Un exemple de circulation lexicale de la sphère scientifique à la sphère non scientifique au XVIIIe siècle : les mots ‘Kraft’ et ‘Energie’

Résumés

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle en Allemagne, les savoirs se constituent de plus en plus en ‘sciences’ et se dotent d’une méthodologie et d’une terminologie plus rigoureuses, empruntées aux domaines des sciences naturelles. Dans ce contexte de scientificité plus intense des savoirs, les mots ‘Kraft’ et ‘Energie’, qui sont à l’origine des catégories de la philosophie antique, connaissent un regain de fortune sans précédent et on assiste à une circulation lexicale de ces termes et de ceux qui leur sont sémantiquement proches depuis la sphère scientifique (sciences de la nature, embryologie) jusque vers une sphère non scientifique très élargie (littérature, esthétique, philosophie de l’histoire, politique et économie) où ces termes sont mis en valeur pour leur portée métaphorique et leur caractère opératoire à une période où l’Allemagne cherche à s’affirmer dans le concert des nations européennes.

In the second half of the eighteenth century in Germany, knowledge was increasingly coming to be conceived of as ‘the sciences’, with a more thorough methodology and terminology borrowed from natural science. In this context of intense scientism, the words ‘Kraft’ and ‘Energy’, originally categories from the philosophy of Antiquity, found themselves promoted in an unprecedented manner. This gave rise to a lexical circulation of these and other semantically similar terms which spanned both the scientific field (natural science, embryology) and a wide-ranging nonscientific sphere (literature, aesthetics, philosophy of history, historiography, politics and economics) where these words were valorized for their metaphorical significance and functional status, in a period when Germany was seeking to assert itself within the group of European nations.

Keys words : force, energy, sciences, history, genius, transfer, word

Plan

Texte

Le propos qui suit vise à présenter un exemple de circulation lexicale et de transfert de concepts entre disciplines sur la base du constat liminaire que des textes relevant de différents ordres du savoir et s’inscrivant dans une chronologie qui s’étend de la seconde moitié du XVIIIe siècle aux premières années du XIXe siècle en Allemagne montrent de nombreuses occurrences de termes qui suggèrent le mouvement et la vitalité et dont les mots ‘Kraft’ et ‘Energie’ figurent parmi les plus fréquents. Ces mots apparaissent également sous forme adjectivale (‘kraftvoll’, ‘kräftig’, ‘wirkungsvoll’, ‘energisch’) ou sous forme de locutions (‘mit Kraft’, ‘ mit wirkender Kraft’). La présence prégnante de ce champ lexical ramène le lecteur à une expansion d’un vocabulaire ‘à la mode’ dans la seconde moitié du XVIIIe siècle en Allemagne. Aussi est-il légitime de se demander ce qui a bien pu séduire les Allemands dans ces idées de force et d’énergie convoquées autant dans les écrits historiographiques et politiques que dans des textes de nature esthétique et philosophique. Il s’agit de notions délicates à manier, car ce sont des concepts centraux de la philosophie antique et de toute la physique, mais qui prennent volontiers une portée métaphorique. Davantage que des mots précis que l’on emploierait toujours à bon escient, ce sont probablement des marqueurs de modernité et l’expression langagière d’un changement de paradigme majeur au sein des pays germaniques qui ressentent, en raison de leur structure morcelée, le retard qu’ils accusent au plan politique et économique et qui ne supportent plus de vivre à la remorque de l’étranger. Nous voudrions montrer ici comment des mots suggérant le mouvement et la vitalité ont circulé depuis les sciences dites ‘dures’ comme les sciences de la nature pour être réinvestis sémantiquement dans des domaines scientifiques que l’on appelle aujourd’hui ‘les sciences humaines’ et qui comprennent notamment l’histoire, la philosophie ou encore la littérature.

