Emil Nolde, peintre de la clandestinité ? Construction et déconstruction de la « légende allemande » des « tableaux non peints »

Introduction

  • Emil Nolde, a clandestine painter? Construction and deconstruction of the “German legend” of the “non-painted works”

Résumés

La réception des œuvres du peintre allemand Emil Nolde (1867-1956) a longtemps été influencée par le récit communément admis concernant sa situation d’artiste contraint, pendant la période du national-socialisme, à se limiter à des « tableaux non peints » qui, après 1945, deviendront pour le grand public les symboles de son activité clandestine.
La construction de cette « légende allemande » a grandement bénéficié du succès de l’ouvrage La leçon d’allemand (Deutschstunde) publié en 1968 par Siegfried Lenz, roman à clef qui allait instiller durablement dans le public l’image d’un Emil Nolde surveillé par les autorités du IIIe Reich et soumis à une « interdiction de peindre » (« Malverbot »).
Parallèlement, la volonté de Nolde de réécrire en partie sa propre histoire, dans une série autobiographique longtemps reconnue comme historiquement exacte et republiée en 1976 sous le titre Mein Leben, allait longtemps, pour le grand public, conforter sa réputation de peintre diffamé et clandestin. Cependant, à partir de la fin des années 2000, d’autres voix – à l’occasion de certaines expositions ou à la suite de travaux de recherche – ont pu rétablir la vérité des faits et finalement déconstruire cette prétendue clandestinité.

The reception of the works by the German painter Emil Nolde (1867-1956) has long been under the influence of the text commonly recognized as concerning his situation as an artist – during the period of National-Socialism – when he should produce only “non-painted works” which later, after 1945, will be admitted by a large public as symbols of his clandestine artistic activity.
Building up such a “German Legend” has largely been helped by the success of the work Deutschstunde (The German Lesson) published in 1968 by Siegfried Lenz, a key novel (‘roman-à-clef’) which would later confort among the public the image of an Emil Nolde closely watched by the authorities of the Third Reich and submitted to “painting forbidden” (“Malverbot”).
Under the same perspectives, the will of Nolde to rewrite parts of his own story, in a sort of biographical series – long recognized as really historical and published again in 1976 under the title Mein Leben – was to establish and reinforce for the large public his fame as a painter disgraced and clandestine. However, from the late years 2000, other voices – as were held in some exhibitions or in following research works – were able to re-establish authentic facts and finally ruin the idea of a fake clandestinity.

Plan

Notes de l’auteur

« Légende allemande »: voir le titre de l’ouvrage en deux tomes de Fulda, Bernhard / Soika, Aya, Emil Nolde. Eine deutsche Legende: Der Künstler im Nationalsozialismus, München, Prestel, 2019, titre repris pour l’exposition organisée à Berlin à la Nationalgalerie (12 avril-15 septembre 2019). http://emilnoldeinberlin.de/

« Tableaux non peints » : Nolde utilise l’expression « ungemalte Bilder » à partir de mai 1939 (Fulda / Soika 2019 : 202) pour désigner une série de plus de 1 300 aquarelles dont certaines seront réalisées ultérieurement sous la forme de tableaux à l’huile. On trouve en français aussi la traduction « images non peintes » (Amic 2008 : 289).

Texte

1. Introduction : Emil Nolde (1867-1956), peintre proscrit et clandestin

Dans l’histoire de l’art européen du XXe siècle apparaît une ligne de fracture évidente dès qu’on s’intéresse au statut des artistes, et en particulier à la nécessaire liberté de création dont ceux-ci ne sauraient se passer dans l’exercice de leur activité, qu’il s’agisse de peinture, de musique, de littérature ou de toute autre forme créatrice. Cette fracture s’articule selon les épisodes de l'histoire politique, selon que le régime en place s’avère partisan de la liberté de créer ou cherche au contraire à mettre sous contrôle toute activité, y compris celle des artistes. Les périodes de dictature qui ont ponctué ce XXe siècle – on peut mentionner le communisme stalinien en URSS ou le nazisme en Allemagne – se caractérisent sur des modes similaires par des injonctions impératives envers les artistes à épouser l’idéologie dominante, à devenir donc des représentants de « l’art officiel », ou à cesser radicalement d’exercer leur liberté artistique, voire à entrer dans la dissidence ou la résistance, parfois au péril de leur vie. « Interdiction d’exercer sa profession » (« Berufsverbot »), et spécifiquement « interdiction de peindre » (« Malverbot ») pour tous les artistes dont les œuvres, aux yeux des autorités, n’étaient pas jugées dignes de porter les idéaux de l’art allemand selon le national-socialisme : le IIIe Reich avait très tôt défini les règles et distingué entre art « allemand » et « art dégénéré »1. À ces artistes ou intellectuels déclarés interdits par le régime ne s’offraient que quelques rares possibilités : fuir à l’étranger tant qu’il en était encore temps et à condition d’en avoir les moyens financiers, se rebeller, ou encore se réfugier dans ce que l’on a appelé « immigration intérieure » (« Innere Emigration ») et disparaître de la sphère publique, vivre en quelque sorte « sous terre » ou « sous l’eau » (au sens de terme allemand de « untertauchen »), et donc devenir clandestin.

