Discontinuité entre recherche et pratique en didactique des langues : une vulgarisation dangereuse ?

  • When research and practice in language didactics differ: a dangerous vulgarisation?

DOI : 10.58335/eclats.264

Résumés

Le rapport entre théorie et praxéologie implique une transition simplificatrice logique et nécessaire pour assurer le passage des travaux de la recherche à la réalité du terrain. L’adoption du Cadre Européen de Référence pour les Langues (CECRL) semble avoir assujetti la pratique enseignante et sa composante didactique à une méthodologie contrainte se fondant sur une terminologie approximative, reflet d’une vulgarisation et non d’une réelle transposition de la complexité. Ainsi, sans prendre en compte la richesse des élaborations théoriques issues la recherche, l’inféodation de l’enseignement-apprentissage des langues au CECRL a eu pour conséquence d’imposer une approche pédagogique vertueuse (la perspective actionnelle) tout en instaurant une réduction des degrés de liberté de la pratique enseignante selon une orientation dogmatique et une volonté politique d’uniformisation.

Transitioning from theory to praxis implies a necessary effort to ensure that research findings are adaptable to every day teaching practices. The adoption of the European Framework of Reference for Languages (CEFR) has ostensibly resulted in confining teaching practices and their didactic dimensions to a constrained methodology resting on blurry notions, thereby revealing a popularisation of scientific discourse rather than a real transposition of complexity. Oblivious to the variety of theoretical elaborations resulting from research, the language teaching allegiance to the CEFR has led to the widespread enforcement of a wholesome and virtuous pedagogical approach (task-based learning and teaching) while diminishing latitude in teaching practices due to dogmatic orientations and to a political aim for standardization.

Notes de l’auteur

Jean-Christophe Coquilhat est professeur agrégé d’anglais et Maître de Conférences à l’Université Michel de Montaigne (Bordeaux, France). Ses travaux de recherche portent sur la didactique des langues associée à l’enseignement à distance. Après avoir développé des systèmes Linux sur live-cd orientés vers l’apprentissage des langues, il a axé sa recherche sur l’optimisation de la mise en ligne de contenus sur des systèmes développés personnellement, puis sur plateformes Moodle ou Claroline. Il cherche actuellement à explorer les nouveaux modes d’hybridation, notamment en intégrant des modules sur tablettes ou téléphones portables et aborde les théories liées à l’apprentissage sur plateformes mobiles (MALL : Mobile Assisted Language Learning). Sa recherche explore aussi l’histoire didactique des systèmes distribués afin de mieux comprendre les cassures induites par les changements de paradigmes.

Texte

Un texte peut-il s’adresser socialement et culturellement à tous les publics ? Plus précisément, dans le domaine de la divulgation des savoirs, l’élargissement du texte à un lectorat profane peut-il rester porteur de sens tout en gardant un matériau discursif complexe ? De ce hiatus originel se trouve posée la problématique de la verticalité de la recherche académique par rapport à l’abolition des barrières du savoir. Cet article prend le parti de s’inscrire dans un espace public de communication universitaire : destiné aux à la fois aux chercheurs et aux enseignants du second degré, il a l’ambition de traverser les sphères pour aborder les apories liées à la diffusion de la recherche en dénonçant le travestissement que peut représenter la vulgarisation. Ainsi, pour Cardinet (1977 repris par Delorme, 1982), la recherche peut se subdiviser en deux grands pôles : celui de la recherche nomothétique (de type modélisant, cherchant à établir des régularités et à mettre en évidence des lois) et celui de la recherche herméneutique (qui vise à interpréter et établir des axes de signification). Ces deux pôles sont structurés sur des versants spéculatifs et praxéologiques et cette distinction nous ramène à la distinction épistémologique entre théories et modèles. La recherche débouche en général sur une volonté d’établir des critères de validité de théories en fonction du fonctionnement de la réalité, ou des tentatives de modélisation visant à agir sur la réalité selon des critères de pertinence et d’efficacité. Pour Puren (1994, p. 35), l’enseignement des langues en France sur environ un siècle, est passé par des phases privilégiant tour à tour les méthodologies, les modèles, les objectifs de besoins langagiers, les environnements pour revenir, dans les années 2000, aux méthodologies avec l’approche actionnelle. Pendant tout ce temps – et avant même que la didactique ne s’émancipe de la linguistique appliquée – la recherche en didactique des langues s’est trouvée confrontée à diverses théories issues de la linguistique (grammaire universelle, théorie des actes de langage, linguistique de l’énonciation), des approches cognitivistes, fonctionnelles, pragmatiques ou interactionnelles, des théories de la complexité et des perspectives socio-culturelles ou socio-linguistiques pour n’en citer que quelques-unes, de même qu’à une quantité notable de modèles (modèle de Krashen, modèle ACT d’Anderson, modèle de Pienemann, modèle d’acculturation et de nativisation, modèle de Gardner, modèle connexionniste PDP).

