Terres de vin : Le Priorat

Traduit de :
Territorios de vino: el Priorat

Résumé

La région du Priorat, terre productrice de vins rouges secs et concentrés élaborés principalement à partir de grenache et de carignan, est située à l’ouest de la côte orientale de la Catalogne. C’est une région montagneuse peu peuplée mais d’une beauté romantique, où l’on trouve de beaux et austères villages médiévaux, au milieu de vignes difficiles à travailler. Les montagnes rougeâtres sont couvertes de plantes aromatiques et parfumées. La vigne est cultivée sur des versants et des terrasses creusées dans le sol dur d’ardoise, entre 100 et 700 mètres. La région est entourée de deux zones naturelles protégées, le Parc National du Montsant et la Serra de Llabería, où l’on trouve sans doute une des faunes les plus riches de la Catalogne. La végétation méditerranéenne de chênes verts et de petits chênes occupe la plus grande partie de cet espace. À la fin des années 70, l’abandon constant des zones rurales, le vieillissement de la population, la faible production et les difficultés techniques de culture ont entraîné l’abandon des terres et aggravé l’évidente décadence économique et démographique de la région.
Les coopératives perdaient progressivement leurs membres, les installations devenaient obsolètes et les possibilités d’investissement étaient pratiquement inexistantes. La situation semblait irréversible quand, au début des années 80, un groupe de connaisseurs du monde du vin, convaincus du potentiel de certains vins du Priorat, change radicalement les perspectives de la région. Cependant, ce n’est qu’à partir des années 90 que l’on s'intéresse à cette enclave et que l'on considère cette région comme productrice d’un des vins les plus intéressants et les plus chers d’Espagne. La qualité de ses vins, aussi bien les traditionnels que les nouveaux, trouve sa source dans un microclimat et un sol d’ardoises, uniques l’un et l’autre.Le Conseil régulateur de la Denominación de Origen (DO) a dû s’adapter en peu de temps à la nouvelle situation. L’autre objectif a été d’obtenir la Denominación de Origen Calificada (DOCa), qui réunit les innovations techniques et établit les mesures rigoureuses de protection des vins afin de garantir leur qualité.

Plan

Texte

Traduction en français de l’article : Maria Teresa Martin Bertrand (Agrégé d’Espagnol), Catalina Martín Calzada et Joël Brémond (Professeur à l’Université de Nantes)

Histoire de la vigne dans la région du Priorat.

Figure 1. Blason de Scala Dei

Figure 1. Blason de Scala Dei

Ses origines remontent au XIIe siècle, quand les moines de la Cartuja de Scala Dei, monastère fondé en 1163 par Alphonse Ier le Chaste de Catalogne, introduisirent l’art de la viticulture sur ces terres. De fait, la région du Priorat fut l’une des dernières où l’expulsion des Arabes de la Catalogne eut lieu. D’après la légende, alors que les moines chartreux cherchaient à s’installer dans cet endroit retiré pour y construire leur monastère, ils rencontrèrent un berger qui leur indiqua un endroit par où s’élevaient les anges qui disparaissaient dès qu’ils atteignaient le sommet. C’est pourquoi sur le blason de Scala Dei on voit un escalier qui représente l’ascension des anges au ciel.

Figure 2. Logotype de la Denominación de Origen Calificada Priorat.

Figure 2. Logotype de la Denominación de Origen Calificada Priorat.

Ainsi, la région du Priorat tire son nom du prieur de la Cartuja de Scala Dei. Les terres sous domination de ce prieur représentaient 3 000 hectares environ. Pendant des siècles, les moines du monastère se chargèrent de protéger les vignobles et les villages de la région, qui connurent un grand prestige jusqu’à ce que l’État les exproprie en 1835. Les vignes occupaient alors chaque recoin des montagnes et les habitants poursuivirent leur culture sur de petites parcelles.

Le commerce du vin en Espagne, très apprécié pour sa grande consistance, sa couleur et son degré, augmenta considérablement dans la dernière partie du siècle. En effet, la France connut les effets dévasteurs du phylloxéra avant l’Espagne, où l'insecte ne fut détecté que dix ans plus tard qu’en France. Il arriva essentiellement dans notre pays par Málaga en 1876, à travers le matériel agricole importé de France, par l’Ampurdan (Gérone) en 1878 et par Orense, où l’infestation arriva par le Portugal. Ainsi, en 30 ans il s’étendit dans chaque recoin agricole de notre pays. À la fin du XIXe siècle, le phylloxéra fit de grands ravages dans les vignobles qui furent replantés non seulement avec des vignes, mais également avec des amandiers, des noisetiers et des oliviers. La disparition de la plus grande partie des vignes de la région provoqua l’émigration d’une population appauvrie par la situation. Dans le monde viticole d’alors, les types de contrats agricoles avaient une durée qui dépendait de la longévité des plants et ces contrats se terminaient quand les deux tiers des ceps plantés mouraient. Ce contrat appelé rabassa, reçut son nom de la partie ligneuse de la plante qui peut se reproduire dans un autre cep. Les ceps morts étaient remplacés par marcottage, ce qui donnait lieu à un autre cep, prolongeant ainsi indéfiniment ces contrats. Suite à la mort intense de ceps touchés par le phylloxéra, ce type de production devint inutile et les contrats de rabassa, peu à peu résiliés, reçurent alors le nom de rabassa morta. À cette époque, le gouvernement soutenait la bourgeoisie, ce qui donna lieu à certaines révoltes d’agriculteurs et à la formation des premiers syndicats agricoles.

A la fin du XIXe siècle, jusqu’à l’arrivée du phylloxéra, une étape de progrès commence avec la croissance industrielle, qui favorise la création de grandes constructions modernistes et qui coïncide également avec la renaissance de la culture catalane et l’élan de la caractérisation des régions viticoles comme Denominación de Origen. Les airs de modernité et les nouvelles tendances d’avant-garde du début du XXe siècle, avec le mouvement des coopératives, laissèrent l’empreinte d’architectes remarquables comme César Martinell, disciple de Gaudí. Père du modernisme rural, il envisagea les cathédrales du vin, concrètement dans le Priorat, les bodegas coopératives de Falset et la bodega de Cornudella de Montsant. Dans la région de Tarragone, il existe également d’autres œuvres monumentales, comme la bodega coopérative du Pinell de Brai et celle de Gandesa dans la région de la Terra Alta, ainsi que les bodegas coopératives de Barberá, Rocafort de Queralt, Montblanc, Pira, L’Espluga de Francolí et Sarral dans la région de la Conca de Barberá (même si les deux dernières sont l’oeuvre de Pere Doménech i Roura).

