Damien Boone, Maxime Pousset, Lille capitale du football français. Comment l’Olympique lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionnel

p. 217-238

Référence(s) :

Damien Boone, Maxime Pousset, Lille capitale du football français. Comment l’Olympique lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionnel, Marcq-en-Barœul, Les Lumières de Lille, 2023, 224 p.

Texte

Figure n° 2 : couverture de l’ouvrage Lille capitale du football français. Comment l’Olympique lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionne.

Figure n° 2 : couverture de l’ouvrage Lille capitale du football français. Comment l’Olympique lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionne.

Que Lille soit la capitale du football français1, tous les amateurs de ballon rond le reconnaîtront volontiers, même s’il n’est pas inutile de le démontrer. C’est la mission que se donnent deux supporters éclairés, Damien Boone et Maxime Pousset. Le premier, docteur en science politique et chercheur à l’Observatoire de la santé et du social à Bruxelles-Capitale, anime un blog sur l’histoire du club, tandis que le second est rédacteur pour les médias du Lille Olympique Sporting Club (LOSC). L’attachement au club, qui se manifeste aussi dans la préface de Patrick Robert, président du LOSC Lille-Métropole association, permet aux auteurs de bénéficier d’archives souvent issues de la collection privée rassemblée par Jacques Verhaeghe. Ces deux noms rappelleront d’heureuses lectures à qui s’est déjà penché sur l’histoire du football de la France du Nord. Parce qu’il est marqué ainsi du sceau des Dogues, l’ouvrage ne saurait guère échapper à l’écueil de l’épopée, mais la qualité des sources et l’utilisation qui en est faite méritent amplement de s’attarder sur ce travail. Le titre remporté en 1933 à l’issue du premier championnat de France professionnel est disséqué en neuf temps qui le replace dans une histoire plus large du football lillois.

Les auteurs retracent d’abord la naissance et les premières décennies de l’Olympisme lillois, dans le processus d’enracinement du football dans la région. Le recrutement parmi les couches les plus favorisées de la société y est évoqué, mais la guerre des fédérations, dans laquelle le président de l’OL André Billy joue un rôle central, est ignorée. C’est sur une autre guerre que les auteurs s’attardent volontiers, et sur les traces laissées par les quatre années de combats et par l’occupation allemande, avant de dresser le portrait d’Henri Jooris, reprenant à leur compte des pistes qu’Olivier Chovaux avait proposée dans un article consacré à « l’Amiral2 ». Sa pratique de l’amateurisme marron qui l’écarte de ses fonctions dirigeantes au milieu des années 1920 s’inscrit dans un dossier débattu pendant toute la décennie.

Ce débat est au cœur du deuxième temps consacré à la « fabrique du professionnalisme », dans lequel Sochaux et sa Coupe jouent le rôle de déclencheur et d’accélérateur. Si l’OL parvient en finale de cette compétition, propédeutique au football professionnel, l’OL tergiverse, jusqu’à ce que l’adoption du nouveau statut par le SC Fives ne le pousse à franchir le cap, sous peine de voir ses meilleurs joueurs partir les uns après les autres.

L’heure est alors venue de présenter les artistes, les joueurs bien sûr, de Robert Défossé à Georges Winckelmans, de Jules Vandooren à Zoltán Varga, mais aussi l’entraîneur belge Robert De Veen et surtout les stades. Même s’ils n’évoluent pas dans la même poule, la présence de deux clubs de la même agglomération dans la nouvelle élite (sans compter les voisins de Roubaix et de Tourcoing) fait de la question des enceintes sportives, aux yeux des auteurs, « un feuilleton centenaire » clos par l’inauguration du Grand Stade (Decathlon Arena-Stade Pierre-Mauroy) en 2012. La saison commence par un « Olympico » contre Marseille. Le lecteur est alors invité à suivre le parcours des Lillois, de cette première rencontre, au cours de laquelle un début d’incendie menace le stade Victor-Boucquey, aux derbys naissants. Les Dogues, puisque c’est ainsi que sont surnommés joueurs et supporters de l’OL au moins depuis 1919, posent alors volontiers avec un chien en peluche, ce qui permet aux auteurs de consacrer quelques lignes au décryptage de ce « mythe ».

Le cinquième temps est consacré à la deuxième partie de saison dont le récit participe pleinement de la mise en place d’une épopée. Ainsi, la violence du Marseille-Lille, aux multiples blessés, s’achève par une défaite sur un score fleuve (7-0) dans une ambiance explosive nécessitant l’intervention des forces de l’ordre, ou la rencontre OL-Nice, joué sur un terrain verglacé. Surtout, les pratiques douteuses de l’Olympique d’Antibes, qui tente d’acheter son match contre le SC Fives, privent l’OL, champion du groupe A, de cet adversaire désigné pour la finale du championnat, qui voit finalement les Lillois affronter leurs adversaires de l’AS Cannes.

