Après un ouvrage remarqué sur Paris ouvrier. Des sublimes aux camarades (2003), Alain Rustenholz récidive, sur le même principe, en élargissant sa focale à l'ensemble du territoire. Dans son introduction, l'auteur explique comment il a composé ce beau livre, richement illustré. A partir de 150 ans d'histoire ouvrière, il a retenu 68 moments, emblématiques de l'action ouvrière. En fait, contrairement à ce que le titre laisse entendre, il ne s'agit pas uniquement des grèves, mais bien d'épisodes marquants de l'histoire du mouvement ouvrier. Le propos se déploie comme une sorte de dictionnaire, depuis la lettre A (Verrerie ouvrière d'Albi) à W (Waziers, discours de Thorez incitant les mineurs à la bataille pour la production). Entre ces deux lettres se déploient une série d'épisodes marquants des ouvriers, de leurs mobilisations dans la France contemporaine. Notons d'ailleurs au passage que Rustenholz ne se limite pas aux ouvriers stricto sensu. A Landernau, il aborde ainsi la grève du lait de 1972, qui précède la lutte contre l'extension du camp du Larzac en 1973. C'est bien sûr le hasard des noms qui fait se succéder les mobilisations paysannes. On lui sera gré également d'inclure d'autres catégories que les ouvriers mâles et blancs dans son évocation. Plusieurs luttes de travailleurs immigrés sont évoquées. La surprise provient sans aucun doute de la lettre R (Rouen) pour évoquer un aspect peu glorieux de l'attitude du mouvement syndical à l'égard des femmes. C'est en effet dans cette ville que le syndicat du livre a refusé à une femme le droit de se syndiquer, au prétexte qu'elle prenait le travail d'un homme. Heureusement, l'auteur n'en reste pas là et évoque, à Thionville, la grève des filles des Nouvelles Galeries en 1972. Au fil des pages, le lecteur sera séduit par richesse iconographique de l'ouvrage. Si la photo domine, dont de nombreuses photos méconnues ou inédites, on y trouve aussi des reproductions de documents ou de tableaux (superbe tableau de Cézanne ou de Braque sur l'Estaque), mais aussi des extraits de chansons (La chanson de Colette Magny, Le flamenco de la Rhodia, sur la grève de cette usine en 1967), ou, à plusieurs reprises des extraits de poèmes de Victor Hugo. On y découvre également au détour d'une partie consacrée à Anzin, la mine de Germinal. Yves Allégret a réalisé un film sur cet épisode en 1963 grâce à un photogramme extrait de la pellicule. Bref, ce livre constitue un ravissement qui va croissant au fil des pages. Et puisqu'il faut finir, on évoquera, à la lettre W, cet extrait du discours de Thorez, engagé dans la bataille pour la production au sortir de la guerre : « Je le dis en toute responsabilité, il est impossible d'approuver la moindre grève (…) Produire du charbon, c'est la forme le plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français », p. 276. Un livre à offrir ou se faire offrir.
Alain Rustenholz, les grandes luttes de la France ouvrière, Pais, Les beaux jours, 2008, 286 p.
Article publié le 08 juin 2012.
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Georges Ubbiali, « Alain Rustenholz, les grandes luttes de la France ouvrière, Pais, Les beaux jours, 2008, 286 p. », Dissidences [En ligne], Juillet 2012, Nos archives du mois : grèves et manifestations, publié le 08 juin 2012 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=623