C’est cette voie que suivit Nolde, peintre « proscrit »2, qui décrit ainsi rétrospectivement sa situation dans sa résidence au Nord de l’Allemagne pendant les années de guerre :

Une année passait après l’autre – je sais à peine comment. – Rêvant à moitié, j’allais et venais, j’étais devenu sauvage, évitant les personnes que je ne connaissais pas, ne parlant que peu avec les voisins, pourtant ne racontant rien de mon destin ou du fait que je me sentais impuissant et sans défense. Je ne voulais pas jouer les martyrs.3

S’il continue à peindre des aquarelles, ses « tableaux non peints », Nolde « peut se prévaloir de respecter la loi : elles ne sont intégrées à aucun circuit où elles deviendraient susceptibles d’être montrées publiquement, exposées ou commercialisées. » (Richard 2008 : 66) Son activité, comme sa vie quotidienne, sont ainsi devenues quasi clandestines et sa résidence de Seebüll, située aux confins septentrionaux du Schleswig-Holstein et si éloignée de Berlin, semble être un lieu idéal pour le protéger dans son « émigration intérieure ». Cet édifiant tableau d’un peintre réduit à une existence et une activité clandestines ne saurait pourtant échapper à certaines corrections, rendues nécessaires par des interrogations justifiées au sujet d’un récit autobiographique trop parfait.

2. Nolde, peintre de la modernité allemande reconnu et célébré

Pour les amateurs d’art allemand, le nom du peintre allemand Emil Nolde (1867-1956) évoque le plus souvent plusieurs séries de tableaux aux couleurs contrastées, proches de l’esthétique expressionniste, représentant tantôt des personnages – figures aux contours fortement marqués et saisies parfois dans des postures corporelles inhabituelles –, tantôt des paysages, principalement maritimes, en lien avec la région côtière d’Allemagne du Nord et le territoire du Schleswig-Holstein où Nolde a le plus souvent résidé4. Longtemps, il est apparu comme l’une des personnalités importantes de ces courants novateurs de l’avant-garde européenne – futurisme en Italie, fauvisme puis cubisme en France, expressionnisme en Allemagne – qui allaient marquer d’un sceau esthétique nouveau les débuts de ce XXe siècle, ébranlé ensuite par les catastrophes successives des deux guerres mondiales. L’art envers et contre tout, l’art comme manifestation – parfois déstabilisante – du pouvoir créateur de l’être humain malgré la violence politique et militaire, l’art en guise de réponse flagrante aux instincts destructeurs qui s’étaient déchaînés avec tant de violence : voilà sans doute quelques-unes des raisons qui expliquent l’engouement du public, pendant les années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour ces artistes diffamés, interdits par le régime national-socialiste et condamnés pour leur œuvres qualifiées d’art « dégénéré ».

Cet « enthousiasme de la génération de la guerre » avait même conduit à une reconnaissance quasi officielle de Nolde : le chancelier Helmut Schmidt possédait personnellement plusieurs œuvres de cet artiste et, « avec respect », avait nommé son bureau de Bonn où était exposé un tableau du peintre « salle Nolde »5. Plus tard, Angela Merkel allait également afficher sa prédilection pour cet artiste en se faisant prêter deux tableaux issus des collections de la Neue Galerie de Berlin : ses visiteurs pouvaient admirer dans son bureau un tableau de 1915 (« Fleurs de jardin A – Maison Thersen ») ainsi que la marine « Vague », datée de 19366. Comme s’il fallait une autre preuve de l’intérêt que portait Angela Merkel à Nolde, certains journalistes, à l’été 2008, ne manquèrent pas de signaler à leurs lecteurs que la chancelière avait emporté comme lecture de vacances l’ouvrage Ma vie (Mein Leben), réédition de l’autobiographie du peintre déjà parue en 1976. Toutefois, le journaliste Florian Illies, dans l’hebdomadaire Die Zeit, mentionne clairement l’indigence des commentaires contenus dans la postface au sujet des retouches effectuées par Nolde à propos de son engagement idéologique à l’époque national-socialiste, qualifiant cet ouvrage de « grand manuel sur l’histoire allemande du refoulement »7 et interrogeant à distance la chancelière sur ses choix de lectures.

3. Nolde, « créateur »8 de la légende de ses « tableaux non peints »

Les lecteurs de l’ouvrage Ma vie (Mein Leben) de Nolde qui s’interrogent sur la situation du peintre à l’époque du Reich national-socialiste peuvent trouver dans le chapitre intitulé « Ächtung. 1937-1945 » (« Proscription. 1937-1945 ») plusieurs documents et commentaires du peintre sur ses relations avec les autorités politiques. Dans cette version abrégée du journal qu’il a tenu tout au long de sa vie, il se représente de façon évidente comme une victime de l’aveuglement du ministère de la culture au sujet de ses œuvres, n’acceptant pas qu’une grande partie de celles-ci ait été soit confisquée, soit exposée en 1937 à Munich, lors de l’exposition officiellement intitulée « Art dégénéré »9. Il tente de se défendre en se présentant comme un peintre partisan d’un art « sain », malheureusement mal compris par des gouvernants dont il déplore « le dilettantisme culturel »10 (Nolde 2008 : 427). Il est avéré que son exclusion de la Chambre des Beaux-Arts du Reich (« Reichskammer der bildenden Künste ») lui a été signifiée par une lettre d’Adolf Ziegler du 23 août 1941, ce qui lui interdit effectivement de vendre, de diffuser, d’exposer ou de reproduire ses œuvres. Dans cet écrit ne figure toutefois pas cette fameuse « interdiction de peindre » (« Malverbot »), expression que Nolde utilise d’abord dans une lettre à sa femme Ada, avant de la reprendre lors de la rédaction de son autobiographie11. Ce terme va connaître ensuite une fortune durable et sera très souvent utilisé dans les ouvrages consacrés au peintre, par exemple par Sylvain Amic qui, à l’occasion de l’exposition organisée au Grand Palais en 2008-2009, écrit que « Nolde a recours à l’aquarelle pour contourner l’interdiction de peindre imposée par la Chambre des Beaux-Arts du Reich en 1941. » (Amic 2008 : 289)

