'une approche de la théorie spatiale développée par la Science Géographique, en entrant dans les concepts d'espace et de technique pour appréhender l'organisation spatiale et les implications de l'insertion de nouveaux processus productifs. Les concepts de circuit spatial productif, de territorialités et de territoire seront présents, en collaboration avec la compréhension de l'objet étudié.

Partant du concept d'espace, Santos (1997a, p. 51) affirme que « […] l'espace est aujourd'hui un système d'objets de plus en plus artificiels, peuplé de systèmes d'actions également imprégnés d'artificialité, et de plus en plus enclins à des fins qui sont étrangères au lieu et à ses habitants ».

La Serra do Sudeste se présente comme un « nouvel » espace pour la mise en œuvre de la vitiviniculture. Une des raisons qui soutient cette thèse est le prix de la terre et l'abondance de la main-d’œuvre sans qualification, étant donné que les directeurs des domaines viticoles de la Serra Gaúcha trouvent dans cet espace des conditions favorables à l'expansion des cultures de raisins, ainsi que d'autres exploitations, comme la sylviculture.

Bien que cet espace soit aujourd'hui évident, les recherches ont commencé dans les années 70, lorsque l'ingénieur agronome et professeur à l'université fédérale de Pelotas, le Dr Fernando Silveira da Mota, a mené des études dans le but d'identifier la région du Rio Grande do Sul ayant la meilleure aptitude climatique pour la plantation de Vitis vinifera et la production de vins fins. Cette recherche a pu mettre en évidence que la région du centre-ouest présentait les meilleures conditions climatiques pour l'activité, encourageant l'installation de vignes à partir de 1974 par Almadén à Santana do Livramento (700 ha), par la Companhia Vinícola Riograndense (70 ha) et la Vinícola Heublein (60 ha), ces deux dernières entreprises étant sises à Pinheiro Machado (Mota, 1992).

Par conséquent, bien qu'actuellement Encruzilhada do Sul soit la municipalité la plus importante dans l'activité vitivinicole de la Serra do Sudeste, Pinheiro Machado a été un pionnier dans l'installation des premières vignes. En 1976, la Companhia Vinícola Riograndense, aujourd'hui disparue, alors propriétaire de la marque Granja União, s'est lancée dans la fabrication du Vinhedo San Felicio à Pinheiro Machado, produit qui appartient aujourd'hui à Terrasul Vinhos Finos, Flores da Cunha/RS.

Il est important de souligner que la production d'un espace a lieu à partir du besoin que l'homme a de produire. On peut ainsi mentionner les mises en place de structures productives (vignobles, domaines viticoles, etc.) - implantations déclenchant alors de nouvelles actions produisant, par-là de l'espace géographique (Santos, 1997a). Compte tenu de ces prémisses, l'espace géographique est analysé à partir de ses formes spatiales7, qui expriment des fractions de la société dans un processus de transformation8. De nouvelles formes sont créées ou d'anciennes formes acquièrent de nouvelles fonctions et sont ainsi re-fonctionnalisées. L'espace est considéré comme une accumulation de temporalités distinctes, de continuités et de discontinuités. Les formes spatiales peuvent être considérées comme un produit, un milieu et une condition. Les formes sont comprises comme des formes-contenu (Santos, 1997a)9.

Pour Santos (1997), les objets présents dans l'espace sont de plus en plus techniques, car nous vivons aujourd'hui dans ce que l'auteur appelle « l'environnement technico-scientifique-informationnel »10. Santos (1997, p. 25) définit les techniques en disant qu'elles « […] sont un ensemble de moyens instrumentaux et sociaux avec lesquels l'homme réalise sa vie, produit et en même temps crée de l'espace ». Santos (1997a, p. 191) souligne également que « […] plus les objets sont techniquement contemporains, plus ils sont subordonnés à des logiques globales ».

Le cadre des techniques qui accompagnent l'insertion de nouvelles structures productives entre en contact avec les techniques précédentes présentes dans l'espace, provoquant un processus d'adaptation à la nouvelle réalité. L'expansion de la vitiviniculture dans le Rio Grande do Sul atteint le locus des formes de production des temps passés, entraînant la succession des structures productives ou même leur coexistence avec le « nouveau ».

Avant les investissements dans la sylviculture et la vitiviniculture, les activités traditionnelles basées sur l'élevage et l'agriculture de subsistance prédominaient dans la Serra do Sudeste. Le « choc » avec le « nouveau » a forcé une réorganisation des groupes sociaux locaux et, par conséquent, des changements dans les fixations et les flux présents dans cet espace. C'est ce que dit Santos (2012, p. 48) : « À travers les objets, la technique est l'histoire au moment de leur création et de leur installation et révèle la rencontre en chaque lieu des conditions historiques (économiques, socioculturelles, politiques, géographiques) qui ont permis l'arrivée de ces objets et présidé à leur fonctionnement ».

Les changements intervenus dans la relation de la société avec son environnement après la crise du système fordiste dans les années 197011 ont permis l'insertion progressive d'un nouveau modèle d'accumulation mondiale : le capital flexible. L'expansion de ce processus est facilitée par les politiques néolibérales et entraîne des actions qui génèrent de nouvelles formes d'organisation spatiale.

