Stéréotypes et caractérisation langagière des personnages : l’exemple des Nouvelles françoises, de Charles Sorel

  • Stereotypes and the Characterization of Characters in Language: The Example of Charles Sorel’s Nouvelles françoises

Résumés

Liée à des principes tels que la vraisemblance et la convenance, la caractérisation des personnages par leur parole passe nécessairement par l’emploi de stéréotypes langagiers afin de garantir la bonne interprétation de cet effet de sens basé sur l’implicite. Dans la perspective d’une linguistique textuelle ouverte sur le discours, ces stéréotypies semblent particulièrement dépendre d’ancrages dans des genres du discours, dans la mesure où ceux-ci influencent potentiellement les paramètres thématique, stylistique et compositionnel des énoncés. Par renversement, ces paramètres, aussi divers soient-ils, peuvent fonctionner comme autant d’indices stéréotypés du genre dont relève le discours d’un personnage, première étape d’une interprétation de ce discours en termes de caractérisation. L’observation du traitement de la parole de deux personnages des Nouvelles françoises, de Charles Sorel, servira à illustrer le tissage de stéréotypies par lequel est produit un tel effet de caractérisation.

Related to principles such as verisimilitude and appropriateness, characterization by speech is necessarily created by use of linguistic stereotypes, in order to guarantee the right interpretation of this meaning effect based on the implicit. In the perspective of a text linguistics open towards discourse, these stereotypies seem to depend on connections with discursive genres, in so far as these genres potentially influence the thematic, stylistic and compositional parameters of any utterance. By reversal, these parameters, as various as they are, can function as stereotyped indices of the genre to which a character’s speech participates, this being the first stage of an interpretation of that speech in terms of characterization. The observation of the speech’s processing of two characters from Les Nouvelles françoises, by Charles Sorel, will illustrate the stereotypies’ articulation, by which is produced such an effect of characterization.

Plan

Texte

« Je hais les portraits à la mort », proclame Jacques le fataliste, qui dans la foulée suggère à son maître : « Racontez-moi les faits, rendez-moi fidèlement les propos, et je saurai bientôt à quel homme j’ai affaire » (Diderot 2002 : 300 et 301). Ces mots résument une critique qui, de tout temps, a été portée contre la description en général. En effet, ce morceau rhétorique par excellence, s’il est parfois l’objet de louanges, suscite également la méfiance des écrivains et des rhéteurs, en raison des dangers qu’il fait courir au texte, comme l’a bien montré Philippe Hamon. En tant que procédé d’amplification, « la description, par son inflation même, risque de compromettre soit l’efficacité de la démonstration […], soit, si on l’acclimate dans des énoncés littéraires, l’unité globale de l’œuvre » (1993 : 17) ; en outre, et consécutivement, « la liberté incontrôlable du descriptif […] peut aller de pair avec une impossibilité de contrôler les réactions du lecteur », qui a « la possibilité de s’absenter du texte, de le “sauter” » (1993 : 17). « La communication, alors, devient “hasardeuse” », précise Hamon, qui ajoute une réflexion concernant la place qu’un écrivain peut ou ne peut pas s’accorder dans son œuvre : « La description serait donc, trop ostensiblement, un recentrement de la communication sur l’auteur, une excessive ostentation du Sujet à travers un sujet (un motif) » (1993 : 17, note 1 ; Hamon souligne). La virtuosité dont cet auteur pourrait faire la démonstration nuit, en définitive, à l’efficacité même de la description, puisque l’objet peint tend à disparaître derrière les effets de style. C’est donc un déficit en termes de ‘vérité’ de la description qu’il s’agit de combler.

En ce qui concerne plus précisément la description d’un personnage (réel ou fictif), la solution défendue par Diderot est issue, elle aussi, d’une longue tradition poétique et rhétorique. Ainsi, de l’Antiquité à l’âge classique, les traités et manuels font de la représentation des paroles d’un personnage le pendant indissociable de la représentation de son ‘caractère’ — ou autrement dit de la réalisation d’une éthopée. L’établissement d’un tel lien entre portrait moral et discours rapporté doit probablement beaucoup aux genres du discours qui ont été initialement l’objet de la rhétorique et de la poétique, associés à des pratiques orales (la plaidoirie et la tragédie). Mais il a aussi pour fondement une « anthropologie séculaire » (Van Delft 1983 : 149), postulant d’une part l’existence même chez l’homme d’un ‘caractère’, d’un ethos immuable que l’on oppose aux émotions passagères (le pathos), et d’autre part une adéquation de fait entre un ‘caractère’ et un ‘habitus’ linguistique, conception dont l’expression la plus connue est certainement la formule de Buffon, « le style est l’homme même ».

Dans cette perspective, les discours d’un personnage apparaissent comme rassemblant un faisceau d’indices qui conduisent à l’identification d’un ‘caractère’, ce dernier devant être conçu comme un ensemble de traits psychologiques et sociaux. Compris en termes sémiologiques, l’indice se distingue des autres types de signes par sa relation de contiguïté avec l’objet auquel il renvoie, et dont il constitue ainsi une partie. Pour cette raison — et c’est ce qui motive l’avis d’un Diderot, par exemple —, la relation indicielle paraît être non arbitraire. Mais ce caractère ‘naturel’ de la relation indicielle ne doit pas faire oublier que, pour être opérante, elle suppose en réalité un savoir préalable concernant l’objet reconstitué sur la base de l’indice. Le prototype même de l’indice semble être la fumée qui signale nécessairement (comme le veut l’adage) la présence d’un feu quelque part ; cependant, même cette relation indicielle entre la fumée et le feu ne peut fonctionner que si l’observateur potentiel dispose d’une certaine connaissance du monde : pour une personne qui n’a jamais vu de feu, ni même de représentation de feu, le fait, pour elle, de percevoir de la fumée ne sera en revanche indice de rien du tout.