1. Constatations préliminaires

1.1. Fréquence des images suggérant la force

Outre la communauté de vocabulaire repérée autour des termes ‘Kraft’ et ‘Energie’, on note de manière générale dans les trois dernières décennies du XVIIIe siècle une abondance de mots disant partout le dynamisme et le vivant ; il s’agit parfois d’images suggérant la force qui surgissent au gré de textes très différents telle que l’image du chêne (die Eiche) qui revient en leitmotiv dans de nombreux textes. On sait que le chêne est avec le tilleul l’arbre fétiche des Allemands dont il symbolise la force et concentre l’identité germanique. Le chêne renvoie dans ce contexte aux forces germaniques de génie dont Justus Möser veut croire qu’elles sauront insuffler une vigueur nouvelle à la langue et à la littérature allemandes. Arnold Hermann Ludwig Heeren dit par exemple de l’historien Johann von Müller qu’il est « un chêne allemand sur le sol allemand »1 (Heeren 1809 : 92) et Johann Gottfried Herder a lui aussi recours à cette image pour sa force suggestive de lente croissance, de résistance et sa persistance (Herder 1778 : 86). Une autre image de force qui est comme une variation de la précédente est celle du cèdre (der Zedernbaum). Christian Friedrich Daniel Schubart compare par exemple le génie musical allemand qu’incarne pour lui Johann Sebastian Bach à un cèdre dans un texte rédigé en 1784/85 : « Le monde a rarement produit un arbre donnant des fruits aussi inaltérables et avec une telle rapidité que ce cèdre. »2 (Schubart 1789 : 246) D’autres textes issus de la plume de Schubart convoquent aussi ces figures mythologiques que sont Hercule, les Titans, les Atlantes ou encore le lion. Comme on sait, le cèdre et le chêne sont l’un et l’autre des arbres ancestraux et mythiques qui symbolisent la force dont ils apparaissent du reste dans la Bible comme d’absolus symboles. À ces images, on peut ajouter celles de Prométhée ou d’Hercule (Möser 1781 : 19). La figure de Prométhée parcourt aussi bien les écrits de Frédéric le Grand (Friedrich der Große 1752 : 308) que ceux de Goethe qui formule en ces termes sa fascination pour la force poétique de Shakespeare : « Il faisait concurrence à Prométhée, ses personnages en étaient trait pour trait la réplique, sauf qu’ils étaient d’une grandeur colossale. »3 (Goethe 1892 : 24)

1.2. L’énergie de la Révolution française

Le troisième constat porte sur les colonnes des dictionnaires de la période considérée qui sont pleines des définitions de ces mots, et enfin, une ultime observation concerne un pic attesté de l’emploi de ces mots autour de l’année 1789, année de la Révolution française auquel le terme ‘Energie’ est notamment emprunté (Feldmann 1904/5 : 315). Jean-Marie Goulemot a dit à ce propos que « […] la Révolution, comme mutation politique, s’accompagne d’un travail lexical qui la sert, l’exalte et lui donne une part de légitimité […] » (Goulemot 2001 : 115). Rappelons ici que la Révolution française n’est pas un phénomène étranger à l’Allemagne où l’esprit de révolution est aussi en germe depuis plusieurs décennies (Vierhaus 1983 : 6), même si l’année-phare 1789 marque incontestablement l’apogée et l’expression de forces qui ont grandi en puissance tout au long de la seconde moitié du siècle. On peut à ce propos relire Schubart qui fait même de 1789 une année titanesque où s’est exprimée une force de renouveau exceptionnelle, une énergie propulsive qui inaugure une ère absolument nouvelle et est l’expression absolue des forces du peuple (Schubart 1790 : 173, 182). Cette dernière remarque nous fournit la transition vers un éclairage sur la circulation rhétorique dont le mot ‘Kraft’ fait l’objet depuis les sciences exactes – domaine dont il est issu, désignant à l’origine la propriété d’un corps avant de devenir cause du mouvement - jusque dans des chroniques comme celles de Schubart qui réinvestissent ce terme en un sens politique et historique.

2. Circulation rhétorique et transfert métaphorique des mots ‘Kraft’  et ‘Energie’ depuis les sciences exactes

2.1. État de la ‘science’ allemande à la fin du XVIIIe siècle

Avant d’évoquer la circulation rhétorique de ces mots depuis des champs disciplinaires appartenant aux sciences exactes vers des textes beaucoup plus variés, rappelons brièvement l’état de la « science » allemande en cette fin de XVIIIe siècle et le prestige dont elle jouit et qui fournit à des écrivains, des philosophes ou des historiens un modèle épistémologique de référence et un réservoir de métaphores efficaces. La « science » allemande atteste vers la fin du XVIIIe siècle d’une exigence et d’une émulation qui se manifestent par la parution régulière et pléthorique de revues spécialisées ou de journaux scientifiques. Comme le rappelle Thomas Kuhn, ce phénomène n’est pas spécifique à l’Allemagne (Kuhn 1977 : 104), mais celle-ci peut néanmoins se vanter d’une production scientifique particulièrement intense. Or, la supériorité – ou ce qui est ressenti comme tel – de l’Allemagne en la matière n’est pas que quantitative ; la ‘science’ allemande de la nature est qualitativement représentée par des noms aussi prestigieux que ceux de l’anatomiste Johann Christian Loder (1753-1832), pilier de l’École de médecine de Iéna qui dispense des cours à l’université de Göttingen de 1778 à 1803 auprès de personnalités aussi éminentes que Goethe, Herder ou Wilhelm von Humboldt, de l’astronome Friedrich Wilhelm (1738-1822) qui découvrit la planète « Uranus » ou du biologiste Johann Friedrich Blumenbach (1752-1840) dont la réputation s’étend même au-delà des frontières de l’Allemagne et qui compte notamment parmi ses étudiants à Göttingen Alexander von Humboldt. Dans plusieurs pays européens, le nombre de journaux et de revues spécialisées (Fachzeitschriften) ainsi que celui des sociétés savantes augmente de manière considérable au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle (Kuhn 1977 : 105). Dès 1761, l’historien August Ludwig Schlözer établit qu’un grand nombre de publications relatives à l’histoire du commerce a vu le jour en Allemagne et Johann Christoph Gatterer recense non sans fierté en 1772 le nombre des écrits historiques parus en Allemagne entre 1769 et 1771, mettant ainsi en lumière la faveur dont jouissent dans son pays la discipline historique par rapport à d’autres nations européennes telles que la France ou l’Angleterre. Pour les années situées entre 1744 et 1809, Rudolf Stichweh a recensé qu’environ 130 volumes contenant 1850 essais relatifs aux sciences naturelles écrits par 400 auteurs différents sur plus de 40000 pages paraissent en Allemagne, témoignant de la productivité et du dynamisme de la communauté scientifique allemande (Stichweh 1984 : 404, 405, 425, 435).

