À la rencontre de Thierry Combe et de son spectacle Jean Pierre, lui, moi

« Je me sens comme si j’étais à l’intérieur d'un scaphandre, observant le monde à travers ses yeux, éprouvant ce qu’il ressent »

  • Interview on Thierry Combe’s Jean Pierre, lui, moi

Texte

Illustration 1 : Affiche du spectacle Jean Pierre, lui, moi.

Illustration 1 : Affiche du spectacle Jean Pierre, lui, moi.

© Thierry Combe.

Loli Jean-Baptiste et Meiyun Xu (ECLATS) : Tout d’abord, peux-tu nous présenter ton travail et ton parcours ? 

Thierry Combe (TC) : Je suis Thierry Combe, auteur, acteur, comédien et metteur en scène de prise de parole. Ma particularité est d’évoluer seul sur scène tout en interprétant plusieurs personnages. Mon parcours a débuté par l’obtention d’un diplôme en génie civil. Malgré mon désir d’être comédien, je trouvais cet univers assez éloigné de moi et pensais que cela serait compliqué à réaliser. D’autant plus, que mes parents, tous deux fonctionnaires, avaient déjà à gérer le handicap de mon frère, je ne voulais pas les charger davantage en choisissant une carrière de comédien qui n’offrait pas la même stabilité d’emploi.
Après avoir étudié un an en Angleterre, j’ai commencé à travailler en tant que professeur dans un centre de formation professionnelle au Burkina Faso, spécialisé dans le bâtiment, pendant deux ans. De retour en France, j’ai choisi de m’installer dans le Jura, attiré par son côté rural. Pendant cinq ans, j’ai travaillé au sein d’une association, Habitat et Développement, qui aidait les gens à améliorer leurs conditions de logement. Cependant, je ressentais que cette activité mettait moins l’accent sur l’aspect social qui m’était cher. J’ai entrepris un bilan de compétences, qui m’a révélé que cinq métiers me correspondaient, dont celui de comédien, ce qui m’a encouragé à poursuivre cette voie. Bien que pour devenir comédien, il soit généralement nécessaire de vivre à Paris, je me suis lancé dans une formation d’éducateur spécialisé à Besançon en 2005. Parallèlement, je me suis impliqué de manière sérieuse dans le théâtre amateur depuis 2002, dans l’association de théâtre amateur, Théâtre Spirale à Voiteur, encadrée par des comédiens professionnels, ce qui imposait un niveau d’exigence. En 2008, j’ai obtenu mon diplôme d’éducateur spécialisé, tout en continuant à pratiquer le théâtre amateur. Au cours de ma dernière période de formation en tant qu’éducateur, j’ai été amené à encadrer un groupe d’adultes handicapés dans la création d’une pièce de théâtre. Ce projet, à la fois intellectuellement stimulant grâce aux réflexions théoriques que je pouvais approfondir, et émotionnellement enrichissant par l’expérience auprès de ce groupe, m’a profondément marqué. C’est après l’obtention de mon diplôme que j’ai réussi à acquérir le statut d’intermittent du spectacle en 2009. Depuis cette date, j’ai décidé de me consacrer entièrement au théâtre, faisant de cette passion mon métier. Au fil des années, j’ai compris qu’être un bon comédien amateur ne suffisait pas pour devenir professionnel. J’ai traversé des périodes de doutes et de remises en question, mais ces expériences m’ont permis de grandir et d’apprendre énormément. Aujourd’hui, j’ai réussi à m’affirmer en tant que comédien et metteur en scène. J’ai le plaisir de diriger la compagnie Pocket Théâtre qui compte cinq projets à son répertoire, c’est-à-dire des spectacles qui tournent régulièrement. Je suis également devenu auteur, avec l’expérience gratifiante de voir l’une de mes pièces jouées par un autre comédien, ce qui m’a permis de toucher des droits d’auteur via la SACD. Mon parcours dans le théâtre est riche d’apprentissages, de défis surmontés et d’une passion toujours grandissante pour cet art qui fait battre mon cœur.

Illustration 2 : portrait de Thierry Combe.

Illustration 2 : portrait de Thierry Combe.

© Helène Dodet.

ECLATS : Peux-tu nous présenter le spectacle Jean Pierre, lui, moi ?