Dès lors qu’elle est conçue comme le résultat d’un discours indiciel, la caractérisation langagière des personnages apparaît comme procédant à la fois d’une organisation textuelle et d’une régulation (inter)discursive. D’une part, il est certain que les différents ‘indices’ de caractérisation, à quelque niveau qu’ils se situent (lexique, morphosyntaxe, phonétique…), doivent s’articuler en un réseau de sens pour, précisément, se manifester comme des indices ; qui plus est, ce réseau doit ensuite avoir des prolongements à travers les autres discours tenus par le même personnage. D’autre part, ce qui vient d’être rappelé à propos de la relation indicielle montre que la question du déjà-entendu ou du déjà-lu est au cœur du phénomène, qui met indéniablement en jeu la mémoire (inter)discursive du lecteur interprétant.

C’est plus particulièrement en relation avec ce dernier aspect que la notion de stéréotype apparaît comme une des assises nécessaires à la caractérisation par la parole. Ainsi, dans un premier temps, en opérant un retour sur la tradition rhétorique, je rappellerai en quoi la prise en compte des stéréotypes répond à des enjeux stratégiques incontournables. Cette perspective nous conduira à insister sur les régulations qui sont fonction des genres du discours, dont on verra ensuite le rôle qu’ils jouent dans l’interprétation d’une parole rapportée en termes de caractérisation, en faisant appel aux thèses de Bakhtine. Enfin, les constats faits dans cette première partie théorique seront illustrés par l’étude des discours de deux personnages mis en scène par Sorel dans ses Nouvelles françoises, dont l’un semble répondre à certains points de vue stéréotypés de l’époque, alors que l’autre, au premier abord, les déjoue — mais nous verrons comment l’écrivain s’est efforcé de rendre celui-ci malgré tout vraisemblable et conforme à ces points de vue, par le soin apporté à la mise en forme de ses paroles.

1. Imiter, pour persuader

On sait que la rhétorique poursuit l’objectif d’assurer à un discours son pouvoir de conviction face à un destinataire déterminé — objectif qui est également assigné à toute œuvre poétique (en tout cas depuis Aristote), afin que le lecteur ou le spectateur ressente notamment des émotions appropriées. Or, pour réussir dans cette entreprise de persuasion, la composition du texte ou du discours doit se soumettre à certains critères, et notamment celui de la vraisemblance — ce que garantit la représentation du général plutôt que celle du particulier — ainsi que celui de la convenance (le prepon chez les Grecs, le decorum pour les Latins). Cette notion clé de la rhétorique postule en effet que l’adhésion d’un auditoire est assurée lorsque sont prises en compte les représentations qu’il se fait de l’objet constituant le discours de l’orateur, car, en un sens, le public croit déjà en ce que dit l’orateur. En d’autres termes, la convenance consiste (en partie) en une orientation du discours (dans son contenu et dans sa forme) en fonction des attentes supposées du public auquel il est adressé.

Ces impératifs du vraisemblable et du convenable portent également sur la représentation de paroles. Dans le domaine de la poétique, c’est certainement Horace qui a durablement établi la nécessité de respecter ces critères, dans quelques vers de son Epître aux Pisons (plus connue sous le nom d’Art poétique) :

Ce n’est pas assez que les poèmes soient beaux : ils doivent encore être pathétiques et conduire à leur gré les sentiments de l’auditeur. […] Si vous voulez que je pleure, commencez par ressentir vous-mêmes de la douleur […] mais si vous dites mal le rôle qui vous revient, en ce cas je sommeillerai ou je rirai. […] Si les paroles sont en dissonance avec la fortune de celui qui les dit, les Romains, qu’ils servent à cheval ou à pied, éclateront de rire.
Il sera très important d’observer si c’est un dieu qui parle ou un héros, un vieillard mûri par le temps ou un homme encore dans la fleur d’une fougueuse jeunesse, une dame de haut rang ou une nourrice empressée, un marchand qui court le monde ou le cultivateur d’un petit domaine verdoyant, un Colchidien ou un Assyrien, un fils de Thèbes ou un fils d’Argos (Horace : vv. 99-118).

Horace s’inspire ici nettement de la Rhétorique d’Aristote, plus précisément d’un passage concernant la convenance du style, que les termes du poète latin reprennent presque mot pour mot :

Et cette exposition à partir des indices peut aussi être propre à l’expression des caractères, en tant qu’elle est présentée en un style approprié à chaque espèce et à chaque habitude. J’entends par espèce l’âge, par exemple celui d’un enfant, d’un homme fait ou d’un vieillard ; le sexe, par exemple d’une femme ou d’un homme ; la nationalité, par exemple d’un Laconien ou d’un Thessalien ; quant aux manières d’être, j’entends celles qui font que chacun est tel dans sa façon de vivre, car ce n’est pas en fonction de n’importe quelle disposition que les façons de vivre font chacun tel ou tel. Si donc l’orateur emploie les mots appropriés à la manière d’être, il exprimera le caractère ; car un rustre et un homme cultivé ne sauraient dire les mêmes choses ni employer les mêmes termes (Aristote : livre III, 1408a 25-32).

L’insistance d’Horace ou d’Aristote sur l’adéquation entre paroles et caractères manifeste à quel point le principe de convenance conditionne véritablement la production d’un texte, dès lors qu’il s’agit de parier — mais sans prendre trop de risques — sur le processus inférentiel mené par un lecteur ou par un auditeur lorsque celui-ci interprète les discours d’un personnage en termes de caractérisation. Dans le passage ci-dessus en effet, Aristote parle d’une « exposition à partir des indices ». Juste avant, toujours au sujet des rapports entre style et convenance, mais relativement à la parole de l’orateur même, le philosophe souligne ceci concernant les émotions qui doivent sous-tendre un discours :

L’élocution appropriée à la circonstance rend le fait probable ; car notre âme se fait alors cette illusion que l’orateur dit la vérité, parce que, dans des conditions analogues, elle serait affectée de même, et par suite l’on pense, lors même qu’il n’en est pas ainsi, que les choses se passent comme il le dit (Aristote : livre III, 1408a 19-23).

