Texte

« Un domestique, ce n’est pas un être normal, un être social… C’est quelqu’un de disparate, fabriqué de pièces et de morceaux qui ne peuvent s’ajuster l’un dans l’autre, se juxtaposer l’un à l’autre… C’est quelque chose de pire : un monstrueux hybride humain… » (Mirbeau, 203)

Domestiques et serviteurs, valets, soubrettes et bonnes, cuisinières ou gouvernantes, ces personnages, souvent relégués à l’arrière-plan, sont omniprésents dans les œuvres littéraires, picturales, cinématographiques ou musicales. Pourtant, ces personnages tout aussi divers que complexes n’ont que trop peu été étudiés. La répétition même du motif du serviteur, qui, à y regarder de plus près, hante les productions artistiques, devrait pourtant nous inviter à examiner plus scrupuleusement les enjeux de ces représentations.

Dans le domaine anglo-saxon, les serviteurs ont fait l’objet d’études ponctuelles (Marshall, Hecht, Hill), qui ont peut-être incité Alison Light à exhumer des nombreuses archives documentant la vie de Virginia Woolf les traces de la vie des serviteurs de la maison. Mrs Woolf and the Servants : The Hidden Heart of Domestic Service nous conduit derrière la scène littéraire, dans les coulisses, pour y rencontrer des gens de l’ombre. C’est ainsi souvent à un travail de désenfouissement qu’il faut se livrer pour étudier la vie et les représentations des domestiques.

Dans le champ des études culturelles anglo-saxonnes, l’importance prise dans le champ des études culturelles par la culture populaire et les productions télévisuelles a encouragé les chercheurs à considérer le personnage du serviteur abondamment présent dans ces domaines en raison de sa dimension comique. En effet, de nombreuses séries télévisées, genre qui fait désormais l’objet d’un intérêt soutenu, mettent en scène des domestiques : Upstairs, Downstairs série diffusée en Grande-Bretagne de 1971 à 1975 puis reprise en 2012 ; You Rang my Lord ? (série comique aux accents nostalgiques diffusée en 1988 puis 1993) ; Who’s the Boss (sitcom américaine diffusée aux Etats-Unis de 1984 à 1982 puis en France) ; Downtown Abbey (série créée par Julian Fellowes et diffusée de 2010 à 2015). La BBC a conçu deux séries de documentaires historiques sur les domestiques (Servants: The True Story of Life Below Stairs, présenté par l’historienne Pamela Cox et Maid in Britain) laissant transparaître que réalité et imaginaire ne coïncident pas toujours.

Loin de témoigner uniquement de réalités sociales observables, les œuvres placent le serviteur dans un horizon mêlant réalisme et imaginaire. C’est que, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, le serviteur cristallise des hantises parfois érigées en fantasmes par le théâtre, le roman, le cinéma, l’opéra ou la peinture. Si serviteur est à la fois une condition dont on peut étudier la pénibilité, un métier régi par des codes et appris dans des manuels, et un statut social, c’est l’interaction avec les maîtres et l’inscription des relations de pouvoir complexes dans les corps qui révèlent au mieux toutes les ambiguïtés des situations. Dans les arts narratifs, le serviteur est au cœur d’un dispositif qui met les schémas sociaux à l’épreuve des singularités individuelles et de l’intimité des corps.

Motif littéraire, artistique et cinématographique, la figure du serviteur se décline sous maintes formes : de la bonne naïve que peut incarner Félicité dans Un Cœur simple de Balzac, aux diaboliques usurpatrices que Genet imagine dans Les Bonnes, du valet dévoué et protecteur mis en scène par Cervantès au majordome vampirique de Pinter dans The Servant, brillamment adapté au cinéma par Joseph Losey, les situations les plus diverses sont explorées. Mais qu’il soit faire-valoir ou double maléfique, le serviteur fait corps avec son maître.