Pour Santos (1999), le nouveau mode de production, en plus d'être global, est aussi un mode de production technico-scientifique, caractérisé par trois données : l'unicité technique12 ; la convergence des moments13 ; l'universalisation de la valeur ajoutée14. Le néolibéralisme permet d'étendre le processus de mondialisation à plusieurs pays sous-développés, à l'instar du Brésil. Elle entraîne également des réorganisations des systèmes de production qui provoquent de graves problèmes sociaux, tels que la pauvreté, le chômage, l'exode rural, entre autres.

Selon Fonseca (2000, p. 22), les principales manifestations spatiales des changements qui se produisent dans l'économie brésilienne sont : « […] la restructuration productive des économies régionales, la création de nouveaux espaces industriels et agricoles hautement qualifiés, une plus grande mobilité de l'industrie, rendue possible par la flexibilité de la production ». Ce que nous soulignons ici est précisément la restructuration productive des économies régionales et nous pouvons également mettre en évidence deux questions communes à la vitiviniculture : « la création d'espaces agricoles hautement techniques », où la Serra Gaúcha est mise en valeur avec des domaines viticoles qui utilisent les techniques de production les plus modernes ; et « une plus grande mobilité de l'industrie » qui se produit lorsque les domaines viticoles étendent leurs activités à de nouveaux espaces, en utilisant en leur faveur les caractéristiques locales - sociales, naturelles, culturelles… -, ce que l'on peut appeler dans la vitiviniculture de terroir ;

Les nouvelles technologies finissent toujours par entrer en conflit avec les éléments déjà en place dans l'espace qu'elles ont atteint, car selon Santos (1997b, p. 22) :

Le comportement du nouveau système est conditionné par le précédent. Certains éléments cèdent, totalement ou partiellement, à d'autres de la même classe, mais plus modernes ; dans de nombreux cas, des éléments de différentes époques coexistent. Certains éléments peuvent disparaître complètement s'ils réussissent et des éléments complètement nouveaux peuvent s'établir. L'espace, considéré comme une mosaïque d'éléments de différentes époques, synthétise, d'une part, l'évolution de la société et explique, d'autre part, les situations qui se présentent aujourd'hui.

De même, Santos (1997b, p. 99) fait référence à la pénétration de nouvelles variables et à leurs conséquences immédiates sur l'espace dans lequel elles sont insérées, en soulignant que « L'arrivée de la nouveauté provoque un choc. Lorsqu'une variable est introduite dans un lieu, elle modifie les relations préexistantes et en établit d'autres. L'endroit tout entier change ».

Pour compléter ce raisonnement, Santos (1997b, p. 61) explique que "dans la production de biens matériels ou immatériels, selon les conditions données de technologie, de capital et de temps, le territoire doit être adapté à l'utilisation prévue et la productivité du processus de production dépend, en grande partie, de cette adéquation". L'expansion de la vitiviniculture dans le sud du Rio Grande do Sul, plus précisément dans la zone étudiée, la Serra do Sudeste, modifie les formes de production préexistantes et provoque l'adaptation du territoire à de nouvelles activités, sous la contrainte supplémentaire des rapports forces développées par les acteurs sociaux locaux.

Les nouveaux processus redéfinissent le territoire et sont responsables de la restructuration du circuit de l'espace productif. L'utilisation du concept de circuit spatial productif est basée sur Castillo et Frederico (2010, p. 468), qui dans leurs études déclarent que :

L'objectif cesse d'être l'identification des goulots qui entravent la pleine intégration fonctionnelle et nuisent à la compétitivité finale des produits et devient les implications socio-spatiales de l'adaptation des lieux, des régions et des territoires aux impératifs de la compétitivité, ainsi que le rôle actif de l'espace géographique dans la logique de localisation des activités économiques, de l'activité productive et de la dynamique des flux.

Ce concept se confronte à la notion de chaîne de production ou de complexe agro-industriel et il est important de définir le centre d'intérêt de la Géographie, qui privilégie l'analyse spatiale et pas seulement l'approche économiste de la production. De cette optique, nous arrivons à la compréhension de la formation du circuit de l'espace de production, avec tout ce qui est fixé dans l'espace, et pour lequel les flux, provenant des circuits de coopération, sont indispensables. Les cercles de coopération articulent à la production les dimensions spatiales les plus variées. Dans l'organisation de la production, le financement, les politiques publiques et/ou privées, l'information, la connaissance, etc. peuvent être considérés comme des cercles de coopération. Santos (p. 38, 2012) déclare que :

Processus de fixation et flux, ensembles, en interaction, expriment la réalité géographique et c'est ainsi qu'ensemble ils apparaissent comme un objet possible de la géographie. Il en a toujours été ainsi, mais aujourd'hui les processus de fixation sont de plus en plus artificiels et rivés au sol ; les flux sont de plus en plus diversifiés, plus larges, plus nombreux, plus rapides.