Au début du XXe siècle, des recherches ce centrèrent sur des plants résistants à l’insecte. La solution passait par l’utilisation de porte-greffes sélectionnés qui opposaient une résistance à cette épidémie. C’est au milieu du XXe siècle, au cours des années 1950, que la vigne fut replantée afin d’obtenir à nouveau un vin de qualité. Ainsi, presque toute la vieille vigne du Priorat est greffée avec le Rupestris du Lot (premiers plants utilisés comme porte-greffes qui s'adaptent très bien au type de sol de la région et à ses cépages). Le Rupestris du Lot développe un système radiculaire profond et présente une bonne résistance à la sécheresse, ce qui donne de bons résultats dans les sols d’ardoise rocailleux et secs. En greffant directement le grenache et le carignan sur ce pied américain, il fut plus facile de récupérer le vignoble de la région du Priorat.

II- Évolution et réglementation du secteur vitivinicole.

La réglementation du secteur viticole commence en 1924 avec la création de l’OIV (Office International de la Vigne et du Vin). Plus tard, en 1935, on definit pour la première fois les AOC, Appellation d’Origine Contrôlée pour la France et, en 1932, les DO, Denominación de Origen pour l’Espagne. Ainsi le cycle de réunions du GATT– acronyme de General Agreement on Tariffs and Trade (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) commence immédiatement. Le GATT est un accord multilatéral créé pendant la Conférence de La Havane en 1947 et signé en 1948, étant donné le besoin d’établir un ensemble de règles commerciales et de concessions de tarifs douaniers. Considéré comme le précurseur de l’Organisation Mondiale du Commerce, il faisait partie du plan de réglementation de l’économie mondiale après la Deuxième Guerre mondiale et incluait la réduction de tarifs douaniers et d’autres barrières au commerce. En 1957, on crée la CEE avec le Traité de Rome et le vin entre dans la catégorie des produits agricoles.

Pendant les années 60, une des périodes les plus importantes du secteur vitivinicole, les AOC et DO sont créées afin de garantir la qualité du vin. On établit des réglementations et des contrôles pour protéger et garantir la qualité des produits, on introduit des améliorations dans les techniques viticoles, on fait des recherches pour introduire de nouveaux cépages pour la vinification (adaptation principalement de variétés de raisin de Bordeaux et d’Alsace), on installe une nouvelle infrastructure dans les bodegas, on perfectionne les procédés de production, etc. Ainsi, grâce à l’augmentation des ventes des vins en bouteille et de cava, on obtient un bon niveau économique. C’est à cette même période que l’apparition du tracteur permet d’améliorer les travaux viticoles, de gagner du temps, d’amortir la dureté du travail et d'obtenir un raisin de meilleure qualité.

Au niveau œnologique, les années 60 se sont caractérisées par l’arrivée de nouveaux investisseurs en Catalogne, la création de nouvelles bodegas et la restructuration de celles qui existaient déjà dans la région. Ainsi, Jean León et Miguel Torres introduisent de nouveaux cépages et commencent la commercialisation internationale des vins. Dans les années 70, la restructuration des bodegas est complétée. De plus, l’introduction de l’acier inoxydable et l’utilisation de résines epoxi ont été des facteurs fondamentaux qui ont permis de garantir l’hygiène et de préserver ainsi la qualité des vins produits. Dans les années 70, l’INDO est créé (Instituto Nacional de las Denominaciones de Origen, l’Institut national des Denominaciones de Origen). Les nouvelles technologies et l’industrialisation de la Catalogne du XIXe siècle arrivèrent également au Priorat, bien que plus modestement. L’exploitation minière du bassin du Siurana a laissé à Bellmunt del Priorat un des complexes miniers et métallurgiques les plus importants du pays.

Après la Seconde Guerre mondiale des changements dans la mécanisation de la culture de la vigne ont lieu en France, notamment après les intenses gelées de 1956. Dans les vignobles, les variétés communes sont remplacées par des variétés nobles. De plus, l’apparition du tracteur en 1956 permet de gagner du temps et d’améliorer le travail de la terre. Dans les années 70, les plants greffés les plus adéquats sont sélectionnés, ce qui contribue à la création de pépinières pour les viticulteurs. C’est également à cette époque que l’on essaie pour la première fois en France la machine à vendanger. Ce fait favorise dans la décennie suivante un système de conduite de la vigne en treille qui permet de mieux mécaniser la culture.

Dans la région du Priorat, les changements ont commencé à être importants dans les années 80 avec les nouvelles plantations de grenache et l’introduction du cépage français cabernet sauvignon. Ces nouveaux cépages, avec le carignan déjà existant, produisirent leurs premiers vins qui sortirent sur le marché en 1992. Jaume Ciurana, viticulteur de Falset et premier directeur de INCAVI (Institut catalan de la vigne et du vin), disait il y a vingt ans que la future réussite des vins du Priorat dépendait de trois facteurs: le changement de mentalité, l’apport de capitaux et l’introduction de nouvelles techniques de commercialisation pour s’adreser au consommateur actuel.

Les vignes du Priorat sont difficiles à exploiter, c’est pourquoi il a fallu se consacrer à la production de vins de qualité avec une valeur ajoutée qui compense leur élaboration d’un point de vue économique. On peut comparer cette région viticole du Priorat à celles du Rhin allemand, du Valais suisse ou de l’Alto Douro au Portugal où les conditions sont similaires. Le manque de moyens et, dans certains cas, de personnel spécialisé pour assurer la correcte élaboration du vin explique que, par le passé, les vins étaient corpulents, avec un degré alcoolique trop prédominant et des arômes réduits et phénoliques. À la fin des années 70, presque toute la production était vendue en vrac et De Muller, S.A. (le plus ancien embouteilleur du Priorat), les Bodegas Scala Dei S.A. et la Masía Barril à Bellmunt étaient les seules entreprises qui mettaient en bouteille.

Dans les années 90, le marketing des vins de la région est relancé et le Priorat est reconnu comme région. Ainsi, des gens célèbres s’installent dans la région pour produire des vins nouveaux, donnant ainsi un nouvel élan à la région. La diffusion et la commercialisation du vin du Priorat aux Etats-Unis, et le bon accueil de la critique internationale, accélèrent et consolident la réputation de ces vins dans le monde entier. L’auteur interprète Lluís Llach arrive à Porrera, où il a des liens familiaux, après les intempéries de 1994. Il sort un nouveau disque qui fait connaître Porrera, s’installe dans le village, récupère les vignes et se décide à élaborer des vins. Le succès impressionnant des vins du Priorat attire de grandes entreprises vitivinicoles du Penedés qui acquièrent des propriétés et s’y installent pendant les années 90: Torres, Codorniú, Pere Rovira, Castillo de Peralada et Pinord, entre autres. Il faut également ajouter un autre nom connu, celui de Joan Manuel Serrat qui, suivant les pas des premiers, s’est installé dernièrement dans la région pour y élaborer les premiers vins caractéristiques du Priorat.