Si la posture de chercheur répond au respect scientifique des protocoles de recherche, l’aspect praxéologique de la didactique des langues-cultures implique un chassé-croisé constant entre les théories et la mise en pratique. Or, le passage opérationnel des paradigmes déterminés par la recherche à la réalité du terrain implique un filtrage sélectionnant des « composantes de la science normale de niveau inférieur et plus concret que celui des lois et des théories » (Kuhn, 1970, p. 67). Cela est certes concevable et même logique dans la mesure où les théories et modèles échafaudés par les chercheurs débouchent souvent sur des méthodes, des perspectives ou des approches impliquant une mise en œuvre concrète, donc simplificatrice. Les écueils apparaissent dès lors que l’objet même de la recherche se trouve dévoyé par des confusions au niveau des termes et de leurs implications, trahissant ainsi la complexité de l’élaboration scientifique.

Le meilleur exemple en est donné par l’adoption du Cadre européen commun de référence pour les langues (dorénavant CECRL ou Cadre) en 2005 par le ministère de l’éducation nationale dans l’enseignement des langues dans les écoles et établissements secondaires publics et privés sous contrat (décret n° 2005-1011 du 22 août 2005). Arguant du fait que le CECRL « constitue une approche totalement nouvelle qui a pour but de repenser les objectifs et les méthodes d'enseignement des langues et, (de fournir) une base commune pour la conception de programmes, de diplômes et de certificats » (décret n° 2005-1011 du 22 août 2005), la volonté politique du ministère va bouleverser les fondations didactiques autour d’une idéologie qui, sous des apparences vertueuses (la promotion de l’approche actionnelle), réduit le champ constitué de la didactique à sa plus simple expression. En établissant une nouvelle doxa réduisant la complexité (Crahay, 2002), et sous couvert d’établir des repères normatifs sécurisants, on peut se demander si l’adoption du CECRL ne revient pas à fournir des « prêts-à-penser [qui] entravent les capacités à comprendre les situations et à penser l’action » (Delarue-Breton et Crinon, 2015).

Depuis sa parution, beaucoup d’encre a coulé à propos du CECRL. Une première phase d’adoption généralisée au niveau européen – étayée sans doute par l’attrait faussement séduisant des descripteurs – semble avoir étouffé les quelques voix qui s’émouvaient des défauts inhérents à son contenu et ses orientations1. La parution d’un volume compagnon en 2017-2018 a en revanche déchaîné la critique de nombreux chercheurs2 et a fait écho à quelques passes d’armes3 qui l’avaient précédée.

Dès 2006, Puren déplorait que le CECRL, s’il reconnaît l’absence de consensus suffisamment solide dans la recherche pour se fonder sur une quelconque théorie d’apprentissage, justifie son ouverture éclectique par des arguments négatifs et ne développe pas de réflexion systématique sur les relations entre pratiques de l’éclectisme et théories de la complexité. Le Cadre, selon cet argument, évite une approche didactologique prenant en compte des points de vue déontologique, épistémologique et idéologique, courant ainsi le risque de « dérives d’instrumentalisation au service de pratiques formatives autoritaires et d’harmonisations institutionnelles forcées » (Puren, 2006, p. 74). En outre, Puren pointait un « décalage impressionnant entre d’un côté la précision des niveaux de compétence en langues et leurs descripteurs, et une réflexion méthodologique aussi ambiguë qu’inachevée » (Puren, 2006, p. 79). Si ce cadre est de « référence », on est aussi en droit de se demander quelles sont ses références, et par-delà, ses choix épistémologiques. Or, au niveau 1) des modèles de description de la compétence langagière, 2) de la description de la langue (grammaire) et 3) des processus d’acquisition-apprentissage de la langue (théories cognitives), le CECRL fait montre d’un manque flagrant de choix :