L’« exposition à partir des indices » — que ce soient les indices du pathos de l’orateur ou de l’ethos des personnes dont celui-ci parle — table ainsi sur les paralogismes (c’est le mot employé par Aristote) que les auditeurs ou spectateurs ne vont pas manquer de faire, c’est-à-dire un raisonnement inductif remontant d’un effet à sa cause supposée, sur la base d’une équivalence de type ‘si P c’est parce que Q’, mais dont la généralisation est abusive. Le raisonnement repose sur une analogie, un rapport de ressemblance entre certains éléments d’une situation présente — des traits de la parole de l’orateur ou d’une personne citée — et une situation déjà connue, soit par expérience, soit (plus fréquemment) parce qu’elle est constitutive d’une mémoire socioculturelle.

On connaît l’importance des lieux communs dans l’argumentation, à partir desquels un orateur soucieux de gagner l’adhésion de l’auditoire ne manquera pas de construire son discours, étant entendu que ce sont là des éléments déjà reconnus comme valides par l’opinion. Les affirmations d’Horace et d’Aristote soulignent que l’existence de tels lieux doit également être prise en considération dans le domaine de la représentation de personnes réelles ou fictives. En ce qui concerne plus précisément les paroles attribuées à ces figures, c’est alors par l’emploi de stéréotypes langagiers que l’écrivain ou l’orateur parviendra à ses fins, s’assurant de cette manière qu’il a bien employé « les mots appropriés à la manière d’être ». De nature fort diverse, ces stéréotypes par ailleurs ne concernent pas que le plan du vocabulaire propre à tel ou tel personnage, ce que montre par exemple Quintilien :

Grâce à [la prosopopée], nous dévoilons les pensées de nos adversaires, comme s’ils s’entretenaient avec eux-mêmes, mais on ne les croira que si nous les représentons avec des idées qu’il n’est pas absurde de leur attribuer ; de plus, nous pouvons introduire ainsi d’une manière convaincante des conversations tenues par nous avec d’autres et par d’autres entre eux et, en leur attribuant des conseils, des objurgations, des plaintes, des éloges, des accents de pitié, nous leur donnons les caractères qui conviennent (Quintilien : livre IX, 2, 30).

Tout en usant de « mots appropriés », il importe que les paroles rapportées soient encore composées de contenus propositionnels (des « idées ») adéquats ; mais on constate que Quintilien pointe également le niveau pragmatique des actes de langage (conseils, objurgations, etc.) qui vont de pair avec « les caractères qui conviennent ».

Les stéréotypes sur lesquels doit se fonder une représentation de discours qui viserait à caractériser le locuteur mis en scène de cette manière sont ainsi de nature très variée, puisqu’ils touchent potentiellement à toutes les dimensions constitutives de ce discours. Face à une telle diversité, on peut se demander comment un effet de sens cohérent peut alors émerger. Répondre à cette interrogation demande d’identifier une stéréotypie de niveau supérieur, qui rassemble des unités lexicales, des contenus thématiques ou encore des actes illocutoires types. C’est ici qu’interviennent les genres du discours.

2. Typicités génériques

Il est nécessaire de considérer que, dans le cadre de la problématique qui nous occupe ici, les genres interviennent à deux niveaux : l’un est local — les genres dont relèvent les paroles des personnages —, l’autre global — le genre dont relève le texte qui les met en scène. C’est de l’interaction entre ces deux niveaux que dépend en partie l’effet de caractérisation par la parole.

Globalement tout d’abord, la présence même de tel ou tel personnage dans un texte est, elle, déterminée par le genre auquel appartient ce texte. C’est ce qu’établit entre autres la fameuse ‘roue de Virgile’, qui, dès le Moyen Age, réglera très précisément les correspondances entre styles (simple, médiocre, sublime) et contenus, plus particulièrement les personnages :

En chacun des anneaux concentriques du cercle, du plus grand au plus petit, on trouve successivement, pour chacun des trois styles, l’indication de la condition, des noms propres, des animaux, des instruments, de la résidence, des plantes, qu’il convient d’attribuer aux personnes (Faral 1924 : 87, note 2).

À chaque section de la roue se trouve en outre associée une œuvre de Virgile — respectivement les Bucoliques, les Géorgiques et l’Enéide —, ce qui manifeste alors la nature proprement générique de ces catégories (églogue, poème didactique et poème épique).

C’est cette réalité des textes qui donne particulièrement sa consistance à une notion introduite par la sémiotique de Greimas, celle de rôles thématiques. Ceux-ci composent en partie le « dictionnaire discursif » (Greimas 1973 : 172) dont dispose tout usager d’une langue, et renvoient à des catégories psychologiques et, surtout, sociales (la « condition »). Or ce que la ‘roue de Virgile’ signale, c’est le rapport que ces rôles entretiennent avec les genres du discours. Parmi le lot de prescriptions thématiques et formelles que comporte un genre, certaines déterminent globalement les contours des rôles thématiques que les personnages peuvent endosser, et, parmi ces propriétés, les types d’actes ou de paroles qui leur sont associés — d’où les effets d’écho de personnage à personnage, et de discours rapporté à discours rapporté, que l’on perçoit dans des textes différents participant du même genre.

