Véronique Liard, Marion George (Hg.), Spiegelungen – Brechungen. Frankreichbilder in deutschsprachigen Kulturkontexten, 2011

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Véronique Liard, Marion George (Hg.), Spiegelungen – Brechungen. Frankreichbilder in deutschsprachigen Kulturkontexten, Berlin : trafo Wissenschaftsverlag, 2011

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Cet ouvrage a été publié dans la collection des Frankfurter Kulturwissenschaftliche Beiträge dirigée par Gisela Engel et Susanne Scholz, professeurs à la Goethe-Universität de Francfort/Main. Il contient vingt-neuf articles, tous rédigés en allemand, qui concernent l’image de la France dans les pays germanophones, ou – pour reprendre exactement les termes du titre – « les images de la France dans les contextes culturels germanophones ».

Dans leur « Avant-propos », Véronique Liard et Marion George soulignent qu’alors que « se relativisent les certitudes anciennes » (p. 9), il y a lieu d’examiner quelles constantes et/ou quelles mutations se manifestent dans « la perception de l’autre » (p. 9), tant en Allemagne qu’en Suisse et en Autriche. En effet, il est vrai que les deux aires culturelles française et germanophone ont partagé une histoire complexe, riche en événements, dans laquelle se sont souvent mêlés des élans contradictoires, tels que l’admiration, la jalousie ou la haine. Les deux co-auteures rappellent également qu’avec l’élargissement de l’Europe vers l’est à partir des années 1990 et la prégnance grandissante de la mondialisation, la « connaissance de l’autre » demeure un véritable défi herméneutique, même si les technologies de l’information et des médias sont de nature à réduire « l’irréductible et incommensurable différence entre les individus comme entre les nations » (p. 9).

Parce que sa formulation même évoque une multiplicité de « reflets » et de « réfractions », le titre Spiegelungen-Brechungen prépare le lecteur à découvrir « au pluriel » comment certains concepts – tel que celui de « transfert culturel » (p. 11) – ont évolué selon les époques, les champs d’application, et les aires géographiques ou géopolitiques. Les différentes contributions qui composent le volume sont organisées selon deux grandes rubriques, la première concernant la « Littérature » (p. 15-348), la seconde regroupant les domaines : « Histoire – Politique – Droit – Philosophie » (p. 349-495).

Le premier grand volet, qui contient vingt articles consacrés à la littérature, présente le champ littéraire dans toute sa diversité. En effet, à l’intérieur du prisme géographique qui permet de distinguer entre auteurs autrichiens, suisses et allemands, l’image de la France est naturellement abordée en partant de l’œuvre de tel ou tel écrivain, par exemple Hofmannsthal (László V. Szabó), Thomas Bernhard (Walter Wagner), Friedrich Dürrenmatt (Véronique Liard), Peter Hacks (Marion George), ou encore de façon globale à partir d’une revue diachronique de « la littérature autrichienne » (Klaus Zeyringer) ou de la littérature suisse (Sabine Haupt). Mais on découvre aussi avec grand intérêt l’importance de l’histoire théâtrale dans la perception et l’étude de l’image de l’autre, domaine abordé à propos de la mise en scène d’Andromaque (Georg Holzer/Hans-Ulrich Breker) ou de celle des Paravents à Munich (Georg Holzer/Hans-Joachim Ruckhäberle). On peut ajouter au genre théâtral le vaste registre des écrits personnels (récits de voyage, correspondance, articles de revue), l’analyse des textes du prince Puckler-Muskau dessinant celui-ci comme un commentateur passionné de la vie culturelle française au cours de la première moitié du xixe siècle (Andrea Micke-Serin).

Les autres contributions du chapitre « Littérature » éclairent « les images de la France » selon un axe diachronique qui s’étire du xviiie siècle au xxie siècle : Wolfram Malte Fues s’intéresse à la réception de l’ouvrage de Charles Sorel – L’histoire comique de Francion (1623) – dans le contexte de l’Aufklärung, période où se développe un cosmopolitisme à l’échelle européenne, comme le montre sur un mode différent l’étude de Marcin Cieński sur la « Culture et la littérature françaises en Allemagne et Pologne dans la deuxième moitié du xviiie siècle ». Le voyage dans le temps se poursuit avec la lecture que propose Antonia Eder du récit de E. T. A. Hoffmann Das Fräulein von Scuderi, et grâce au portrait de l’auteur alsacien Schickele, présenté comme un « médiateur » culturel par Irena Światłowska et Izabela Kurpiela.