III- La région viticole: La Denominación de Origen. Milieu physique, cépages et vins.

Comme nous l’avons déjà dit, le règlement de la DO Priorat et son Conseil régulateur ont été approuvés en 1954 et modifiés par la suite le 19 mai 1975. Avant la création de la DOCa, le vin du Priorat était vendu en grandes quantités dans d’autres régions espagnoles et à l’étranger où l’on élaborait des vins qui manquaient de degré alcoolique et de couleur, caractéristiques que possédaient largement les vins du Priorat.

Étant donné la revalorisation des vins du Priorat et leur très bonne acceptation sur les marchés internationaux, un autre défi est lancé en 1998, celui d’obtenir la DO Calificada, ainsi que sa reconnaissance. La DO calificada Rioja est la première reconnue en Espagne en 1991 et la seule qui existe dans le secteur à cette époque-là. Le Priorat obtient la catégorie de Denominación de Origen Calificada en 2000. La législation générale sur les réglementations auxquelles doivent s’ajuster les DO et DOCa et leurs Conseils Régulateurs se trouve dans le Estatuto del Vino, de la Viña y los Alcoholes (Loi du Vin, de la Vigne et des Alcools) de 1970 et dans ses rectifications et modifications ultérieures (décret 835/72; décret 1129/85; décret 1195/85; décret 157/88 et décret 799/89, et dans les dernières réglementations présentes dans La ley del vino (La Loi du Vin en 2003).

Las cépages typiques de la région sont le grenache noir, le grenache poilu et le carignan, ainsi que ceux d’origine étrangère comme le cabernet sauvignon (le plus répandu), le merlot et la syrah récemment autorisés. Les cépages blancs locaux les plus répandus sont le grenache blanc, et le macabeo, alors que le pedro ximénez ne représente qu’un faible pourcentage, de même que le chenin d’origine française récemment introduit. La production autorisée est de 6 000 kg/ha, alors que les densités de plantations n’excèdent pas 6 500 plants/ha et 8 000 kg/ha pour des densités supérieures. Le rendement du vin par rapport à la vendange ne peut excéder 70%. L’élevage des vins blancs et rouges se fait en un an dans des fûts de chêne. Dans le cas des vins rouges, elle se fait sur deux ans: au moins une année dans des fûts et le reste en bouteille.

Les vins qui sont élaborés dans la DOCa (DOQ, Denominació d’Origen Qualificada, en catalan) doivent atteindre un degré alcoolique déterminé en fonction des différents types: Blancs et Rosés: degré minimum de 13%. Rouges: degré minimum de 13,5% et Vins de liqueur: les mistelles, degré minimum de 14,5%; les vins doux et semi-doux avec un degré minimum de 15% volume; les rancios, avec un degré minimum de 14,5% volume.

Cadre physique de la région du Priorat.

La région du Priorat s’étend le long du Siurana et de ses affluents, le Montsant et le Cortiella. Elle est limitée et séparée de Baix Camp par la montagne de Prades et la Serra de Llabería au nord. La Sierra de Llena constitue une limite naturelle avec les Garrigues et s’ouvre sur la Ribera d’Èbre au sud-ouest.

Le nouveau millénaire a provoqué des changements radicaux dans la région. D’une part, la DOCa Priorat est proclamée à la fin de l’année 2000 dans le territoire du Priorat géologique. D’autre part, une nouvelle DO est créée en 2001 qui englobe le reste des communes de la région géographique du Priorat, le Bajo Priorat, qui reçoit le nom de DO Montsant. Des critères historiques, administratifs et ecclésiastiques ont permis de grouper les villages de la région en quatre zones qui incluent deux Denominaciones de Origen élaboratrices de vins. Premièrement le Priorat historique ou géologique qui correspond à la DOCa, productrice de vins reconnus et protégés par une Denominación Calificada, qui représente 28,46% de la superficie de la région. Deuxièment le Bajo Priorat, qui entoure le Priorat historique à l’est, au sud et à l’ouest, et qui correspond actuellement à la DO productrice de vins du Montsant où l’on distingue encore trois zones: La sous-zone proche de Falset qui représente 32,40% de la superficie totale; les communes situées aux environs de la Sierra de Montsant, et celles orientées vers l’Èbre, qui appartiennent à l’ancienne baronnerie de Cabassers où l’on préfère cultiver l’olivier et l’amandier, et qui représentent 15,54% de la région; et, du côté opposé, les villages qui se situent entre les montagnes de Prades et la Sierra du Montsant, la zone de Cornudella-Ulldemolins, qui complètent le reste de la superficie, c’est-à-dire 23,60%. La culture de la vigne alterne avec celle des oliviers et des amandiers.

Figure 3. Carte de la région du Priorat

Figure 3. Carte de la région du Priorat

La région qui a constitué la puissance historique de la Cartuja de Scala Dei comprend les communes de Bellmunt del Priorat, Gratallops, La Morera del Montsant, Poboleda, Porrera, Torroja del Priorat et la Vilella Alta. Le territoire du Priorat est resté vivant dans la mémoire populaire grâce au vin obtenu des vignes de ses terres. De nos jours, le Priorat historique correspond à la région de Denominación de Origen Priorat, qui est également connue comme Priorat géologique, car les sols appelés “llicorella” (schistes), formés d’ardoises plus ou moins métamorphosées, donnent des caractéristiques distinctives aux vins de ces communes. Vilella Baixa, Lloà et une partie de Falset et El Molar, où l’on trouve des terrains d’ardoises, font également partie de cette région.

Cependant, le nom de la région géographique du Priorat s’applique à une superficie plus vaste, clairement délimitée par la grande fosse ouverte entre les formidables falaises calcaires de Tivissa, Colldejou, Llaveria et Montalt, d’une part, et les plateaux élevés des montagnes de Prades et Montsant, d’autre part. La région géographique correspond au Bajo Priorat: La Figuera, El Molar, El Masroig, Els Guiamets, Falset, Marçà, Capçanes, la Torre de Fontaubella et Pradell. En général, la plupart des sols sont formés de matériaux calcaires des ères tertiaire et quaternaire, excepté quelques zones du Molar et de Falset où les sols en ardoise de “llicorera” constituent la typicité de la DOCa Priorat et les sols de Falset où le batholite granitique affleure. D’après la classification de l’INDO (Institut National des Denominaciones de Origen), ces communes faisaient partie de la sous-zone de Falset de la DO de Tarragone jusqu’en 2000. Il faut ajouter à la région géographique du Priorat les communes situées sur l’autre versant du Montsant (Cabassers, La Bisbal de Falset et Margalef) et la région de Cornudella-Ulldemolins (Arbolí, Cornudella et Ulldemolins), qui appartiennent actuellement à la DO Montsant.

Cépages traditionnels et cépages récemment introduits.

