Jean-François Candoni, Hervé Lacombe, Timothée Picard, Giovanna Sparacello (dir.). Verdi/Wagner : images croisées 1813-2013. Musique, histoire des idées, littérature et arts.

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Jean-François Candoni, Hervé Lacombe, Timothée Picard, Giovanna Sparacello, Verdi/Wagner : images croisées 1813-2013. Musique, histoire des idées, littérature et arts, 2018, 474 p. ISBN 978-2-7535-5522-8.

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Publié en 2018 dans la collection « Le Spectaculaire » des Presses Universitaires de Rennes, cet ouvrage rassemble les contributions présentées lors d’un colloque international organisé à Rennes en février 2013, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Verdi et de Wagner. Le titre du volume - « Verdi/Wagner, images croisées 1813-2013. Musique, histoire des idées, littérature et arts » - se lit d’emblée comme l’annonce d’un panorama riche et chatoyant, car l’on sait l’influence déterminante de ces deux compositeurs sur la vie culturelle européenne dès le milieu du XIXe siècle. Dans un esprit « résolument interdisciplinaire » (p. 7), les auteurs précisent dans une éclairante « Introduction » (p. 7-13) qu’ils ont tenu à susciter une rencontre féconde entre trois équipes de recherche l’Université de Rennes1 et des représentants de l’Opéra de Rennes, afin « d’étudier un triple croisement » (p. 7) dont la « Table des matières » (p. 469-473) rend précisément compte.

Trois grands volets - respectivement « Dramaturgie et interprétation », « Programmation et réception » et « Postérité » - donnent à ce volume une belle architecture. À l’ampleur du champ thématique s’ajoute la longue durée de l’axe diachronique (du milieu du XIXe siècle au début de notre siècle) ainsi que la diversité des aires géographiques. En effet, il n’est pas ici uniquement question de l’Italie ou de l’Allemagne - quelles que soient les formes géopolitiques diverses que ces territoires ont prises au cours de la période concernée - mais aussi de la France, du Portugal, de la Russie, de la Grande-Bretagne et d’Israël.

L’ouvrage s’articule donc en trois parties qui sont autant de rubriques thématiques propres à répondre aussi à la variété du public s’intéressant à ces deux compositeurs : spécialistes de l’histoire de l’opéra, dramaturges, interprètes, musicologues, historiens des arts et de la culture, mais aussi lecteurs mélomanes, lesquels trouveront au fil des articles de quoi satisfaire leur curiosité d’experts ou d’amateurs.

La première partie « Dramaturgie et interprétation » trouve son point nodal dans le genre même de l’opéra, genre particulièrement « interdisciplinaire », a fortiori lorsque l’on se réfère à la notion wagnérienne du « Gesamtkunstwerk ». Dans l’opéra se croisent et s’interpénètrent musique et dramaturgie, puisque, lors de la composition et de la représentation, sont convoqués différents registres artistiques tant acoustiques que visuels – musique, mise en scène, prestation vocale, direction d’orchestre – propres à souligner les linéaments thématiques ou la dimension idéologique de l’œuvre. Ainsi peuvent se dessiner par exemple des « Dramaturgies du pouvoir » autour des personnages de Rienzi et de Simon Boccanegra (Stéphane Pesnel), ou se révéler « Deux visages du romantisme politique […] autour du Trouvère et de Tannhäuser » (Jean-François Candoni). Dans une Europe travaillée au XIXe siècle par divers courants nationaux, la musique d’opéra de Verdi ou de Wagner s’inscrit dans un champ de forces contradictoires et complémentaires, parfois étrangères au monde de la musique.

Dans la deuxième partie, intitulée « Programmation et réception », les auteurs du volume ont réparti les contributions en deux volets : dans un premier temps sont concernés l’« Italie et les pays germanophones », puis sont abordées les « Autres aires culturelles et linguistiques » (Russie, Portugal, Grande-Bretagne, Israël…). Il convient de noter que la France n’est pas absente de ce panorama, et dans le premier volet, on trouve quatre études au sujet de la réception en France des deux compositeurs considérés. Qu’il s’agisse de la place qui leur a été réservée dans le répertoire de l’Opéra de Paris entre 1847 et 2013 (Mathias Auclair), ou des échos suscités par Verdi et Wagner dans la presse parisienne ou française (articles de Emmanuel Reibel et Cécile Leblanc), le lecteur découvre à quel point le monde musical français a été en partie bouleversé par l’irruption de deux styles musicaux apparemment opposés, et souvent associés à des enjeux nationaux. Toutefois, l’article de Mathieu Schneider consacré à une « Étude comparée » de la réception des deux compositeurs au « Théâtre de Strasbourg entre 1860 et 1929 », souligne de façon pertinente que le statut géopolitique particulier de la ville de Strasbourg dans les décennies considérées ne permet pas de prouver une alternance cohérente entre les périodes politiques et une domination des opéras de Wagner ou de Verdi dans la constitution du répertoire. Si, malgré « la présence d’une bourgeoisie francophile » (p. 230), se dessine globalement une prédilection pour les opéras wagnériens, c’est en fait grâce à « l’importance du socle culturel allemand » (p. 230),

La troisième partie de l’ouvrage est consacrée à la « Postérité, entre cultures savantes et populaires », postérité qui concerne d’abord les opéras créés par d’autres compositeurs (Faccio, Boito, Mascagni, Massenet, Dallapiccola, Maderna, Nono), puis les « échos » verdiens ou wagnériens dans la littérature, le cinéma ou la bande dessinée. C’est par cette ouverture à d’autres champs artistiques que se termine – provisoirement – cet ouvrage en partie kaléidoscopique riche et stimulant, utilement doté d’un index des noms d’auteurs et d’un index des œuvres des deux compositeurs. Cette dernière partie peut aussi être lue comme une invitation à prolonger la réflexion ou à élargir encore le champ d’investigation, par exemple au monde de la publicité, toujours réceptif à certains « grands airs » de Verdi ou de Wagner.

Ces remarques ne prétendent certainement pas établir un exposé exhaustif résumant la diversité des trente-trois contributions contenues dans cet ouvrage : elles visent seulement à inviter tout lecteur – quels que soient ses goûts musicaux – à découvrir les méandres d’un chapitre important de l’histoire de la culture européenne.

Notes

1 CELLAM (EA 3206), ERIMIT (EA 4327), « Histoire et critique des arts » (EA 1279) Return to text

References

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Marie-Claire Méry, « Jean-François Candoni, Hervé Lacombe, Timothée Picard, Giovanna Sparacello (dir.). Verdi/Wagner : images croisées 1813-2013. Musique, histoire des idées, littérature et arts. », Textes et contextes [Online], 13-1 | 2018, . Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=1972

Author

Marie-Claire Méry

Centre Interlangues Texte, Image, Langage (EA 4182), Université de Bourgogne Franche-Comté, UFR Langues et Communication, 4 Boulevard Gabriel, F – 21000 DIJON, marie-claire.mery [at] u-bourgogne.fr

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