C’est à partir de cette première ‘retouche’ des faits que Nolde, dans son autobiographie, va fonder la légende des « images non peintes », pour désigner une abondante série d’aquarelles (environ 1300) réalisées pendant les années de guerre, cette technique peu exigeante pouvant pallier la difficulté – relative dans le cas de Nolde car il avait gardé de nombreux contacts utiles – à se procurer du matériel tel que toiles, huiles ou pinceaux. Ainsi va-t-il mettre en scène cette prétendue nécessité de peindre « à la dérobée », comme on peut le constater dans une première version dactylographiée du troisième tome de ses mémoires où il écrit :

Les années passaient. Jusque-là j’avais travaillé à la dérobée, dans une petite pièce à moitié cachée. Je ne pouvais m’arrêter. Il m’était pourtant interdit de me procurer du matériel et il n’y avait guère que mes petites inspirations particulières que je pouvais peindre et fixer sur des feuilles très petites, mes « images non peintes », qui devaient devenir de vrais et grands tableaux, quand elles et moi le pourraient.12 (Fulda / Soika 2019 : 179)

Plusieurs de ces aquarelles seront effectivement reprises par Nolde après la fin de la Seconde Guerre mondiale, devenant le sujet de tableaux à l’huile ; toutefois, c’est moins à cette postérité des « images non peintes » qu’à la représentation récurrente de l’activité clandestine de Nolde que se sont intéressés la plupart des critiques. Jusqu’à un passé récent – les années 2008-2010 – on retrouve dans la plupart des publications dédiées à ce peintre des propos parfois insistants sur les difficultés rencontrées par le peintre, proscrit et « interdit de peindre ». Ainsi Antje Kramer, dans le Dossier de l’Art consacré à la rétrospective Nolde organisée en 2008-2009 à Paris et à Montpellier, consacre-t-elle un paragraphe de son article aux « tableaux non-peints » dans lequel elle écrit :

Jusqu’à la fin de la guerre, face aux contraintes matérielles et aux risques d’être découvert, il réalise plus de 1300 aquarelles dans une petite cabane jouxtant sa maison de campagne. De peur d’être trahi par l’odeur de l’huile lors des visites de contrôle de la Gestapo, il ne peint pendant ces années que quinze toiles aux motifs floraux qu’il juge particulièrement anodins. Ses petits formats aquarellés deviennent ainsi le subterfuge des peintures qu’il souhaite exécuter : il les appelle ses « tableaux non-peints ». (Dossier 2008 : 63-64)

Ces « images non peintes, définition littérale d’une œuvre qui ne peut ni ne doit exister » (Amic 2008 : 289) allaient durablement profiter à Nolde, en particulier à la fin de la Seconde Guerre mondiale13. Manifestes incontestables des difficultés du peintre à faire survivre son art envers et contre tout, signes de cette « résistance à la destruction », « exemple[s] d’une préservation de soi » (Richard 2008 : 70), elles lui permettront d’être rapidement réhabilité et rétabli dans ses droits en tant qu’artiste et peintre et d’échapper, peu ou prou, aux différentes procédures induites par les campagnes de dénazification. Il devient alors un peintre reconnu et célébré par les nouvelles autorités culturelles et politiques puisque plusieurs prix ou distinctions lui seront attribués : en 1949, la ville de Cologne lui décerne la « Médaille Stefan Lochner » et, en 1952, il reçoit l’ordre « Pour le mérite pour les sciences et les arts », décoration prestigieuse rétablie cette même année par le président de la République Fédérale d’Allemagne Theodor Heuss.

Pour saisir pourquoi cette « légende » dorée a pu persister si longtemps et résister à tout discours critique concernant l’attitude de Nolde pendant la période du IIIe Reich, il convient désormais de faire un détour par la littérature allemande de la fin des années 1960, période que l’on désignera comme les « années de plomb », alors que la jeune génération cherche, parfois par la violence, à percer la chape de plomb recouvrant le passé national-socialiste de la génération précédente, dans la sphère privée comme publique, maintes personnalités publiques (politiques, juristes, universitaires) étant alors démasquées comme anciens partisans de l’idéologie national-socialiste.

4. De la légende des « tableaux non peints » à l’histoire des « peintures invisibles »14 

On peut supposer que peu d’admirateurs de la peinture de Nolde ont été des lecteurs de ses ouvrages autobiographiques, mais – à la faveur des différentes expositions et hommages qui lui avaient été consacrés dès les débuts de la République Fédérale d’Allemagne – la « légende » de ces « images non peintes », nées dans la clandestinité de cette cabane située dans le Schleswig-Holstein, avait eu une résonance certaine. C’est toutefois par le biais du roman de Siegfried Lenz La leçon d’allemand (Deutschstunde), paru en 1968, que la narration de Nolde allait massivement s’installer comme une confortable doxa auprès d’un public allemand aux prises avec cette si difficile et douloureuse confrontation avec le passé, avec la période du national-socialisme, « maîtrise du passé » (« Vergangenheitsbewältigung ») qui souvent devait révéler un « deuil impossible », sujet de l’ouvrage déterminant de Margarete et Alexander Mitscherlich15.