TC : C’est une prise de parole théâtrale sur le handicap, mais elle va au-delà de ce seul sujet. J’utilise le terme "prise de parole", car cela implique l’expression devant un public. Je précise "théâtrale", car, malgré mon interprétation solitaire, j’incarne une douzaine de personnages différents. La pièce comporte une véritable dramaturgie et une mise en scène soignée, allant bien au-delà d’une simple prise de parole.

ECLATS : Comment t’es venue l’idée du spectacle ? Quelles ont été les différentes étapes de travail ?

TC : L’idée de ce spectacle m’est venue après avoir créé un autre spectacle intitulé Léon, qui traitait de l’évolution professionnelle. Des amis artistes m’ont encouragé à parler de mon frère handicapé, car ils avaient constaté le succès de mon premier spectacle. Cette suggestion m’a convaincu et j’ai ressenti le désir de créer à nouveau. Avec mes expériences passées et le succès de Léon, je n’avais pas de pression économique, ce qui m’a offert une liberté artistique et une maturité propice pour me lancer dans ce projet. À l’âge de 40 ans, je me sentais également prêt à aborder le sujet de mon frère handicapé avec sérénité. Je dis aux gens que j’ai commencé en 2016, mais en réalité, j’ai puisé dans toute mon expérience de vie, ma formation d’éducateur et les recherches de mon mémoire pour construire ce spectacle. Après Léon, j’attendais l’inspiration pour créer Jean Pierre, lui, moi, mais les idées ne venaient pas facilement. Cependant, j’avais une date butoir qui m’a poussé à avancer. Un moment déterminant a été lorsque j’ai assisté à un spectacle de 7 heures, Savoir enfin qui nous buvons de Sébastien Barrier, qui parlait des vins natures. Après avoir échangé avec lui, j’ai réalisé que si je n’arrivais pas à écrire, peut-être que l’essentiel était de dire. Ayant une connaissance approfondie du sujet grâce à mon vécu avec mon frère, j’étais totalement investi et mature pour aborder le spectacle de manière orale. À chaque fois que je consacrais une semaine à ce projet, j’essayais des choses en confrontant le public à la fin de la semaine avec des essais. Traiter de la question du handicap étant délicat, il était difficile d’aborder le sujet de manière précise, mais je faisais des tentatives pour atteindre mon objectif. Finalement, nous avons réussi à créer le spectacle et passer à la réflexion au positionnement du public et à l’éclairage. Je souhaitais que le public ne reste pas distant, qu’il soit proche de moi pour observer les réactions. Le regard est crucial dans cette thématique, autant mon regard sur le public que le regard des autres sur les personnes handicapées. Le positionnement du public permettait de voir mes interprétations tout en observant les réactions des spectateurs en arrière-plan, créant ainsi une proximité essentielle. Je joue avec les codes, en m’adressant directement au public pendant les 5 à 10 premières minutes. Ensuite, je poursuis en enchaînant les interprétations des différents personnages.

ECLATS : Tout au long du spectacle, tu interprètes avec brio de nombreux personnages, les parents, les médecins, l’entourage de Jean Pierre. Mais surtout Jean Pierre, ce n’est sans doute pas facile d’interpréter une personne avec un handicap. Comment as-tu travaillé le jeu et l’interprétation pour la création de ces personnages ?

TC : Pour la création de ces personnages, j’ai adopté une approche très immersive et introspective. Lorsque je joue mon frère, je m’efforce de devenir lui, de me glisser dans sa peau, de ressentir ce qu’il ressent, de parler comme lui. Je ne suis plus Thierry en train de faire, je suis véritablement mon frère, ce qui demande un profond investissement émotionnel. Même lorsque quelqu’un du public intervient, je reste dans le personnage pour répondre, je veux maintenir la cohérence et l’authenticité de l’interprétation. Quand j’incarne le rôle du psychologue avec un soupçon d’exagération, les spectateurs me demandent parfois si j’ai réellement rencontré un psychologue comme celui que je représente. Ce questionnement prouve que j’ai réussi à incarner le personnage de manière convaincante, au point que le public se pose des questions sur sa véracité. Mon frère est le personnage qui me demande le moins de travail, car je le connais intimement, je l’ai observé pendant des années et j’ai joué à faire son imitation depuis mon enfance. Toutefois, il y a une différence entre l’imiter avec amour et respect et se moquer de lui. Je tiens à préciser que mes actions passées d’imitation ne relevaient pas de la moquerie, mais d’un profond attachement envers lui. Cependant, interpréter mon frère sur scène est parfois troublant pour moi. Je me sens comme si j’étais à l’intérieur d’un scaphandre, observant le monde à travers ses yeux, éprouvant ce qu’il ressent. Cela crée une expérience étonnante et émotionnellement intense. Quant aux autres personnages, j’ai bénéficié de l’aide de Céline Chatelain, comédienne professionnelle bisontine, qui a joué un rôle essentiel en tant que regard extérieur sur mon jeu. Nous avons travaillé ensemble pour bien dissocier les personnages, en apportant des nuances physiques et comportementales distinctes à chacun, comme une posture physique, une manière de prendre la veste… Ces subtiles différenciations ont permis d’apporter une clarté lors des changements de personnages, permettant ainsi une représentation fluide et immersive.