2.2. L’idée de force dans les écrits du physicien Johann Christian Polycarp Erxleben

Afin d’illustrer la marche dynamique dans laquelle sont engagés les savoirs au XVIIIe siècle, faisons un détour par les œuvres de celui qui est considéré comme l’un des piliers de l’université de Göttingen : Johann Christian Polycarp Erxleben. Ses ouvrages mettent en avant la progressive distinction qui s’établit entre ce qui relève d’une croyance plus ou moins fondée et ce qui relève à proprement parler d’une démarche et d’un esprit scientifiques. Les travaux de Erxleben paraissent pertinents pour illustrer comment les notions de force et de mouvement sont au cœur des réflexions scientifiques de l’époque et peuvent expliquer comment le concept d’énergie devient un concept réorganisateur du monde intellectuel et scientifique4. Il fournit d’une part une formulation pertinente à la modification en profondeur de la pensée scientifique qui s’organise autour de l’idée de recherche propulsive et il renvoie par ailleurs au processus dynamique d’autonomisation dans lequel sont engagées les différentes disciplines qui doivent dès lors développer chacune leurs forces intrinsèques en s’affranchissant d’autres disciplines avec lesquelles elles étaient jusqu’alors couplées comme la physique et la métaphysique, la chimie et l’alchimie et acquièrent du même coup des contours identitaires plus forts.

Toute une partie de son traité est consacrée à des considérations sur le corps et la matière (Erxleben 1784 : 26-40). Erxleben établit qu’il existe une force intrinsèque à la constitution des corps qu’elle contribue à maintenir sous une forme dure ou souple (Erxleben 1784 : 30) et que ce n’est pas tant la masse qui importe pour expliquer la vigueur d’un corps que les points de contact entre les différentes parties de ce corps (Erxleben 1784 : 35). C’est notamment en lisant Erxleben et ses développements sur les différentes forces existantes que l’on comprend que le terme ‘Schwungkraft’ qui désigne en physique la force centrifuge (Erxleben 1784 : 55) et que l’on rencontre dans plusieurs textes de la période est emprunté au domaine de la physique et transposé dans des champs de pensée autres. On lit ce mot par exemple dans l’autobiographie de Goethe, mais il sert aussi à Christian Daniel Schubart dans l’une de ses chroniques pour caractériser l’esprit de résistance des Français (Schubart 1789-1790 : 109). Faisons ici remarquer que Adam Müller reprend lui aussi à son compte des catégories empruntées aux sciences de la nature pour parler de l’organisation de l’État parce qu’il est conscient de leur fonctionnalité en termes de représentation collective. (Müller 1817 : 308) La force étant aussi caractérisée par la vitesse d’accélération, cette question, également traitée par Erxleben (Erxleben 1784 : 42), trouvera une illustration particulièrement pertinente dans l’accélération de l’Histoire que provoque l’éclatement de la Révolution française qui agit en somme comme force accélératrice du mouvement d’éveil de la conscience nationale allemande. Abordant dans la quatrième partie de son traité les questions de statique et de mécanique, Erxleben y réitère le constat selon lequel les corps sont pesants (Erxleben 1784 : 57) et il n’est peut-être pas incongru de supposer que ces réflexions dans le domaine de la physique sur la loi de gravité des corps et la masse de la matière ont pu fournir au domaine politique un modèle de représentation simple et efficace pour suggérer que des forces insufflées peuvent modifier l’état lourd et paresseux du corps politique que forment les pays germaniques. Erxleben introduit aussi une différence essentielle entre la force intrinsèque (innere Kraft) à un corps, les forces qui lui sont extérieures (äussere Kräfte) et qui agissent sur lui pour le mettre potentiellement en mouvement et il suggère également l’idée d’un équilibre des forces (Gleichgewicht) ; on peut dès lors suggérer que ces notions trouvent probablement à l’époque une résonance dans le domaine politique. La notion d’inertie si présente dans les textes lus est aussi empruntée à la physique de l’époque où toutes les notions liées à la force que sont le mouvement, la résistance, la force au repos ou l’inertie sont alors définies et élaborées dans le cadre de traités. (Erxleben 1784 : 48-49) Il est ainsi possible de penser que la fortune du mot ‘Kraft’ est aussi suscitée par le déplacement remarquable que connaît en physique le concept associé qui, entendu d’abord comme propriété d’un corps, devient cause du mouvement (Stichweh 1984 : 162) et c’est alors qu’il va trouver une pertinence dans le domaine politique, le domaine esthétique ou historiographique.

