Michaël Delépine, Le bel endormi. Histoire du stade de Colombes

p. 181-196

Référence(s) :

Michaël Delépine, Le bel endormi. Histoire du stade de Colombes, Neuilly, Atlande, coll. Penser le sport, 2022, 342 pages.

Texte

Michaël Delépine, Le Bel endormi, 2022. Couverture.

Michaël Delépine, Le Bel endormi, 2022. Couverture.

Ouvrir la « biographie de stade », en l’occurrence celle de Colombes, adaptée de la thèse de doctorat d’histoire contemporaine soutenue à l’université Paris X en 2015 par Michaël Delépine, c’est partir à la découverte du familier inconnu, tant ce nom contribue à l’histoire du sport français. Les archives ne manquent pas et l’auteur avoue volontiers son émotion face à certaines d’entre elles, qui l’aident à construire cette « chronique d’une existence (…) plurielle » d’un stade de banlieue en quelques chapitres.

Avant que le quotidien Le Matin n’en prenne en main la destinée en 1906, Colombes eut une première vie, celle d’un champ de courses créé en 1883. L’arrivée du journal comme locataire de ce terrain municipal en banlieue se traduit alors par le maintien de l’existant, la tribune, et l’aménagement d’« une piste d’athlétisme et de terrains annexes » (p. 28), ce qui permet d’organiser une journée omnisports le 24 mars 1907 pour inaugurer le stade, et d’accueillir rapidement des événements sportifs de haut niveau. Dès 1908, le Racing club de France s’installe comme sous-locataire, avant de reprendre pleinement le bail au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le club doyen du Paris sportif offre ensuite la solution à l’imbroglio créé autour de la question du stade olympique des Jeux de 1924 que l’État ne peut offrir.
Le club, devenu « une véritable institution » (p. 55), s’assure la propriété de son stade en construisant une vaste enceinte. Certes, l’équipement, construit à l’économie, est très éloigné des ambitions initiales, mais il offre aux Jeux Olympiques d’abord, puis à la Coupe du monde en 1938, le grand stade accueillant les grands moments des compétitions d’athlétisme et de football. Malgré « l’apothéose du football » et la découverte du jeu des Uruguayens, le choix de Colombes participe du « succès populaire limité » (p. 70) des Jeux de 1924, avant de bénéficier de « la popularité grandissante du football » (p. 85) en 1938. Colombes accueille depuis 1925 la finale de la Coupe de France, cette « fête nationale du football français », pour reprendre l’expression consacrée, et les rencontres de l’équipe de France (ainsi que de celle de rugby), avant de subir la concurrence d’un Parc des Princes rénové. C’est aussi au Parc que se disputent la plupart des rencontres de l’équipe première du Racing, qui ne fait guère que s’y entraîner, mais Colombes est bien plus que Colombes, car « sport spectacle ou pratique anonyme, compétitions ou entraînements, professionnels ou amateurs, jeunes ou plus âgés se côtoient » (p. 113) dans ce complexe sportif.

Devenu « centre de rassemblement des indésirables » au début de la Seconde Guerre mondiale, il n’est pas utilisé à des fins de propagande pendant l’Occupation. Au lendemain du conflit, il accueille de grandes affluences, qui nécessitent un renforcement de la sécurité, avec un record de 61 722 spectateurs pour un Stade de Reims-RC Paris le 14 mai 1950. Néanmoins, l’image de Colombes se dégrade : à la visibilité imparfaite pour certaines places s’ajoutent l’insuffisant confort et l’inadaptation « aux besoins du sport français » (p. 148), trop vaste pour le quotidien, trop petit pour le grand événement. Dès lors, inexorablement, « de la fin des années 1950 au début des années 1970, Colombes vit son chant du cygne » (p. 161), jusqu’à l’inauguration du nouveau Parc des Princes en 1972. Depuis, une seconde vie, « plus modeste bien sûr » (p. 188), s’offre à Yves-du-Manoir, qui se retrouve condamné à suivre la Coupe du monde 1998, « par procuration » (p. 201), en accueillant une exposition et un écran géant. Le stade se réveille néanmoins, pour abriter, après des travaux qui semblent autant de saignées, le tournoi olympique de hockey sur gazon.

Armée d’un appareil de notes aussi conséquent que réjouissant, ainsi que d’un cahier riche de trente illustrations, la démonstration de Michaël Delépine est passionnante. Quant aux deux dernières photographies, du « fameux tunnel » et des virages sur lesquels la nature reprend ses droits, qui sait si elles ne permettent pas à Colombes de dire adieu aux footballs pour mieux revivre par un autre sport ?

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

François Da Rocha Carneiro, « Michaël Delépine, Le bel endormi. Histoire du stade de Colombes », Football(s). Histoire, culture, économie, société, 1 | 2022, 181-196.

Référence électronique

François Da Rocha Carneiro, « Michaël Delépine, Le bel endormi. Histoire du stade de Colombes », Football(s). Histoire, culture, économie, société [En ligne], 1 | 2022, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : https://preo.u-bourgogne.fr/football-s/index.php?id=145

Auteur

François Da Rocha Carneiro

Docteur en Histoire contemporaine, université d'Artois

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