Dans les arts visuels, le portrait de la servante – plus rarement du serviteur – est indissociable de la scène domestique ou de genre, c’est-à-dire des genres mineurs. Dans son introduction à Below Stairs, 400 years of servants’ portraits, Giles Waterfield note que le portrait de serviteur est une anomalie (dans la mesure où le portrait de commande excluait de fait les serviteurs peu argentés), ce qui explique le peu d’étude sur ce thème iconographique pourtant répandu1. Certains portraits, à l’exemple de celui que Hogarth peignit de ses serviteurs témoignent d’une affection mutuelle entre maître et serviteurs. Dans sa notice, Mark Hallett note néanmoins une ambiguïté intéressante : « Ces six personnes, qui semblent attendre les instructions de leur maître ou de leur maîtresse, expriment toute la modestie qui convient à leur rang et, par le peu d’espace qui les sépare, elles restent confinées dans un rôle subalterne » (Hallett et Riding 222). L’intérêt porté aux serviteurs comme l’attachement résultant en partie de la proximité physique entre maître et domestique, n’est pas synonyme d’un affranchissement radical des hiérarchies. Dans certaines demeures, les portraits des serviteurs appelés loyalty portraits décoraient les couloirs des étages leur étant réservés, ce qui laisse supposer une estime mutuelle. Dans la peinture de genre ainsi que dans des gravures populaires, la représentation des domestiques est associée à la grivoiserie. Caricaturales parfois, ces scènes comiques donnent à voir des corps trop maigres ou trop grassouillets, des gens mal accoutrés ne sachant se tenir. Le costume, élément essentiel à l’identification du domestique, est un sujet d’étude pour les peintres et l’intérêt porté à la vêture se nourrit de l’ethnologie qui influence les arts visuels dès le milieu du XIXe siècle. Dans la peinture orientaliste ou africaniste, les serviteurs sont vêtus de costumes exotiques. Le serviteur noir devient d’ailleurs un signe de richesse et un motif rococo que William Hogarth s’ingénue à tourner en ridicule dans Le Mariage à la Mode, une série narrative inspirée du théâtre (Waterfield, 139-151). Alors que l’histoire de l’art a longtemps négligé la présence des serviteurs noirs dans l’art, et plus spécifiquement celui de Hogarth, David Dabydeen a démontré que le maître anglais plaçait de manière récurrente les serviteurs africains en observateurs critiques de sorte que leur élégance distante offre un contrepoint aux mœurs corrompus et décadents, voire barbares, de leurs maîtres blancs. Les corps déformés des derniers s’opposent ainsi à ceux, plus élégants et civilisés, de leurs serviteurs noirs (Dabydeen). Hogarth a établi, comme le note James Walvin, une tradition critique visuelle ridiculisant la mode consistant à employer un serviteur noir, réduit à l’état d’objet exotique de luxe. Tradition qui trouve un prolongement dans l’œuvre graphique de James Gillray ou George Cruikshank (Walvin). Dans plusieurs planches (on pensera à la planche II de A Harlot’s Progess, 1732 ou à Taste in High Life, 1746), la présence de l’enfant esclave est intimement liée à la richesse ostentatoire des maîtres ayant construit leur opulence sur l’exploitation des peuples colonisés.

Dans les arts muets comme dans les arts narratifs, le ou la domestique est pris dans une trame comique, dramatique ou tragique si bien qu’il incarne tantôt l’ordre tantôt le désordre, hésitant entre soumission et subversion.

Le théâtre a fréquemment mis en scène des servantes ingénues ou des confidentes discrètes qui peuvent être réduites à un rôle d’arrière-plan tout en illustrant des valeurs morales telles que la loyauté ou la fidélité. Maladroit, naïf ou rustre, le serviteur comique noue cependant parfois un lien complice avec le spectateur et incarne une innocence enfantine. Mais son espièglerie tourne souvent au défi, voire à l’insoumission, comme c’est le cas dans le théâtre de Beaumarchais par exemple, où la figure du serviteur permet que soient remis en cause l’ordre social et les hiérarchies. Ressort comique dans de nombreuses pièces, le serviteur y est souvent moins innocent qu’il ne paraît. En effet, la farce, reposant sur des inversions de rôle entre maître et serviteur, sert parfois un propos corrosif.

Le valet, double fantasmatique de son maître, en reflète la richesse – sa livrée devant être soignée, ses manières irréprochables – mais les jeux de miroir entre ces deux rivaux et complices s’avèrent dangereux. Célestine, la femme de chambre du roman d’Octave Mirbeau remarque que « c’est un fait reconnu que notre esprit se modèle sur celui de nos maîtres, et que ce qui se dit au salon se dit également à l’office » (Mirbeau, 133). Les procédés d’imitation (initiés par les domestiques rivalisant d’élégance avec leurs maîtres, ou bien les singeant, ou bien encore instaurant une hiérarchie entre serviteurs plus rigoureuse encore que dans le monde des maîtres) révèlent la crainte qu’un individu se pare des atours d’un autre, qu’un corps social opprimé renverse son oppresseur.

L’ambition des domestiques, qu’elle naisse inopinément à la faveur d’une intrigue ou bien qu’elle motive plus profondément leurs actes, est perçue tantôt comme une juste révolte contre un carcan social inique, tantôt comme une fourberie menaçant un ordre moral légitime. Le personnage de la jeune servante qui parvient, à force de charme et de ruses, à gravir les échelons de la société avant qu’une faute morale ne la replace dans les fanges infâmes de sa condition misérable hante les productions littéraires. D’autres personnages de même extraction ont un destin plus enviable mais, dans la plupart des œuvres de fiction, accéder aux classes supérieures et prendre la place du maître est un interdit infranchissable.