Les cépages locaux de la région sont par excellence les cépages rouges grenache et carignan. Apprécié pour sa délicatesse et sa haute concentration en sucres, le grenache était dans le passé plus important que le carignan. Le Priorat était connu depuis la deuxième moitié du XIXe siècle pour son élaboration de vins rouges à partir de grenache noir, grenache poilu et carignan, alors que les cépages blancs représentaient un faible pourcentage du total (avec une majorité de grenache blanc et l’existence de ceps symboliques de macabeo, escanyavella, picapoll blanc et pedro ximénez, entre autres).

Il existait un important marché à l’exportation pour les vins rouges puissants, au degré alcoolique élevé, âpres et d’une couleur rouge très foncée. Les deux cépages de base des vins du Priorat se complètent parfaitement, car le grenache apporte l’arôme et le degré, alors que le carignan contribue au corps du vin avec un contenu élevé de polyphénols et donne l’acidité qui manque au premier. La crise du secteur agricole, le dépeuplement et les difficultés pour cultiver ont entraîné un changement dans les cépages: on utilise davantage le carignan rouge et le macabeo blanc pour leur plus grande productivité. En 1975 le pourcentage de carignan atteint 54,27% et le grenache noir 39,78% du total des variétés, où les blancs représentent à peine plus de 5%.

Dans la reconversion récente du Priorat, on parie sur le grenache, le cépage qui avait été leader des vins de la région et on introduit la variété étrangère cabernet sauvignon. En 1995 le registre viticole indique les pourcentages suivants pour les variétés rouges: 3,5% de cabernet sauvignon, 40,2% de grenache et 56,3% de carignan.

Pendant les dix dernières années, plus de 800 ha de nouvelles vignes ont été plantés. Les plantations de grenache et de cabernet sauvignon augmentent et ces dernières années on commence à planter le merlot, originaire de Bordeaux et la syrah, très répandue dans la vallée du Rhône. Selon le registre du Conseil régulateur du Priorat, en 2000 la distribution des variétés de la récolte était de 90,36% en cépages rouges et de 9,64% en cépages blancs, soit 43% de carignan, 35% de grenache et 8% de cabernet sauvignon pour les rouges. Les plantations de cabernet sauvignon, syrah et merlot augmentent légèrement et le grenache est consolidé. En 2008, la proportion de grenache dans de nouvelles plantations et, dans une moindre mesure de cabernet sauvignon, provoquent un déplacement et une diminution du pourcentage de carignan qui n’est plus que de 25%, alors que le grenache se maintient à 37% et le cabernet à 14%.

Selon les données de 1975, après l’invasion du phylloxéra, le Rupestris du Lot est utilisé comme porte-greffe pour pratiquement toute la vieille vigne de grenache et de carignan (98%). Les nouvelles vignes ont été plantées presque exclusivement avec le Richter-110, les autres porte-greffes étant insignifiants. En 1995 environ un tiers des pourcentages correspond au R-110, alors que les deux tiers restants sont des pieds de Rupestris du Lot présents dans la vieille vigne.

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Figure 4. Évolution des pourcentages de cépages. Données du Cadastre vitivinicole de 1975, 2000 et 2008. Car= carignan; Gre= grenache; Cs= cabernet sauvignon; Me= merlot; Sy= syrah; n= autres variétés rouges; Bl= variétés blanches

Figure 4. Évolution des pourcentages de cépages. Données du Cadastre vitivinicole de 1975, 2000 et 2008. Car= carignan; Gre= grenache; Cs= cabernet sauvignon; Me= merlot; Sy= syrah; n= autres variétés rouges; Bl= variétés blanches

La distribution de la vigne par commune varie principalement selon les différentes superficies existantes. Porrera, puis Gratallops ont la plus grande superficie de vignes. Celle de Poboleda, Torroja, Bellmunt et la Morera del Montsant occupe un tiers de la superficie des vignes de Porrera et Gratallops. Les superficies les plus petites se trouvent à Las Vilellas (Alta et Baixa) et Lloà.

Le carignan et le grenache occupent des superficies similaires à Bellmunt, Poboleda et Falset, alors qu’à Porrera et Gratallops il y a deux fois plus de carignan que de grenache. À la Morera on ne trouve pas de carignan, alors qu’à Lloà, Torroja, Las Vilellas et El Molar, ce cépage est largement prédominant.

Terroir: Climat, sol et culture de la vigne.

Les faibles pluies et le sol d’ardoise peu fertile, caractéristiques de l’écosystème viticole du Priorat, limitent la vigueur des ceps et déterminent la typicité et la qualité de ses vins. Le climat, la nature, la composition du sol et le travail des vignes les marquent d’une empreinte inimitable, c'est pourquoi on les appelle vins de terroir.

Figure 5. Paysage caractéristique du Priorat

Figure 5. Paysage caractéristique du Priorat

Climat

Le Priorat jouit d’un climat méditerranéen tempéré, où les années sèches alternent avec les années où il pleut davantage. Cependant, les précipitations sont irrégulières tout au long de l’année et se concentrent principalement en automne, comme ce fut le cas des fortes précipitations de 1994 et d’octobre 2000. Cette année-là, en octobre, il est tombé plus de 300 mm en trois jours seulement. Lors de certaines années spécialement sèches, comme par exemple en 1980, les précipitations annuelles ont été de 300 mm environ. La période des possibles gelées dans le Priorat commence vers la fin du mois d’octobre et le risque existe jusqu’à mi-avril.

Les vents diminuent d’intensité quand ils arrivent au Priorat grâce à la barrière de protection que forment les collines. Cependant, il est important de signaler l’influence locale des vents. Dans les communes où souffle la garbinada qui vient de la mer, les températures diminuent en été (elle s’adoucissent), l’humidité relative augmente, l’évapotranspiration diminue et dans la plupart des cas, on constate un retard dans la maturation du raisin. La garbinada crée un effet de thermorégulation à Porrera et à Falset et arrive avec moins d’intensité à Gratallops et Torroja qui se trouvent plus à l’intérieur. Les communes de l’intérieur (Las Vilellas, Bellmunt et Lloà) ont les températures les plus élevées en été à cause de leur emplacement orographique. Parallèlement, les rares précipitations estivales sont moins importantes, voire absentes, à mesure que l’on va de Falset vers Gratallops et Les Vilellas. La bise est un vent froid et sec qui souffle du nord-ouest tout au long du Bassin de l’Ébre et qui arrive avec plus ou moins d’intensité dans tout le Priorat. À la Morera, qui se trouve à une plus grande altitude sous la corniche calcaire du Montsant, les températures s’adoucissent pendant la nuit. D’une année sur l’autre les paramètres climatiques varient légèrement en fonction du moment physiologique où se trouve la plante et l’effet de la variation peut avoir une influence décisive sur la qualité de la récolte. Selon le résultat du calcul de l’index de Winkler et Amerine, les régions bioclimatiques sont classées en 5 zones avec des valeurs de l’intégrale thermique qui varient de 1 371,8 degrés/jour dans la zone la plus tempérée à 2 204 degrés/jour dans la plus chaude. Quand il s’agit de classer le Priorat dans une zone climatique déterminée, les communes les plus chaudes et de moins d’altitude comme Las Vilellas, Lloà, Bellmunt et Gratallops correspondent à la zone III, alors que Porrera, la Morera de Montsant et Falset sont dans la zone II.

