Didier Eribon a écrit un fabuleux témoignage sur son parcours militant, politique et social dans son livre Retour à Reims, autobiographie d’un intellectuel, homosexuel, issu des milieux populaires (et même sous prolétaire), devenu un spécialiste mondial de Michel Foucault, sur lequel il a publié plusieurs ouvrages. Ce court livre rassemble deux contributions, publiées par ailleurs. Le premier est le texte d’un entretien, paru dans Le coup de grâce, une revue lyonnaise en 2010. Selon nous, c’est la contribution la plus intéressante, car c’est au fil de la parole que Eribon revient et complète librement l’histoire de son parcours. Texte très émouvant, dans le droit fil du livre qui lui a donné naissance. Intitulé, « Les révoltes sont toujours d’actualité », c’est également l’article le plus politique des deux. Eribon s’y confronte, de manière particulièrement vive, avec l’approche proposée par Rancière, opposant un argument d’une particulière violence symbolique au philosophe de la démocratie en récusant la capacité de sa propre mère à pouvoir gouverner la Cité, « sinon cela donnerait l’application du Front national : rétablissement de la peine de mort, expulsion des immigrés, durcissement des politiques pénales, sorite des enfants du système scolaire à quatorze ans… », p. 31. En effet, selon Eribon « Postuler une égalité principielle de tous avec tous, comme il (Rancière) le fait, c’est refuser de voir ce qu’est l’inégalité dans la réalité, ses mécanismes de fonctionnement et de perpétuation (… ) », p. 30. On laissera au lecteur le plaisir de lire ces propos enflammés et vigoureux, assez inhabituels. La seconde contribution, « La résistance est première », relève également de l’entretien, publié dans une revue allemande. L’interviewer se concentre sur les influences littéraires et théoriques reçues par Didier Eribon, en particulier son rapport à Jean Genet. Ce texte, d’une dimension théorique plus affirmée, n’en possède pas néanmoins la dimension charnelle que l’on peut découvrir dans le premier entretien. Si ces deux contributions se complètent parfaitement, il n’en reste pas moins, que notre cœur penche vers celle qui est la plus proche de l’expérience vécue d’Eribon, plutôt que vers celle qui évoque les auteurs qu’il a lus dans la dernière période, même si les goûts littéraires d’Eribon (qui en douterait d’ailleurs), ne sont pas dénués d’un certain bon goût avant-gardiste, cosmopolite et créolisant.
Didier Eribon, Retours sur Retour à Reims, Paris, Éditions Cartouche, 2011, 93 p.
Article publié le 12 mai 2012.
Index
Mots-clés
IntellectuelsTexte
Illustrations
Citer cet article
Référence électronique
Georges Ubbiali, « Didier Eribon, Retours sur Retour à Reims, Paris, Éditions Cartouche, 2011, 93 p. », Dissidences [En ligne], Mai 2012, publié le 12 mai 2012 et consulté le 03 décembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=681