L’expression de l’intériorité : vivre et dire l’intime à l’époque médiévale et moderne

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Séminaire suivi d’une publication aux Éditions Universitaires de Dijon ou sur Textes & Contextes

Dans le prolongement des questionnements en rapport avec l’écriture autobiographique rencontrés au cours du séminaire consacré aux avatars européens de la littérature picaresque (2007-2009), nous nous proposons à la fois d’élargir le débat, en abordant la notion d’intimité, et de l’approfondir, en resserrant notre enquête à une période où cette notion émerge avec force (la fin du Moyen-Âge et le début de l’époque moderne).

En effet, le xvie siècle voit naître tout un ensemble de procédures qui relèvent de ce que Foucault appelait le “souci de soi”. Le rapport entre sphère privée et publique, le renouvellement des théories politiques, la renaissance de la médecine, l'apparition d'une nouvelle forme de conception de l'individualité, le goût pour la construction d'une langue privée, la tension qui existe entre impératifs moraux chrétiens et comportements pragmatiques dans une société qui offre des structures pré-capitalistes attestent d'une évolution très profonde de ce qui relève de la sphère de l'intime.

S’il est vrai, pour pasticher le titre du célèbre ouvrage de Théodore Zeldin, que les passions ont une histoire, et que des sentiments réputés «naturel» comme l’amour sont, avant tout, des élaborations culturelles, une exploration du champ de l’intime à l’époque moderne implique d’abandonner toute idée préconçue sur les contenus sémantiques de la notion. En l’absence de définition préalable, nous donnerons au terme son sens le plus large :

l’intimité sera, d’une part, liée à l'introspection, à la méditation, aux secrets de l'âme et des origines,

d’autre part, elle sera mise en rapport avec certains types de rapports à autrui tels que la confidence, la complicité, le complot, l’intrigue.

Notre réflexion se situera à la fois sur le plan des pratiques (à l’aube de la modernité, quels sont les objets, les lieux, les modalités de l’intime ?), que sur celui des représentations (comment la littérature, au sens large, mais encore la peinture parviennent-elles à “fictionnaliser” et à mettre en lumière des scènes d'intimité qui, par définition, ne demandent qu'à être passées sous silence ?). Nous réfléchirons à la façon dont l’émergence d’une sphère intime s’est soldée par l’apparition de pratiques nouvelles (sur le plan de l’écriture, de l’oraison, du rapport au corps et à la sexualité…) qui impliquent, à terme, l’apparition de lieux nouveaux (les cabinets d’oraison, les appartements et jardins privés, les lieux d’aisance…). Il conviendra de s’interroger également sur les modalités d’articulation des notions de privé et de public au moment où les progrès de l’imprimerie amplifient la diffusion d’ouvrages dont la circulation était jusque-là réservée à un cercle très étroit de lecteurs. Sous quelles modalités particulières ces mêmes notions ont-elles été convoquées lors de la constitution de collections privées dont la magnificence assurait paradoxalement la renommé de leur propriétaire (cabinets de curiosités, bibliothèques et autres collection d’objets d’art) ?

Un aspect de cette étude collective pourra s’attacher aux implications personnelles de l’expression de l’intime (qu’il s’agisse d’écriture, de peinture ou de toute autre pratique socio-culturelle). Quels mobiles président à l’expression de l’intime ? Quels codes régissent ces formulations ? L’écriture de l’intime contribue-t-elle à l’élaboration de l’individu/personnage ?

Une autre dimension de ce questionnement pourra privilégier les implications artistiques de la formulation de l’intime: Quels genres artistiques sont convoqués? A quelles manipulations sont-ils soumis ? Quels circuits de diffusion sont empruntés ? Il conviendra de s’interroger sur l’ambiguïté qui consiste à livrer son intimité à un large public de lecteurs ou de spectateurs. Cette démarche repose-t-il sur un pacte de lecture particulier?

Il conviendra, enfin, de réfléchir à la dimension politique de ces nouvelles démarcations.

Ainsi, par exemple, en Espagne, les auteurs politiques de l’époque médiévale et ceux des xvie et xviie siècles ont établi des liens constants entre l’intimité du pouvoir (la privanza) et la connaissance des arcannes politiques.

SÉMINAIRE 2010-2011

L’expression de l’intériorité : vivre et dire l’intime à l’époque médiévale et moderne

Vendredi 5 novembre 2010

Marie-Odile BERNEZ (Université de Bourgogne, Centre Interlangues):

“Love me, love my dog”. Les animaux de compagnie miroir de l’intime dans la Grande Bretagne de la seconde moitié du xviiie siècle

Vendredi 19 novembre 2010

Frédéric GABRIEL (UMR 5037, CNRS)

Qu’est-ce que dévoile l’intime ? Topiques, institution et mystères ecclésiaux (xvie-xviie siècles)

Vendredi 14 janvier 2011

Paloma BRAVO (Université de Bourgogne, Centre Interlangues)

Dans l’intimité du roi : les fondements du ministériat au xviie siècle en Espagne

Vendredi 4 février 2011

Philippe RABATE (Université de Bourgogne, Centre Interlangues)

Conceptisme et figurations de l'intime chez Baltasar Gracian.

Vendredi 1er avril 2011

Françoise CREMOUX (Université Paris VIII)

Les récits de miracles comme « vies minuscules » : voix inattendues de l’intime ? (Espagne, xvie siècle)

Vendredi 13 mai 2011

Maria ZERARI (Université Paris IV-Sorbonne)

Traduire l’intime : parole(s) de femme dans La esclava de su amante (1647) et L’esclave volontaire (1680)

N.B. Les titres des interventions sont susceptibles d’être légèrement modifiés.

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Référence électronique

Paloma Bravo, « L’expression de l’intériorité : vivre et dire l’intime à l’époque médiévale et moderne », Textes et contextes [En ligne], 5 | 2010, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=292

Auteur

Paloma Bravo

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