Il convient de noter que cette dynamique interfère avec le territoire, c'est-à-dire que l'ancienne base productive subit des modifications dues à l'installation d'une nouvelle structure productive et à la constitution de nouvelles territorialités. Ces changements, en plus d'influencer l'économie, interfèrent avec la politique, la culture locale-régionale et la formation de l'identité des groupes sociaux locaux.

Santos (2007, p. 45) affirme que « lorsque le territoire s'étend à travers un espace non conquis, il crée de nouvelles formes de territorialité, ce qui provoque de nouvelles formes de déterritorialités ». Les acteurs responsables de la mise en œuvre de la vitiviniculture dans la Serra do Sudeste partent d'un territoire où l'activité est consolidée vers de « nouveaux » espaces productifs. Dans ce processus, les activités productives traditionnelles peuvent être remplacées ou même coexister avec de nouvelles formes de production.

Le territoire peut être constitué d'aspects matériels et symboliques, les premiers étant basés sur les formes qui composent le paysage et qui, par les caractéristiques symboliques attribuées, permettent la formation de l'imaginaire. Ensemble, le matériel et le symbolique définissent l'identité. La formation du territoire se produit avec le processus de territorialité des groupes sociaux qui le composent. Considéré comme une catégorie d'analyse, le territoire permet d'avoir une vision plus large et plus profonde de l'espace, puisqu'il extrapolera la spécificité du lieu et permettra, dans le modus vivendi des sociétés, d'identifier les relations, les acteurs, les formes matérielles et symboliques qui le constituent.

Les changements dans le circuit spatial productif s'accompagnent de nouvelles territorialités qui réorganisent le territoire et interfèrent avec l'identité culturelle des groupes sociaux locaux. Dans le cas de la vitiviniculture dans la Serra do Sudeste, nous soutenons que la plantation de vignes est la principale forme de modification de l'espace, qui n'est pas isolée et n'est fixée que dans le processus d'expansion de cette activité. Il est nécessaire de comprendre le processus qui permet l'implantation de la vigne et comment se forme le « territoire vitivinicole » en tenant compte de tous ses conflits et territorialités.

Le concept de territoire a fait l'objet de nombreuses interprétations au cours de l'évolution de la science géographique. Nous sommes passés de l'idée déterministe de Ratzel - espace vital - à l'espace qui résulte de l'appropriation par un certain groupe, y compris l'espace d'une nation structurée par un État. L'émergence du terme a son origine dans la connexion d'un groupe avec un espace concret. Raffestin (1993) apporte l'idée de pouvoir, et élargit le concept, en le concevant comme un champ de force, mais en le rendant presque synonyme d'espace social, puisqu'il réduit le rôle de l'espace naturel.

Dans la conception actuelle, le territoire peut être compris par ses aspects matériels et symboliques. La formation du territoire se produit avec le processus de territorialité des groupes sociaux qui le composent. La territorialité peut même n'être que symbolique et ne pas exister concrètement dans l'espace, mais le territoire n'existe qu'à partir de la territorialité.

Saquet (2006, p. 66) collabore à l'interprétation de ce processus lorsqu'il déclare que :

Un territoire est approprié et ordonné par des relations économiques, politiques et culturelles, et ces relations sont internes et externes à chaque lieu ; il est le fruit des relations (territorialités) qui existent dans la société dans laquelle nous vivons et entre celle-ci et notre nature externe. Et ces relations sont des relations de pouvoir de domination et sont présentes dans un jeu continu de soumission, de contrôle des ressources et des personnes, dans le milieu rural, urbain et ses articulations.

Pour analyser la formation du circuit de l'espace productif dans la Serra do Sudeste, il faut observer la conjoncture socio-économique et politique liée aux caractéristiques édaphoclimatiques, qui peuvent favoriser un environnement propice à l'implantation d'entreprises vitivinicoles. Un autre aspect est la situation stratégique, à proximité des pays du Marché commun du Sud, du port de Rio Grande et de la capitale Porto Alegre. Ainsi, les relations qui s'établissent dans l'espace à partir de l'insertion des cultures de raisins et de l'installation des domaines viticoles provoquent la réorganisation du territoire et définissent des flux avec la société locale et avec les agents extérieurs, qui peuvent être présents à l'échelle régionale, nationale et/ou internationale.

Aspects de la Serra do Sudeste

La Serra do Sudeste, également connue sous le nom de Escudo Sul-Riograndense (Bouclier Sud-Riograndense), est située dans la région sud-est du Rio Grande do Sul et, d'un point de vue physiographique, elle est formée par un relief de « courbures légères ». Le sous-sol est constitué de roches d'âges variés, avec des associations de roches métamorphiques, ignées et sédimentaires. Les altitudes varient de 75 à 500 mètres. Le paysage présente une grande quantité de blocs rocheux entremêlés à la végétation des champs avec des zones de forêt galerie. Le climat est caractérisé par des pluies régulières, avec une moyenne comprise entre 1 367 mm et 1 444 mm par an pour la région, entrecoupées de périodes de sécheresse. La température annuelle moyenne se situe entre 17,6 °C et 20,2 °C. (Protas et al., 2006). Le fleuve Camaquã divise les deux grandes unités géomorphologiques, la Serra do Herval au nord et la Serra dos Tapes au sud.