D’autres œuvres, basculant du registre comique à celui du tragique, travaillent cette hantise de l’usurpation. Si le célèbre opéra bouffe de Pergolèse, La Servante maîtresse, dans lequel la servante parvient à épouser son maître grâce à une ruse, prête à rire, le sort de Jane Eyre ou celui que réserve le couple maléfique de domestiques à leur maître dans l’adaptation faite par Losey de The Servant est plus tragique. Dans ce dernier cas, les serviteurs amants sèment la subversion dans l’intimité du maître en s’introduisant dans sa chambre puis en couchant dans son lit. Dans Le Journal d’une femme de chambre, Célestine avoue ramasser, classer les aveux de sa maîtresse pour s’en faire une arme terrible la vengeant des humiliations. Elle joue avec les chemises de nuit, les chiffons, les rubans, les dentelles, les lingeries de ses maîtresses, observant : « De cette façon, elles deviennent pour vous autre chose qu’une maîtresse, presque une amie ou une complice, souvent une esclave… On est forcément la confidente d’un tas de choses, de leurs peines, de leurs vices, de leurs déceptions d’amour, des secrets les plus intimes du ménage, de leurs maladies… » (Mirbeau, 71). Les femmes de chambre, qui plus est, voient le corps nu de leurs maîtresses, ce corps parfois vieilli ou ignoble, normalement caché par le vêtement. L’intimité des corps donne aux domestiques un pouvoir que leurs maîtres n’ont pas.

La maison, à la fois reflet des rapports de pouvoir et huis-clos réel tant que symbolique, est le théâtre d’une promiscuité forcée. Bien que les espaces réels de vie soient organisés de manière à isoler les corps d’extraction sociale différente, les jeux de regards laissent ourdir bien des intrigues. Les corps, dans des vêtements ou uniformes qui maintiennent chacun à son rang social et contiennent les désirs, s’avèrent cristalliser des projections mutuelles.

Le corps du domestique est objet à la fois de mépris et de fascination. Malgré les tentatives des maîtres pour contrôler ce corps, l’assujettir, voire le réifier, il demeure charnel, sensuel, érotique ou au contraire souffrant, misérable ou monstrueux. Dans la peinture flamande, et plus précisément les scènes de genre situées dans les offices ou cuisines, le corps de la servante placé parmi d’abondants étals de fruits et légumes offre sa plénitude et sa volupté aux regards. Pourvue d’une poitrine généreuse, la servante portraiturée incarne une sensualité, voire une sexualité, naturelle et simple. Dans de nombreuses œuvres picturales ou romanesques, la nourrice, archétype de fertilité, qu’elle soit blanche ou noire, est idéalisée. La rondeur des formes des domestiques peintes par Chardin et la lumière intime qui caresse leur silhouette trahissent tout l’attrait qu’éprouve le peintre pour ces jeunes filles simples. La servante se fait parfois muse, comme c’est le cas dans La Jeune fille à la perle, roman de Tracy Chevalier inspiré de la toile éponyme de Vermeer. Le fantasme d’un corps naturel offert laisse place ailleurs à une objectification perverse. Depuis le fétichisme du maître, alimenté par la perversion de la bonne dans Le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau, jusqu’à l’exploitation du corps des bonnes dans La Servante écarlate de Margaret Atwood, maintes configurations du désir sont explorées.

Dans les œuvres qui inscrivent la relation de domination dans un contexte raciste ou racialiste, les relations sexuelles entre le maître et sa servante sont empreints de plus de cruauté encore. La peur de la miscégénation, du métissage ou de la créolisation que ces œuvres mettent en récit montre à quel point le corps charnel est le réceptacle d’angoisses d’impureté ou de monstruosité. Le film d’Abdellatif Kechiche, Vénus Noire, montre d’une manière particulièrement tragique à quel point le corps de l’étranger, étrange voire monstrueux, est objet de fascination et de mépris tout à la fois. La peur et le désir du corps inconnu mais fantasmé de l’autre sont aussi le moteur de nombreux récits populaires d’enlèvements et de viols de femmes blanches tenues en esclavage par des barbares. Parfois réduit à un objet, un déchet abject, le corps de l’esclave est utilisé pour nier l’humanité d’êtres considérés comme triplement inférieurs.

L’examen de la représentation des relations entre maîtres et serviteurs et de la manière dont les relations de pouvoir complexes se logent dans l’intimité s’inscrit dans divers champs d’étude : celui de l’histoire de l’intimité et de la sexualité, celui non moins passionnant de l’espace comme lieu où s’inscrivent les relations de pouvoir, celui, dans le domaine anglo-saxon, des subaltern et postcolonial studies.

