Olivier Chovaux, Siffler n’est pas jouer ? Une histoire des arbitres de football

p. 181-196

Référence(s) :

Olivier Chovaux, Siffler n’est pas jouer ? Une histoire des arbitres de football, Neuilly, Atlande, coll. Penser le sport, 2022, 135 pages.

Texte

Olivier Chovaux, Siffler n’est pas jouer ? Une histoire des arbitres de football, 2022.

Olivier Chovaux, Siffler n’est pas jouer ? Une histoire des arbitres de football, 2022.

L’arbitre est un acteur souvent oublié par les historiens du football et mis surtout en lumière par les épisodes de violence, de corruption ou d’erreur de jugement dont il est la victime ou l’acteur. Le livre d’Olivier Chovaux, membre du comité de rédaction de Football(s), arrive à point nommé pour réparer cet oubli. L’auteur est doublement qualifié pour traiter le sujet : historien du football, tout d’abord, depuis sa thèse sur le football dans le Pas-de-Calais, mais également ancien arbitre amateur et actuel délégué pour les matchs de Ligue et Ligue 2 en France et les rencontres des coupes européennes. Il a, en outre, dirigé la thèse très remarquée d’Alexandre Joly (université d’Artois) sur les arbitres du football professionnels français de 1955 à 1995. Autant dire qu’Olivier Chovaux associe la compétence de l’historien et universitaire à l’expérience du praticien du football de haut niveau pour produire un livre synthétique et écrit d’une plume alerte qui satisfera autant l’amateur de l’histoire du jeu que celui qui vit avec passion ses évolutions présentes.

Après une introduction rappelant que l’histoire de ceux qui étaient appelés les « hommes en noir » est aussi une histoire en chantier, Olivier Chovaux présente de manière suggestive l’évolution physique, technique, morale et sociale des arbitres. Figure de l’autorité, caractérisée par un certain « embonpoint » (p. 26), l’arbitre reste, jusqu’au début des années 1950, un « magistrat sportif » représentant sur le terrain et dans les vestiaires la bureaucratie sportive des fédérations. Il règne « en maître absolu » sur les pelouses et les joueurs avec lesquels il ne doit « jamais discuter […], ne jamais justifier une décision » et donc « parler le moins possible et toujours poliment » (p. 28). Des manuels lui rappellent ces lignes de conduite et insistent sur les courses et le placement sur le terrain d’hommes qui ne sont pas au mieux de leur forme physique. Arbitrer au plus haut niveau a néanmoins ses agréments, notamment le voyage à l’image de John Langenus, l’arbitre belge de la finale de la première Coupe du monde (1930), qui a consigné le souvenir de ses pérégrinations footballistiques dans le livre En sifflant de par le monde (1943) cité à propos par Olivier Chovaux.

Si l’apprentissage de l’arbitrage se fait d’abord sur le tas ou par la lecture d’ouvrages théoriques, sa pratique commence à se structurer après la Seconde Guerre mondiale, bien que la Fédération française de football (FFF) le considère « au mieux comme une variable d’ajustement, au pire comme un dossier sans importance » (p. 34) des années 1950 aux années 1970. La situation de ce que l’on appelle désormais aussi des « directeurs de jeu » n’est pas des plus enviable. L’entre-soi, le manque de formation et de reconnaissance financière, la vindicte des joueurs, des dirigeants et du public et les critiques acerbes des journalistes mènent certains au découragement à l’image de Jean Tricot qui, le 10 janvier 1965, interrompt à la mi-temps le match de première division Rouen-Nantes, « considérant ne plus être en sécurité, au regard du climat ambiant » (p. 38).

Toutefois, comme le rappelle Olivier Chovaux, le renouveau du football français à partir des années 1970, est aussi celui des arbitres. Mieux formés, encadrés par la Commission centrale des arbitres et des « Commissions de District, de Ligue et de la Fédération » qui « ont la charge de détecter, former, perfectionner et contrôler les arbitres » (p. 49), leurs progrès se manifestent notamment par la carrière internationale d’un Robert Wurtz ou d’un Michel Vautrot. À la fin des années 1980, l’heure des « athlètes de l’arbitrage » a sonné de même que celui d’un début de professionnalisation. Au milieu des années 2010, un arbitre professionnel de Ligue 1 touche environ 15 000 € nets mensuels (p. 52) mais doit désormais se conformer à un cahier des charges très strict notamment en matière de condition physique.

Le métier d’arbitre n’est pas de tout repos entre pressions des présidents et réseaux sociaux vengeurs et ravageurs. Ce sont toutefois leurs confrères des divisions inférieures qui subissent le plus invectives et menaces. Toutefois, loin de diaboliser le football amateur, de rechercher le sensationnel, Olivier Chovaux rappelle que le phénomène est ancien et que « les trois-quarts des faits recensés pour les catégories “senior” renvoient aux violences verbales (de la simple injure aux menaces), les agressions physiques caractérisées représentant moins de 10 % des incidents, soit un cas en moyenne pour 10 000 matches » (p. 60). En clair, le mal réside davantage dans les incivilités caractéristiques de la société contemporaine que dans une violence accrue.

Pour finir, Olivier Chovaux revient sur deux sujets importants de l’arbitrage contemporain : l’assistance-vidéo et les femmes arbitres. Sur le premier, l’auteur, spectateur engagé, analyse avec recul l’introduction de nouvelles technologies qui sont des outils « d’aide à la décision » ne garantissant toutefois pas « l’infaillibilité de l’arbitre » (p. 72-73) à l’exception de la Goal Line Technology (GLT). Si Olivier Chovaux envisage sans enthousiasme l’apport de la Video Assistant Referees (VAR) qui réduit, selon lui, la fluidité du jeu, il lui reconnaît au moins un mérite, « la possibilité de corriger une ‘erreur manifeste’ », sans pour autant faire cesser polémiques et autres diatribes. La femme sera-t-elle l’avenir de l’arbitrage ? L’augmentation du nombre de licenciées de la FFF suppose celle du nombre d’arbitres femmes. En 2017, ces dernières n’étaient que 700 contre 27 000 pour leurs homologues masculins (p. 81). Olivier Chovaux se montre plutôt circonspect à l'égard d'une politique fédérale qui se focalise sur l’émergence d’arbitres de grande valeur comme Stéphanie Frappart, qui n’échappent toutefois pas aux commentaires sexistes du milieu du football, au détriment « d’une réelle politique incitative de promotion de l’arbitrage féminin dès les premiers niveaux des championnats amateurs » (p. 93).

La lecture de ce livre neuf, agrémenté d’un utile glossaire, dresse un portrait en clair-obscur de l’arbitrage et des arbitres principalement français et invite à se pencher davantage sur cette histoire longtemps méconnue et pourtant centrale du people’s game.

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Référence papier

Paul Dietschy, « Olivier Chovaux, Siffler n’est pas jouer ? Une histoire des arbitres de football », Football(s). Histoire, culture, économie, société, 1 | 2022, 181-196.

Référence électronique

Paul Dietschy, « Olivier Chovaux, Siffler n’est pas jouer ? Une histoire des arbitres de football », Football(s). Histoire, culture, économie, société [En ligne], 1 | 2022, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : https://preo.u-bourgogne.fr/football-s/index.php?id=161

Auteur

Paul Dietschy

Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté

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