Maroussia Naitchenko; Une jeune fille en guerre. La lutte antifasciste d’une génération, Paris, Imago, 2003, 418 p.

Index

Mots-clés

Organisation, Communisme, Résistance, Stalinisme

Texte

Image

Avec ce témoignage autobiographique, on dispose d’un document de première importance sur l’attitude communiste en France, durant la période précédant directement la seconde guerre mondiale et durant celle-ci. Maroussia Naïtchenko est une jeune fille, inscrite par sa mère en 1935 aux Jeunesses communistes (JC). Elle a alors douze ans. Cette adhésion n’a rien d’évident au vu de la famille dont elle est issue : une famille française d’origine noble et très fortunée. Sa mère fait un peu figure de mouton noir au sein de ce groupe familial. Elle se marie avec un russe d’origine populaire, divorce et élève seule ses deux enfants, dans une liberté très grande par rapport à la morale familiale. Les débuts de ce récit se lisent comme un extraordinaire roman, ainsi que le souligne d’ailleurs Gilles Perrault qui préface le livre. Mais l’intérêt de ce témoignage est d’abord politique. En effet, Maroussia livre aux lecteurs des clés de compréhension sur l’activité d’une jeune communiste au moment du Front populaire. Parmi ses camarades, de nombreux juifs ou des exilés à cause du fascisme. Elle décrit très finement, à travers des anecdotes, l’effet du tournant nationaliste du Parti communiste au moment du Front populaire. La politique de la « main tendue aux chrétiens » aura ainsi comme conséquence la création d’une organisation séparée pour les jeunes filles communistes, l’Union des jeunes filles de France (UJFF). Plus le droit de fréquenter les garçons, fin des réunions mixtes, publication d’un journal s’appuyant sur les rôles les plus traditionnels de la femme (rubrique tricot par exemple) ou encore limitation de l’activité politique à l’organisation de bals. Au moment du déclenchement de la guerre, elle verse immédiatement dans des activités résistantes. Elle souligne là aussi les illusions créées dans les milieux communistes par la signature du pacte germano-soviétique qui conduira la direction du PCF à tenter la reparution légale de L’Humanité. Elle sera aux premières loges de cette affaire, car son compagnon est le bras droit de Tréand, le responsable des tractations avec les nazis. Puis l’évolution des événements, la déclaration de guerre contre l’Union soviétique vont modifier profondément l’attitude des communistes à l’égard des occupants nazis. Désormais, la période de la lutte armée s’ouvre. Les premiers combattants forment l’Organisation spéciale (OS), ancêtre des FTP. Ils proviennent des JC, de son milieu. Elle en connaît un grand nombre. Cette partie du livre est sans doute la plus poignante. En effet, l’espérance de vie de ces jeunes, traqués, affamés, isolés est de l’ordre de deux mois. Avec Georges, son compagnon, revenu d’emprisonnement, elle héberge les membres de l’OS. Une liste, impressionnante, des principaux militants cités figure à la fin de l’ouvrage. La plupart d’entre eux seront déportés, fusillés, décapités ou se sont suicidés pour échapper à l’arrestation et à la torture. Cependant, sans qu’elle sache pourquoi, elle apprend son exclusion du PCF. Ce qui ne l’empêchera pas de participer, une fois Georges déporté, comme agent de liaison dans la résistance. Cette activité héroïque, décrite sans pathos, n’empêchera pas les désillusions profondes de la Libération et sa mise à l’écart du Parti, dont elle fut une militante fidèle, même si elle n’a jamais cessé de fréquenter des dissidents trotskystes, dont André Calvés qui apparaît à plusieurs reprises dans ces pages. Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard qu’elle apprendra les raisons de sa mise à l’écart, ainsi que de Georges, devenu son mari. Ce livre constitue un formidable témoignage sur l’engagement d’une femme, très jeune, dans l’action politique révolutionnaire au sein des organisations communistes, action dévoyée par le stalinisme, qui ne parviendra cependant pas à la broyer. Un très grand document qui se lit comme un époustouflant roman.

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Georges Ubbiali, « Maroussia Naitchenko; Une jeune fille en guerre. La lutte antifasciste d’une génération, Paris, Imago, 2003, 418 p. », Dissidences [En ligne], Communisme français, publié le 20 septembre 2012 et consulté le 29 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=474

Auteur

Georges Ubbiali

Articles du même auteur