Le serviteur, qu’il soit esclave ou rémunéré, est en effet un personnage incontournable du monde postcolonial2 anglo-saxon. Dans le contexte impérial, puis postcolonial, la relation maître-serviteur rejoue à un niveau intime, individuel, la relation entre la métropole et ses colonies, relation asymétrique où les unes sont au service de l’autre. C’est ainsi que, dès le début du dix-huitième siècle, Robinson Crusoé, figure tutélaire de la littérature anglo-saxonne, colonise son île3 et transforme le « sauvage » Vendredi en un serviteur « fidèle » qui aime son maître comme un enfant son père (Defoe 1994 : 205), au moment même où la puissance maritime de la Grande Bretagne lui permet d’étendre un empire commercial qui se transformera au dix-neuvième siècle en Empire tout court. Comme le fait remarquer J. M. Coetzee, Vendredi n’est guère que l’« ombre » de son maître : il n’est vu qu’à travers les yeux de celui-ci, qui le traite avec un paternalisme autosatisfait (Coetzee 2001 : 21). Ainsi, avec ce qui est considéré comme le premier roman de langue anglaise, naît aussi un couple maître-serviteur colonial qui influencera durablement les représentations ultérieures. Les premiers échanges entre Crusoé et celui qu’il baptise Vendredi sont fort significatifs : devant l’impossibilité d’échanger par les mots, c’est en effet par le corps que passe la soumission volontaire de Vendredi. Agenouillé devant son maître, il incite ce dernier à placer son pied sur sa tête : « and after this, made all the signs to me of subjection, servitude, and submission imaginable, to let me know how he would serve me as long as he lived » (Defoe: 202). Pas d’intimité possible, donc, dans cette relation entre un serviteur soumis et celui qui l’incite à l’appeler « Maître », mais l’utilisation de « signes » corporels visant à instituer une servitude présentée comme volontaire par Robinson, maître à la fois de Vendredi et du texte dont il est le narrateur. C’est d’ailleurs cette question de l’autorité, dans tous les sens du terme, que J. M. Coetzee place au cœur de la relecture de Robinson Crusoe qu’il propose dans Foe, dans lequel la dimension corporelle de la relation maître-serviteur entre Vendredi et Robinson est complétée, et complexifiée, par la création d’un personnage féminin, Susan Barton, et par la relation qu’elle entretient à son tour avec Mr Foe, avatar fictionnel de Daniel Defoe à qui elle demande d’écrire son histoire (dont le lecteur comprend, bien sûr, qu’elle deviendra celle de Crusoé). Susan se présente dans Foe comme le véritable « auteur » de l’histoire de Crusoé, tout en s’interrogeant constamment sur ce que peut ressentir Vendredi qui, dans ce roman, est devenu totalement muet. Il n’est pas innocent que la prise de pouvoir sur le récit soit mise en jeu, et en scène, à travers une relation sexuelle entre Susan Barton et Mr. Foe, qui rejouent ainsi, sur un mode détourné, le lien d’autorité entre maître et servante (Coetzee 1986 : 138-140).

Il n’est certainement pas innocent non plus que dans l’introduction de Culture and Imperialism Edward Said utilise précisément l’exemple de Robinson Crusoe : s’il s’agit du « prototype du roman réaliste moderne », c’est précisément parce qu’il met en scène « un Européen qui se crée un royaume sur une lointaine île non-européenne » (Said 1994 : xiii) et fait du « sauvage » qu’il rencontre un serviteur. Pour Said, la forme romanesque, et la culture en général, a participé à la construction de l’impérialisme. Il démontre que les écrivains et artistes des dix-neuvième et vingtième siècles n’ont que trop rarement remis en cause des notions telles que la subjection ou « les races inférieures », validant ainsi, par exemple, l’expansion territoriale particulièrement rapide de la fin du dix-neuvième siècle (xiv). La relation entre maître et serviteur, pivot de la relation coloniale, qui recrée sur le plan individuel des enjeux collectifs, n’échappe pas à la règle. Les représentations de cette relation ont, elles aussi, contribué à renforcer l’impérialisme et à valider l’assujetissement de certains peuples par d’autres à l’époque coloniale. Inversement, on peut avancer l’idée qu’avec la décolonisation, les représentations de cette relation ont pu évoluer pour proposer de nouveaux modes d’appréhension de l’assujetissement du serviteur par le maître.

Il en va ainsi, par exemple, de la figure incontournable du couple maître blanc – esclave noire, qui hante, aujourd’hui encore, nombre de romanciers et artistes postcoloniaux. Deborah A. McDowell avance l’hypothèse que de nombreux romans afro-américains contemporains consacrés à l’esclavage sont écrits par des femmes noires parce que la majorité des récits d’esclaves publiés au temps de l’esclavage étaient, eux, écrits ou supervisés par des hommes, qui représentaient les femmes esclaves avant tout comme des victimes. En revisitant le récit d’esclaves, ces écrivaines créent une subjectivité féminine qui « met en scène non pas ce qui était fait à ces esclaves, mais ce qu’elles faisaient de ce qui leur était infligé » (McDowell 1989 : 146, notre traduction). Comme le fait remarquer Jenny Sharpe, une telle formulation introduit une notion de volonté (« agency ») là où régnait la domination (« subjugation ») (Sharpe 2003 : 14). De corps dominé, contrôlé, violé, la femme noire devient un sujet et accède aux mots dans ces neo-slave narratives (Rushdy 1999 ; Misrahi-Barak 2005 et 2007). Ainsi, écrire ou réécrire la relation sexuelle entre le maître blanc et l’esclave noire peut permettre de revisiter un genre littéraire dans lequel cette relation a été mise en scène aux origines de la colonisation. Il s’agit alors d’explorer non seulement la relation entre des corps, mais aussi la représentation de cette relation. Par ailleurs, cela permet également de mettre en lumière la double subjection des femmes dans le monde postcolonial4, ainsi que le soulignait Gayatri Spivak dans Can the Subaltern Speak ? (1988). Examinant les rapports entre pouvoir et désir dans le monde postcolonial, Spivak met en lumière la « violence épistémique » (280) inhérente à la construction de ce qu’elle appelle « l’Autre de l’Europe » dans le discours occidental. Cette démarche la conduit à souligner la complexité d’un champ dans lequel la position du sujet féminin est particulièrement problématique (294-295), et à mettre en garde contre toute velléité de parler pour le sujet subalterne. S’il ne traite pas directement des maîtres et des serviteurs, son essai permet néanmoins de poser une question qui semble au cœur de la question de l’intimité ambiguë entre maîtres et serviteurs : celle de la voix du sujet subalterne et de son authenticité. Les neo-slave narratives que nous évoquions permettent, à travers la réécriture du rapport entre maître blanc et esclave noire, de « faire parler le subalterne » et de déconstruire les discours dominants.