Le roman de Siegfried Lenz, construit selon deux niveaux diégétiques, met en scène des personnages représentant les deux générations d’Allemands qui se confrontent à l’époque à ce retour complexe sur le passé national-socialiste de leur pays. Un jeune narrateur, enfermé dans une maison de correction après avoir été accusé de vol, doit rédiger un texte sur « Les joies du devoir ». C’est à l’intérieur de ce second récit que se déploie l’histoire de sa jeunesse dans une petite bourgade du Nord de l’Allemagne ainsi que celle des relations ambiguës entre son père, policier local aux ordres des autorités, et un peintre – son ami d’enfance – dont l’art est déclaré « dégénéré ». Ce peintre porte le nom de Max Ludwig Nansen, patronyme qui évoque à dessein le vrai nom de Nolde, né Hans Emil Hansen. Dès le deuxième chapitre, intitulé « L’interdiction de peindre »16 (Lenz 1996 : 22), une expression apparaît, celle de « tableaux invisibles » (Lenz 1996 : 37), variation crescendo de la formule originelle, et devenue emblématique, des « tableaux non peints » :

Ces fous-là ; comme s’ils ne savaient pas que c’est impossible : interdiction de peindre. […] Il est impossible de se préserver des tableaux indésirables. On a beau bannir les peintres, les frapper de cécité, rien n’y fait. Et quand on leur coupe les mains, ils peignent avec la bouche. Ces idiots, comme s’ils ne savaient pas qu’il y a aussi des tableaux invisibles.17 (Lenz 1996 : 37)

Au cours de ce même dialogue entre le policier, qui apporte au peintre l’ordre arrivé de Berlin, et le peintre, frappé d’étonnement et d’incompréhension, les propos du représentant de l’ordre ne pouvaient que résonner fortement auprès de maints lecteurs de cette époque, sommés par les autorités judiciaires ou leurs propres enfants, de s’expliquer sur leurs agissements pendant le IIIe Reich. Dans ce bref échange, le policier devient en quelque sorte le porte-parole de toutes les personnes qui prétendaient – par opportunisme ou par nécessité psychique d’oublier ou de refouler le passé – n’avoir finalement que suivi des ordres cruellement funestes :

Mon père se rendait bien compte qu’il devait encore une explication à Max Ludwig Nansen. C’est pourquoi il dit : je ne suis pour rien dans tout ça, tu peux me croire. Je n’ai rien à voir avec cette interdiction. Je ne fais que transmettre.18 (Lenz 1996 : 37)

L’argument invoqué ici par le policier est repris dans le quatrième chapitre, lors d’une autre conversation entre les deux protagonistes, quand le premier affirme à son ancien ami qu’il ne fait là « que son devoir »19 (Lenz 1996 : 77), le terme de « devoir » pouvant être associé à un vaste champ sémantique où l’on trouverait aussi l’obligation d’obéissance à l’autorité de l’État (« Obrigkeit »)20, obéissance parfois aveugle jusqu’à la commission d’actes criminels contre l’humanité.

Au-delà de ces passages qui inscrivent immédiatement l’action du roman dans les nombreux débats de l’époque sur la culpabilité d’une certaine génération – on se souvient du retentissement médiatique et philosophique du procès Eichmann de 1961 –, il convient de souligner que le roman se nourrit aussi de toute la force du romanesque. L’histoire du peintre Nansen, poursuivi par les autorités et contraint à peindre des « tableaux invisibles », est ponctuée par différents épisodes et/ou rebondissements, en particulier autour du motif récurrent de la cachette. C’est en effet dans un moulin que le jeune narrateur, fils du policier, parvient à cacher certaines des œuvres de l’artiste devenu pour lui une sorte de mentor, ce même moulin devenant également le refuge du frère du narrateur, déserteur, et donc poursuivi lui aussi par les autorités et par le zèle de son propre père. Par un retournement de situation dû à la fin de la guerre, et après divers rebondissements – par exemple l’incendie du moulin, lieu décrit comme clandestin et donc sûr, et où étaient dissimulées certaines œuvres afin de les soustraire aux inspections policières –, le jeune homme va finalement se retrouver accusé d’avoir détourné les tableaux qu’il avait cru protéger, ce qui le mènera à cette maison de correction d’où il rédige son texte sur « Les joies du devoir ».

Le succès du roman ne se fit pas attendre, comme si cette belle histoire d’un peintre contraint à la clandestinité avait eu un effet cathartique alors bienvenu pour une grande partie du public allemand, aux prises avec ses interrogations sur le conflit entre art et politique, entre libre-arbitre et passivité coupable, ou entre obéissance aveugle et résistance. Grâce au romanesque de l’histoire racontée par Lenz, la « légende » d’un Nolde, artiste victime et contraint à la clandestinité, allait s’en trouver magnifiée, puis encore amplifiée par le succès d’un film télévisé éponyme, réalisé par Peter Beauvais et diffusé sur la chaîne allemande ARD en 197121.