2.3. L’idée de force dans l’Histoire : l’historiographie allemande de la fin du XVIIIe siècle

Les historiens allemands engagent dans les trois dernières décennies du XVIIIe siècle un vaste programme de ‘dépoussiérage’ de l’historiographie nationale en donnant non seulement une assise toujours plus scientifique à leur discipline, mais en faisant de la science même le moteur de l’Histoire. Le mouvement général par lequel on peut rendre compte de l’évolution dans la perception de l’Histoire part d’un schéma providentialiste qui s’oriente toujours plus vers un schéma mécaniciste des causes et de leurs effets que l’on appelle aussi ‘histoire pragmatique’ avant qu’un schéma dynamique et organiciste dans lequel l’Histoire est appréhendée comme le champ actif et dynamique de forces humaines vienne le dépasser. Ce sont les forces humaines qui font avancer l’Histoire, ce sont elles qui en constituent les rouages et en sont le moteur, même si, dans la perspective herdérienne tout du moins, on continue de penser que c’est Dieu qui a mis en l’homme ces forces (Herder 1784 : 164 et 206). C’est l’illustre historien de l’université de Göttingen, August Ludwig Schlözer, qui va infléchir la réflexion sur l’Histoire et l’écriture de l’Histoire dans un sens scientifique en arrachant progressivement la perception de l’Histoire à son fondement théologique et en dotant la discipline d’une terminologie classificatoire beaucoup plus précise sur la base des classifications que l’on peut alors trouver dans le domaine des sciences naturelles. Ces dernières restent un modèle de référence pour des disciplines en quête d’une plus grande assise et reconnaissance scientifiques. Schlözer emprunte aussi aux sciences naturelles l’idée que l’histoire doit, elle aussi, se constituer en « systema historiae » sur la base du « systema naturae. » (Schlözer 1797 : 175)

2. 4. La théorie d’une force vitale (‘Bildungstrieb’) chez Blumenbach

L’Europe de la seconde moitié du XVIIIe siècle s’est particulièrement illustrée dans le domaine des sciences de la nature (Cassirer 2007 : 45). À cet égard, l’Allemagne ne fait pas figure d’exception, les différents domaines scientifiques y étant en effet le lieu d’un bouleversement menant à des avancées fondamentales. On peut à cet endroit rappeler que dans ce pays qui peine à accomplir la révolution politique qui le ferait sortir de son état de morcellement pour accéder à une plus grande unité nationale, la révolution se déplace du champ politique vers le domaine des sciences. Parmi les illustres représentants de la communauté scientifique germanique se trouve un embryologiste de renom : Johann Friedrich Blumenbach. Il est l’un des savants qui ont fait la réputation de l’université de Göttingen dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et ont influencé « tout le milieu savant de Göttingen et même en partie le débat international » (Garber 2009 : 49). Il a constitué en son temps une autorité intellectuelle incontestable dont le rayonnement s’étend bientôt au-delà des seules frontières allemandes. Il est à lui seul comme la métonymie du prestige de l’université de Göttingen (Marino 1995 : 70) fondée en 1734 dans l’esprit de concurrencer l’université de Halle (Saada 2008 : 29). C’est en présentant pour la première fois en 1780 sa théorie du ‘Bildungstrieb’, c’est-à-dire de l’existence d’une force vitale agissant selon une finalité et qu’il appelle ‘nisus formativus’ ou ‘Bildungstrieb’, que Blumenbach accède à la notoriété et va exercer une grande influence sur toute une génération d’intellectuels (Trautmann-Waller 2008 : 232). Blumenbach s’inscrit ainsi dans les débats théoriques de son époque relatifs à l’épigenèse, la préformation et la préexistence des germes. Le traité de sciences naturelles dans lequel il expose sa théorie connaîtra plusieurs rééditions qui attestent de l’intérêt et de l’engouement qu’il suscite (Marino 1995 : 121). Il sera même une source d’inspiration pour le poète anglais Coleridge qui étudie à Göttingen à la fin du XVIIIe siècle (Marino 1995 : 10). Dans une lettre qu’il adresse à Blumenbach, Lichtenberg évoque à son tour la forte impression que la théorie du ‘Bildungstrieb’  fit sur lui. (Lichtenberg 1781 / pour 1921: 16) Blumenbach développe la thèse de l’existence d’une force régénératrice, d’une force créatrice de la nature en constante activité et auto-productive, d’une force en perpétuel devenir dont il fait l’hypothèse contre les défenseurs de la théorie de la préformation (Blumenbach 1791 : 31).