Le jour de la finale occupe une sixième partie qui débute par une présentation des supporters, nombreux à se déplacer au stade Yves-du-Manoir. L’occasion est alors donnée aux auteurs de faire une plongée vers la naissance du supportérisme lillois avant la Première Guerre mondiale, au risque de porter sur le phénomène en 1933 un regard décalé de deux décennies. Le récit du match est d’autant plus vivant que le suspens y est continu, le but de la victoire lilloise (4-3) n’étant inscrit qu’à la 86e minute, quelques instants seulement après que l’AS Cannes a égalisé. Les auteurs achèvent ce sixième temps par une nouvelle plongée avant-guerre, rappelant le titre de champion de France USFSA obtenu par l’OL en 1914.

À peine les Nordistes ont-ils le temps de célébrer leur titre, qui fait d’eux à jamais les premiers champions de France professionnels, qu’ils partent pour une tournée de propagande en Afrique du Nord. Avec seulement treize joueurs, ils disputent seize rencontres en trente-deux jours au Maroc, en Algérie et en Tunisie, parfois sur des terrains « petits, caillouteux, sablonneux et poussiéreux », pour reprendre les propos du Grand Écho du Nord cité par les auteurs. Une victoire à Bizerte (5-2) vient parachever une première saison professionnelle très dense au cours de laquelle l’OL a joué à 61 reprises.

Le récit achevé, les auteurs se proposent de raconter ce que les champions sont devenus après leur titre. La galerie de portraits est inégalement dressée, ce qui témoigne évidemment des difficultés persistantes à suivre la trace des célébrités d’un moment retombées dans l’oubli une fois leur temps de gloire terminé. L’historien se réjouit alors de pouvoir disposer de témoignages familiaux, comme c’est le cas de l’entretien accordé par Pierre Beaucourt sur la trajectoire de son père, Georges.

Une dernière partie consacrée à l’équipe fédérale Lille-Flandres, à l’éphémère Stade Lillois et surtout au LOSC permet d’ouvrir sur une postface qui relève d’un processus de patrimonialisation complexe. L’ouvrage – comme l’exposition jumelle que l’Hôtel de Ville de Lille a accueillie à l’occasion des 90 ans du premier championnat – constitue une étape de mobilisation en vue de l’attribution du titre olympien au LOSC, ce qui aurait pour effet d’alourdir un palmarès conséquent que certains de ses voisins lui envient désespérément.

On l’aura compris, Lille capitale du football français n’est pas un exemple de méthode en matière d’histoire du football, mais tel n’est nullement l’objectif de ses auteurs. Il se veut à la fois une recherche, un récit et un plaidoyer, et, sur ces trois points, l’ouvrage est une réussite, tant le lecteur se laisse volontiers porter par l’aventure du premier club champion de France professionnel.

Notes

1 L’auteur de la recension est membre du comité de rédaction de Football(s). Histoire, culture, économie, société et, aussi, supporter du LOSC. Retour au texte

2 Olivier Chovaux, « Henri Jooris (1879-1940), ou l’incarnation du “césarisme sportif” dans l’entre-deux-guerres ? », in Christian Dorvillé, Grandes figures sportives du Nord-Pas de Calais, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2010, p. 71-90. Retour au texte

Illustrations

  • Figure n° 2 : couverture de l’ouvrage Lille capitale du football français. Comment l’Olympique lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionne.

    Figure n° 2 : couverture de l’ouvrage Lille capitale du football français. Comment l’Olympique lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionne.

Citer cet article

Référence papier

François da Rocha Carneiro, « Damien Boone, Maxime Pousset, Lille capitale du football français. Comment l’Olympique lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionnel », Football(s). Histoire, culture, économie, société, 4 | 2024, 217-238.

Référence électronique

François da Rocha Carneiro, « Damien Boone, Maxime Pousset, Lille capitale du football français. Comment l’Olympique lillois a remporté en 1933 le premier championnat professionnel », Football(s). Histoire, culture, économie, société [En ligne], 4 | 2024, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : https://preo.u-bourgogne.fr/football-s/index.php?id=701

Auteur

François da Rocha Carneiro

Chercheur associé du Centre Lucien Febvre - Univ. Artois, UR4027, Centre de Recherche et d'Études Histoire et Société (CREHS), Arras

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