Les raisons qui ont amené Lenz à bâtir son roman en s’inspirant, pour son personnage de peintre, de l’activité de Nolde pendant la Seconde Guerre mondiale, ont été formulées par le romancier lui-même, commentées par la critique et récemment réexaminées à l’occasion de la nouvelle publication du roman La leçon d’allemand dans le cadre d’une édition scientifique de son œuvre (Lenz 2017). D’emblée, l’écrivain était fortement attaché aux mêmes paysages maritimes d’Allemagne du Nord que le peintre, affinité géographique avérée quand on sait que l’un et l’autre ont séjourné à des époques différentes sur l’île d’Alsen (territoire danois à partir de 1920), lieu de résidence peu coûteux pour le jeune peintre Nolde au début de sa carrière et, vingt-cinq ans plus tard, à la fin des années 1950, « paysage préféré »22 de l’écrivain allemand et de sa femme pour leurs vacances.

Les motifs présents dans son roman – « chute, fuite, persécution »23 – font évidemment écho à la narration autobiographique de Nolde, telle qu’elle était accessible dans les années 1960 au grand public comme à l’écrivain Lenz. On sait en outre que, pour raconter la vie du peintre Nansen, le romancier a puisé de nombreux détails dans la grande monographie de Nolde, publiée par Werner Haftmann en 1958, deux ans après la mort de l’artiste. Cet ouvrage, plusieurs fois réédité et traduit dans de nombreuses langues, allait devenir pour longtemps une référence largement reconnue, même après que son auteur, grand connaisseur de l’œuvre noldienne, eut avoué dans une lettre de 1963 à un collectionneur qu’il avait « volontairement tu le passé national-socialiste de Nolde »24. Un discours prononcé en 1967 à l’occasion du centenaire de la naissance du peintre par l’écrivain Walter Jens a pu encore conforter Lenz dans son parti-pris romanesque puisque Nolde est célébré comme un grand artiste, plus « régionaliste » qu’allemand, presque naïf, ce qui fait tomber pour ses tableaux l’étiquette infamante d’œuvres « allemandes », contaminées par l’époque national-socialiste25. Dans ce contexte, il apparaît que l’expression de « complexe Nolde » (« Nolde-Komplex »), introduite par le critique Günter Berg à l’occasion de la réédition du roman de Lenz, peut utilement éclairer une autre lecture de La leçon d’allemand, roman à la fois symptôme et thérapie, « histoire édifiante collective »26, refuge et consolation pour un public allemand qui pouvait se disculper en se laissant transporter par les heurs et malheurs d’un peintre inspiré par la personne de Nolde mais représenté par le romancier – sans correction aucune des faits prétendument réels – comme victime, condamné à la clandestinité et persécuté par la dictature national-socialiste. Les derniers mots du critique, dans son commentaire intitulé « Le complexe Nolde », résument parfaitement ce processus dialectique entre la fiction romanesque, créée par le romancier Lenz et le discours autobiographique, ‘retouché’ par le peintre Nolde : « Pour l’historiographie officielle de Nolde pendant les années 1960-1970, La leçon d’allemand fut en tout cas un cadeau. »27 (Lenz 2017 : 624)

5. Conclusion et épilogue : La déconstruction de la clandestinité, ou la « légende » à l’épreuve de la réalité des faits

Les propos du critique littéraire au moment de la réédition du roman de Lenz en 2017 sont une mise au point devenue indispensable à la lumière des nombreux travaux de recherche effectués par les historiens de l’art au sujet de la biographie de Nolde. Les interrogations concernant la « légende » instillée par le peintre dans son autobiographie ont commencé dans les années 2007-2008, comme en témoigne une affirmation de Florian Illies dans l’hebdomadaire Die Zeit au moment de la réédition de Mein Leben, puisqu’il note que – malgré l’ajout d’une postface due à Martin Urban – « les passages les plus dérangeants de l’idéologue Nolde sont entièrement soustraits au lecteur »28. Se perpétue alors cette « légende », abondamment nourrie par Werner Haftmann29, puis entretenue par de nombreux autres thuriféraires du peintre, dont les sources étaient soigneusement contrôlées par la « Fondation Seebüll Ada et Emil Nolde » (« Stiftung Seebüll Ada und Emil Nolde »), installée dans le Musée Nolde, créé dans l’ancien domicile et atelier du peintre à Seebüll. Poursuivant au fil des années une « stratégie de disculpation »30 (Lenz 2017 : 621), la seconde épouse de Nolde, Jolanthe Erdmann (1921-2010), a joué ici un rôle déterminant afin que puisse se maintenir cette image d’un Nolde diffamé par les nationaux-socialistes, empêché de peindre et condamné à la clandestinité.

Pourtant, les preuves d’une véritable proximité idéologique entre Nolde et l’idéologie du IIIe Reich ne manquent pas, qu’il s’agisse de propos contenus dans des lettres et dans son journal ou de faits concrets, prouvant ses contacts répétés avec les dirigeants de l’époque. Dès 2014, une rétrospective organisée au musée Städel de Francfort-sur-le-Main donne aux critiques et journalistes l’occasion de mettre au jour les nombreuses prises de position de Nolde, longtemps occultées par les historiens de l’art et Nolde est présenté comme un artiste « plus sympathisant que résistant »31 (Voss 2014). Cette nouvelle image du peintre, qui s’était longtemps mis à l’abri de toute mise en cause idéologique, signait – grâce à la publication de documents naguère éludés par le peintre et ses ayants-droits – la fin de la légende dorée élaborée par le peintre, puis romancée par Lenz. Il était désormais avéré que Nolde avait été officiellement membre du parti national-socialiste du Schleswig du Nord depuis 1935, qu’il avait tenu de nombreux propos antisémites – par exemple à l’encontre du peintre Max Liebermann –, qu’il s’était exprimé souvent en termes laudateurs pour Hitler et avait entrepris diverses tentatives pour être réhabilité (par exemple, un voyage à Vienne en 1942 pour une rencontre avec Baldur von Schirach en vue de l’organisation éventuelle d’une exposition). Dans les deux ouvrages publiés par Bernhard Fulda et Aya Soika en 2019, ouvrages issus de recherches minutieuses dans les archives de la Fondation Nolde, les preuves sont nombreuses et éclairantes quant aux positions politiques et philosophiques réelles de Nolde32.

