Sylvie Brunel, À qui profite le développement durable ?, Paris, Larousse, 2008, 160 p. (À dire vrai).

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Idéologie, Écologie

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En dehors de son statut médiatique d'ancienne épouse d'Eric Besson, Sylvie Brunel est une géographe reconnue, professeure à Paris IV - Sorbonne et auteure de nombreux ouvrages consacrés pour beaucoup aux difficultés de l'ancien Tiers monde. Avec cet opuscule publié dans la collection dirigée par feu Jacques Marseille, elle livre un pamphlet contre une certaine vision du développement durable, celle d'une nouvelle religion servant avant tout aux riches afin de préserver leurs privilèges. Un thème d'autant plus essentiel que le développement durable constitue désormais l'axe central des programmes de géographie en classes de cinquième et de seconde. Selon elle, la priorité du moment, c'est la réduction des inégalités, la protection des populations face aux risques naturels et l'éradication de la pauvreté dans le monde.

Elle dénonce donc la culpabilisation des individus, les coûts supplémentaires pour les consommateurs (factures à imprimer, sacs pour les courses à acheter…), le risque d'aliénation accrue pour les femmes qui se plieraient à l'écologiquement correct, le catastrophisme climatique, accusant implicitement le capitalisme et sa soif de profits. Ainsi qu'elle l'écrit, « (…) le capitalisme a digéré l'écologie » (p.23), et en fait désormais la source de nouveaux marchés et un argument marketing à la mode. Elle voit même dans le développement durable, et c'est là une thèse intéressante, une manifestation de l'idéologie anglo-saxonne : la culpabilité de l'homme face à une nature déifiée, qui conduirait à préserver des poches naturelles comme compensation d'une expansion forcenée (y compris contre les populations autochtones), et s'exercerait via des ONG relais du capitalisme réellement existant. Ce faisant, elle insiste sur le mythe d'une nature pure, naturelle (sic), et sur la supériorité de l'espèce humaine face aux autres animaux, un point essentiel, mais qui la conduit à négliger la nécessaire défense des animaux menacés ou maltraités. De même, elle refuse toute idée de décroissance ou de durabilité forte, au profit d'un développement qui est la condition sine qua non pour satisfaire les besoins élémentaires de tous1. C'est ce qui l'amène à souhaiter une agriculture productive mais respectueuse, utilisant les OGM mais sans privatisation du vivant par les entreprises.

En fait, bien des développements suscitent l'insatisfaction voire l'irritation. Ainsi, sa tendance à relativiser le danger écologique en insistant par exemple sur les effets positifs du réchauffement (ne vaut-il pas plutôt parier sur le pire ?), son éloge de la démocratie participative (est-ce vraiment dans les faits un affermissement de l'idéal démocratique ?) De même, n'approfondissant pas les solutions radicales envisageables, elle n'aborde aucunement la diminution du temps de travail, ou insiste sur la dimension pratique de l'hypermarché tel qu'il est. Le développement durable demeure pour elle un projet positif, qu'il s'agit de réorienter, et son absence finale de remise en cause du capitalisme pour ce faire donne l'impression qu'elle reste au milieu du gué, alors qu'elle estime qu'il s'agit avant tout d'un problème politique. Un livre souvent pertinent, régulièrement agaçant voire discutable, qui ne peut qu'encourager le débat sur l'avenir du capitalisme et de l'humanité.

Notes

1 Remarquons au passage que, par bien des points, ses raisonnements recoupent les positions du POI face au NPA. Retour au texte

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Jean-Guillaume Lanuque, « Sylvie Brunel, À qui profite le développement durable ?, Paris, Larousse, 2008, 160 p. (À dire vrai). », Dissidences [En ligne], Écologie, néo-libéralisme, publié le 19 décembre 2012 et consulté le 19 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=499

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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