ECLATS : As-tu procédé à des recherches scientifiques pour connaître davantage le milieu médical ou s’agit-il uniquement de connaissances personnelles et de retranscription de ton vécu ?

TC : J’ai réalisé un mémoire et beaucoup travaillé sur le sujet du handicap. Au cours de mon premier stage en tant qu’éducateur, qui a duré trois ans, j’ai eu l’occasion d’animer un atelier de théâtre au sein d’une maison d’enfants à caractère spécial. Mon deuxième stage m’a conduit à travailler avec des adolescents dans une école. Ces expériences ont été des moments de réflexion approfondie.
En préparant la création de mon spectacle, j’ai étudié des théories liées au handicap et au théâtre, cherchant ainsi à comprendre comment transformer une histoire en quelque chose de véritablement artistique. Pour cela, j’ai puisé mon inspiration dans différents supports artistiques, notamment en regardant des films. Même les films documentaires m’ont permis d’appréhender la dimension artistique dans le traitement de sujets sensibles. Malgré le fait que je ne sois pas un grand lecteur, j’ai également consulté des bandes dessinées, afin de nourrir ma réflexion sur le sujet.

Illustration 3.

Illustration 3.

© Hélène Dodet.

ECLATS : Tu peux citer quelques œuvres qui t’ont aidé pour la création du spectacle ?

TC : Où on va, papa ? de Jean-Louis Fournier. Ce livre raconte l’histoire d’un père qui a adopté des fils polyhandicapés et traite le sujet avec beaucoup d’humour. Son approche humoristique m’a profondément touché et a été une source d’inspiration pour mon spectacle. Pour ceux qui souhaitent découvrir davantage de citations intéressantes sur mon spectacle Jean Pierre, lui, moi, ils peuvent se rendre sur le site de la compagnie, où j’ai partagé plus d’informations et de réflexions sur la pièce1.

ECLATS : Quant aux discours des différents personnages, comment les as-tu composés ? Collecte et entretien ? Simple observation ? Imaginaire ?

TC : Quant aux discours des différents personnages, je les ai composés en faisant une immense carte mentale en remontant tous mes souvenirs, en me concentrant sur des choses significatives que j’ai vécues. J’ai intégré dans ces discours environ 90% des expériences que j’ai personnellement vécues, puis quelques éléments provenant d’autres personnes et qui peuvent être crédibles. Cependant, je n’ai pas procédé à une collecte formelle. Comme je le dis souvent, c’est tout du vrai qui est agencé pour créer du faux, mais qui reste authentique.

ECLATS : Dans la présentation de Jean Pierre, lui, moi, tu parles d’un cheminement, finalement comment ton discours sur le handicap et la santé modifient-ils ton propre rapport/ le rapport à soi ? Si tu as envie de nous répondre, quel impact a eu le spectacle sur ta famille et tes proches ? 

TC : Le spectacle a changé des choses pour moi, c’est évident. Parfois des gens pensent que mon spectacle est une thérapie. Dans un premier temps, j’ai eu la volonté de faire un spectacle, mais je ne peux pas nier les bénéfices que j’ai pu en tirer, même si ce n’était pas mon but premier. Ça m’a fait du bien, et ça a libéré la parole avec mes parents, j’ai pu observer l’impact que ma création et ma recherche ont pu avoir sur ma cellule familiale. Mes parents sont très fiers, ils se rendent compte que leur deuxième enfant vit très bien professionnellement, en jouant avec un spectacle reconnu nationalement qui est né du fait du handicap de leur premier. Tout d’un coup, quelque chose qui a été très douloureux devenait très positif. J’observe aussi l’impact que le spectacle peut susciter pour certains spectateurs qui peuvent avoir vécu les mêmes situations, ça permet de faire bouger les lignes et de se rendre compte qu’on est moins seul.