Au vu de toutes ces preuves, il est certes possible, à l’instar de Lionel Richard, de considérer que « coexistaient », en Nolde, « deux êtres » (Richard 2008 : 68) et que l’art du peintre, par sa force originelle, échappe au soupçon idéologique, toutefois désormais impossible à dissimuler. La « démystification d’un prétendu résistant », grâce à la brisure de ce « cocon » et de cette « carapace »33 qui avaient longtemps « protégé les tableaux de Nolde de toute critique » (Voss 2014), permet cependant de lever le voile sur son engagement idéologique et de prendre la véritable mesure des œuvres de Nolde – dont les aquarelles de la série des « images non peintes » – dans toute leur vérité, esthétique et historique34.

Enfin, ce « passé trouble d’Emil Nolde » ne pouvait que jeter définitivement une « ombre au tableau » (Bouvier 2019) d’un peintre qui avait eu longtemps droit de cité à la Chancellerie. Cette révision radicale de la « légende » communément admise au sujet de Nolde, par le rétablissement de la vérité biographique et historique, eut naturellement un très fort retentissement que ne put ignorer la chancelière Angela Merkel : c’est ainsi que « deux toiles du célèbre peintre allemand qui se trouvaient dans le bureau de la chancelière Angela Merkel ont été décrochées alors que s’ouvr[ait] une exposition sur le passé national-socialiste du peintre. » (Bouvier 2019)

Bibliographie

Sources

Nolde, Emil, Reisen, Ächtung, Befreiung 1919-1946, Köln : DuMont, 2002.

Nolde, Emil, Mein Leben (mit einem Vorwort von Manfred Reuther und einem Nachwort von Martin Urban), Köln : DuMont, (1976) 2008.

Lenz, Siegfried, Deutschstunde, DTV : München, 1977.

Lenz, Siegfried, Deutschstunde, Günter Berg (éd.), Hamburg : Hoffmann Campe, 2017.

Lenz, Siegfried, La Leçon d’allemand : roman, trad. Bernard Kreiss, Paris : Robert Laffont, 1996.

Lenz, Siegfried, Beziehungen: Ansichten und Bekenntnisse zur Literatur, München : DTV, 1972.

Catalogues

Amic, Sylvain (commissaire de l’exposition), Emil Nolde (1867-1956) : Catalogue de l’exposition, Paris : Galeries Nationales du Grand Palais (25 septembre 2008-19 janvier 2009) ; Montpellier, Musée Fabre (7 février-24 mai 2009), Paris : Réunion des musées nationaux, 2008.

Hudowicz, Florence, Emil Nolde (1867-1956) : Album de l’exposition, Paris : Galeries Nationales du Grand Palais (25 septembre 2008-19 janvier 2009) ; Montpellier, Musée Fabre (7 février-24 mai 2009), Paris : Réunion des musées nationaux, 2008.

Emil Nolde, La rétrospective, « Dossier de l’art », n° 155, 2008.

Ouvrages critiques, articles

Bouvier, Pierre, « Le passé trouble d’Emil Nolde, une ombre au tableau », Le Monde, 11. 04. 2019.

Dufour-Kowalska, Gabrielle, Emil Nolde : l’expressionnisme devant Dieu, Paris : Klincksieck, 2007.

Fulda, Bernhard, Emil Nolde. Eine deutsche Legende: Der Künstler im Nationalsozialismus / Essay- und Bildband, München : Prestel, 2019.

Fulda, Bernhard / Soika, Aya, Emil Nolde. Eine deutsche Legende: Der Künstler im Nationalsozialismus / Chronik und Dokumente, München : Prestel, 2019.

Haftmann, Werner, Emil Nolde, Köln : DuMont, 1978.

Hurst, Simona, “Emil Nolde, Liebling der Bundeskanzler“, Städelblog, 30. 04. 2014, consultable à https://blog.staedelmuseum.de/. Page consultée le 24. 08. 2022.

Illies, Florian, “Das liest die Kanzlerin“, in : Die Zeit, 31. 07. 2008.

Pois, Robert, Emil Nolde, University Press of America, 1982.

Richard, Lionel, Emil Nolde ou l’obsession de peindre envers et contre tout, Paris : L’Échoppe, 2008.

Ring, Christian (Hg.), Emil Nolde in seiner Zeit – im Nationalsozialismus (Symposium Emil Nolde und seine Zeit), Nolde Stiftung Seebüll, München : Prestel, 2019.

Vahland, Kia, „Emil Nolde. Welche Kunst passt zum Selbstbild der Deutschen“, in : Süddeutsche Zeitung, 15. 04. 2019.

Voss, Julia, „Emil Nolde im Frankfurter Städel: Mehr Sympathisant als Widerständler“, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 5. 03. 2014.