Mais l’esclavage n’est pas la seule facette des liens entre maîtres et serviteurs dans le monde postcolonial. Celui-ci offre toute une gamme de figures de serviteurs dont les représentations artistiques et littéraires, comme celles de leurs homologues de la métropole, varient. Dans ce contexte, le concept de « mimicry » théorisé par Homi Bhabha (1994), qui met en jeu l’ambiguïté des rapports du sujet colonial face aux formes de la colonisation, se révèle pertinent pour examiner la façon dont le serviteur imite ou non son maître en contexte colonial, et peut s’approprier des comportements ou des postures pour, paradoxalement, affirmer sa propre identité.

Cette appropriation de comportements se fonde sur une proximité physique qui favorise les échanges entre maîtres et serviteurs, voire entre maîtres et servantes. C’est par conséquent à travers le prisme de l’intime, et son actualisation par le corps et la corporalité, que ce volume s’intéresse aux relations qui unissent et opposent maîtres et serviteurs. Si l’on reprend la distinction établie par François Jullien, distinction fondée sur l’usage linguistique, la notion d’intime implique deux significations apparemment contradictoires :

Force nous est donc de commencer par écouter la langue, ces usages divers de la langue, divers jusqu’à disjonction ; mais, par là même, de suivre ce qu’elle nous donne ainsi corrélativement à penser et peut-être même à déduire l’un de l’autre ; (1) que l’intime est le plus essentiel en même temps que le plus retiré et le plus secret, se dérobant aux autres ; (2) que l’intime est ce qui associe le plus profondément à l’Autre et porte au partage avec lui. (Jullien, 24-25.)

Or, ces deux usages apparemment contradictoires, mais dont Jullien montre au fil de son essai combien ils s’interpénètrent, permettent de regarder plus finement les rapports entre maîtres et serviteurs. Dans l’imaginaire populaire, le serviteur est parfois dépeint comme le confident, l’ami intime de son maître – on pense à Leporello dans Don Giovanni, et à l’échange de rôles qui semble l’amuser autant que son maître. Mais les articles réunis ici montrent que cette représentation tient du fantasme véhiculé par les maîtres plus que de la réalité. La relation de maître à domestique, et la domination qui l’accompagne, aboutissent à la violation de l’intimité du serviteur, allant jusqu’au viol physique, comme le rappelle Sheila Whittick dans son article sur les aborigènes australiens. Certes, l’on peut alors parler de rapports intimes, au sens du dictionnaire, mais ces rapports s’apparentent à une négation de l’intimité du serviteur, privé ainsi d’un espace de construction de soi, de ce que Jullien nomme « la ressource de l’intime : ouvrir de l’intime […] comme puissance et comme résistance … » (Jullien, 14). La domination exclut le partage et, comme le précise encore Jullien, « … on ne peut pas prescrire l’intime … » (Jullien, 129). Les serviteurs représentés dans les pages qui suivent ont été privés d’intimité, parce qu’une forme d’intimité leur a été prescrite, ou imposée, précisément, comme le fait Robinson Crusoe avec Vendredi.

Et cette violation conduit à des formes de résistance, telle que la rédaction d’un journal … intime dans le roman de John Edgar Wideman analysé par Flora Valadié, qui permet de faire appel à la « ressource de l’intime » chère à Jullien. Les articles réunis dans ce volume proposent de lire des œuvres de fiction, mais aussi des textes autobiographiques, et pour conclure des récits filmiques, qui mettent en scène cette violation de l’intimité, cette « privation de l’intime », pour détourner l’expression de Michaël Foessel. Nous avons privilégié le récit, qu’il soit écrit ou filmé, pour mettre en lumière la subversion créée par des œuvres qui proposent, parfois en filigrane, de raconter une histoire alternative, d’offrir une remise en question de l’Histoire afin de suggérer des formes de reconstruction. La complexité énonciative dans ces récits permet de saisir différemment les enjeux de pouvoir et d’étudier discours et parole comme voix de résistance au sein de systèmes culturels hégémoniques qui ont longtemps imposé aux opprimés le silence. L’assujetti ne produit pas un récit inversé contrant directement celui du dominant mais fait résonner une voix poétique différante. Le domaine de l’image fixe sera traité dans un volume ultérieur.

