Transmission et actualité de la recherche
Ces deux jours de discussions se sont ouverts autour des « assises doctorales ». L’objectif fut d'établir un état des lieux de la recherche en info-com. Agnès Alexandre-Collier, directrice adjointe de l’école doctorale (ED) LECLA, Laurence Corroy, vice-présidente Formation de la SFIC, Patrice de La Broise, président de la SFSIC, Isabelle Garcin-Marrou, directrice de l’ED EPIC, et Arnaud Mercier, président du CNU 71, ont partagé un bilan des précédentes campagnes de qualification et de recrutement avant de revenir sur les derniers changements législatifs qui encadrent le doctorat. Si ces journées de rencontres demeurent bercées de l’optimisme et de l’énergie des jeunes chercheurs, il reste une inquiétude bien présente sur le manque de dotation, la légère baisse des demandes de qualifications et donc des difficultés à guider, valoriser et soutenir le doctorat.
Les doctorales permettent une forme de photographie de la recherche. Il n’y a pas de thématique propre à l’évènement, pour permettre à chaque apprenti chercheur de trouver l’opportunité de partager ses travaux. Pour les premières années de thèse : le format poster offrait l’occasion de synthétiser visuellement des recherches en construction et d’ouvrir, lors des temps de pause, la discussion avec des confrères et consœurs qualifiés ou des collaborations entre doctorants bien informés. Pour les thèses plus avancées : une dizaine de sessions thématiques avaient lieu en parallèle, dont l’orientation permet de rendre compte de la pluralité des approches et objets d’études infocommunicationnelles : santé, interactions en ligne, médiations scientifiques, pratiques informationnelles, éducation aux médias, méthodes visuelles, interactions homme-machine, patrimoine, territoires, etc.
Nous retenons aussi la table-ronde « Penser la dimension éthique de sa recherche », organisée par le Groupe Éthique et Numérique en Information-Communication, qui a pu permettre une illustration et des retours d’expérience de différents doctorants, sur leur prise en compte des risques sociaux et des enjeux éthiques de leurs recherches, dans des cadres numériques. Comment protéger l’identité de nos enquêtés tout en collectant leurs données et en les archivant ? Comment allier cela à une politique de science ouverte ?
Croisements et liens
Si le congrès scientifique est un évènement fortement codifié et ritualisé (présentations, temps d’échanges, pauses-café en retard et débat de clôture), on retrouve dans les doctorales, tout comme dans les congrès portés par la SFSIC, la volonté d’instaurer une autre temporalité sinon d’autres liens. Ainsi, les rencontres Arts-SIC-Cultures sont venues compléter ces journées. Plusieurs formats sont venus renforcer et matérialiser les liens entre l’art, la création et la recherche. L’accueil des conférenciers était accompagné par un duo de marionnettistes de rue à l’effigie de gardes du corps cartoonesques. Leur présence, aussi déstabilisante que mémorable, est peut-être une solution au manque de rythme des discours introductifs. Pour les temps longs : les street-artistes du Collectif Art Go ont réalisé en direct, puis exposé, des œuvres inspirées par les mots-clés des recherches présentées. Pour boucler une première journée et dans l’objectif de se jouer à nouveau des temporalités : une performance théâtrale, par la compagnie Les Particules, proposait de revenir sur une lecture participative des conditions générales d’utilisation de la plateforme Facebook, tout aussi dantesques qu’inconnues. La performance intégrait directement la discussion scientifique sur scène en plaçant un doctorant de l’évènement dans une posture de médiateur, ceci lui permis d’apporter un regard scientifique à la proposition artistique.
Entre les chercheurs et artistes se jouait constamment le jeu des postures ; des liens entre la mise en scène des conditions du social et la mise en visibilité des mécanismes propres à un objet de recherche, qui prennent forme dans l’enjeu des tentatives d’objectivisation des représentations du monde.
Intégrations et interrogations professionnelles
Le travail de thèse est, en grande partie, solitaire. L’affiliation à la communauté scientifique et à son espace professionnel demeure une des missions du travail doctoral. L’aspect scientifique, l’évaluation par les pairs et la reconnaissance que cela implique sont intégrés dans les processus de participation et de discussion lors de ces évènements. La dimension professionnelle et ses interrogations étaient prévues au programme dans un atelier qui proposait aux jeunes chercheurs de revenir sur leurs compétences valorisables au sein des entreprises. La proposition prenait la forme d’un exercice de groupe, où les chercheurs restituaient leurs « compétences, savoir-faire et savoir-être » dans une dimension globalisante et peu rattachée aux expertises et parcours individuels. On gardera une frustration quant à l’absence d’acteur ou de témoignage du secteur privé, dans un temps où la recherche dans le cadre des dispositifs CIFRE est une expérience fortement présente en SIC. Cela aurait été un écho aux discussions d’assises doctorales qui inauguraient l’évènement. Si, « les entreprises ont besoin de mieux connaître les compétences des jeunes docteur.e.s en SIC. », derrière le « savoir-faire » et « savoir-être » proposé dans ces ateliers, se dévoilent surtout des stratégies discursives.
Les doctorales de la SFSIC 2022 se sont closes sur l’annonce de la thématique et du lieu du prochain congrès. Le rendez-vous est proposé pour juillet 2023, à Bordeaux, autour des enjeux de la numérisation des sociétés.