Notes

1 L’expression « Entartete Kunst » avait été utilisée lors d’une exposition à Munich, organisée en 1937, où furent présentées des œuvres d’artistes expressionnistes, dadaïstes, surréalistes ou appartenant au courant de la « Nouvelle objectivité ». Au nombre des œuvres exposées, on trouve 48 tableaux d’Emil Nolde, dont le polyptyque « La vie du Christ » (« Das Leben Christi ») de 1911-1912. Retour au texte

2 Voir, dans l’autobiographie de Nolde Ma vie (Mein Leben), le chapitre intitulé « Ächtung. 1937-1945 » / « Proscription. 1937-1945 » (Nolde 2008 : 424-431). Retour au texte

3 „Ein Jahr verging nach dem anderen, – ich weiß kaum wie. – Halb träumend ging ich umher, scheu war ich geworden, fremde Menschen meidend, nur wenig mit Nachbarn redend, dabei nichts von meinem Schicksal erzählend oder wie macht- und wehrlos ich sei. Ich wollte kein Märtyrer sein.“ (Nolde 2008 : 429) [Trad. MCM] Retour au texte

4 Emil Nolde, de son vrai nom Hans Emil Hansen, a choisi comme pseudonyme le nom de son village natal Nolde. Retour au texte

5 „[…] Nolde-Begeisterung der Kriegsgeneration: Helmut Schmidt nannte sein Bonner Büro mit einem Bild des Malers ehrfürchtig ‚Nolde-Zimmer‘ […].“ (Vahland 2019) Retour au texte

6 „Blumengarten A (Thersens Haus)“ / „Brecher“. (Hurst 2014) Retour au texte

7 „Noldes Mein Leben ist also ein Palimpsest, ein großes Lehrbuch […] für deutsche Verdrängungsgeschichte.“ (Illies 2008) Retour au texte

8 „Die letzten beiden Kapitel widmen sich dem Erfolg Noldes als Schöpfer seiner eigenen Legende […].“ (Fulda / Soika 2019 : 29) Retour au texte

9 « En 1937, 1052 œuvres de Nolde sont retirées des musées allemands et, en juillet, ouvre à Munich l’exposition ‘Entartete Kunst’ (‘Art dégénéré’) : 48 tableaux de Nolde sont accrochés et la pièce désignée comme la plus indigne est La Vie du Christ. » (Hudowicz 2008 : 47) Retour au texte

10 „Ich schrieb […], ich sei nicht ‚entartet‘, meine Kunst sei gesund und stark […]. Ihrem kulturellen Dilettantismus sollte nun alle Kunst untergeordnet werden!“ (Nolde 2008 : 427) Retour au texte

11 « On a longtemps confondu l’interdiction de peindre, Malverbot, et l’interdiction d’exercer la pro­fession de peintre, Berufsverbot, explique Caroline Dieterich, de la Fondation Emil Nolde à Seebüll. En effet, Nolde avait le droit de peindre pour lui, mais pas de vendre ou d’exposer ses tableaux. » Olga Yurkina, « Emil Nolde et son paradis secret », in : Le Temps, 31. 10. 2016. Retour au texte

12 „Die Jahre vergingen. Verstohlen hatte ich bisweilen in einem kleinen, halbversteckten Zimmer gearbeitet. Ich konnte es nicht lassen. Material beschaffen jedoch war mit entzogen, und es waren fast nur meine kleinen, besonderen Einfälle, die ich auf ganz kleine Blättchen hinmalen und festhalten konnte, meine ‚ungemalten Bilder‘, die große, wirkliche Bilder werden sollen, wenn sie und ich es können.“ (Fulda / Soika 2019 : 179) [Trad. MCM] Retour au texte

13 Voir aussi Dufour-Kowalska (2007 : 56) : « Entre 1938 et 1945, Nolde, sous contrôle de la Gestapo, peindra clandestinement ce qu’il appellera ses ‘tableaux non peints’ (Ungemalte Bilder) […]. » Retour au texte

14 Titre du chapitre 11 du roman (Lenz 1996 : 237) / « Unsichtbare Bilder » (Lenz 1977 : 213). Retour au texte

15 Alexander Mitscherlich / Margarete Mitscherlich, Le deuil impossible : les fondements du comportement collectif, Paris, Payot, Paris, 2005, [Die Unfähigkeit zu trauern. Grundlagen kollektiven Verhaltens, München, Piper, 1967]. Retour au texte

16 „Das Malverbot“ (Lenz 1977 : 18) Retour au texte

17 „Diese Wahnsinnigen, als ob sie nicht wüßten, daß das unmöglich ist: Malverbot. […] Gegen unerwünschte Bilder hat es noch nie einen Schutz gegeben, nicht nur Verbannen, auch nicht durch Blendung, und wenn sie die Hände abhacken ließen, hat man ebent mit dem Mund gemalt. Diese Narren, als ob sie nicht wüßten, daß es auch unsichtbare Bilder gibt.“ (Lenz 1977 : 31-32) Retour au texte

18 „Mein Vater sah wohl ein, daß er Max Ludwig Nansen noch etwas schuldete, darum sagte er: Ich hab mir das alles nicht ausgedacht, Max, das kannst du mir glauben. Mit dem Berufsverbot hab ich nix zu tun, ich hab das alles nur zu überbringen.“ (Lenz 1977 : 31) Retour au texte