Toutefois, si elles sont déterminées à ce niveau global, les répliques d’un personnage le sont aussi localement (et de manière plus fine), en vertu là encore de leur rattachement à des genres particuliers — rattachement qui est le gage de la production d’un effet de caractérisation. Comme on l’a vu, les composantes d’un discours pouvant servir à caractériser un personnage sont fort diverses, que ce soient des « idées », des actes de langage, ou encore un certain vocabulaire (à quoi peuvent venir s’ajouter des faits relevant de la phonétique ou de la morphosyntaxe). Or il se trouve que toutes ces composantes sont articulées par les genres du discours, comme le montre la constitution de la ‘roue de Virgile’, et comme le souligne encore plus précisément Mikhaïl Bakhtine :

L’utilisation de la langue s’effectue sous forme d’énoncés concrets, uniques (oraux et écrits) qui émanent des représentants de tel ou tel domaine de l’activité humaine. L’énoncé reflète les conditions spécifiques et les finalités de chacun de ces domaines, non seulement par son contenu (thématique) et son style de langue, autrement dit par la sélection opérée dans les moyens de la langue — moyens lexicaux, phraséologiques et grammaticaux —, mais aussi et surtout par sa construction compositionnelle. Ces trois éléments (contenu thématique, style et construction compositionnelle) fusionnent indissolublement dans le tout que constitue l’énoncé, et chacun d’eux est marqué par la spécificité d’une sphère d’échange. Tout énoncé pris isolément est, bien entendu, individuel, mais chaque sphère d’utilisation de la langue élabore ses types relativement stables d’énoncés, et c’est ce que nous appelons les genres du discours (1984 : 265).

La position du linguiste russe se situe bien dans le prolongement des réflexions des rhétoriciens et des poéticiens de l’Antiquité et du Moyen Age. Bakhtine étend néanmoins cette notion de régulation par les genres à tout type d’énoncé, car il ne considère pas seulement l’existence de « genres seconds du discours » (1984 : 267), c’est-à-dire les genres complexes du domaine littéraire par exemple, mais également celle de « genres premiers » comme la réplique du dialogue quotidien, le récit familier ou la lettre. Surtout, il associe étroitement chaque genre avec une sphère d’utilisation de la langue — ce qui explique en partie qu’un genre aussi ‘premier’ que la réplique de dialogue quotidien montre une certaine diversité, qui est fonction de ces différentes sphères.

Pour nous, le fait que les genres du discours fassent potentiellement office de ‘moules’ pour chaque énoncé dans ses différents paramètres a une conséquence intéressante. Par renversement en effet, ces paramètres, aussi divers soient-ils, peuvent fonctionner comme autant d’indices du genre dont relève un texte ou un discours, d’où il résulte que, « entendant la parole d’autrui, nous savons d’emblée, aux tout premiers mots, en pressentir le genre » (Bakhtine 1984 : 285). Et si cela est possible, c’est que la compétence linguistique de chacun ne se résume pas à la mémorisation de la signification abstraite des mots constituant son lexique (leur définition) et des règles présidant à leur combinaison (la syntaxe) :

La langue maternelle — la composition de son lexique et sa structure grammaticale —, nous ne l’apprenons pas dans les dictionnaires et les grammaires, nous l’acquérons à travers des énoncés concrets que nous entendons et que nous reproduisons au cours de l’échange verbal vivant qui se fait avec les individus qui nous entourent. Nous assimilons des formes de langue seulement sous les formes que prend un énoncé, et conjointement avec ces formes. Les formes de langue et les formes types d’énoncés, c’est-à-dire les genres du discours, s’introduisent dans notre expérience et dans notre conscience conjointement et sans que leur corrélation étroite soit rompue (Bakhtine 1984 : 285).

L’acquisition de mots et de structures syntaxiques se fait donc toujours dans des contextes particuliers, qui se trouvent stockés en mémoire avec ces unités linguistiques. Ils sont alors présents dans chaque nouvel énoncé intégrant tel mot ou empruntant telle structure, et c’est du maintien de cette corrélation que dépend la possibilité pour un élément d’un énoncé d’être perçu comme l’indice d’un genre.

Le processus d’interprétation d’un discours en termes de caractérisation passe ainsi par cette étape consistant à identifier un genre par le relevé de certains constituants perçus comme emblématiques dudit genre. Toutefois, puisque chaque genre se rattache étroitement à une sphère d’utilisation de la langue, la reconnaissance d’une stéréotypie générique a pour corollaire que le personnage et son discours sont mis en relation avec une sphère sociale déterminée (classe, milieu professionnel, aire géographique, etc.), qui pratique le genre en question. Pareille association amène finalement à reconnaître le rôle thématique endossé par le personnage (ou à valider un rôle déjà reconnu par d’autres biais).

La plupart du temps, les déterminations génériques au niveau global et local convergent pour créer un effet de caractérisation très marqué, dans la mesure où le genre et la sphère d’échange identifiés sur la base d’un discours rapporté correspondent à un certain horizon d’attente lié au rôle thématique endossé par le personnage et aux caractéristiques (conventionnelles) de ce rôle. Cependant, dans certains textes, les choses se déroulent parfois de façon moins uniformes, pour la raison notamment que les personnages se voient attribuer plusieurs rôles de nature différente. De cette complexité résultent souvent des personnages plus ‘riches’ ; mais l’analyse de détail que demande cette complexité fait encore ressortir que cette ‘singularité’ se construit elle aussi sur le fond d’un tissage de stéréotypies.