Sols

Dans la région du Priorat on distingue trois zones géologiques principales qui correspondent à trois zones de matériaux originaires différents:

a) L’aire « calcaire » située dans le Montalt et dans le Montsant, où les terrains formés par des matériaux de l’ère tertiaire sont des limons provenant de roches calcaires qui forment les montagnes. On les trouve sur les terrains de la Morera du Montsant et dans certaines parcelles du Molar. De plus, un grand nombre de terrains du Bajo Priorat font partie de ce groupe. Les sols sont plus profonds et en général on trouve un horizon pétrocalcique plus ou moins développé.

b) L’aire « d’ardoise », qui se trouve à Volella Baixa, Vilella Alta, Gratallops, Lloà, Torroja, Porrera et Poboleda. Ce sont des sols développés sur des micaschistes paleozoïques du carbonifère qui couvrent les collines arrondies du paysage du Priorat. Les strates d’ardoise décomposées alternent avec d’autres matériaux siliceux et parfois avec des ciments calcaires. Il s’agit des sols les plus communs dans la DOCa Priorat.

c) L’aire “granitique”, formée par un matériel très décomposé, vient du granit de l’époque précambrienne. Ce sont des sols sablonneux sur des terrains plus plats, situés dans la fenêtre tectonique qui occupe le territoire autour de Falset, dans le Bajo Priorat. On trouve certains de ces terrains à Bellmunt et en direction de Gratallops.

Les sols agricoles

D’un point de vue agronomique, les sols du Priorat sont rocailleux et sablonneux, peu fertiles, pauvres en matière organique et ont une faible capacité d’échange cationique, puisque l’abondance des gros éléments (pierres d’ardoise ou cailloux) diluent la proportion totale des éléments nutritifs du complexe colloïdal par rapport au volume du sol. Le caractère métamorphique des gros éléments facilite la cassure des ardoises en direction des couches de stratification, formant ainsi des pierres d’ardoise aplanies qui couvrent la superficie du sol. Sur les pentes des collines, ces ardoises aplanies font diminuer l’importance des phénomènes d’érosion qui seraient provoqués par leur inclinaison. En ce qui concerne l’érosion chimique, bien que considérable, elle n’a pas de répercussions importantes, car le dynamisme du sol qui implique un processus de désagrégation continue des ardoises, compense l’érosion physique et entraîne des particules inférieures à 0,2 mm, donnant ainsi un caractère apparemment stable aux sols d’ardoise du Priorat.

Dans la dénivellation d’une même propriété, sur les parties supérieures des pentes ou des escaliers, on peut observer des sols constitués de pierres de grande taille, alors que sur les côtes moins élevées ou sur les escaliers inférieurs d’une parcelle en pente, les sols sont constitués d’ardoises finement décomposées. Ceci est lié à l’érosion progressive qui fait que les particules les plus petites s’accumulent dans les strates inférieures, laissant à découvert les fragments les plus grands dans les parties supérieures.

Dans le Priorat, les sols de Llicorella sont des sols jeunes, peu mûrs, avec peu d’horizons. On les appelle Lithosols (lithos = pierre) ou, dans la classification américaine moderne, entisols, du sous-ordre orthents (xerorthents, sols de développement récent, secs). Les sols du sauló appartiennent au même groupe et sont connus sous le nom de régosols dans l’ancienne classification de la FAO. Ces deux types de sols sont formés à partir de la roche mère métamorphique par l’action des agents physiques qui décomposent progressivement les ardoises ou le granit. La nature silicique du sol et les propriétés chimiques qui les caractérisent sont étroitement liées à la roche mère.

Dans les dunes fossiles où la fertilité est plus élevée, on peut distinguer avant la couche mère un autre horizon B dans les sols profonds. Le profil est constitué de strates Ap, A2 et un B naissant. Ce sont des sols bruns calcaires sur un matériau consolidé. Les plus fréquents sont les sols jeunes avec des strates peu différentes qui, selon la classification américaine, appartiennent à l’ordre des inceptisols. Certains sols plus profonds et plus différenciés sont classés dans l’ordre des alfisols et sont normalement plus abondants dans la DO Montsant. Dans la DOCa Priorat on les trouve seulement dans les parties basses de la Sierra du Montsant, à la Morera.

La culture de la vigne

Dans le paysage du Priorat, les plantations les plus anciennes sont situées sur les pentes des collines d’ardoise alors que les plus jeunes se trouvent sur des terrasses. Sur les pentes prononcées, les escaliers sont étroits, alors que sur les terrasses fluviales ou sur les parties inférieures des versants, où la pente est moins importante, les escaliers sont plus larges.

Vieilles vignes

On reconnaît les plantations les plus anciennes de carignan et de grenache situées sur les pentes de llicorella grâce à la faible vigueur du plant qui a plus de 60-70 ans. Dans le cas où la longueur de la ligne du versant et/ou la pente ne sont pas excessivement importantes, les ceps poussent selon l'inclinaison de celle-ci comme de petits arbustes. La perte de matériau à cause de l’érosion oblige à entasser dans la terre et parfois en remettre dans les parties supérieures. Sur les pentes les plus accentuées, les vignes se trouvent alignées sur différentes marges, peu élevées et souvent discontinues, avec une orientation qui suit les courbes de niveau, ce qui permet de garder la hauteur du terrain. Ces terrasses étroites ont une longueur et un nombre de rangs différents, elles sont souvent bifurquées et alternent avec des zones où la pente est plus importante et où les vignes poussent de façon inclinée comme sur une petite côte.

Les espaces de plantation sont étroits et la densité varie entre 4 000 et 6 500 plants/ ha. La qualité des vieilles vignes, qui sont des ceps peu vigoureux et peu productifs (souvent moins de 500 g par cep), donnent un raisin plus concentré de grande qualité. Le prix du raisin de ces vignes a considérablement augmenté, ce qui a poussé les viticulteurs de la région à les récupérer, en les taillant en gobelet et en essayant de conserver les pentes de l’érosion pour faciliter le travail du sol. En général, les limites de plantation dans les pentes est de 1,5 mètres sur 1 mètre, parfois moins. Les plus étroites sont difficiles à cultiver avec des machines, c’est pourquoi on a recours à des animaux, comme autrefois.