19 „Ich tu nur meine Pflicht, Max.“ (Ibid., 68) Retour au texte

20 Ce terme de „Obrigkeit“ est employé par Haftmann : „In dieser Zeit bitterster Verfolgung, als diesem sehr obrigkeitsgläubigen Menschen sogar das Malen polizeilich verboten wurde, bewährt sich nun die innere Freiheit des Künstlermenschen.“ / « Dans cette période de persécution la plus amère, alors qu’à cet homme ayant pleinement foi dans les autorités on a même interdit de peindre, c’est la liberté intérieure de l’artiste qui s’impose. » (Haftmann 1978 : 38) [Trad. MCM] Retour au texte

21 Il est intéressant de mentionner ici qu’un second film, portant aussi le titre « La leçon d’allemand », a été réalisé en 2019 par Christian Schwochow. Signalons également le roman de Lionel Duroy, Échapper, Paris, Julliard, 2015, dans lequel le narrateur se dit « transporté » par le roman de Lenz (Duroy 2015 : 24) et décide de se rendre à Husum pour découvrir les paysages dépeints par Lenz. Retour au texte

22 Voir le chapitre « Eine Lieblingslandschaft (1966) » (Lenz 1972 : 70) Retour au texte

23 „[Ich] begann Erzählungen, Romane und Stücke zu schreiben, in denen oft die Motive wiederkehren, die mich beschäftigen: es sind die Motive von Fall, Flucht und Verfolgung […].“ (Lenz 1972 : 31) Retour au texte

24 „Einem Nolde-Sammler in Hannover schrieb er am 29. Mai 1963 gar, er habe ‚die Nazi-Vergangenheit Noldes bewußt verschwiegen‘“. Günter Berg, „Der Nolde-Komplex“ (Lenz 2017 : 623) Retour au texte

25 „Nolde war Regionalist wie Joyce, Barlach oder William Faulkner […].“ (Lenz 2017 : 622) Retour au texte

26 „Die Erzählung des sich gegen alle Widerstände durchkämpfenden, ‚widerständigen‘ Künstlers während des Nationalsozialismus wurde zu einer kollektiven Erbauungsgeschichte […].“ (Fulda / Soika 2019 : 29) Retour au texte

27 „Für die offizielle Nolde-Historiographie der 60er- und 70er-Jahre war die Deutschstunde jedenfalls ein Geschenk.“ (Lenz 2017 : 624) Voir aussi les réserves de l’universitaire américain Robert Pois au sujet du roman de Lenz : « Lenz also understated Nolde’s early interest in and support of Nazism. » (Pois 1982 : 203) Retour au texte

28 „Schwerer wiegt aber, dass die verstörendsten Passagen des Ideologen Nolde dem Leser komplett vorenthalten werden.“ (Illies 2008) Retour au texte

29 „Es ist dies eine, bisher noch unbekannt gebliebene Reihe von Hunderten von kleinen Aquarellen, die Nolde, in einem Winkel seines Hauses versteckt, im Leid der Verfolgung, des Krieges und des Alters, malte […].“ / « Il s’agit de cette série de centaines de petites aquarelles, restées inconnues jusqu’à maintenant, que Nolde peignit, caché dans un recoin de sa maison, dans la souffrance de la persécution, de la guerre et de la vieillesse. » (Haftmann 1978 : 38) [Trad. MCM] Retour au texte

30 „Die ‚Stiftung Seebüll, Ada und Emil Nolde‘ […] verfolgte jedoch bis in die jüngste Vergangenheit auch eine ‚Strategie der Exkulpierung‘ […].“ (Lenz 2017 : 621) Retour au texte

31 „Mehr Sympathisant als Widerständler.“ (Voss 2014) Retour au texte

32 Voir, pour une première approche, le site de la Fondation Nolde : https://www.nolde-stiftung.de/der-kuenstler-im-nationalsozialismus/ (Page consultée le 5. 11. 2021). Retour au texte

Voir aussi Bouvier (2019) : « Cette réévaluation de l’œuvre de Nolde est la conséquence d’un changement à la tête de la Fondation et du musée Ada et Emil Nolde, que le peintre avait créés pour prendre soin de sa postérité à Seebüll, un quartier de Neukirchen, dans le Schleswig-Holstein. »

33 „Geknackt wird ein Kokon, ein Panzer, der Noldes Bilder die längste Zeit vor jeder Kritik geschützt hat.“ (Voss 2014) Retour au texte

34 Signalons que Lionel Duroy, dans son roman Échapper, procède lui aussi à cette réévaluation du personnage de Nolde dans un chapitre intitulé « Toute ma vie à été consacrée aux idéaux nazis ». Le narrateur, alors confronté à certains documents authentiques concernant ce voyage à Vienne de 1942, remarque : « Qui reconnaîtrait en cet homme le héros magnifique de Lenz, ce Max Ludwig Nansen dans son manteau rapiécé capable de s’écrier à la réception de la lettre de Berlin : ‘Quelle bande d’idiots !’ ? » (Duroy 2015 : 136) Retour au texte

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Référence électronique

Marie-Claire Méry, « Emil Nolde, peintre de la clandestinité ? Construction et déconstruction de la « légende allemande » des « tableaux non peints » », Textes et contextes [En ligne], 17-2 | 2022, publié le 22 décembre 2022 et consulté le 20 avril 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=3948

Auteur

Marie-Claire Méry

MCF/HDR émérite en Études Germaniques, Centre Interlangues Texte, Image, Langage (TIL E. A. 4182), Université de Bourgogne, Faculté de Langues et Communication, 4 Bd Gabriel, 21000 DIJON (France)

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