Goethe et Schiller font mention d’une rencontre avec le célèbre biologiste, comme en attestent leurs lettres respectives des 14 et 15 octobre 1796 (Goethe 1950 : 252-253). Dans une lettre du 18 janvier 1797, Goethe dont on connaît le vif intérêt qu’il manifesta à l’égard des sciences en général et des sciences de la nature en particulier (Krätz : 1992), exprime une idée qui nous semble aller dans le sens des découvertes de Blumenbach, à savoir qu’une force de la nature se forme à partir d’elle-même et agit d’une façon autonome. (Goethe 1950 : 304) Dans son récit autobiographique, Goethe écrit au sujet du roman la phrase suivante : « une force émane de lui engendrée par elle-même »5 (Goethe 1986 : 576). Ces mots entrent en résonance avec la théorie de l’épigenèse développée par Blumenbach et dont il est possible que Goethe s’inspire pour penser le roman en tant que tout organique (Koschorke 1999 : 48) et dépasser une conception ‘mécaniciste’ du roman comme l’évoque l’expression « mécanisme d’un roman quelconque » (Goethe 1986 : 758). Pointant dans la même direction, Schiller exprime le vœu qu’une méthode critique qu’il appelle « génétique » voie prochainement le jour (Goethe 1950 : 117). Par sa théorie, Blumenbach renverse en somme la théorie de la préformation qui repose sur la doctrine de la préexistence des germes et se distancie ainsi de la vision théologique qui la sous-tend. Rompant avec la théorie représentée par Charles Bonnet et Alfred von Haller qui dominait jusqu’alors et postulait que l’organisme vivant était entièrement constitué dans le germe et donc préformé sans évolution autre que celle qui consiste à grossir, Blumenbach expose, en procédant de manière empirique et sur la base de ses observations sur des polypes verts (Blumenbach 1791 : 86), une théorie de l’épigenèse selon laquelle un embryon se développe par différenciation successive de parties nouvelles et un organe passe par des phases successives de développement avant d’atteindre sa forme définitive. (Blumenbach 1791 : 12) Puisque nous en sommes à évoquer brièvement les expériences menées par Blumenbach sur les polypes, on constate qu’elles offrent des possibilités métaphoriques à plusieurs écrivains ou philosophes dont Goethe qui dans une lettre à Schiller du 27 juillet 1799, y a recours pour évoquer l’état de ses travaux littéraires : « Mes travaux sont comme des polypes. Quand on les coupe en cent morceaux, chacun d’eux se remet à vivre de lui-même. »6(Goethe 1950 : 731) Johann Gottfried Herder ne cache pas l’influence sur sa pensée des sciences de la nature de son époque comme les recherches relatives à l’effet de la lumière sur les plantes dont on découvre qu’elle est le premier catalyseur de vie (Herder 1784 : 124) ou les expériences de Blumenbach sur les polypes. (Herder 1784 : 28, 29, 262). Blumenbach devient le théoricien du « Bildungstrieb » qu’il appelle aussi « nisus formativus », force vitale agissante et occulte (Blumenbach 1791 : 32) qui a sa propre fin en elle-même (Blumenbach 1791 : 17) et crée de nouveaux organismes à partir des anciens (Blumenbach 1791 : 91 et 97), une force non seulement reproductive (erweckend), mais aussi régénératrice (bildend) (Blumenbach 1791 : 92 et 105). Cette idée développée par Blumenbach d’une force régénératrice, d’une pulsion perpétuelle de génération vitale va s’avérer opératoire dans d’autres champs de la science et séduira philosophes, écrivains, philosophes et historiographes qui développeront sur cette base leur nouvelle vision de l’Histoire et de la littérature en prenant comme soubassement ce principe dynamique et vital fondamental. Même s’ils ont tous été séduits par l’idée d’une force régénératrice avant même que Blumenbach n’emploie le concept, il faut reconnaître à Blumenbach le mérite d’avoir mis en forme scientifiquement une idée diffuse, présente plus tôt, notamment dans la théorie des civilisations de Herder dès 1774.

