Émile Pouget, Le sabotage, Paris, Mille et une nuits, 2004.

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Mots-clés

Anarchisme, Syndicalisme révolutionnaire, Mouvement ouvrier, Grève

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Saluons à un prix très accessible la réédition de cette brochure de 1911 ou 1912, écrite par un des fondateurs de la CGT. Au texte original s'ajoute un court commentaire par deux illustres inconnus (G. Chamayou et M. Triglot) que les éditeurs auraient pu présenter, ainsi que des éléments biographiques de Pouget et des repères bibliographiques. Dans l'entre temps la première biographie de Pouget a été publiée (voir le compte rendu sur ce site). Le propos de Pouget dans son texte est d'expliquer l'utilité du sabotage pour l'action syndicale. Ce texte est évidemment fondamental pour comprendre la nature du syndicalisme révolutionnaire de la période. De fait, de nombreuses ambiguïtés parsèment la démonstration. Trois aspects en particulier méritent d'être soulignés. Le premier est sur l'acteur du sabotage. C'est moins d'ailleurs Pouget que ses commentateurs qui soulèvent le problème. En effet, alors que pour Pouget, le sabotage est synonyme d'action syndicale, pour Chamayou et Triglot « Le sabotage est une affaire de petits groupes ou d'individus, qui se pratique en catimini  » (p. 98). Si cette affirmation est possible, c'est aussi parce qu'elle existe dans le texte de Pouget, en particulier dans les exemples qu'il mobilise. Le second problème est celui de la fonction du sabotage. Pour Pouget, clairement, le sabotage n'est pas une technique exclusive, mais se marie avec le boycottage ou la grève, ainsi qu'il l'explique à plusieurs reprises (ou qu'il l'exemplifie). Néanmoins, ce sabotage s'inscrit dans une fonction défensive, dont le caractère passif dans la construction du rapport de force doit être souligné : «  Avec le boycottage et son complément indispensable, le sabotage, nous avons une arme de résistance efficace, qui en attendant le jour où les travailleurs seront assez puissants pour s'émanciper intégralement, nous permettra de tenir tête à l'exploitation dont nous sommes victimes  » (p. 24-25). Enfin, bien que Pouget use (et abuse même) de l'opposition entre classes comme une guerre permanente, la stratégie dans laquelle s'inscrit le sabotage apparaît beaucoup moins révolutionnaire qu'il ne le proclame. En effet, si le sabotage sert à « viser le patronat à la caisse » (p. 91) ou dit autrement « A mauvaise paye, mauvais travail » (p. 22), on peut alors considérer le sabotage ainsi conçu comme un moyen de pression pouvant parfaitement s'intégrer dans le fonctionnement et la régulation du marché du travail. Comme l'écrit avec son style si particulier Pouget, (les travailleurs) «  ont un moyen d'affirmer leur virilité et de prouver à l'oppresseur qu'ils sont des hommes  » (p. 23), ce qui n'équivaut pas franchement à une remise en cause du système d'exploitation capitaliste. Cette ambiguïté est d'autant plus flagrante que la compréhension du système économique proposée par Pouget relève d'une lecture en terme de morale. Pour lui, le capitalisme est immoral : « la falsification, la sophistication, la tromperie, le mensonge, le vol, l'escroquerie sont la trame de la société capitaliste ; les supprimer équivaudrait à la tuer… » (p. 59).

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Référence électronique

Georges Ubbiali, « Émile Pouget, Le sabotage, Paris, Mille et une nuits, 2004. », Dissidences [En ligne], Juillet 2012, Nos archives du mois : grèves et manifestations, publié le 08 juin 2012 et consulté le 19 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=622

Auteur

Georges Ubbiali

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