ECLATS : Jean Pierre, lui, moi est un seul en scène, comment t’adresses-tu au public ? Quelle est ta particularité de mise en scène ? Y a-t-il une participation du public ?

TC : Je suis quelqu’un de naturel et spontané. Dès le début du spectacle, je tutoie le public. Je crée une véritable proximité et un lien direct, m’adressant parfois spécifiquement à certaines personnes, et je retiens volontairement les prénoms. Soudain, un « nous » se crée et une véritable complicité lie les spectateurs. Pendant le temps de la représentation, nous partageons une émotion intime commune. J’essaie d’être au plus proche du moment présent, comme si c’était la première fois que je le faisais. J’invite à différents moments une ou deux personnes du public à participer, l’idée étant de les confronter directement à des situations quotidiennes de la vie avec un handicap.

ECLATS : Comment le public réagit-il face à ta proposition ? Quels sont tes plus beaux souvenirs de rencontres/publics ? Peux-tu nous confier une anecdote ?

Illustration 4.

Illustration 4.

© Hélène Dodet.

Je suis assez surpris par les réactions du public, qui semble subir une forte charge émotionnelle. Je ne dis pas ça pour me vanter du spectacle, mais plutôt en tant que témoin. Moi-même, j’étais surpris de l’impact que le spectacle pouvait avoir sur certains spectateurs. Je constate qu’il continue de marquer les gens. Souvent, après le spectacle, je me change rapidement pour proposer un moment d’échange informel avec le public. Je sens que certains en éprouvent le besoin.
Parfois, certaines personnes ont trouvé que cela allait trop loin. Ce qui est intéressant, c’est de comprendre d’où parlent les gens et surtout pourquoi. L’année dernière, après une représentation à Montpellier, une personne m’a envoyé un mail pour critiquer le spectacle. Elle dénigrait mon travail, disant que ma représentation de l’adulte handicapé était une caricature, que les adultes handicapés avec un syndrome autistique ne parlent pas comme Jean Pierre. Cette personne faisait du théâtre avec des adultes handicapés dans un CAT (Centre d’Aide par le Travail) et pour elle, c’était exagéré de faire ça. Je lui ai répondu que je ne cherchais pas à faire une interprétation d’un adulte autiste, mais que je jouais mon frère. La nature humaine est complexe. En tout cas, c’est dommage, j’ai senti qu’il y avait peu de place pour l’échange. Mais c’est très rare, c’est arrivé une fois sur 265 représentations. Sinon, j’ai d’autres récits positifs avec des individus très touchants, qui me posent des questions comme si j’étais un véritable « expert » dans le domaine, alors je m’efforce toujours de garder les pieds sur terre, de partager ce que je ressens personnellement. Une fois, je jouais Jean Pierre, lui, moi au Théâtre de l’Unité, où Hervée de Lafond laissait entrer les gens dans le dispositif. Elle continuait à faire rentrer les gens alors que la salle était déjà pleine à craquer et que la capacité maximale était atteinte. À un moment donné, je dis que c’est trop, qu’on ne peut pas continuer comme ça. Finalement, deux personnes en fauteuils roulants devaient entrer, nous avions laissé un passage pour qu’elles puissent se déplacer facilement. A ce moment précis, l’un des deux hommes en fauteuil se lève difficilement et prend place sur une chaise, pour « libérer un peu d’espace », dit-il. Sur le coup, sans réfléchir, je me tourne vers l’autre et je lui dis « Et vous ? » (Rires) « Ah non, moi je ne peux pas » répond l’autre homme en éclatant de rire ! J’étais déjà dans mon personnage, un peu en dehors de la réalité, alors je me suis permis cette blague.
Une autre fois, en Belgique, je sors du dispositif scénique, c’est une scène spécifique, et je demande à un membre du public s’il a déjà conduit une tractopelle. L’homme me répond par l’affirmative. Je n’avais pas remarqué, mais il portait des lunettes de soleil. Après le spectacle, nous discutons et je réalise que le jeune homme est malvoyant. Alors je lui dis : « Vous m’aviez dit pendant le spectacle que vous aviez déjà conduit une tractopelle. » Le gars me répond : « Bien sûr, vous pouvez me faire une confiance aveugle ! » (Rires) Certains sont choqués, mais quand des personnes porteuses de handicap ont cet humour, tu veux juste leur dire : détendez-vous, tout va bien !
Un jour, en Ardèche, j’ai remarqué qu’une des spectatrices avait quitté la salle, je n’ai pas vraiment vu ce qui s’était passé, car j’étais pris dans une scène intense. J’ai appris à la fin du spectacle que cette jeune femme était sortie lors de la scène sur l’annonce d’un handicap. Elle m’a dit que le lendemain, elle avait rendez-vous avec un pédiatre parce que son enfant avait un problème et qu’elle savait que cela allait probablement être l’annonce d’un handicap. Après cette scène, elle est revenue, alors je lui ai demandé pourquoi. Elle m’a dit qu’elle voulait faire face à la situation. Elle m’a remercié pour le spectacle. Il y a des moments assez fous. Les gens se livrent rapidement.
J’étais éducateur et j’ai écrit un mémoire. Il est clair qu’il ne suffit pas de raconter des histoires personnelles pour faire un spectacle et de rapporter des faits réels, cela peut toucher les gens, mais il ne faut pas tomber dans le voyeurisme. Donc, inclure des connaissances théoriques médicales est essentiel. Ayant été éducateur, je connais le monde du médico-social, j’ai une vision des différents rôles, celui du médecin, celui de l’éducateur, du psychologue. Lorsque j’en suis arrivé à la construction du spectacle, j’ai effectué un travail combinant connaissance médicale et artistique.
D’ailleurs, cela me rappelle une représentation à Auch où de nombreux aidants de structures spécialisées étaient présents dans le public. Ils avaient organisé une discussion en marge de la scène avec un pédiatre. À la fin du spectacle, le médecin vient me voir et me dit : « Je n’ai rien à dire, vous avez déjà tout dit », l’émotion était palpable. Il est resté dans la salle, a posé des questions, mais il ne voyait pas l’intérêt de diriger lui-même la discussion. J’ai trouvé son attitude très appréciable. Dans une conférence articulée, on parle de connaissance chaude et de connaissance froide, peut-être que l’art apporte de la chaleur en termes d’émotion, d’expérience vécue, et parfois la connaissance médicale peut être froide, rigide, détachée de l’émotion. Mêler les deux, c’est ce qui est intéressant.

