Gérard Noiriel, À quoi sert l'identité « nationale », Marseille, Agone, 2007, 154 p.

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Ce petit livre concis et bien écrit, accessible au plus grand nombre («  Il ne s'agit pas d'une étude savante mais d'un essai (…) », p. 11) constitue en quelque sorte la réponse des historiens aux usages de l'identité nationale dont a fait preuve le candidat Sarkozy lors de l'élection présidentielle. Dans un premier chapitre, synthèse de ses travaux précédents, Noiriel revient sur la genèse de la notion d'identité nationale. En fait, cette question naît avec la défaite de 1870 et sera conçue comme un instrument de reconquête des territoires perdus. C'est dans les premières décennies de la Troisième République que s'affrontent les deux conceptions de cette identité nationale qui vont structurer les prises de positions tout au long du XXe siècle et au-delà. D'un côté on trouve une définition proposée par Barrès, celle d'une identité restrictive, nationaliste, basée sur le sang et l'exaltation d'une « race » plongeant ses racines dans « la terre et les morts », vision nationaliste et chauvine, qui sera celle de la droite républicaine et qui conduira à Vichy. De l'autre, s'exprime la conception de Jaurès fondant au contraire l'identité nationale sur l'élan national du printemps des peuples, sur un patriotisme subordonné à la question sociale. Si brillantes soient les analyses de Noiriel, on est quand même parfois surpris ici ou là soit par des manques (ainsi seules quelques lignes sont consacrées à l'internationalisme prolétarien des communistes d'avant le tournant stalinien) ou sur ses analyses à grands traits du Front populaire. Osez avancer que « Daladier qui avait été un des principaux dirigeants du Front populaires, mais qui a retourné sa veste (…) », p.46, mériterait pour moins des explications un peu plus substantielles. Le second chapitre est consacré à la période qui va de la fin de la seconde guerre mondiale à l'élection de 2007, à laquelle est consacrée la troisième partie. On lit dans cette partie, le cœur de l'ouvrage, la démonstration du glissement sémantique auquel le candidat soumet le thème de l'identité nationale. Le discours de Sarkozy représente une nouvelle version du nationalisme de tonalité barrésienne, ouverte sur la contemporanéité, prenant en compte l'existence d'une immigration de France. Soit, il existe des Français en provenance de l'immigration et c'est ça le nouveau visage de la France proclame le candidat Sarkozy. Mais, la France ne peut les intégrer et en faire de fiers fils du pays qu'à la condition qu'eux-mêmes acceptent de bien vouloir se plier aux us et coutumes du pays qui les accueille. A cette identité nationale basée sur l'intégration réussie, dont Sarkozy est le meilleur exemple, il oppose deux figures, à refouler, celle du clandestin et celle du modèle communautaire.

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Georges Ubbiali, « Gérard Noiriel, À quoi sert l'identité « nationale », Marseille, Agone, 2007, 154 p. », Dissidences [En ligne], Politique et société en France, publié le 06 décembre 2012 et consulté le 22 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=563

Auteur

Georges Ubbiali

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