Dans le sud-est de la Serra do Sudeste, la culture de la vigne a commencé en 1976 (Mota, 1992). Actuellement, les principales municipalités productrices sont Encruzilhada do Sul, Candiota et Caçapava do Sul. Le tableau 1 indique la superficie plantée, la quantité produite et le pourcentage de la valeur de la production de raisins par rapport à la production agricole des municipalités de la Serra do Sudeste.

Tableau 1. Superficie plantée de vignes en hectares, quantité de raisins produits en tonnes et pourcentage de la valeur de la production dans les municipalités de Serra do Sudeste en 2016.

Ville Superficie plantée (Ha) Quantité produite (T) Valeur de la production (%)
Encruzilhada do Sul 500 1.400 63,62
Candiota 215 1.505 85,24
Caçapava do Sul 29 244 27,81
Pinheiro Machado 23 138 72,16
Piratini 10 30 2,28
Santana da Boa Vista 5 10 3,39
Pedras Altas 3 12 50,00
Amaral Ferrador 2 3 6,23

Source : IBGE - Production agricole municipale (2016) ; Auteur : SILVA, B. F.

À l'aide du tableau 1, nous constatons que, pour la municipalité de Candiota par exemple, la production de raisins représente plus de 85 % de la valeur totale de la production agricole dans cette municipalité. Ainsi, nous soulignons l'importance économique de la culture du raisin par rapport aux autres activités agricoles présentes dans les municipalités de la Serra do Sudeste. Ces conclusions sont également de mise dans les municipalités de Pinheiro Machado, Encruzilhada do Sul et Pedras Altas.

Figure 2. Production de raisin, en tonnes, et localisation des vignobles dans la Serra do Sudeste.

Figure 2. Production de raisin, en tonnes, et localisation des vignobles dans la Serra do Sudeste.

La Serra do Sudeste tend à devenir une zone de production de raisins. Contrairement à la Campanha Gaúcha, ce territoire ne possède pas encore beaucoup de domaines viticoles pour la production de vin. Actuellement, la plus grande partie de la production de raisins est transportée dans la Serra Gaúcha pour la vinification. Cette situation risque de changer dans les années à venir, car nous constatons qu'il existe déjà quelques initiatives de vinification sur place, comme c'est le cas d'un petit domaine à Encruzilhada do Sul ou encore avec production coloniale de vin dans certaines propriétés rurales.

Notre étude du circuit spatial vitivinicole de la Serra do Sudeste, début par la municipalité qui a le plus d'importance pour la constitution de cet espace productif. Elle se poursuit avec la présentation des premières implantations de la vitiviniculture dans l'Encruzilhada do Sul, en tentant d'en comprendre les motivations, les "immobilités" et les flux et les autres éléments et actions qui permettent la formation de ce nouveau territoire vitivinicole dans le Rio Grande do Sul.

Le pôle vitivinicole de Encruzilhada do Sul

Encruzilhada do Sul est l'une des principales municipalités de la Serra do Sudeste. Sa population est estimée à 25 872 habitants15. Avec un profil économique basé sur les activités agricoles, la municipalité a une grande importance dans la formation du circuit de l'espace productif de la Serra do Sudeste. Dans le tableau 2, les données du service du Trésor de l'État du Rio Grande do Sul (SEFAZ-RS) nous permettent d'observer le profil économique d’Encruzilhada do Sul.

Tableau 2. Nombre de contribuables et collecte de l'ICMS à Encruzilhada do Sul, en 2012.

Encruzilhada do Sul 2014 (année-base 2012) Dans l’État
Participation (%) Classification
Contribuables ICMS 7.494 0,59 19
Général 97 0,14 104
Simples National 484 0,18 108
Producteurs Ruraux 6.913 0,75 10
Valeur Additionnel Fiscal (R$) R$ 206.004,00 0,10 140
Production et Extraction Animale et Végétal R$ 121.104,00 0,35 67
Industrie R$ 15.547,00 0,02 199
Commerce R$ 54.398,00 0,09 121
Services et Autres R$ 14.955,00 0,08 121

Source : SEFAZ/FEE ; Auteur : SILVA, B. F.

En 2012, les recettes de l'ICMS (Taxe sur la circulation des biens et services) s'élevaient à 121 104,00 R$ pour la production et l'extraction animale et végétale, soit 58,78 % du total ; le commerce était en deuxième position avec 54 398,00 R$, soit 26,40 % du total ; et l'industrie était en troisième position avec 15 547,00 R$, soit 7,54 % du total ; les services et autres ont perçu 14 955,00 R$, soit 7,25 % du total.

Comme on peut le voir dans les données ci-dessus, le secteur primaire est responsable de plus de 50 % de la collecte de l'ICMS dans la municipalité d'Encruzilhada do Sul. En outre, il convient de noter que, sur un total de 7 494 contribuables enregistrés, 6 913 étaient des producteurs ruraux (92,25 %), 484 étaient enregistrés auprès du simple national (6,46 %) et 97 étaient des contribuables ordinaires (1,29 %). Ces données démontrent l'importance du secteur primaire pour la municipalité. Parmi les principales activités de ce secteur, comme nous pouvons le voir dans le tableau 3 en étudiant les cultures temporaires, c'est la culture du soja se distingue.