ECLATS : Que veux-tu défendre à travers cette création ? Quels étaient tes principaux objectifs avec ce spectacle ? Quel message voulais-tu faire passer ?

TC : Je crois que j’ai besoin de temps pour comprendre quel message je souhaite faire passer à travers un spectacle. Je le construis avec qui je suis. Dans Léon, je pourrais presque dire que le message est trop évident.
Ce n’est pas vraiment un message, mais plutôt une vision que je me forge au fur et à mesure de mes réflexions et de ma documentation sur un sujet. J’espère que le spectacle transpire de toutes ces investigations. Je ne suis pas celui qui formule le message, ce sont les spectateurs eux-mêmes, après avoir vu le spectacle, qui peuvent chacun se créer leur propre interprétation. Parfois, les gens viennent me voir à la fin du spectacle pour me dire que ce n’est pas tant un spectacle sur le handicap, mais plutôt sur l’amour, l’amour d’une famille face aux défis qu’elle peut rencontrer. Finalement, c’est vrai ! Moi, je le présente avec cette particularité du handicap, mais les messages sont multiples. À plusieurs reprises dans le spectacle, je parle de « modalités » d’humain, j’insiste sur le fait que mon frère est un humain. Les humains ne sont pas toujours les mêmes personnes, les humains sont aussi des personnes comme mon frère. À partir de cette réflexion, notre conception du monde peut évoluer et nous permettre de prendre du recul sur celui-ci.

Notes

1 Un lien pour accéder à ces informations est disponible sur le site de la compagnie : https://www.pockettheatre.fr/. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Thierry Combe, Loli Jean-Baptiste et Meiyun Xu, « À la rencontre de Thierry Combe et de son spectacle Jean Pierre, lui, moi », Éclats [En ligne], 3 | 2023, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : https://preo.u-bourgogne.fr/eclats/index.php?id=418

Auteurs

Thierry Combe

Pocket Théâtre

Loli Jean-Baptiste

Université de Franche-Comté

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Meiyun Xu

Université de Bourgogne

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Droits d'auteur

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