Ce volume commence par un tour d’horizon des rapports entre maîtres et serviteurs au XVIIIe siècle, afin d’offrir un cadre à l’analyse. A travers son étude de livres de conduite et de romans autobiographiques, Valérie Maffre met en exergue les codes sociaux et religieux régissant ces rapports. Elle se penche tant sur l’appartenance à un corps social qu’au corps comme moteur d’appartenances et souligne le fait que ce dernier porte la trace à la fois de l’intimité et de la différence entre le maître et son serviteur. Les domestiques doivent en effet s’approcher d’un parangon de vertu, contribuant ainsi à renforcer celle de leur maître. Alors que les livres de conduite visent à renforcer la séparation et la maîtrise absolue des corps, maints ouvrages de fiction laissent entrevoir un schéma mimétique d’appropriation, de singerie, voire d’usurpation de la sphère intime des maîtres par leurs serviteurs. Par ailleurs, la promiscuité et les contacts physiques et sexuels, proscrits dans les livres de conduite, émergent dans les ouvrages de fiction avec la force du refoulé. Si le serviteur se trouve, dans la réalité, dépossédé de son propre corps, assujetti, contraint à un contrôle permanent de ses gestes, de ses vêtements et de sa voix, dans la fiction ou au théâtre il évolue dans un espace carnavalesque subversif lui offrant la liberté d’imiter, de singer, d’investir le corps du maître.

Cécile Gauthier propose ensuite une étude de l’ambivalence de la relation nouée entre l’enfant blanc et la nourrice noire. L’intimité entre ces deux êtres n’empêche nullement que la nourrice soit dépossédée de son corps : elle est érigée, à son corps défendant, en symbole de l’harmonie interraciale dans la société sudiste. Entre absorption et rejet, amour et haine, le corps de la black mammy devient source d’un métissage réel et symbolique difficilement accepté. L’article souligne une intimité à la fois exacerbée et paradoxale, jusqu’à la monstruosité. La mammy contribue, par le don de son corps, à nourrir et à faire prospérer, littéralement et métaphoriquement, la famille blanche qui l’oppresse. Abordant l’allaitement comme nécessité et allégorie, Cécile Gauthier suggère que, dans la littérature américaine, « l’évocation des corps esclaves, partie prenante du grand corps national, se fait sur un mode refoulé, interstitiel, dans les marges du texte ». L’article interroge le possible blanchissement du corps de la nourrice noire et décrit l’aliénation dont celle-ci est victime. Ainsi, ce qui est devenu un motif littéraire cristallise des enjeux nationaux perceptibles à travers un travail d’effacement ou, au contraire, de réinvestissement affectif de la nourrice. Les lectures multiples et riches proposées ici de la figure de la black mammy aboutissent au constat d’un matricide symbolique et fondateur au commencement d’une histoire secrète de l’Amérique, ce que confirme l’article suivant.

Dans son étude de The Cattle Killing de John Edgar Wideman, Flora Valadié montre que les domestiques « sont autorisés dans les sphères les plus privées de leurs maîtres, au point de devenir leurs miroirs ou leurs prothèses ». L’auteure suit le parcours de Kathryn, esclave noire qui met ses yeux au service de sa maîtresse aveugle et de Liam, accompagnant les obsessions de son maître, deux doubles prosthétiques qui parviennent à s’affranchir de l’oppression subtile qu’ils subissent. Flora Valadié étudie la manière dont « le corps noir domestiqué est chargé de garantir l'intégrité de la blancheur qui le domine et le défait ». La question du corps commun, particulièrement intrigante dans ce roman, croise de manière complexe celle de l’intimité, une intimité où se loge une résistance trop longtemps tue. L’article établit en effet que la voix des serviteurs, émanation d’une intériorité subversive, double et conteste celle de leurs maîtres dans une lutte des voix, qu’elles soient orales ou écrites, intimes ou rendues publiques.

Après ces évocations de l’Amérique du Nord et de l’esclavage, c’est à une exploration des relations entre maîtres et servante dans le roman de Joseph O'Connor, L'Etoile des Mers, que nous invite Anne-Lise Perotto. La relation entre les deux protagonistes, maître-amant et servante-maîtresse, est marquée à la fois par l’intimité d’un attachement dans l’enfance et par le poids des règles sociales qui régissent le monde adulte et rend impossible leur amour. Le contexte irlandais permet une lecture allégorique du roman, un roman d’assujettissement et d’émancipation se déroulant avant l’indépendance. Le langage, instrument de pouvoir, peut aussi ménager des espaces de résistance. En effet, bien que la parole de la domestique soit niée par sa maîtresse, la première déjoue les règles imposées en ayant recours à l’ironie et au non-dit. Le secret tient une place importante dans le roman et l’article insiste de manière très intéressante sur la capacité de la langue, de la voix, de la parole à révéler et masquer, à séduire et blesser, à trahir. C’est l’impossibilité d’une relation sincèrement intime qu’Anne Lise Perotto souligne : servant les désirs à la fois amoureux et sexuels de son maître, la domestique est prisonnière de l’espace domestique et des codes sociaux qu’il redouble, n’ayant d’autre choix que de fuir.