La fonctionnalité du modèle de pensée propre aux sciences de la nature a de manière générale beaucoup séduit l’époque considérée (Vierhaus 1985 : 11). La biologie fait notamment figure de discipline d’appui pour d’autres domaines scientifiques qui s’inspirent de son esprit d’observation, de ses méthodes et des résultats auxquels elle parvient. Il semble que cette tendance à l’entrelacs serré entre sciences naturelles et spéculations esthétiques soit à considérer comme une caractéristique des Lumières allemandes tardives (Koschorke 1999 : 38). On peut émettre l’hypothèse que les écrivains et philosophes recourent à ces références scientifiques comme à des marqueurs de modernité qui rendent non seulement intelligible une réalité historique et humaine complexe, mais leur permettent de manifester aussi leur exigence de science. Un modèle mathématique ou dynamique simple aide à rendre compte par exemple d’un phénomène complexe. La biologie apparaît comme une discipline d’appui pour penser autrement et il est probable qu’existe une affinité autre que celle repérée dans des détails lexicaux entre les travaux de Blumenbach sur le ‘Bildungstrieb’ et ceux de Herder sur l’histoire universelle. Même si la pensée de Herder est bien davantage métaphysique et religieuse que scientifique, il croit comme Blumenbach en l’existence d’une force organique. Comme Blumenbach qui rejette en embryologie l’hypothèse préformationniste, Herder développe l’idée d’un progrès de l’humanité issu d’une loi nécessaire et d’une force organique de la nature. La biologie n’est toutefois pas seule à fournir un modèle de pensée et c’est aussi en ayant recours à l’image du mouvement solaire et planétaire et en faisant appel aux métaphores efficaces que lui proposait la science astronomique de son temps que Adam Müller a expliqué sa conception de la langue allemande et compare le mouvement entre les dialectes et le haut allemand au mouvement qui rythme celui du soleil et celui des planètes. (Müller 1809 : 41) Dans une lettre à Goethe, Schiller transfère à son tour du domaine de l’astronomie une comparaison qui lui permet d’évoquer le « mouvement poétique » auquel il aspire tant. (Goethe 1950 : 185) Fournissant des métaphores à l’idée même de création littéraire, le recours à la science fait surgir l’éventualité d’un côtoiement possible entre ces deux domaines de la pensée.

3. La propagation des mots ‘Kraft’ et ‘Energie’ dans les théories esthétiques et en littérature.

3.1. L’idée du génie comme énergie 

Dans le domaine de la littérature, l’Allemagne vit à la remorque de ses voisins européens et manque de confiance dans ses propres forces pour s’affranchir du rapport craintif au paradigme étranger et entrer plutôt dans un contact dynamique avec lui. Il est en effet nécessaire d’être fort pour devenir quelqu’un et de ne pas céder à la faiblesse imitative ou à la tentation de l’identification. Aussi n’est-il pas étonnant de voir la notion de force envahir les textes de toute une génération désireuse de souligner l’originalité allemande dans le domaine des arts et celui de la littérature. C’est en retrouvant une littérature nationale originale sur la base d’une langue allemande originelle et poétique que les Allemands espèrent attester de la force intrinsèque qui les habite et qui peut les aider à construire l’Allemagne comme nation au même titre que les autres. C’est essentiellement avec la génération des Stürmer und Dränger que l’on situe souvent entre 1770 et 1781, date de la parution de la pièce de Schiller, Die Räuber, que l’idée de génie comme énergie apparaît7. Le génie n’est alors plus seulement une capacité hors du commun – comme le définit en 1764 Isaac Iselin dans ses Philosophische Muthmassungen (Iselin 1764 : 10) – un potentiel intellectuel ou artistique rare, il devient synonyme d’énergie et est défini désormais comme celui ou ce qui insuffle du mouvement.

3. 2. Déployer l’énergie créatrice du génie germanique

Dans un contexte de quête d’originalité, l’épigonalité est considérée comme une faiblesse et comme un affaiblissement nuisible à l’esprit d’invention et de créativité et fait l’objet d’une accusation aussi virulente que récurrente. Si c’est par la confrontation avec des modèles et des contre-modèles que l’Allemagne cherche à définir les contours de son identité (Espagne 2009 : 11) et si la comparaison est un point de passage obligé pour une nation jeune en gestation, il faut toutefois choisir ses modèles avec discernement.