Tableau 3. Superficie récoltée en cultures temporaires, Encruzilhada do Sul, en 2016.

Produit Superficie (Ha)
Soja (en grain) 30.000
Maïs (en grain) 3.500
Pastèque 2.000
Riz (en coquille) 1.500
Tabac (en feuille) 450
Haricots (en grain) 310
Manioc 300
Blé (en grain) 260
Patate douce 100
Superficie totale de la ville 38.420

Source : IBGE - Production agricole municipale (2016) ; Auteur : SILVA, B. F.

Dans la culture temporaire, en 2016, 30 000 ha de soja (78 % de la superficie totale), 3 500 ha de maïs (9 %) et 2 000 ha de pastèques (5 %) ont été plantés. On peut observer que le soja est la principale production de la municipalité, suivie par d'autres cultures comme le maïs, la pastèque et le riz. Il y a aussi des cultures plus typiques de l'agriculture familiale comme le tabac, les haricots, le manioc et la patate douce, ce qui peut s'expliquer par la présence de colonies dans la municipalité.

En 2016, les principales cultures permanentes recouvraient 500 hectares de raisins, 70 hectares de pommes et 70 hectares d'oranges. Comme le montrent les données, le raisin est la culture la plus importante, suivie par la culture des pommes et les vergers d'oranges et de mandarines. Selon les informations du bureau d'EMATER dans la municipalité16, la pêche était une culture importante dans la municipalité, mais elle a vu sa superficie réduite ces dernières années et ne représente aujourd'hui plus que 15 hectares en production. L'olivier est la culture la plus récente de la municipalité et fait partie d'un circuit de production qui s'est développé ces dernières années dans cette région (tableau 4).

Tableau 4. Superficie destinée aux cultures permanentes, Encruzilhada do Sul, en 2016.

Culture Superficie (Ha)
Raisin 500
Pomme 70
Orange 70
Mandarine 35
Olivier 15
Pêche 15
Total de la ville 705

Source : IBGE - Production agricole municipale (2016) ; Auteur : SILVA, B. F.

Dans une interview réalisée avec le technicien EMATER de la municipalité, ce dernier a déclaré que la production de raisins comprenait des variétés permettant la production de vins fins et de vins espumantes (effervescents). Selon les données d'EMATER, la commune compte actuellement 550 hectares en production, 12 producteurs de raisins fins et une quinzaine de producteurs de raisins ordinaires. La figure 3 montre l'emplacement des vignobles dans la municipalité d'Encruzilhada do Sul.

La culture du raisin a permis la diversification de la production agricole et l'intégration avec d'autres activités telles que la culture du soja, de la mûre, de la pomme, la sylviculture, les ovins et les bovins. La plupart des viticulteurs sont originaires de la Serra Gaúcha et n'ont pas de résidence fixe dans la municipalité. La mairie a encouragé la production de raisins américains dans certaines propriétés rurales, fruits utilisés pour l'élaboration du vin colonial et du jus de raisin. Selon les techniciens du bureau d'EMATER, les perspectives de l'activité vitivinicole sont l'extension des surfaces cultivées, l'ouverture de nouveaux domaines viticoles et les activités d'œnotourisme.

À partir des informations recueillies sur le terrain, il est possible d'affirmer l'importance de la viticulture pour l'économie de la municipalité d'Encruzilhada do Sul. Par ailleurs, la production de raisins est apparue comme une alternative à l'élevage, principalement celui des ovins. Dans ce cas, la réorganisation de l'espace est effectuée par les domaines viticoles de la Serra Gaúcha possédant des zones de culture de différentes variétés de raisins, mais ne produisant pas le vin à Encruzilhada do Sul. Le raisin est récolté et transporté, la nuit, jusqu'à la Serra Gaúcha, où il est vinifié dans des installations industrielles appartenant à ces domaines.

Figure 3. Localisation des vignobles à Encruzilhada do Sul, RS.

Figure 3. Localisation des vignobles à Encruzilhada do Sul, RS.

Le cas du domaine Casa Valduga est représentatif pour comprendre le circuit de l'espace de production. Avec 38 hectares en production et plus d'un million de kilos de raisins produits en 2014, elle compte 51 employés embauchés et un magasin en activité. Pour l'instant, aucune bouteille de vin n'est produite à Encruzilhada do Sul. Les domaines viticoles de la Serra Gaúcha sont des acteurs hégémoniques dans la production et l'organisation de l'espace. La stratégie consistant à acquérir des terres dont la valeur est bien inférieure à celle pratiquée dans la Serra Gaúcha, à apporter les connaissances nécessaires et à adapter les techniques de production vitivinicole dans la Serra do Sudeste.