Le contexte colonial, qui vient redoubler la relation de servitude, est évoqué de manière plus explicite par Sheila Whittick, qui examine les violences sexuelles dont les domestiques aborigènes étaient régulièrement victimes en Australie. Le terme « velours noir », associé au sexe des femmes aborigènes, révèle la fascination exercée par le corps exotique tout en masquant la cruauté de ces pratiques impunies. L’exploitation sexuelle des domestiques aborigènes est évoquée dans Coonardoo de Katharine Susannah Prichard. Sheila Whittick souligne l’ambiguïté de la relation entre le maître blanc et sa domestique dans ce roman qui, comme celui de O’Connor, évoque un possible lien sentimental et dépeint finalement l’illusion d’un l’amour inter-racial. L’article établit un parallèle entre la fiction romanesque et le récit autobiographique de Sally Morgan, My Place, afin de sonder les tensions entre réalité, fiction et témoignage littéraire. La manière dont secret, déni et refoulement s’entrelacent dans ces deux écrits fait naître de stimulants échos aux oeuvres analysées par les autres contributeurs de ce volume.

Pour conclure ce tour d’horizon de la représentation littéraire de l’intimité entre maître et serviteur, dans son étude de “Sunday Afternoon” d’Alice Munro, Pascale Tollance met en avant les oscillations entre réalité et fiction au coeur d’un texte mettant en scène une jeune fille embauchée dans une maison où jamais elle ne trouve sa place. On suit le personage non pas seulement dans sa condition ambigüe d’employée mais aussi dans l’experience émotionnelle qu’elle fait de la dépersonnalisation. L’oeuvre nous ouvre les pensées de la jeune fille qui confie son désarroi dans des lettres adressés à sa famille, espace littéraire qui devient le seul refuge de son intimité bafouée. Le récit est à double niveau, renforçant l’impression d’équivoque et laissant la place à une exploration des zones interstitielles ménagées au sein même du carcan social.

Les trois derniers articles s’intéressent à la représentation cinématographique des rapports entre maîtres et serviteurs, d’abord à travers une série télévisée bien connue des Britanniques, Upstairs Downstairs. Florence Cabaret met au centre de la scène le personnage secondaire du serviteur, Mr Amanjit Singh ; à travers ce personnage, le sort de l’Inde, sous domination britannique, est tracé en filigrane. L’article souligne ce qui s’applique aux personnages d’autres œuvres de fiction étudiées dans ce volume, à savoir la possibilité que l’individualité du serviteur infléchisse ou mette à mal les rapports de forces conventionnels. La hiérarchie existant parmi les domestiques permet que se dessinent des destins singuliers. Figure protectrice, garante d’un ordre moral, le domestique éduqué incarne l’idéal du serviteur loyal. Néanmoins, comme le montre Florence Cabaret, à travers l’ascension sociale du personnage et sa loyauté coloniale, la série souligne la co-existence de hiérarchies sociales et raciales. La fidélité du domestique, fût-il éduqué et respecté, aux maîtres britanniques, est analysée ici en termes politiques. Le travail d’écriture auquel se livre le domestique (rappelant l’écriture intra-diégétique enchâssée dans d’autres œuvres analysées dans ce volume) annonce l’émergence d’une voix et d’une littérature indienne émancipées si ce n’est révolutionnaires.

C’est une triangulation que The Servant, film de Joseph Losey adapté d’une ‘novella’ de Robin Maugham, investigue. Il met en scène un jeune aristocrate londonien et sa fiancée, progressivement évincée par un domestique faustien. Ce dernier, apportant chaleur et intimé physiques à son maître, devient complice, rival puis dangereux double fantomatique de son employeur. Comme le montre Anne-Lise Marin Lamellet, le corps libéré et les mœurs lâches du serviteur et de sa fiancée contrastent de manière saisissante avec la rigidité caractérisant le comportement des classes supérieures. L’homosexualité latente perceptible dans le film s’accompagne d’une passion trouble entre deux hommes : un maître devenu concrètement et affectivement dépendant de son employé et un domestique ayant conquis une indépendance symbolique lui permettant d’exercer un pouvoir sans limite. Faisant la chronique d’un renversement fantasmatique des rôles, le film, comme l’écrit l’auteure, est avant tout un corps à corps : l’intimité est, comme dans d’autres œuvres étudiées, un moyen d’émancipation mis au service d’une lutte des classes impitoyable.