3. Caractérisation langagière d’un capitaine et d’un paysan dans Les Nouvelles françoises, de Sorel

Ces deux cas de figure se rencontrent dans le recueil de nouvelles que Charles Sorel a fait paraître (une première fois) en 1623. Dans ce volume, chaque texte raconte l’histoire d’un amour contrarié, mais le narrateur présente assez rapidement son projet de compilation comme visant à montrer à la fois l’étroite parenté de ces amours et leur diversité, en choisissant de suivre des personnages appartenant à diverses couches de la société (petite ou haute noblesse, gens du peuple). Ce faisant, il a pleinement conscience d’aller à l’encontre de certaines normes, comme il l’indique au début de la troisième nouvelle du recueil :

Je veux maintenant pour mon plaisir tomber d’une extremité à l’autre (mes belles dames) et vous raconter les passions qui ont possedé les ames de quelques gens de basse qualité, apres vous avoir parlé de celles des personnes des plus relevees. Ce sera pour vous faire cognoistre que l’amour n’est pas comme le foudre qui ne se jette que sur les plus hautes tours ; mais que ressemblant à la mort, il se met aussi bien dans les pauvres cabannes des paysans, que dans les superbes palais des monarques. […] L’on me dira qu’il y a beaucoup de difference entre les amours des personnes vulgaires et des personnes eminentes, et que les unes ayans subtilisé leur esprit dans la compagnie des doctes, ou par la lecture, nourrissent leurs passions avecque de mignards discours, ce que les autres ne sçauroient faire : mais pour moy j’asseureray que tels entretiens ne valent pas mieux qu’une pure volonté, qui se faict connoistre sans user des plus exquis artifices, soubs lesquels l’infidélité se cache ordinairement (« La Sœur jalouse », Sorel 1972 : 236-237).

Louable projet, mais qui n’est pas sans difficultés. Malgré ce que le narrateur annonce, si « La Sœur jalouse » se distingue en effet de la nouvelle précédente (« Les Mal-Mariez ») par les personnages et les péripéties représentés, les deux textes partagent également de nombreuses similitudes, et cela en grande partie dans les discours que tiennent leurs héros respectifs. Or, comme on va le voir, cela n’est pas sans poser quelques problèmes dès lors qu’on cherche à interpréter ces discours en termes de caractérisation.

Une première comparaison entre deux passages pris dans l’un et l’autre texte montrera assez nettement de quoi il en retourne. Précisons que chacun des personnages se trouve à ce moment dans une situation où il est séparé de celle qu’il aime, séparation qui paraît plus ou moins insurmontable, et qui donne alors lieu à d’éloquentes plaintes. Voici celles d’Alerio, chevalier au service du roi d’Angleterre, capitaine de navire, et amoureux de la belle Orize, noble comme lui. Parmi les nombreuses péripéties que tous deux doivent traverser, la plus décisive est l’enlèvement d’Orize par un pirate, au grand désespoir d’Alerio, naviguant aussi vite qu’il le peut aux trousses du bandit :

Quand six jours se furent passez entierement en cette poursuitte, Alerio n’eut plus la puissance de retenir son dueil qui commença à se monstrer en un excez si grand qu’il sembloit qu’il luy deust bien tost oster la vie. Où estes vous ? Chere Orize, disoit-il au fort de sa tristesse, un corsaire barbare n’essaye-il point maintenant de vaincre les resistances que vous faites contre ses efforts pour conserver vostre pudicité, et pour demeurer en la fidelité que vous m’avez promise ? Helas ! Ce ne sont pas mes infortunes propres qui m’affligent maintenant : ce sont les vostres. L’apprehension que j’ay que vous ne souffriez de la peine m’en fait souffrir une qui n’a point sa pareille au monde […] (« Les Mal-Mariez », Sorel 1972 : 185-186 ; je souligne).

Les éléments que j’ai mis en évidence dans cette séquence de discours rapporté sont ceux qui, de l’empathie pour ce personnage déchiré, peuvent conduire le lecteur attentif à un singulier état de surprise, alors qu’il s’est plongé dans la nouvelle introduite par le prologue mentionné, dont l’action se situe, elle, dans un milieu campagnard, et qui raconte les amours de Francine et d’Albert. Ce dernier — un paysan qui s’est cultivé au contact d’un noble chez qui il a servi — voit son idylle avec Francine interrompue par la faute de la sœur de celle-ci, Laurence, dont la jalousie conduit à faire croire à son père que Francine a été dépravée par Albert ; la réputation de Francine est ainsi salie, et la jeune femme se retrouve enfermée chez elle, sans cesse grondée par son père et soumise à la vengeance de sa sœur. Lorsque Albert prend connaissance de la situation, il réagit alors en ces termes :

Albert en receut des douleurs incroyables, estant fasché qu’une fille souffrit tant de peine pour luy avoir voulu tesmoigner sa fidelité sans mesme outrepasser les premieres bornes de la modestie. Cela luy faisoit dire qu’il eust voulu qu’elle l’eust encore traicté avec une rigueur extraordinaire sans luy faire l’accueil qu’il meritoit, parce qu’il eust souffert luy tout seul, & que mesme son tourment n’eust pas esté si cruel, n’estant rien de si veritable que l’ennuy qu’il recevoit de celuy de Francine, estoit plus puissant à le tourmenter que le sien propre, dont il ne laissoit pas d’estre encore chargé pour estre doublement affligé (« La Sœur jalouse », Sorel 1972 : 302 ; je souligne).

La sensation de déjà-lu est immédiate, et révèle du même coup que ces deux discours se construisent en partie par l’intégration de ce qu’on désignera évidemment comme un lieu commun thématique, celui d’une /hiérarchie des souffrances/. Conformément à ce que j’ai dit auparavant, on considérera ce topos thématique comme l’indice d’un genre du discours ; le fait que les deux personnages usent de ce lieu commun alors qu’ils sont pris dans une situation quasi identique nous invite d’ailleurs d’autant plus à le faire. Nettement, les plaintes d’Alerio et d’Albert s’inscrivent dans le genre de la lamentation amoureuse, et même, au vu de ce que le topos indique au sujet des positions respectives de l’amant et de l’aimée, un genre de lamentation participant du discours courtois en général. En effet, comme le pointe Sorel dans son prologue à « La Sœur jalouse », l’expression du sentiment amoureux s’est vue dotée par la société mondaine de normes qui, si elles n’ont certes pas atteint (au moment où paraissent Les Nouvelles françoises) le degré d’élaboration qu’elles connaissent vers le milieu du xviie siècle, sont en plein essor dans le premier tiers du siècle. Cette période est une étape importante dans la formation d’une « politesse mondaine », comme le souligne Dulong, selon qui « on assiste à une floraison d’ouvrages didactiques, qui vont du traité de spiritualité au manuel de bienséance, en passant par l’art de plaire, d’écrire, de converser » (1969 : 55-56).1 Mais du même coup, toujours suivant ce qui a été dit plus haut, on commence sûrement à entrevoir le problème que peut causer la présence d’un même topos thématique dans les discours d’un capitaine de marine et d’un paysan, quand bien même elle se justifie en fonction d’une certaine codification courtoise. Ce bref exemple paraît montrer en effet que, dans Les Nouvelles françoises, il n’y aurait pas de recoupements entre les genres dont relèvent les discours des personnages et des rôles thématiques qui renverraient à des catégories sociales. En d’autres termes, il semble confirmer un autre lieu commun, qui est propre, lui, au degré zéro de la réception des textes classiques et selon lequel les personnages des romans et nouvelles du xviie parlent tous de la même manière…