Quant au soutien des agents locaux, on peut constater que le gouvernement municipal met l'accent sur les activités d'élevage et de sylviculture, sans aucune action axée sur la vitiviniculture. L'EMATER est une institution qui s'adresse aux petits producteurs et qui intervient peu dans la question vitivinicole, ayant des actions orientées vers l'orientation technique des assentados (petits propriétaires ayant pu bénéficier de la réforme agraire) qui cultivent des raisins ordinaires destinés à la production de vin colonial et de jus de raisin. Comme le confirme l'EMATER, Les assentados (15 familles) sont considérés le plus grand groupe de producteurs de raisins ordinaires dans la municipalité.

En analysant le cas des familles qui produisent le vin colonial, on constate qu'elles sont assurées par la loi fédérale n° 12959/2014 qui caractérise le vin produit par l'agriculteur familial ou l'entrepreneur familial rural, en établissant des exigences et des limites pour sa production et sa commercialisation. Cette loi permet la production de 20 000 litres de vin par an, 70 % des raisins provenant de la propriété rurale de l'agriculteur familial. L'élaboration, la normalisation et la mise en bouteille du vin se font exclusivement dans la propriété rurale de l'agriculteur familial, en adoptant les préceptes des bonnes pratiques de fabrication et sous la supervision d'un responsable technique qualifié. La commercialisation doit être effectuée directement auprès du consommateur au siège de la propriété rurale de production, dans un établissement géré par une association ou une coopérative de producteurs ruraux ou encore lors de foires dédiées à l'agriculture familiale.

La loi 12959/2014 qui a réglementé la production de vin colonial a permis l'insertion de ces producteurs dans l'activité vitivinicole. Bien qu'ils soient peu nombreux, la culture du raisin s'impose comme une activité alternative à la sylviculture ou à l'élevage dans les propriétés rurales de la Serra do Sudeste.

D'après le tableau 5, l'utilisation des terres relevée par le recensement agricole de 2006 pour la municipalité d'Encruzilhada do Sul, montre que la plupart, 44,51 %, étaient des pâturages naturels. Ceci a favorisé le développement de l'élevage, rendant la municipalité historiquement connue pour la production ovine. Les forêts plantées ont occupé environ 18,6 %, avec un taux qui a peut-être augmenté ces dernières années en raison de la mise en œuvre, à partir de 2004 dans le Rio Grande do Sul, du Programme Forêt-Industrie. Cette politique publique visait explicitement à encourager les activités forestières. Environ 19,3 % de l'utilisation du sol de la ville était destinée aux forêts et/ou aux forêts naturelles dans des zones de préservation permanente ou non. Les labours temporaires occupaient environ 7,21 % ou 18 669 hectares en 2006. Cette superficie, telle que vérifiée dans les données sur la production agricole municipale pour 2016, a connu une augmentation, puisque la superficie actuelle déclarée est de 38 463 hectares. L'augmentation des labours temporaires est due à l'augmentation de la culture du soja, la principale culture temporaire de la municipalité, selon les données présentées et les déclarations des techniciens EMATER.

Tableau 5. Utilisation des terres à Encruzilhada do Sul en 2006.

Type d'utilisation des terres Superficie (ha) Superficie (%)
Pâturages – naturels 115.220 44,51
Bois et/ou forêts - les forêts plantées d'essences forestières 48.150 18,60
Bois et/ou forêts - naturels destinés à la préservation permanente ou réserve légale 26.923 10,40
Bois et/ou forêts - naturels (zone de préservation permanente exclusive et ceux/celles des systèmes agroforestiers) 22.911 8,85
Culture temporaire 18.669 7,21
Terres inutilisables pour l'agriculture ou l'élevage (marécages, sable, carrières, etc.) 11.703 4,52
Pâturages - plantés dans des bonnes conditions 7.347 2,84
Systèmes agroforestiers - surface cultivée avec des espèces forestières également utilisées pour l'agriculture et le pâturage des animaux 2.592 1,00
Superficie plantée de plantes fourragères à couper 1.885 0,73
Culture permanente 1.426 0,55
Réservoirs, lacs, barrages et/ou zones d'eau publique pour l'exploitation de l'aquaculture 1.110 0,43
Pâturages - plantés dégradés 573 0,22
Sols dégradés (érodés, désertifiés, salins, etc.) 342 0,13
Total 258.851 100 %

Source : IBGE - Recensement agricole (2006) ; Auteur : SILVA, B. F.

La culture permanente n'occupait en revanche que 0,55 %, soit une surface de 1 426 hectares. Selon les données actuelles de la recherche agricole municipale, la superficie des cultures permanentes a diminué, avec seulement 705 hectares en 2016. Ces informations devront être examinées à partir d'autres données de terrain. À titre préliminaire, EMATER indique que certaines cultures de pêches ont été supprimées ces dernières années. En revanche, on constate une augmentation des cultures de raisins, de mûres et d'olives.

