Retracer l’histoire du rugby féminin en France dans une bande dessinée, c’est le défi relevé avec brio par Isabelle Collombat (scénario) et Sophie Bouxom (dessin). En 109 pages, les auteures racontent les combats menés par des femmes pour pratiquer le rugby et les oppositions multiples auxquelles elles ont dû faire face. Le titre « Combattantes » est particulièrement approprié pour retracer le parcours des pionnières du rugby féminin et les obstacles à surmonter pour affirmer leur légitimité à fouler les pelouses.
L’histoire commence en 1887 avec le portrait de l’Irlandaise Emily Valentine, présentée comme la première joueuse de rugby au monde et se termine en septembre 2021 avec la réception à l’Élysée de l’équipe française de rugby à 7 après les Jeux olympiques de Tokyo. Le long chemin vers l’acceptation d’une pratique féminine du rugby est retracé en sept chapitres qui en illustrent des moments clés. Les auteures décrivent les circonstances de la fondation en 1966, à Bourg-en-Bresse, des Violettes Bressanes, premier club de rugby féminin puis la naissance de l’Association française de rugby féminin (AFRF) en raison du refus de la Fédération française de rugby (FFR) de reconnaître les clubs de rugby féminin. Les matchs de la première équipe de France de rugby féminin en 1982, la reconnaissance en 1989 de la FFR et les compétitions internationales sont ensuite abordés. Le récit est chronologique mais évoque aussi des thématiques communes à de nombreux sports féminins telles que la conciliation de la vie familiale, professionnelle et d’une pratique sportive de haut niveau, les conditions des entraînements et les différences de traitement de l’équipe de France féminine par rapport à leurs homologues masculins. Il aborde aussi la question de la place et du rôle des femmes au sein des fédérations nationales et évoque par ailleurs le développement international du rugby féminin avec les premières Coupes du monde.
Chaque temps fort s’ouvre sur des mots-clés « combattantes ; fortes ; solidaires ; confiantes ; fières ; féminines ; héritières » et les chapitres se terminent par le portrait d’une personnalité marquante de ce sport comme Marie Houdré et le Fémina Sport pour les années 1920 ou Nathalie Amiel, ancienne joueuse de rugby à XV puis entraîneuse d’équipes féminines et masculines pour la décennie 1980-1990. Par ailleurs, toutes les pages contiennent un petit encadré de quelques lignes, matérialisé par le visage de Célia, 14 ans, joueuse de rugby qui symbolise le fil rouge de l’histoire et qui apporte un complément d’explications.
L’ouvrage a le mérite de mettre en lumière certaines personnalités méconnues qui n’ont eu de cesse de défendre le rugby féminin comme Henri Fléchon, président du club des Violettes Bressanes puis de l’AFRF. Il montre aussi les oppositions à la diffusion de cette pratique qui proviennent parfois de femmes mais aussi d’hommes politiques et de la FFR. On apprend ainsi que des sanctions touchaient les arbitres de la FFR officiant lors des matchs féminins et qu’en 1972, le secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports demande aux maires de ne pas prêter d’installations sportives aux clubs féminins. Il faut attendre 1998 pour que les joueuses de l’équipe de France de rugby puissent obtenir l’autorisation d’arborer le coq sur leurs maillots. Leurs palmarès en championnat d’Europe et lors des Coupes du monde de rugby contribuent à attirer le public et les téléspectateurs mais n’empêchent pas la permanence de remarques sexistes de la part de journalistes, de rugbymen ou de dirigeants sportifs encore persuadés que le rugby ne peut se conjuguer qu’au masculin.
Le choix du format de la bande dessinée n’interdit pas le travail d’histoire et l’ouvrage se termine avec une page de sources et des références bibliographiques. Il permet de toucher un public large et sa lecture est conseillée à partir de 12 ans. L’épopée du rugby féminin évoque plus largement les luttes engagées par des femmes pour l’élargissement de leurs droits et la ténacité dont elles ont dû faire preuve. Leur histoire montre que rien n’est jamais acquis, « le combat continue » conclut l’une des héroïnes du livre.