  1. Il faut aussi que la description se fonde sur des théories relatives à la compétence langagière bien que la théorie et la recherche actuellement disponibles soient inadéquates pour fournir une base. Toutefois, il faut que la description et la catégorisation s’appuient sur une théorie4. (CECRL, 2001 : 3.1, 23)
  2. […] toute langue a une grammaire extrêmement complexe qui ne saurait, à ce jour, faire l’objet d’un traitement exhaustif et définitif. Un certain nombre de théories et de modèles concurrents pour l’organisation des mots en phrases existent. Il n’appartient pas au Cadre de référence de porter un jugement ni de promouvoir l’usage de l’un en particulier. (CECRL, 2001 : 5.2.1.2, 89)
  3. À l’heure actuelle, il n’y a pas de consensus fondé sur une recherche assez solide en ce qui concerne cette question pour que le Cadre de référence lui-même se fonde sur une quelconque théorie de l’apprentissage. (CECRL, 2001 : 6.2.2.1, 108)

Ces éléments expliquent sans doute l’intérêt prononcé du monde éducatif pour les « descripteurs du cadre » qui proposent des solutions d’évaluation selon des critères communs (descripteurs-curseurs), plutôt que pour son contenu épistémologique qui, au mieux, joue son rôle de « cadre » non prescriptif et non dogmatique, au pire renvoie dos à dos les théories sans s’engager. Peut-être était-ce le prix à payer pour une dissémination réussie et consensuelle au sein des systèmes éducatifs européens, mais les glissements sémantiques de notions, issues de la recherche, vers une dissémination vulgarisée au sein du personnel enseignant posent question.

Le cadre d’un article est insuffisant pour pointer, ne serait-ce qu’au niveau sémantique, tous les exemples montrant des disparités entre le discours scientifique et la rhétorique du Cadre (qui s’en empare tout en disant qu’il ne le fait pas, notamment concernant le socio-constructivisme et les théories de l’activité5), mais puisque le CECRL prône l’approche actionnelle, nous ne retiendrons qu’un exemple significatif : celui de la tâche. Que cela soit dans le domaine de l’enseignement-apprentissage ou celui de l’acquisition des langues, la recherche semble s’être résolument tournée vers l’étude de la notion de tâche au cours des vingt-cinq dernières années. Nunan (1989, 2004), Lantolf (1996), Willis (1996), Skehan (1998), Bygate et al. (2001) et Ellis (2003), pour ne citer que les plus éminents, semblent tous converger vers un seul et même objectif : contribuer à déterminer des modèles caractéristiques de tâches ayant un impact significatif sur l’apprenant dans sa phase d’acquisition à travers la performance, et par là même, sortir de la méthode traditionnelle d’enseignement des langues dite des trois « P » : « presentation, practice and production » (Skehan 1998, p. 93).

Il en résulte une dichotomie logique entre perspective psycholinguistique et théorie socio-culturelle :

  • La perspective psycholinguistique perçoit la tâche selon un modèle computationnel et l’envisage comme un système fournissant à l’apprenant les données nécessaires à un apprentissage organisé autour du langage et des occurrences d’acquisition qui en résultent. Ce modèle se décline selon des approches déjà évoquées plus haut : l’hypothèse interactive de Long, l’approche cognitive de Skehan et le cadre de l’efficience communicative de Yule.
  • La théorie socio-culturelle met l’accent sur les processus dialogiques (notion d’étayage de Bruner) émergeant lors de la tâche et concourant à l’acquisition lexicale et à la compétence langagière.

Cette approche pose comme préalable une distinction nécessaire entre tâche et activité, ce qui ne va pas de soi si l’on en croit le nombre de définitions donné par Ellis (2003 : 5) dont celle-ci : « A task is an activity which requires to use language, with emphasis on meaning, to obtain an objective », où le mot « task » est donné comme une déclinaison spécifique de « activity » (a task is an activity…). Pour compliquer davantage ces aspects définitoires, Poussard (2000, p. 35) distingue le mot « tâche » du mot « activité » afin de préserver les qualités cognitives de l’activité, la tâche restant du domaine de la didactique. Une interprétation qui se fonde sur la logique suivante : si une tâche recouvre un projet, celui-ci peut ne pas se réaliser, mais en revanche, les activités mentales le peuvent. Le consensus actuel serait que la tâche serait l’élément déclencheur de l’activité (cognitive, interactive, etc.) mais ne la définirait pas nécessairement. On arrive ainsi à définir la tâche comme la sollicitation des différentes opérations cognitives que le sujet apprenant met en jeu pour résoudre une situation-problème (comme la comparaison, la remémoration, le tri, la combinaison, l’analyse, etc.) : c’est la notion de tâche effective (Tricot & Nanard, 1998, p. 3) ; à distinguer de la tâche objective, c’est-à-dire prescrite par l’enseignant et représentant une planification didactique susceptible de déclencher les opérations cognitives inhérentes à l’activité.