Considérations sur la vitiviniculture dans la Serra do Sudeste

Les premières études réalisées mettent en évidence quatre enjeux qui ont motivé et permis le développement de la vitiviniculture dans la Serra do Sudeste :

  1. Scénario socio-politique favorable - avec des politiques publiques visant à encourager la diversification de la production avec une vitiviniculture considérée comme l'une des cultures identifiée pour favoriser le développement socio-économique de la moitié sud du Rio Grande do Sul17 ;
  2. En termes économiques - déclin de l'élevage extensif et, d'autre part, faible coût des terres, faible coût de mise en œuvre des cultures et main-d'œuvre abondante et bon marché ;
  3. Localisation stratégique - la Serra do Sudeste jouit d'une situation géographique privilégiée, à égale distance de São Paulo et de Buenos Aires, les deux principaux marchés d'Amérique du Sud. La Serra do Sudeste est également située entre deux régions viticoles, la Serra Gaúcha au nord et la Campanha Gaúcha au sud. Elle possède trois routes fédérales, BR-392, BR-290 et BR-293, et une route d'État, qui est la principale route d'accès à la Serra do Sudeste et qui permet le flux de production de la Vale do Rio Pardo vers le port de Rio Grande ; et,
  4. Conditions climatiques et pédologiques - Selon les études de Tonietto et al. (2012) sur les différents climats viticoles, le groupe climatique de la Serra do Sudeste est le même que celui de la Serra Gaucha, avec des particularités de profil thermique (nuits plus froides) et de profil hydrique (périodes de sécheresse) dues à sa position géographique. En ce qui concerne le sol, depuis 1977, avec les premières études du ministère de l'Agriculture, des sols adaptés à la culture du raisin ont été identifiés, avec de bons résultats sur le potentiel en sucre et en acidité, ainsi que sur les polyphénols18, les anthocyanes (couleur) et les composants aromatiques.

La Serra do Sudeste fait l'objet de recherches visant à sélectionner les variétés de Vitis vinifera L. les plus adaptées ainsi que celles possédant des caractéristiques spécifiques. Ces dernières années, la production de vins, issue des investissements réalisés par les domaines viticoles de la Serra Gaúcha, a modifié les formes de production dans les municipalités de la Serra do Sudeste. On observe désormais la combinaison de plusieurs formes d'agriculture : l'élevage, la sylviculture et la viticulture.

Il est nécessaire de souligner que, dans ce processus d'implantation de la vitiviniculture dans la Serra do Sudeste, le discours d'un nouveau pôle vitivinicole et la possibilité de structurer une nouvelle indication géographique pour les vins sont des éléments très présents. Selon Camargo et al. (2011), une nouvelle phase dans la production des vins tranquilles et de vins espumantes a commencé en 1990 avec le développement des indications géographiques (IG), stimulant la valorisation des vins nationaux et permettant une reconnaissance internationale de la qualité pour plusieurs marques. Ce mouvement, soutenu juridiquement par l'entrée en vigueur de la loi sur la propriété industrielle (LPI), n° 9279/96, articles 176 à 182, a permis la reconnaissance de la protection juridique des indications géographiques brésiliennes, soit comme indication de provenance, soit comme appellation d'origine. La LPI a été créée après que le Brésil soit devenu signataire de l'accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC). La procédure d'enregistrement de l'IG a été définie par la résolution n° 75/2000 de l'Institut national brésilien de la propriété industrielle (INPI).

Les indications géographiques s'inscrivent dans le mouvement de segmentation du marché mondial, en valorisant les ressources territoriales (Vieira et al., 2012). Les indications géographiques doivent être considérées comme un outil d'occupation harmonieuse de l'espace culturel, combinant la valorisation d'un produit typique à ses aspects historiques et culturels comme à la conservation de la biodiversité et au développement rural.

Ainsi, on comprend que les indications géographiques s'ajoutent à la formation du territoire et du circuit vitivinicole dans la Serra do Sudeste. La vitiviniculture agit dans un processus dynamique de restructuration constante des éléments de la culture locale, car en même temps qu'elle intègre de nouvelles valeurs, habitudes et techniques, elle procède à l'appropriation des éléments de la culture locale à partir de la relecture rendue possible par l'émergence de nouveaux codes. Elle peut contribuer à la sociabilité, renforcer les liens avec la localité et créer de nouvelles territorialités.

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Notes

1 La Serra Gaúcha est une dénomination régionale de la région nord-est du Rio Grande do Sul. Du point de vue géomorphologique, ce que l'on appelle la "Serra" fait en fait partie des escarpements disséqués du plateau basaltique sud-riograndense ou Serra Geral (Ab'Saber, 2003). Retour au texte

2 IBGE – Pesquisa da Produção Agrícola Municipal (2016). Retour au texte

3 Cadastro Vinícola – IBRAVIN/MAPA/SEAPA-RS (2016). Retour au texte

4 Selon Monteiro (1963) "La présence des Sierras du sud-est dans le Rio Grande do Sul est liée aux terrains du bouclier précambrien. De cette unité morphologique se détachent les chaînes de montagnes Erval et Tapes, ainsi que plusieurs autres interfluves portant le nom de "Serras". Cette unité fait la limite et le contraste avec les plaines de la dépression centrale au nord, la plaine côtière à l'est et les campagnes douces à l'ouest". Retour au texte