Figure 6. Culture de vieux ceps en pente. Sol d’ardoise

Figure 6. Culture de vieux ceps en pente. Sol d’ardoise

Les vieilles vignes poussent librement, la taille est courte et les ceps ont un tronc très court avec 2 ou 3 branches (4 ou 5 quand le cep est vigoureux) qui ont à leur tour un ou deux coursons. Il est fréquent de voir soit des vignes avec des branches assez tordues qui ressemblent à un candélabre soit des vignes où les branches poussent au ras du sol puisque le tronc est pratiquement inexistant. En général, les productions varient de 1 000 à 2 000 kg/ha, atteignant 3 000 kg/ha dans les cas les plus favorables.

Vigne jeune

Les nouvelles plantations impliquent un changement dans le paysage du Priorat. Les pentes, qui auparavant étaient nues, sont à présent des terrasses qui forment de longues marches le long des versants. Chaque escalier ou terrasse est planté avec deux rangs de ceps en treille. Une certaine expérience est nécessaire pour préparer le terrain et en tirer le meilleur parti. Il faut également respecter l’inclinaison et la sortie des eaux, prendre en compte l’espace pour tourner au bout des parcelles, la largeur de l’escalier pour manœuvrer (une partie extérieure proche du talus et une autre à l’intérieur) et veiller à ce que la hauteur du talus ne soit pas excessive. Le passage d’une chenille facilite la culture entre les rangs. D’autres plantations se trouvent sur des terrasses fluviales près des ravins où les pentes sont plus douces, ce qui permet la construction d’escaliers plus larges avec plusieurs rangs de ceps par escalier. Leur culture, réalisée à l’aide de petits tracteurs qui se déplacent entre les rangs des terrasses, est facilitée par le treillage qui permet l’alignement de la végétation.

Le système de conduite en espalier redresse le cep et les sarments sur les fils de fer sont disposés à différentes hauteurs. La taille en cordon bilatéral est une structure de cep en forme de T, avec un tronc et deux branches fixes sur lesquelles on trouve 3 ou 4 têtes en fonction de la distance entre les ceps. Il s'agit de la plus adéquate pour les variétés implantées car elle permet une bonne distribution des raisins sur le pied, facilitant ainsi leur correcte maturation. Grâce à la taille en sec d’hiver puis à la taille en vert d’été, on peut contrôler la production et construire un couvert végétal avec une ouverture suffisante pour que les rayons du soleil pénètrent et fassent mûrir le raisin, ce qui permet d’obtenir également la ventilation nécessaire pour éviter le développement de maladies fongiques.

Image

Le treillage facilite la mécanisation, permet une augmentation de la production et, en général, augmente le degré probable. Cependant, ceci n’affecte pas la qualité si les ceps maintiennent une vigueur limitée et un nombre de raisins proportionnel dans la végétation qui doit les nourrir, ce qui permet d’atteindre toujours les rendements par hectare recommandés dans la région. Les productions varient de 3 500 à 6 500 kg/ha selon le cépage, la fertilité du sol, la densité de plantation et la sécheresse de chaque année. Par exemple, le cépage cabernet sauvignon est moins productif que le grenache, la syrah ou le merlot.

La coulure du fruit peut également expliquer la diminution de la production. Le grenache est un cépage sensible qui donne des rendements moins importants en fonction de la climatologie de l’année et de la coulure du fruit. Il en est de même pour les vieilles vignes de grenache et de carignan: dans les années de forte chaleur ou de précipitations pendant la fleur, la coulure du fruit est plus ou moins accusée, ce qui a des répercussions sur le rendement, comme au printemps 2001. Les vignes qui se trouvent sur des sols plus profonds où les densités sont plus élevées permettent une augmentation des rendements par hectare.

Les densités par hectare sont différentes sur les côtes où le terrain est mieux utilisé et sur les terrasses étroites où il y a deux rangs. Dans les escaliers étroits, l’écartement entre les rangs de vigne est de 2 à 2,5 m, alors qu’il est de 0,90 m à 1,20 m entre les ceps. Le choix des écartements dépend du passage du tracteur ou de la chenille entre les rangs. Sur d’autres escaliers beaucoup plus larges avec plusieurs rangs de vignes, espacements de plantation varient beaucoup: les écartements entre les rangs varient de 2,5 m à 2,8 m, et de 0,90 à 1,5 entre les ceps. La densité oscille entre 2 500 à 5 000 ceps/ha, selon les cas. Les maladies sont moins importantes que dans d’autres régions viticoles grâce à la bonne climatologie de la région; c’est pourquoi l’ensemble des traitements qui s’appliquent à la culture sont normalement respectueux de l’environnemment.

Influence du microclimat sur la vendange: L’altitude et l’orientation des parcelles.

En général, le sol est moins profond dans la partie supérieure où poussent les plants les plus petits, dont la production correspond à la moitié ou à un tiers des plants qui poussent dans la partie inférieure. Pour la maturation, on observe des différences importantes: les vignes moins vigoureuses dépassent les autres de plus d’un degré en alcool, alors que l’acidité, à l’inverse, est inférieure de 1g/litre. Ainsi, pour pouvoir atteindre la maturité optimum du raisin, on vendange les vignes en pente en deux ou trois fois en fonction du moment où chaque secteur atteint l’équilibre souhaité.

La différence d’altitude dans une propriété, la distribution en terrasses et l’orientation de la pente permettent d’implanter des cépages, en tenant compte du moment de leur maturation. Les cépages à maturation tardive comme le carignan et le cabernet sauvignon s’adaptent mieux dans les terrains les plus bas et dans les parcelles les plus ensoleillées. Le grenache et la syrah ont besoin d’une intégrale thermique moins importante et de moins d’heures de soleil pour mûrir correctement. En ce qui concerne les terrains, le grenache est très résistant à la sécheresse, alors que la syrah a besoin de sols plus frais. Le merlot s’adapte seulement s’il se trouve sur des versants moins ensoleillés où la maturation a lieu de façon progressive, c’est-à-dire sans subir l’accélération qui a lieu dans les zones ensoleillées (position orographique peu fréquente dans les collines du Priorat). Les différentes situations-orientations des propriétés dans le Priorat et l’effet du mésoclimat permettent de déterminer les différences dans les dates de vendanges.