La recherche française a aussi développé les notions de macro-tâches et de micro-tâches (Demaizière & Narcy-Combes, 2005 ; Guichon, 2006 ; Grosbois, 2009) où l’on est confronté à un triptyque macro-tâche (tâche globale de construction d’un objet), tâche (traitement des informations pertinentes) et micro-tâches (travail linguistique de production). Pour certains (Richer, 2009, p. 39-40), il s’agit d’établir une distinction entre tâche (visée d’un objectif contrôlé par l’enseignant) et projet (logique de production), pour d’autres (Bourguignon, 2006, p. 64), la tâche ne doit pas uniquement mettre en œuvre des stratégies cognitives se focalisant sur un axe vertical (complexification de l’exposition à la langue) mais aussi sur un axe horizontal (complexification des situations).

Comme on peut le constater, la recherche internationale s’est donc attelée à définir de manière sinon consensuelle, du moins théorisante, cette notion qui, si on peut lui trouver un dénominateur commun, serait celui d’une activité cognitive, ancrée dans le monde réel, orientée vers la communication sociale, ayant un objectif de réalisation commun (output) à travers l’utilisation des composantes discursives, circonscrite dans l’espace et le temps et finalement évaluée ou validée. Du point de vue du CECRL, cela est très simplifié :

Les tâches ou activités sont l’un des faits courants de la vie quotidienne dans les domaines personnel, public, éducationnel et professionnel. L’exécution d’une tâche par un individu suppose la mise en œuvre stratégique de compétences données, afin de mener à bien un ensemble d’actions finalisées dans un certain domaine avec un but défini et un produit particulier […]. (CECRL, 2001, (7.1) p. 121)

Dans cette recherche d’instances ou de situations de communication idéale, la tâche se trouve dotée d’un triple statut opérationnel :

  • La tâche langagière : « les actions qu’elle requiert sont avant tout des activités langagières et que les stratégies mises en œuvre portent d’abord sur ces activités langagières (par exemple : lire un texte et en faire un commentaire, compléter un exercice à trous, donner une conférence, prendre des notes pendant un exposé » (2.1.5, p. 19).
  • La tâche à composante langagière : « Elle peut comporter une composante langagière » (2.1.5, p. 19).
  • La tâche non langagière, où « les actions qu’elle requiert ne relèvent en rien de la langue et les stratégies mobilisées portent sur d’autres ordres d’actions » (2.1.5, p. 19).

Cet élargissement s’éloigne de la tâche d’acception purement communicative telle qu’énoncée par Nunan (1989, p. 10), comme

a piece of classroom work which involves learners in comprehending, manipulating, producing or interacting in the target language while their attention is principally focused on meaning rather than on form.

Même si la dichotomie du même Nunan (2004) entre « target tasks » et « pedagogical tasks » rejoint la notion the « real-world tasks ».

Il s’agit plutôt dès lors d’une sorte d’unité de sens, quelle qu’elle soit, participant de l’activité d’enseignement apprentissage :

Est définie comme tâche toute visée actionnelle que l’acteur se représente comme devant parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé. Il peut s’agir tout aussi bien, suivant cette définition, de déplacer une armoire, d’écrire un livre, d’emporter la décision dans la négociation d’un contrat, de faire une partie de cartes, de commander un repas dans un restaurant, de traduire un texte en langue étrangère ou de préparer en groupe un journal de classe. (CECRL, 2001, (2.1) p. 16)

Selon cette définition, la tâche est une « représentation » d’une visée actionnelle (« any purposeful action » dans le texte anglais) et les termes « résultat donné », « but qu’on s’est fixé » sont en lien avec la pédagogie du projet. La tâche du CECRL devient dès lors le point de convergence des stratégies humaines de mise en œuvre de compétences verbales, non-verbales, et culturelles. Ainsi, la tâche selon le CECRL, s’attache surtout à déployer de manière explicite une approche exprimant une rupture par rapport à l’approche communicative car :

  1. La tâche n’apparaît pas comme le siège d’une simulation langagière mais comme le lieu de réalisation concrète d’un agir d’usager.
  2. Alors que l’approche communicative privilégiait les tâches langagières, notamment communicatives, on se rend compte que les tâches ne sont pas seulement langagières, qu’elles peuvent se combiner et que cette complexité et cette complémentarité des entrées représentent sans doute la vraie nature de la tâche.
  3. Alors que la référence de l’approche communicative était l’acte de parole, l’approche actionnelle l’élargit à l’action sociale.