L’idée de génie apparaît vers 1750, mais c’est surtout vers 1770 que le concept de ‘Genie’ alimente les controverses, devient un terme à la mode et le mot d’ordre d’une génération en rébellion contre le classicisme et la raison (Grappin 1952 : 121). Il naît d’un double mouvement de libération : le premier veut affirmer l’originalité des poètes allemands en rejetant l’imitation étrangère ; le second refuse de se plier aux règles classiques et veut faire imploser le scrupuleux respect des lois aristotéliciennes vécu comme une entrave à l’énergie et l’originalité créatrices du génie germanique. Le récit autobiographique de Goethe contient par exemple de très nombreuses locutions exprimant l’idée d’énergie productive et créatrice telles que ‘Produktionstrieb’, ‘Produktionskraft’, ‘produktive Kraft’, ‘poetische Produktionskraft’, ‘die ganze Schöpfungskraft’, ‘unendliche Tätigkeit’. La notion de « schöpferische Kraft » est par exemple présente sous la plume de Goethe comme de Schiller. (Goethe 1950 : 179-180, 462) L’idée du génie doué d’une intense énergie créatrice fait son apparition. À l’idée de ‘Wirkungsästhetik’ défendue par les Aufklärer s’oppose celle de ‘Produktionsästhetik’ portée en bannière par les Stürmer und Dränger. Sulzer aborde ainsi la notion de force en tant qu’Aufklärer disant de l’art qu’il doit être utile et agréable alors que Goethe, dont les débuts en littérature coïncident avec la génération des Stürmer und Dränger, considère la force comme un processus vivant et librement créatif.

Le terme ‘Schöpfungskraft’ que l’on rencontre fréquemment dans les textes de la période considérée est à comprendre comme un synonyme du mot ‘Genie‘ qui connait une remarquable fortune à l’époque. La force du génie est étroitement corrélée à la question de l’originalité qui fait débat dans les années 1760-1770 et grâce à laquelle on souhaite frayer la voie à une nouvelle esthétique défiant les règles de composition rigides et imposant une liberté artistique nourrie par la force et la consistance du contenu plus que par le respect d’une forme. Quand Schiller doit porter sur une œuvre un jugement dépréciatif, il la caractérise en disant qu’elle est « dénuée de force et de contenu »8 (Goethe 1984 : 37). Par définition original et non imitatif, le génie se situe en opposition avec ce qui ressemble peu ou prou à un mécanisme, froid et sans esprit.

La présente analyse des transferts lexicaux qui s’opèrent entre le domaine de la science de la nature et d’autres ordres de savoirs a ainsi cherché à mettre en lumière une probable commune dimension anthropologique révélée par l’usage commun du mot ‘Kraft’. Il semble que ce soit la fonctionnalité de ces idées de force et d’énergie qui font l’objet d’une circulation lexicale depuis les sciences dites ‘dures’ où elles sont d’abord travaillées pour organiser ensuite un vaste champ métaphorique dans de nombreux autres ordres du savoir qui ait séduit une génération entière qualifiée de « Lumières tardives ». Ces mots contribuent manifestement à donner une forme métaphorique, à penser quelque chose qui serait essentiellement comme le mouvement de l’Histoire et deviennent des concepts du champ d’action concret, politique, social, historique, scientifique et même esthétique. Ce sont des sémantismes qui ont une valeur pragmatique, des termes d’action qui relèvent d’un langage opératoire qui agit ou veut agir sur le réel, qui viennent signifier et peut-être même susciter un changement de paradigme allant dans le sens d’une dynamisation qui affecte de nombreux ordres du savoir et se traduit précisément par une dynamisation du langage. Ces mots relèvent d’une sorte de langage pré-scientifique et sont à comprendre comme des indices langagiers soulignant une notion de temps moderne, un temps qui se dynamise sur la base d’une force inhérente à l’Histoire elle-même dont la Révolution française fait notamment figure d’emblème. Au cours de notre cheminement, nous en sommes venue à déduire que ces notions sont peut-être convoquées pour mettre des mots simples sur une réalité complexe (Blanckaert 1988 : 11). Plus les concepts sont généraux, plus on peut en somme en faire usage ce qui leur insuffle en retour leur vitalité. Ainsi, les idées de force et d’énergie seraient convoquées en tant qu’elles constituent des marqueurs de modernité et deviennent plutôt dans un premier temps de simples signes d’appartenance à une génération en quête de changement et de mouvement. Ces mots précèdent les concepts qui ne seront scientifiquement et rigoureusement élaborés que vers le milieu du XIXe siècle, plus précisément en 1847 avec les travaux de Hermann von Helmholtz qui différencient entre la force qui renvoie dès lors à une grandeur vectorielle et l’énergie qui relève d’une grandeur scalaire. Ces mots sont les révélateurs d’une mutation culturelle, ils articulent et structurent par le langage un changement de paradigme fondamental qui est le passage d’une vision mécaniciste à une vision organiciste de la vie, ils en constituent comme la courroie de transmission. Le mécanicisme prédominait encore à la fin du XVIIe siècle qui percevait le monde et les êtres vivants comme des machines où les processus mécaniques étaient ainsi la clé de la compréhension de toute activité humaine. Il s’agissait là d’une attitude réductionniste qui ramenait tous les phénomènes de la vie à de simples processus mécaniques. À la simplicité du fonctionnement de la machine, on en vient à substituer la complexité des organisations vivantes et une conception vitaliste de la vie se répand rapidement dans la communauté scientifique européenne dès les années 1760. On postule que les processus mécaniques et chimiques ne peuvent suffire à expliquer le développement embryonnaire ni même le fonctionnement normal d’un organisme s’ils ne sont pas guidés par une force vitale ou un principe vital naturel dont la nature était jusqu’alors inconnue. Les biologistes insistent sur l’existence d’une activité spontanée de la vie et émettent le postulat qu’il existe une activité autonome de la matière vivante et que la nature est spontanément active. Ainsi, le monde peut être expliqué sans avoir recours à Dieu. Chaque progrès scientifique marque à chaque fois une défaite du christianisme et le débat sur l’évolution oblige à repenser en profondeur le concept de Création. On s’éloigne, en un immense effort de laïcisation ou de sécularisation de la pensée, du théocentrisme de la fin du XVIIe siècle, ce qui permet le passage d’une vision statique de l’ordre du monde à une vision dynamique de la matière. ‘Kraft’ et ‘Energie’ mettent en évidence la crise du modèle mécaniciste et du dualisme cartésien et sont convoqués comme les mots-repères ou les valeurs-refuges de toute une génération révélant une crise identitaire allemande tout autant qu’elles métaphorisent le moteur d’une évolution possible, celle d’une énergie identitaire qui permettra que ‘l’habit d’Arlequin’  des pays allemands s’unifie et que les populations diverses qui les composent se muent en un peuple. Peut-être les Allemands voient-ils dans ce recours à ce langage scientifique opératoire une manière de faire leur entrée en force parmi les puissances occidentales envers lesquelles ils nourrissent un ‘complexe’, l’Angleterre et la France. Pour eux, et comme vient le rappeler le terme ‘Wirkung’ - terme spécifique à la langue allemande qui dispose, contrairement à l’anglais, au français ou à l’italien par exemple, de trois mots pour dire l’énergie - il est nécessaire d’être fort ou intense pour agir. Avec ces idées partout présentes, on assiste à l’émergence d’une génération d’ « intellectuels organiques » ainsi qu’à l’engouement pour une énergie caractéristique à mon sens de la civilisation occidentale, c’est-à-dire une énergie essentiellement orientée vers l’extérieur, c’est-à-dire vers l’action politique, économique et historique.