Vendange

Les premières vendanges ont lieu à Las Vilellas où le climat plus chaud accélère la maturation, alors qu’à Porrera le raisin est récolté deux ou trois semaines plus tard, car l’effet de la garbinada adoucit les températures et retarde la maturation. À Gratallops, Torroja et Lloà la vendange a lieu après celle de La Vilella et avant celles d’autres communes du Priorat qui se trouvent à une plus grande altitude et où le réchauffement de l’atmosphère est moins important. À Pobolela, qui a un microclimat plus tiède et à La Morera del Montsant-Scala Dei qui subit l’influence de l’altitude, les températures ne sont pas aussi extrêmes et les dates de la vendange sont plus tardives. À la Morera del Montsant, située à une plus grande altitude, on enregistre une intégrale thermique plus basse et, par conséquent, la maturation se prolonge normalement jusqu’à la fin du mois d’octobre. La vendange commence dans les zones et les parcelles les plus chaudes pendant la deuxième semaine du mois de septembre. La syrah et le merlot, les premiers à mûrir, sont suivis du grenache et, pour finir, du cabernet sauvignon et du carignan. La maturation des variétés blanches a lieu environ une semaine avant celle des rouges. Les années les plus sèches et chaudes peuvent provoquer un avancement de la récolte d’une semaine, comme cela est arrivé, par exemple, en 2000 et 2001.

La surmaturation est due à la sécheresse qui provoque alors le passerillage de certains grains de raisin. C’est un phénomène que l’on observe presque toujours dans les vieilles vignes qui sont moins vigoureuses et qui se caractérisent par un déficit hydrique. En effet, on doit au fort stress hydrique, aux températures élevées et à la faible humidité, la surmaturation dont souffrent les vignes qui poussent dans les sols sans réserve hydrique. Les raisins qui commencent à passeriller sont idéaux pour l’élaboration de mistelles et de vins doux, caractéristiques de la région dans le passé. Il faut souligner que la localisation et l’orographie des parcelles sont des facteurs qui influencent beaucoup la maturation du raisin, étant donné la grande variation des effets combinés de la hauteur, de l’orientation, des vents et des types de sols. A cause de cet effet microclimatique si marqué, l’ordre des cépages à vendanger varie souvent en fonction des communes et entre les différentes.

Dans les vieilles vignes on peut voir la différence entre les cépages: le grenache est plus précoce et atteint un degré probable plus élevé que le carignan et une aciditié plus basse. Cependant, si l’on compare le carignan d’une vieille vigne au grenache dans certaines récoltes, l’acidité diminue et atteint des niveaux semblables au grenache. Lors d’années sèches comme en 2000, le processus de maturation s’accélère et l’on obtient des degrés d’alcool plus élevés et une acidité plus basse.

Composition du raisin et typicité des vins.

Dans le Priorat, l’écosystème viticole permet d’accumuler des niveaux élevés en sucre dans le raisin. En revanche, contrairement à d’autres régions viticoles, les valeurs en acides sont moins importantes et contiennent normalement peu d’acide malique. En ce qui concerne les composés phénoliques, des concentrations assez élevées d’anthocyanes dans les peaux des cépages rouges ont été trouvées. Les arômes se trouvent dans la peau et leur concentration augmente avec la maturation du raisin mais ils diminuent les étés chauds et secs, où les températures sont élevées.

Les cépages aromatiques et les cépages plus neutres peuvent donner des vins très typiques grâce au terroir. Dans les vins du Priorat le sol imprime une typicité, un arôme qui a été défini comme minéral (il rappelle un métal ferreux, la pierre associée à la Llicorella). La maturité du raisin est déterminante pour obtenir une bonne qualité de tanins, et ce pour n’importe quel cépage. Pendant les processus d’élevage, l’âpreté des tanins s’affine et le mélange des cépages enrichit la composante tanique et la complexité du vin.

Développement durable du territoire et paysage.

Le Parc Naturel de la Sierra du Montsant, un des espaces naturels les plus importants des régions méridionales de la Catalogne et en particulier du Priorat, accueille sans aucun doute une des faunes les plus riches de la région. Son orographie complexe permet la présence d’une grande diversité d’espèces très intéressantes, non seulement pour leur abondance mais également parce que ce sont des animaux endémiques ou très rares dans la faune catalane. Le Parc Naturel du Montsant (9 192 hectares) est le troisième plus grand de la province de Tarragone et il comprend les communes de La Morera de Montsant, Cabacés. Ulldemolins, Cornudela de Montsant, la Vilella Alta, Vilella Baixa, Bisbal de Falset, Margalef et La Figuera, qui appartiennent toutes à la région du Priorat.

La culture agricole de la zone, et notamment la vigne qui est la culture majoritaire, n’a pas nui à cet écosystème si apprécié. Ainsi, il existe des vieilles vignes qui ont persisté jusqu’à présent et qui constituent un patrimoine devant être conservé dans la mesure du possible. Cependant, si l’on excepte les cas où les finalités sont très spécifiques, la viabilité économique des nouvelles plantations n’est plus possible avec les techniques traditionnelles. La compétition croissante, associée a la globalisation des marchés du vin et les conditions naturelles peu favorables à la mécanisation de la culture, obligent la viticulture du Priorat à introduire des changements dans la manière d’exploiter la vigne et à améliorer sa stratégie productive et commerciale.

La viticulture de la zone viticole du Priorat se caractérise par les fortes pentes naturelles de chacun de ses villages. Les vieilles vignes, qui existent toujours, constituent un patrimoine qui doit être conservé dans la mesure du posible. Par conséquent, la prospérité et la stabilité économiques de la vigne du Priorat ne peuvent être atteintes aux dépens de l’environnement. Parallèlement au goût pour les bons vins, la sensibilisation de la société à la protection de l’environnement a augmenté.

En particulier, les paysages du Priorat apportent des valeurs naturelles, esthétiques, sociales et économiques qu’il faut préserver. Une des principales techniques utilisées au Priorat pour augmenter la productivité de ses vignobles est la formation de terrasses qui rendent la mécanisation de la culture possible, tout en essayant d’éviter que le paysage soit arbitrairement modifié. Ceci serait intolérable d’un point de vue environnemental et, dans les zones spécialement sensibles, pourrait éventuellement mettre en péril la continuité de l’activité vitivinicole.

Figure 8. Création de terrasses pour la culture de la vigne en espalier

Figure 8. Création de terrasses pour la culture de la vigne en espalier

Le territoire de la région est vivant et permet que le travail soit productif à condition de le faire harmonieusement sans appauvrir ses paysages les plus emblématiques. L’abandon des vignes et la perte du paysage en mosaïque a été aussi néfaste que serait la prolifération de vignes grossièrement terrassées, qui monopoliseraient le territoire à cause de leur faible productivité. Le paysage est également accessible, ouvert, et favorise le contact entre la viticulture et la société, et ce toujours de façon compatible.