Bien que, comme le précise Puren6, ses concepts clés ne parviennent pas à se détacher de l’approche communicative. Quid de la complexité des réflexions et des modèles issus de la recherche sur les entrées cognitives, sur la temporalité ou sur la gradation de la complexité ? En utilisant les marques linguistiques d’un discours rapporté, et en adoptant une position irénique, le CECRL a abouti à une simplification hyperhonymique de termes qui n’ont été saisis que dans leur acception la plus basique par les enseignants du second degré, le mot « tâche » en étant un représentant exemplaire (on pourrait aussi gloser sur les termes de « compétences », sur celui de « motivation » ou encore de « stratégies »). Comme le déclare Boiget (2016, p. 167) :

Les auteurs du CECRL auraient pu parler « d’hypothèse actionnelle quant à l’apprentissage » au lieu de « perspective actionnelle » de l’apprentissage et de l’enseignement, une manière de ne pas « prétendre ouvertement (ou explicitement) bâtir une théorie de l’acquisition des langues » (Suso López, 2006 : 361), mais cependant de le faire.

Mais le problème en lui-même ne réside pas fondamentalement dans le Cadre, mais plutôt dans l’utilisation qu’on en a fait : au niveau éducatif, les relais de l’Éducation Nationale n’ont manifestement pas eu la volonté de relativiser les préceptes de ce qui a fini par devenir une Bible (Maurer & Puren, 2019, p. 24) et n’ont pas établi de lien entre Recherche, CECRL et enseignants. On comprend que les enseignants puissent ne pas se tenir au fait de la recherche théorique7. On comprend moins que la formation des enseignants ou les Inspections Pédagogiques Régionales n’aient pas davantage joué ce rôle de relais, à moins que le but avéré soit d’utiliser le Cadre… pour mieux cadrer ! Les conséquences en ont été une uniformisation dans la forme et une restriction des degrés de liberté dans les thématiques :

  • Les enseignants se sont mis à élaborer des séquences d’une douzaine de séances (voir des exemples sur le site Eduscol) afin de se donner le temps d’atteindre la réalisation de leur tâche finale (progressivité actionnelle à tout crin mais une variation didactique exténuée).
  • Il se sont trouvés pris en étau par les injonctions actionnelles du CECRL d’une part, et les obligations d’organiser leurs séquences selon des « Notions », puis des « Axes » d’autre part (cadrage des thématiques).
  • L’enseignement de terrain s’est trouvé confronté à un schéma simplifié de planification avec comme balises : problématique de séquence / tâche intermédiaire / tâche finale (schématisation normée des plans de cours).
  • L’introduction des E3C (Épreuves Communes de Contrôle Continu) a restreint davantage les choix en les menant, par la force des choses, à choisir les mêmes axes, les mêmes chapitres et les mêmes sujets afin de pouvoir convenir à toutes les classes concernées d’un établissement (cadrage de l’évaluation de compétences restreintes).

Au niveau de la préparation aux concours en université, la doxa actuelle implique l’impératif de respecter l’orientation du Ministère. Dans les rapports de jury du Capes s’échelonnant de 2014 à 2019 (une réforme du Capes ayant eu lieu en 2014) – et uniquement sur les parties traitant des épreuves de didactique – les expressions « tâche finale », « tâche intermédiaire » et « activité » sont cités respectivement 85 fois, 30 fois et 139 fois. Pour l’agrégation interne, « tâche finale » est citée 144 fois, « tâche intermédiaire » 77 fois et le mot « activité » 58 fois. Inutile de préciser que leurs acceptions recouvrent le sens simplifié que leur donne le CECRL, ou pire :

La vocation de cette production, souvent présentée comme « tâche finale », est de permettre aux élèves de réinvestir, dans une production écrite ou orale, l’ensemble ou une grande partie des compétences et connaissances acquises tout au long du projet pédagogique. La tâche choisie, ainsi que les outils et compétences requis pour la réaliser, conditionnent donc, à rebours, la nature des activités proposées ainsi que les tâches d’entraînement, ou « intermédiaires8 ».