Le dernier article, celui de Sébastien Lefait, porte sur la série The Handmaid’s Tale. Avant d’être une série, toutefois, The Handmaid’s Tale est un roman qui met en scène de façon particulièrement aiguë l’intimité forcée entre un maître et une « servante » qui semble être plus une esclave qu’une domestique. Dans un monde où la fertilité est en déclin, c’est dans la Bible que la théocratie de Gilead puise la justification de la subjection de la servante par son maître. La seule fonction des « Servantes » est en effet de porter des enfants. Le roman explore la dimension physique de la relation de subjection entre le commandant et sa servante en articulant les sphères privée et publique, puisque ce qui relève en principe de l’intime, la relation sexuelle, fait l’objet d’une « Cérémonie » rassemblant toute la maisonnée et au cours de laquelle le corps de la servante devient le réceptacle potentiel de l’enfant du couple formé par son maître et l’épouse de celui-ci. Réduite à un corps fertile, la servante, privée de son identité et de son libre-arbitre, devient « Offred », « celle de Fred », mais aussi offerte – de Offred à offered il n’y a qu’un pas – voire sacrifiée comme d’autres servantes dont le corps intime est instrumentalisé. Le récit glaçant de sa vie monotone, rythmée par les « cérémonies », met l’accent sur une objectification qui confine à l’abjection5, comme elle le souligne elle-même : « I don’t want to be a doll hung up on the Wall, I don’t want to be a wingless angel. I want to keep on living, in any form. I resign my body freely, to the uses of others. They can do what they like with me. I am abject. I feel, for the first time, their true power » (298). Toutefois, dans le roman, une tension s’établit entre, d’une part, l’intimité dévoyée du corps de la servante livré au pouvoir du maître et de la société et, d’autre part, la prise de contrôle à laquelle parvient Offred à travers le récit rétrospectif de son existence et de ses tentatives pour accéder à une intimité qu’on lui refuse : bribes de souvenirs de sa vie d’avant, relations clandestines avec le maître, sous la contrainte, dans une parodie d’intimité profondément ambiguë, puis avec Nick, le chauffeur.

Ce dernier article permet d’associer récit filmique et narration verbale, dans la mesure où il traite de l’adaptation d’un roman. Il montre que la mise en question du récit dominant des maîtres – dans quelque contexte que l’on se place – peut aussi donner lieu à réécritures et variations, qui s’inspirent du contre discours créé par l’artiste. Sébastien Lefait propose donc une lecture de la série qui explore tout à la fois l'intimité ambiguë entre maître et servante dans la diégèse et celle qui s'établit entre le téléspectateur et des images parfois dérangeantes, déplaçant ainsi le propos du corps des personnages au « corps de l'œuvre », pour reprendre la formule de Didier Anzieu. Il ouvre ainsi le champ d'une réflexion possible sur les modes d'intimité entre les œuvres littéraires et filmiques et leurs récepteurs.

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Notes

1 « In a sense the very idea of a servant’s portrait is an anomaly », (Waterfield, 2003: Introduction). Retour au texte

2 Nous entendons « postcolonial » dans le sens large donné au terme par Ashcroft, Griffiths et Tiffin dans leur célèbre introduction à The Empire Writes Back, où ils définissent comme postcolonial toute ce qui a été affecté par le processus impérial depuis le début de la colonisation jusqu’à nos jours (Ashcroft, Griffiths, Tiffin 1989 : 2). Retour au texte

3 « Son aventure réaffirme les valeurs de la culture qu'il rejette d’abord car il finit par les épouser. Son retour triomphal en colonisateur couronné de succès atteste assez de la force du mythe. La vie insulaire de Robinson le pose en exemple de ce qu'il y a à gagner quand on adhère à ses valeurs, autant qu’elle affirme subrepticement les prémisses de l’idéologie occidentale : instruction et volonté de dominer viennent à bout de tous les obstacles. » (Bertrand) Retour au texte

4 Peterson et Rutherford (1986) parlent de « double colonisation ». Retour au texte

5 Sur ce point, on pourra utilement se référer à l’essai de Julia Kristeva, Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection. Paris, Seuil, 1980. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Sylvie Crinquand, Mélanie Joseph -Vilain et Valérie Morisson, « Introduction », Textes et contextes [En ligne], 12-2 | 2017, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=1696

Auteurs

Sylvie Crinquand

Professeur des universités, Centre Interlangues Texte, Image, Langage (EA 4182), UFR Langues et Communication, Université Bourgogne Franche-Comté, 4 boulevard Gabriel, BP 17270, 21072 Dijon Cedex – sylvie.crinquand [at] u-bourgogne.fr

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Mélanie Joseph -Vilain

Maître de Conférences, Centre Interlangues Texte, Image, Langage (EA 4182), UFR Langues et Communication, Université Bourgogne Franche-Comté, 4 boulevard Gabriel, BP 17270, 21072 Dijon Cedex – melanie.joseph-vilain [at] u-bourgogne.fr

Valérie Morisson

Maître de Conférences, Centre Interlangues Texte, Image, Langage (EA 4182), UFR Langues et Communication, Université Bourgogne Franche-Comté, 4 boulevard Gabriel, BP 17270, 21072 Dijon Cedex – valerie.morisson [at] u-bourgogne.fr

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