On aura quand même remarqué que la mise en texte du lieu commun ne se fait pas sans des variations assez importantes, notamment, dans ce cas, parce que l’une des plaintes est rapportée au discours direct, alors que l’autre l’est au discours indirect. C’est vraisemblablement sur la base de ces variations qu’on pourra trouver le moyen de sortir de cette impasse.

3.1. Lieux communs thématiques et caractérisation : entre social et moral

Avant d’en venir à ces variations, comparons deux autres répliques participant d’un genre différent, où les mêmes problèmes se posent, et de façon plus nette encore, mais qui apporteront également un début de réponse.

Comme je l’ai dit, Les Nouvelles françoises relatent des amours contrariées ; l’un des passages obligés de ces récits est donc la déclaration d’amour. Voici comment Alerio avoue ses sentiments à Orize :

Je ne vous laisseray nulle part, repartit Alerio, car c’est ma principale intention que de demeurer tousjours en vostre compagnie pour estre vostre deffenseur. Vos perfections ont des attraits si puissants, qu’il est impossible que l’on ne vous suive par tout, quand l’on les a considerez comme j’ay faict. Asseurez vous, madame, que j’en suis espris si ardamment, que je ne puis recevoir du remede que par les mains de la mort ou par les vostres, qui ont le moyen de me guerir en me departissant leur faveur. La puissance du pape est si juste qu’elle vous desliera bien d’avecque celuy à qui l’on vous a jointe imprudemment, et qui n’est pas vostre moitié. Apres cela vous aurez la liberté de choisir quel homme c’est qui vous plaira le plus pour mary, et si vous jettez les yeux dessus les nompareilles affections que mon ame esleve à vostre sujet : je ne fais point de doute que vous ne me jugiez digne de porter cette honorable qualité (« Les Mal-Mariez », Sorel 1972 : 150-151 ; je souligne).

À nouveau, on ne pourra qu’être frappé par la ressemblance entre cette déclaration et celle qu’Albert fait non pas à Francine, mais — petite complication — à sa sœur, Laurence. Celle-ci établit les règles de vie de toute sa famille ; c’est pourquoi Francine demande à Albert de la séduire, afin qu’ils puissent, eux, se voir plus tranquillement (ceci expliquant bien sûr la jalousie de la sœur et son désir de vengeance, une fois qu’elle aura compris qu’elle a été dupée) :

Un soir se trouvant donc seul avec Laurence, il luy parla ainsi. Le respect ne sçauroit plus avoir de puissance sur moy : il faut que je vous descouvre ce qu’il me commandoit de cacher, veu que toutes choses m’y conjurent. C’est que dés l’heure que j’eus le bon heur de vous voir, je perdis la volonté de vivre en franchise, et ne fis plus autre chose que songer à vos perfections, et aux moyens que je pourrois tenir pour m’acquerir vostre bonne grace. Je vous le declare maintenant, afin que vous preniez garde aux extremes affections que je nourris pour vous en mon cœur, et que vous vous disposiez à ordonner ce qu’il adviendra de moy, c’est à dire, s’il faut que je vive ou que je meure. Regardez lequel vous aymez le mieux. Je continueray de vivre si par une excessive bonté vous me permettez de vous aymer : mais je trespasseray infailliblement si vous faictes le contraire (« La Sœur jalouse », Sorel 1972 : 264-265 ; je souligne).

La forme des topoi est toujours sujette à des variations, mais, malgré cela, on reconnaît sans peine que ces déclarations partagent deux thèmes, dans lesquels on verra d’autres lieux communs du discours courtois : celui de /l’attachement obsessionnel/ et celui de /l’extrême passion/ — ce dernier étant par ailleurs dans les deux cas développé à travers l’image d’une alternative vie/mort. En outre, il faut souligner que ces thèmes sont articulés l’un avec l’autre, aspect qui rapproche fortement les deux répliques, qui, au-delà de leurs variations dans la mise en forme des thèmes, sont construites en une même progression argumentative. Cette parenté de structure montre — encore plus clairement que dans le cas des lamentations — que les deux répliques partagent plus que les mêmes thèmes, et qu’elles sont déterminées par les prescriptions du genre du discours dont elles relèvent, la déclaration d’amour courtoise.2

De tels échos paraissent niveler les spécificités respectives de ces déclarations et donc amoindrir leur effet de caractérisation. Il est en effet difficile de concevoir en quoi l’aspect manifestement stéréotypé de ces paroles peut s’accorder avec la notion de caractérisation, dès lors que nous avons affaire à des personnages qui n’appartiennent pas au même groupe social. C’est là le véritable problème ; car, si Sorel avait mis en scène à chaque fois des nobles, on pourrait au contraire voir dans ces similitudes une confirmation de ce qui a été dit auparavant à propos, d’une part, du lien entre spécificités thématiques et formelles, genres du discours et rôles thématiques et, d’autre part, du rôle joué par ce lien dans la création d’un effet de caractérisation par la parole.