L’objectif pragmatique doit donc impérativement être intégré à la démarche proposée par les candidats. On ne peut concevoir la rédaction d’un poème en tâche finale sans en avoir travaillé les codes et les rimes par exemple. Il en est de même pour l’objectif sociolinguistique en fonction de la/des tâche(s) choisie(s). Nous recommandons vivement la lecture de la section dédiée à la compétence pragmatique, p. 96-98 du CECRL (Conseil de l’Europe, 2001). […] Il n’en demeure pas moins que la cohérence des démarches les plus convaincantes découle de l’adéquation entre une tâche finale pertinente, à caractère actionnel, en relation avec l’aire anglophone concernée, et l’exploitation proposée des documents9.

Ainsi, depuis quinze ans, la recherche assiste, impuissante, à l’application aveugle d’un document de nature dogmatique dans tous les domaines d’application de l’enseignement-apprentissage des langues, de la formation aux concours, des pratiques aux manuels scolaires, où la tâche finale court le risque d’être perçue par certains enseignants comme l’unique objectif de travail des élèves10.

Or, l’approche actionnelle, rappelons-le, est sans doute la forme la plus aboutie d’enseignement-apprentissage puisque, dans l’absolu, elle est le vecteur d’une action sociale et de co-constructions mêlant des dynamiques de communication en langue étrangère autour de projets initiant une mise en tension interculturelle selon une variabilité des activités. Pour répondre à la question « Comment les idéologies, qu’elles soient sociales, politiques, etc., cohabitent-elles avec la recherche scientifique à l’université ? », on ne peut que constater, dans le cas qui nous intéresse, qu’il ne semble pas y avoir eu de porosité flagrante entre le travail de la recherche universitaire et l’idéologie « européanisante » ayant mené à l’adoption du Cadre.

En guise de conclusion, on pourrait envisager le cas de figure développé plus haut comme une conjonction mettant en jeu quatre acteurs : la politique (européenne, française, des langues), la recherche (garante des avancées dans la réflexion en didactique des langues), le CECRL (dont les motivations sont de plus en plus dénoncées par certains comme étant liées à la certification privée) et le monde enseignant (garant servile de l’enseignement-apprentissage des langues), chacun ayant des logiques contradictoires (idéologique et stratégique, scientifique et universitaire, simplificatrice et consensuelle, professionnelle et applicative). La diffusion de la recherche hors de la communauté scientifique ne peut se faire que selon trois moyens : la transposition didactique, la reformulation ou la vulgarisation. La transposition didactique et la reformulation partagent les mêmes fondements qui sont d’adapter la complexité de l’objet de recherche à un public non spécialiste. La vulgarisation aura davantage tendance à présupposer l’immuabilité d’une vérité scientifique et à la diffuser au plus grand nombre. C’est, semble-t-il, ce qui s’est passé avec l’adoption du CECRL. S’il y a discontinuité entre recherche et pratique de la didactique des langues, c’est peut-être parce que la recherche ne semble communiquer qu’à l’intérieur d’un cénacle restreint et ne sait pas gérer sa valorisation en dehors de ses propres cercles. Ou peut-être est-ce le fait que les instances décisionnaires du milieu éducatif ne font que peu de cas de la recherche universitaire. Manque de dialogue ? Manque de respect mutuel ? Cloisonnements institutionnels ? Verticalité arrogante du savoir académique ? Les causes peuvent être nombreuses mais à une époque où la médiation, la médiatisation11 et la communication sont reines, il serait peut-être temps que la recherche en didactique des langues adopte une approche horizontale pour pouvoir « s’exporter » sur le corps de métier dont elle se nourrit, sans jargon inutile, sans posture pontifiante, mais surtout sans voir sa production vulgarisée.

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WOLTON Dominique (1997), « De la vulgarisation à la communication ». In Hermès, La Revue, n° 21, p. 9-14.