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Notes

1 « Eine deutsche Eiche auf deutschem Boden. » Retour au texte

2 « Schwerlich hat die Welt jemals einen Baum gezeugt, der in einer Schnelle so unverw[ü]stliche Früchte trug, wie dieser Zedernbaum. » Retour au texte

3 « Er wetteiferte mit Prometheus, bildete ihm Zug vor Zug seine Menschen nach, nur in Colossalischer Grösse. » Retour au texte

4 Précisons que les termes ‘force’ et ‘énergie’ sont, dans un premier temps, employés comme synonymes et de manière indifférenciée. La distinction n’intervient qu’en 1847 lorsque le physicien allemand Hermann von Helmholtz (1821-1894) distingue les deux termes dans un sens rigoureusement scientifique, faisant du premier une grandeur vectorielle et du second une grandeur scalaire. C’est précisément cet emploi indifférencié et non rigoureux, mais très fréquent de ces termes qui laisse penser qu’ils sont d’abord utilisés comme de simples marqueurs quelque peu diffus de modernité. Retour au texte

5 « [Es] erwächst ihm eine Kraft aus sich selbst. » Retour au texte

6 « Die Geschäfte sind polypenartig, wenn man sie in hundert Stücke zerschneidet, so wird jedes einzelne wieder lebendig. » Retour au texte

7 Sur le lien entre l’énergie et l’esthétique du Sturm und Drang, on pourra lire l’article de Roland Krebs : « L’idée d’énergie dans l’esthétique du Sturm und Drang », Recherches Germaniques 26, 1996, p. 3–18. Retour au texte

8 « [K]raft- und gehaltleer ». Retour au texte

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Référence électronique

Bénédicte Abraham, « Un exemple de circulation lexicale de la sphère scientifique à la sphère non scientifique au XVIIIe siècle : les mots ‘Kraft’ et ‘Energie’ », Textes et contextes [En ligne], 11 | 2016, publié le 12 janvier 2017 et consulté le 24 avril 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=674

Auteur

Bénédicte Abraham

MCF, HDR, Laboratoire des Sciences Historiques (LSH – EA 2273), Université de Franche-Comté (Besançon), UFR – SLHS, 8, rue des Chaprais 25000 Besançon

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