D’après une étude réalisée à Porrera (Cots et al., 1999), les chiffres suivants sont représentatifs de l’évolution de tout le Priorat. Le territoire municipale de Porreras s’étend sur 2896 hectares, c'est-à-dire 16,5% de la Denominación de Origen Priorat. La pente moyenne de la commune est de 46% et son altitude se situe principalement entre 200 et 600 m au-dessus du niveau de la mer. Entre 1986 et 2003, 60% de la vigne traditionnelle à Porrera a été abandonnée, passant de 256 ha en 1986 à 107 ha en 2003. Dans la même période, la vigne en terrasses est passée de 20 ha à 291 ha, ce qui représente une augmentation de 1 450%. Plus récemment, entre 1998 et 2003, la vigne traditionnelle a augmenté seulement de 12% (elle est passée de 95 ha à 107 ha), alors que la vigne en terrasses a augmenté de 260%, passant de 111 ha en 1998 à 291 ha en 2003. Cette forte augmentation de la vigne en terrasses a continué pendant les quatre années suivantes. Dans l’ensemble, la vigne à Porrera a augmenté de 44% entre 1986 et 2003 et de 93% entre 1998 et 2003.

Certains avantages écologiques envisagés pour la conservation du paysage sont les suivants: la conservation du sol et de sa fertilité, l’intégration harmonieuse des terrasses, tout en minimisant les écoulements et les lixiviats et en réduisant les contaminants pendant l’application de produits phytosanitaires, une plus grande et meilleure production de raisin avec moins de facteurs de production dans le sol (eau, fertilisants, plaguicides).

En conséquence, la symbiose entre le paysage et la culture du vin sont en train de donner lieu à un nouveau secteur touristique, le tourisme œnologique qui dans des régions viticoles comme le Priorat pourrait devenir aussi important que la viticulture et que l’activité des bodegas d’un point de vue économique.

Exportation et commercialisation

La commercialisation et l’évolution des marchés intérieur et extérieur ont été sans aucun doute des éléments d’étude. Jusqu’en 1990, le vin en bouteille ne dépassait pas 10%. En 1997, il atteint plus de 50% et en 2000, avec l’obtention de la DOCa, il atteint 100%. La superficie cultivée passe de 700 à 1 340 ha et les pieds de vieilles vignes, abandonnés et cultivés en pente, sont récupérés. La production totale destinée à l’exportation est passée de 54 728 litres en 1990 à 332 700 litres en 2000. Cette même année, la production totale a dépassé 1,8 millions de litres, dont un tiers est destiné au commerce extérieur et deux tiers au marché intérieur. Les principaux pays importateurs sont les USA (30%), l’Allemagne (11,75%) et le Royaume-Uni (7,96%). Le volume de la vendange a été multiplié par deux dans les dix dernières années. Elle est passée de 2 501 343 kg en 2001 à 4 968 492 kg en 2009.

En 2000 les données économiques montrent que le vin de DOCa Priorat était exporté surtout vers trois pays: l’Allemagne, les Etats-Unis et la Suisse (1 604 hl, 892 hl et 522 hl respectivement). Cette année-là, 1 513,01 hl de vin rouge en bouteille DOCa Priorat ont été exportés vers l’Europe et 1 751,8 hl vers le reste du monde, ce qui représente 97,74% des hectolitres exportés pendant la campagne 2000-2001. Ainsi, le vin rouge en bouteille DOCa Priorat, mondialement reconnu, a été le plus vendu dans le monde par rapport aux vins blancs, rosés ou liqueurs de cette même DOCa Priorat.

En 2004, 56,3% des ventes ont été destinées au marché national et 43,7% aux exportations. Dans les dernières années on constate que les ventes sur le marché international ont tendance à augmenter. Les principaux pays importateurs ont été: les USA, la Suisse, l’Allemagne et la France, suivi de la Belgique, du Royaume-Uni, du Danemark et du Japon. Cependant, on a exporté vers 42 pays au total.

Si nous comparons les six premiers mois des années 2008 et 2009, dans le contexte vitivinicole espagnol global, les exportations de vin ont diminué de 15%, soit 791,7 millions d’euros, alors qu’en volume, le recul accumulé jusqu’en juin a été de 16% (703 millions de litres), selon les données de l’Observatoire Espagnol du Marché du Vin (OEMV).

La commercialisation extérieure du vin pendant le mois de juin 2008 a augmenté de 0,4% en valeur, soit 142,3 millions d’euros, alors qu’en volume, la quantité exportée en litres a augmenté de 5,6%, soit 133,5 millions. En revanche, le prix moyen des exportations a augmenté de 1% (1,13 € par litre) alors que, par type de produit, toutes les catégories ont chuté, sauf le vin de liqueur qui a augmenté de 6% en valeur et de 7% en volume, et le vin aromatisé, qui a augmenté de 2% en valeur et 7% en volume. Parmi les diminutions les plus importantes, la perte des ventes en vrac de vins de table (28% de moins en valeur et 23% de moins en volume) et celle des vins avec Denominación de Origen (12% de moins en valeur et 15% de moins en volume) est évidente.

En ce qui concerne les marchés, les principales destinations où la vente des vins en vrac continue de baisser sont la France et l’Allemagne, ce qui est également le cas de la Russie. Les exportations vers d’autres pays ont également chuté, comme dans le cas du Royaume-Uni ou des USA, alors que les ventes en Belgique (+28% en valeur et +34% en volume), au Portugal et au Japon ont augmenté.

Pour l’Observatoire, les chiffres qui correspondent aux exportations espagnoles de vin pendant le premier semestre 2009 “sont négatifs, même si la croissance du mois de juin montre une tendance à la reprise des ventes extérieures”, que le OEMV souhaite voir se maintenir dans les prochains mois.

Figure 9. Évolution de la production de raisin, vin et hectares dans les vingt dernières années.

Figure 9. Évolution de la production de raisin, vin et hectares dans les vingt dernières années.

Dans ce graphique, en ce qui concerne les hectares plantés, nous pouvons voir les différentes évolutions de la production en fonction de la période de l’année. Ainsi, entre 1975 et la récolte de 2000-2001 la croissance a été constante, alors qu’à partir de 2001 et jusqu’en 2005, l’augmentation de la production a été beaucoup plus importante, même si le nombre d’hectares plantés est plus ou moins constant. C’est à partir de 2005 que le nombre d’hectares ne varie pratiquement plus mais la production augmente beaucoup plus par rapport à la période antérieure. Les nouvelles plantations sont plus homogènes et la production augmente et se régularise.

Pour conclure, dernièrement, la reconnaissance mondiale des vins du Priorat a favorisé leur exportation et leur commercialisation, même si récemment la situation financière mondiale a modifié cette tendance. Malgré tout, les vins du Priorat conservent une importance considérable sur le marché mondial des vins de qualité, et la tendance est à l’amélioration constante de cette qualité, puisque que les nouveaux vignobles s’adaptent à la région, tout comme les vins s’adaptent de plus en plus aux goûts du consommateur, en respectant toujours le terroir et le caractère d’une région unique au monde.

Bibliographie

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Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Montse Nadal et Antoni Sánchez-Ortiz, « Terres de vin : Le Priorat », Territoires du vin [En ligne], 3 | 2011, publié le 01 janvier 2011 et consulté le 28 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1412

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