5 Roche (1969, p. 3) comprend que "Établis sur les terres concédées, les immigrants étaient d'abord des agriculteurs et des artisans ruraux comme on leur demandait de l'être, des colons, c'est-à-dire des hommes attachés "à la terre qu'ils exploitaient"". Retour au texte

6 IBGE – Pesquisa da Produção Agrícola Municipal (2016) para os municípios da microrregião Serras de Sudeste/RS. Retour au texte

7 Fonseca (1999, p. 66) souligne que "cela nous permet de visualiser les processus, mais nous devons être prudents, car la forme actuelle ne reflète pas toujours les processus en cours. La forme est étroitement liée à l'utilisation qui est faite de l'espace, c'est-à-dire à sa fonction dans le contexte dans lequel elle est insérée". Retour au texte

8 Idem (1999, p. 65) souligne que "[…] le processus spatial concerne la mobilité des activités et des personnes exprimant la logique des acteurs sociaux dans un espace et à un moment donnés". Corrêa apud Castro et al (1995, p. 29), déclare que "[…] le processus est une structure dans son mouvement de transformation". Retour au texte

9 Selon Santos (1997, p. 2) "Comme les formes géographiques contiennent des fractions du social, ce ne sont pas seulement des formes, mais des formes-contenus. C'est pourquoi elles changent constamment de sens dans la mesure où le mouvement social leur attribue, à chaque instant, différentes fractions de l'ensemble social" Retour au texte

10 Selon Santos (1999, p. 10) "[…] l'histoire de l'environnement géographique peut être divisée grosso modo en trois étapes : l'environnement naturel, l'environnement technique, l'environnement technico-scientifique-informationnel" Retour au texte

11 Veja a este respeito Fonseca (2000). Retour au texte

12 Santos (1999, p. 8) comprend que "Avant, les systèmes étaient uniquement locaux ou régionaux. À l'aube de l'histoire, il y avait autant de systèmes techniques que de lieux. Lorsqu'ils avaient des traits similaires, il n'y avait pas de contemporanéité entre eux, et encore moins d'interdépendance fonctionnelle. L'histoire de l'humanité est aussi l'histoire de la diminution progressive du nombre de systèmes techniques (relativement) autonomes sur la surface de la terre. Le mouvement d'unification, accéléré par le capitalisme, atteint aujourd'hui son apogée, avec la prédominance partout d'un seul système technique, base matérielle de la mondialisation". Retour au texte

13 L'instantanéité de l'information globalisée rapproche les lieux, permet de prendre immédiatement connaissance d'événements simultanés et crée, entre les lieux et les événements, une relation unitaire à l'échelle mondiale. Aujourd'hui, chaque moment comprend, en tous lieux, des événements interdépendants, inclus dans un même système global de relations". Retour au texte

14 Ibid. "Les principaux moteurs de ce processus sont les sociétés multinationales et les banques transnationales. Dans une situation de concurrence, la recherche individuelle du profit le plus élevé n'a pas d'autre frontière que la capacité à créer et à utiliser des innovations productives et organisationnelles. À chaque instant, la plus grande valeur ajoutée est de toujours chercher à se surpasser". Retour au texte

15 Source : IBGE. Direction de la Recherche - DPE - Coordination de la population et indicateurs sociaux - COPIS (estimation 2017). Retour au texte

16 Trabalho de campo realizado em dezembro de 2015. Retour au texte

17 Parmi ces initiatives, l'accent est mis sur le programme de culture fruitière irriguée de la moitié sud de la RS (PDFIMS/RS) et le programme de culture fruitière de l'État (PROFRUTA/RS), des politiques publiques qui ont été mises en place depuis 1997. Retour au texte

18 Selon Mateus (2009), "Les polyphénols jouent un rôle clé dans l'industrie du vin, en particulier pour les vins rouges. Au niveau de la physiologie du vignoble, ces composés jouent un rôle dans la coloration des baies, dans la régulation de la maturité, dans la défense contre les différents agresseurs (bactéries, insectes, etc.), mais aussi dans la résistance à la dégradation enzymatique et à la putréfaction. Dans le produit final, c'est-à-dire le vin, ces composés joueront un rôle crucial dans la couleur, le goût, l'arôme et aussi dans la capacité de vieillissement des vins. C'est la présence de ces composés qui permettra de distinguer, par exemple, un vin banal d'un vin de garde ("reserva"). C'est également grâce à la présence de ces molécules que les différentes propriétés bénéfiques qui ont été attribuées à la consommation modérée de vin rouge ont été obtenues”. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Bruno Freitas da Silva et Rosa Maria Vieira Medeiros, « Le circuit de l'espace vitivinicole et la formation du territoire dans la Serra do Sudeste, Rio Grande do Sul, Brésil », Territoires du vin [En ligne], 11 | 2020, publié le 02 décembre 2020 et consulté le 29 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1840

Auteurs

Bruno Freitas da Silva

UFRGS

Rosa Maria Vieira Medeiros

UFRGS

Traducteur

Mariele Mancebo Garcia

Droits d'auteur

Licence CC BY 4.0