Notes

1 Dès 2002 chez nos voisins allemands, voir BAUSCH K.-R. et al. (éd.) (2003), Der gemeinsame europäische Referenzrahmen für Sprachen in der Diskussion. Arbeitspapiere der 22. Frühjahrskonferenz zur Erforschung des Fremdsprachenunterrichts, ou encore PUREN C. (2007) avec « Quelques questions impertinentes à propos d’un Cadre Européen Commun de Révérence », disponible sur : http://www.aplv-languesmodernes.org/article.php3?id_article = 990. Retour au texte

2 BERCHOUD M. (2017), « Apprendre, enseigner, selon le CECR : SOS Cadre vide, on demande des auteurs ! », Revue TDFLE, n° 70, disponible sur : http://revue-tdfle.fr/revue-70-6-la-pen ; MAURER B., PUREN C. (2019), CECR : par ici la sortie !, Éditions des Archives Contemporaines, Paris ; MIGEOT F. (2017), « Cadre commun (CECRL) avec photo de famille (ERT, CCE, OCDE…) et langue de coton », Revue TDFLE n° 70, La pensée CECR, disponible sur : http://revue-tdfle.fr/revue-70-6-la-pensee-cecr. ; PRIEUR J.-M. (2017), « L’empire des mots morts. Lisons le CECR comme un cauchemar », Revue TDFLE n° 70, La pensée CECR, disponible sur : http://revue-tdfle. fr/revue-70-6-la-pensee-cecr. Retour au texte

3 FORLOT G. (2012), « Critique de l'éducation plurilingue et interculturelle, ou comment ne pas se tromper de cible », Langage et société, 2012/2 n° 140, p. 105-114 ; MAURER B. (2012), « Comment la critique d'un essai manque-t-elle sa cible ? réponse à Gilles Forlot, “Critique de l'éducation plurilingue et interculturelle, ou comment ne pas se tromper de cible ?” », Langage et société, 2012/4, n° 142, p. 165-169. Retour au texte

4 Tout le soulignage dans les citations est de l’auteur. Retour au texte

5 On notera en revanche la multiplicité des références concernant les théories énonciatives ou communicationnelles : on y repère des références à BENVENISTE (1974), à AUSTIN (1970) (CECRL, 2001, p. 41-43), et GRICE (1975) y est cité nommément (CECRL, 2001, p. 96). Retour au texte

6 PUREN C. (2012), « Perspective actionnelle et formation des enseignants : pour en finir avec le CECR ». Article-compte rendu par Christian PUREN. Publication exclusive pour le site www.christianpuren.com. Retour au texte

7 Voir ce rapport du Sénat : « L'implication des ÉSPÉ dans la formation continue, pourtant prévue par l'article L. 912-1-2 du code de l'éducation, est quant à elle quasi-inexistante. Outre les questions de moyens, les inspections générales pointent en particulier les divergences d'attentes entre les autorités académiques et les représentants des INSPÉ, « le modèle opérateur/employeur [étant] peu mobilisateur pour les ÉSPÉ et les universités ». Se pose également la question de la compétence des enseignants des INSPÉ pour intervenir dans ce domaine. En outre, la place de la recherche demeure marginale « en raison notamment de la faible propension des chercheurs à articuler les apports scientifiques aux enjeux professionnels des enseignants […] ». Rapport du Sénat consultable sur : http://www.senat.fr/rap/r17-690/r17-6905.html. Retour au texte

8 Rapport de l’Agrégation Interne d’anglais – Exposé de la préparation d’un cours 2019, p. 62. Retour au texte

9 Rapport du jury de Capes 2019, p. 97. Retour au texte

10 Voir PUREN en réponse à la « Lettre d'un enseignant écœuré » (Le Nouvel Observateur, 20/05/2011) sur https://www.christianpuren.com/2011/05/24/réponse-à-la-lettre-d-un-enseignant-écoeuré-le-nouvel-observateur-20-05-2011/. Retour au texte

11 Comme l’exprime admirablement bien Wolton (1997 : 11) : « Certes la médiatisation assure une certaine visibilité, mais la visibilité n'est pas synonyme de ce qui est le plus important dans la logique de la vulgarisation. Aujourd'hui, le plus important du point de vue d'une logique de la connaissance concernerait moins la médiatisation que la mise en valeur des controverses scientifiques ». Retour au texte

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Référence électronique

Jean-Christophe Coquilhat, « Discontinuité entre recherche et pratique en didactique des langues : une vulgarisation dangereuse ? », Éclats [En ligne], 2 | 2022, publié le 15 décembre 2022 et consulté le 25 avril 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. DOI : 10.58335/eclats.264. URL : https://preo.u-bourgogne.fr/eclats/index.php?id=264

Auteur

Jean-Christophe Coquilhat

Université Bordeaux Montaigne

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