Donc les personnages, au xviie, parlent tous de la même manière, et leurs discours ne les caractérisent pas… Le constat est réducteur et peu satisfaisant. On peut le dépasser par un autre constat qui, à première vue, nous éloigne de la fonction caractérisante du discours rapporté, mais qui nous y ramènera vite. Si des personnages aussi différents qu’un capitaine de marine et un paysan s’expriment de façon très semblable, c’est que, en un sens, ils ne peuvent pas le faire autrement, parce qu’ils sont des motifs (parmi une foule d’autres motifs) soumis aux normes du genre du discours dont relève globalement le texte qui les met en scène. À la manière d’un Vladimir Propp, ce que j’ai mis en lumière jusqu’à présent, ce sont des éléments constitutifs non pas de la morphologie du conte populaire russe, mais d’un genre qui, en France, est en train de naître au début du xviie, et que René Godenne appelle la nouvelle romanesque (1970 : 27 sqq.) — d’inspiration espagnole, mêlant récit d’aventures et histoire sentimentale. Des épisodes types s’y enchaînent (rencontre des amants, débuts de la passion, action d’un opposant qui provoque une séparation, etc.) et appellent notamment certaines prises de parole qui, comme je l’ai dit, sont en partie prévues par le genre en question.

Or il est nécessaire de souligner une composante essentielle de caractérisation des personnages, qui structure une grande majorité de textes narratifs, ce qui est peut-être une raison pour laquelle, dans la littérature théorique consacrée à la caractérisation par la parole, cette composante n’est pas véritablement prise en compte et se trouve oubliée au ‘profit’ de phénomènes plus spectaculaires (comme le langage populaire). Il s’agit très simplement de l’opposition entre les personnages valorisés et dévalorisés, ou si l’on préfère entre les bons et les méchants, qui, dans les textes relevant du genre de la nouvelle romanesque, vont prendre les traits des amants nobles et des amants vils.

Dans les nouvelles de Sorel, on se rend vite compte que, avant toute chose, les personnages dont les discours intègrent les lieux communs de la courtoisie se distinguent, par contraste, de ceux qui ne les évoquent pas et qui, pour paraphraser ce que le narrateur nous dit d’un certain noble prénommé Anaxandre, n’ont « point ce respect d’humble serviteur », et parlent « de plein abord de [leur] passion » (« Les Trois Amants », Sorel 1972 : 404). Au sein du recueil, les lieux communs courtois ont ainsi bien pour fonction de renvoyer à une certaine représentation de la passion amoureuse, et d’évoquer la société mondaine à laquelle elle se rattache. Mais, parce qu’ils sont également le support d’une axiologisation des personnages mis en scène, ils pointent plus précisément les valeurs associées à une telle représentation, qui, dans le cadre générique de la nouvelle romanesque (et peut-être selon un point de vue naïf ou idéaliste), sont considérées comme indépendantes de tout milieu social. Signalant en définitive des comportements acceptés ou non en regard d’une certaine idéologie, ces lieux communs peuvent ainsi traverser les couches sociales, car leur fonction première est de différencier les rôles thématiques de l’amant vil et de l’amant noble, cette noblesse devant être entendue (en tout cas pour Sorel) comme une noblesse de cœur et non pas forcément de statut (même si, très souvent, les deux coïncident).

Cependant, toute évocation d’une sphère sociale d’échange par les lieux communs courtois n’est de loin pas éliminée. Preuve en est le fait que, dans le cas du paysan Albert, Sorel doit manifestement composer avec les exigences de deux systèmes de normes : d’un côté, celui du genre de la nouvelle romanesque donc, soumis à une codification courtoise ; de l’autre, celui de la vraisemblance. Que des membres de la noblesse fassent usage des stéréotypes courtois ne pose pas de problème par rapport au vraisemblable, puisque précisément ces personnages font partie du groupe social qui, dans le monde de référence des destinataires de ces nouvelles, les a forgés. En revanche, l’étrangeté que nous pouvons ressentir en lisant les paroles du paysan Albert est une réalité à laquelle Sorel doit déjà faire face, car là des brèches se forment dans le vraisemblable du texte. Autrement dit, ces paroles évoquent bien une sphère sociale d’échange à laquelle, dans le monde de référence des lecteurs, un paysan ne se rattache pas. C’est la raison pour laquelle Sorel joue beaucoup plus sur les différentes formes du discours rapporté ; il y a certes la déclaration citée plus haut, qui est rapportée au style direct, mais son ‘invraisemblance’ est contrebalancée et atténuée par d’autres prises de parole rapportées au style indirect, comme les plaintes mentionnées auparavant, ou encore une première déclaration d’amour à Francine, qui du discours direct passe rapidement à l’indirect — moment où apparaissent justement d’autres lieux communs relevant du code courtois —, puis même à un discours narrativisé résumant des « promesses d’amour qui estoient simples et nayves » (« La Sœur jalouse », Sorel 1972 : 252). Comme on le constate, la simplicité et la naïveté n’ont pas le droit de citation dès lors qu’il s’agit de représenter un personnage valorisé. Le travail opéré par Sorel sur la représentation de la parole d’Albert en variant les formes du discours rapporté témoigne ainsi tout à la fois de la vigueur du lien codifié entre certains stéréotypes et la valeur morale d’un personnage, mais aussi du fait que, avec eux, un certain contexte s’impose et influe sur l’interprétation de la portée caractérisante de cette parole. L’usage du discours indirect, parce qu’il peut passer pour une ‘traduction’ des paroles du personnage faite par le narrateur, permet simultanément d’associer Albert et le trait /noblesse/ (de cœur), et de ménager le vraisemblable en ‘contournant’ le contexte social qu’ils évoquent, le personnage s’en trouvant dissocié dans la mesure où il ne porte pas la responsabilité énonciative de la présence des lieux communs dans le texte.