Enfin, les « images de la France » contemporaine et de sa littérature prennent forme à partir d’essais de l’écrivain et traducteur Michael Kleeberg – suivis d’un article de Branka Schaller-Fornoff à son sujet –, et d’une étude du « mythe de Paris » chez les écrivains suisses Ludwig Hohl, Friedrich Glauser, Paul Nizon et Peter Bichsel. Une interview des auteurs autrichiens Karl-Markus Gauß, Gabriel Loidolt, Hanno Millesi menée par Valérie de Daran, ainsi qu’un bilan de la réception de Houellebecq en Allemagne, dressé par Brigitte Krüger, complètent l’ensemble. C’est aussi par Houellebecq que se termine le répertoire des « Grands auteurs du programme » proposé par la version allemande de Wikipédia, nouveau média dont Gert Pinkernell souligne à la fois la force d’impact et la volatilité.

Dans la deuxième grande rubrique, « Histoire – Politique – Droit – Philosophie », le face-à-face et/ou le dialogue entre l’aire culturelle française et l’aire culturelle germanophone concernent uniquement le rapport entre France et Allemagne. Cinq articles traitent plutôt de la situation actuelle du point de vue des « Discours » et des « Institutions » : Verena Rauen s’interroge sur le concept de pardon dans la « philosophie franco-allemande du xxe siècle », Brigitte Sändig sur la culture française en RDA, et Jan Werquet sur le « modèle » français de la laïcité. Deux contributions sont consacrées aux échanges entre institutions littéraires : Joseph A. Kruse traite de la présence française dans sociétés littéraires allemandes, et Anne-Kathrin Marquardt oppose Gallica à Gutenberg.de (ou encore Europeana à Google Books) pour illustrer les visions divergentes quant à la numérisation du patrimoine littéraire.

Ces analyses sont suivies d’un complément précieux grâce à la perspective synchronique qu’apportent quatre études portant sur l’image de la France à certains moments déterminants de l’histoire de l’Allemagne au xixe siècle : Jacek Rzeszotnik se penche sur la période napoléonienne et la « poétisation de la haine des Français » ; Gabriela Jelitto-Piechulik et Andrea Rudolph évoquent l’un et l’autre le tournant de 1848 en Allemagne en lien avec l’héritage politique français, tandis que Fritz Taubert revient sur l’importance de l’image de la France aux yeux des progressistes allemands au début du xixe siècle, puis au début du xxe siècle.

La foisonnante richesse de cet ouvrage, dont les lignes qui précèdent visent à rendre compte, justifie pleinement la place d’un tel volume dans la collection des Frankfurter Kulturwissenschaftliche Beiträge, conçue par ses responsables comme un « Forum inter- et transdisciplinaire », où se rencontrent les chercheurs de plusieurs pays européens. L’objectif poursuivi par les co-éditrices est pleinement atteint : cet ouvrage est assurément « stimulant » (p. 497), et il intéressera à la fois les critiques littéraires, les sociologues de la littérature, les historiens, ainsi que tout lecteur ou chercheur concerné par les « études culturelles ». Dans le vaste miroir des nombreuses « images de la France » que le monde culturel germanophone – dans sa diversité – a projetées sur la France et sa culture (ses cultures) s’est joué et se joue encore un jeu complexe d’instantanés et de clichés dont les spécialistes en imagologie se sont désormais emparé. Dans une perspective croisée, on ne peut que souhaiter que cet opus trouve aussi de nombreux lecteurs français, pour que se poursuive de façon féconde le « dialogue franco-allemand ».

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Marie-Claire Méry, « Véronique Liard, Marion George (Hg.), Spiegelungen – Brechungen. Frankreichbilder in deutschsprachigen Kulturkontexten, 2011 », Textes et contextes [Online], 6 | 2011, . Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=337

Author

Marie-Claire Méry

Maître de Conférences en études germaniques, Centre Interlangues Texte, Image, Langage (EA 4182), Université de Bourgogne, UFR Langues et Communication, 2 bd Gabriel, F-21000 Dijon

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