3.2. Schémas stylistiques et caractérisation sociolectale

À côté de ces opérations de ‘traduction’ de la parole, la vraisemblance du paysan Albert en termes de statut social est assurée à un autre niveau, que l’on désignera globalement comme étant celui du style. Parmi d’autres faits textuels, ce sont donc aux variations que j’ai pour le moment laissées de côté que revient principalement la tâche de véhiculer une caractérisation plus spécifiquement sociolectale.

Il faut ici souligner que les sphères d’échange évoquées ne renvoient pas tant, pour le lecteur, à des contextes d’expérience qu’à des représentations parfois très schématiques, à travers lesquelles s’opèrent notamment des associations entre une catégorie sociale et certains aspects du langage. Cela est vrai en ce qui concerne les lieux communs, mais c’est encore plus sensible lorsqu’on aborde le traitement stylistique de la parole des personnages, qui le plus souvent s’appuie sur la plus prégnante de ces associations établies culturellement, à savoir celle qui attribue à l’élite sociale un langage élaboré et complexe, et qui à l’inverse dote les couches inférieures d’un langage marqué par la simplicité, voire la sous-élaboration.3 C’est sur la base de telles représentations idéologiquement orientées des milieux sociaux et de leurs usages linguistiques que s’opère, dans Les Nouvelles françoises, une caractérisation sociolectale.

Stylistiquement, les paroles du chevalier Alerio désignent ce que les lieux communs courtois évoquent, c’est-à-dire la société mondaine, dont la représentation intègre notamment des usages linguistiques marqués par l’ornement, peut-être même par une certaine pompe, ou du moins par le raffinement. Ces traits pointent vers une rhétorique du sublime, réalisée par une batterie de moyens relevant notamment de l’amplification, tant des objets du discours — que l’on représente de façon grandiose — que du discours lui-même.

Suivant cette perspective, il faut d’abord souligner que les lieux communs thématiques sont parmi les premiers de ces moyens d’amplification, puisque leur tâche est de véhiculer une représentation magnifiée de la passion amoureuse. Si l’on s’arrête ensuite sur certains aspects articulant lexique et morphosyntaxe, on remarquera chez Alerio une prédilection pour l’emploi du pluriel afin de désigner certains objets auxquels il pourrait pourtant référer en usant du même mot au singulier, ce qui est une des figures tout à fait conventionnelles visant à donner un « air de grandeur » (Lamy 1998 : 377) aux choses par leur accroissement ‘grammatical’.4 Dans ses plaintes, Alerio mentionne ainsi les « resistances » d’Orize et ses propres « infortunes » ; ou, lorsqu’il déclare son amour, il parle des « perfections » et des « attraits » de la jeune femme, ainsi que des « affections » que, lui, ressent.5 Pour ce qui touche au lexique encore, Alerio évite les termes ordinaires (qui forment, eux, la substance du style simple) et fait usage de ce que, dans les manuels de rhétorique classique, on nomme des « grands mots » (Bary 1665 : 294), comme précisément « infortunes » au lieu de « malheurs », ainsi que « apprehension » plutôt que « crainte » ou « peur » ; il en va de même, bien sûr, de « perfections » et d’« affections » à la place de « beautés » et d’« amour ». En se tournant vers des faits concernant des syntagmes ou des propositions, on notera le caractère superlatif de certaines tournures ; ainsi, la peine qui afflige Alerio « n’a point sa pareille au monde », comme les affections qu’il ressent d’ailleurs, qu’il qualifie de « nompareilles » ; de même les qualités d’Orize sont le support de formules hyperboliques (« Vos perfections ont des attraits si puissants, qu’il est impossible que […]. Asseurez vous, madame, que j’en suis espris si ardamment, que je ne puis recevoir […]).6 Les hyperboles nous font entrer dans le domaine des figures, et, à ce chapitre, on aura constaté la composante métaphorique des paroles du personnage, particulièrement dans sa formulation de l’alternative stéréotypée entre la vie et la mort, à la fois parce que celle-là déploie une isotopie de la guérison, mais aussi par la métaphore des « mains de la mort », réalisant du même coup une personnification d’un des termes de l’alternative, en jouant également avec la matérialité bien réelle des mains de la femme aimée, dont Alerio espère la « faveur ». On retrouve pareille manière imagée de parler, plus discrètement, dans des formules comme « vostre moitié » (pour désigner l’ancien mari d’Orize) ou « jeter les yeux dessus » pour dire « considérer ».

Cette dernière expression est aussi un exemple d’une sorte de préférence morphosyntaxique. Il s’agit de paraphrases associant un verbe et un substantif pour exprimer une idée qui pourrait être rendue par un simple verbe : ainsi Alerio dit-il dans sa déclaration (outre « jeter les yeux dessus ») « recevoir du remede », « avoir le moyen de », « avoir la liberté » et « ne pas faire de doute », là où on pourrait attendre « être soigné », « pouvoir », « être libre » et « ne pas douter ». À ces ‘amplifications’ du verbe correspondent des extensions de syntagmes nominaux par l’emploi assez fréquent de relatives, qui confèrent à la phrase son ampleur périodique et permettent de nouveaux développements : « les resistances que vous faites… », « la fidelité que vous m’avez promise », « l’apprehension que j’ay… », « une [peine] qui n’a point… », « [vos mains] qui ont le moyen… », les « affections que mon ame esleve ». Là aussi, ces relatives auraient pour contrepartie, dans un style plus simple, l’usage, par exemple, de pronoms possessifs (« vos résistances », « mon appréhension ») ou de compléments du verbe plus attendus (« pour me demeurer fidèle »). Enfin, ces articulations hypotaxiques participent plus globalement du haut degré d’élaboration des discours d’Alerio.

Comparativement, les discours tenus par le paysan Albert sont indéniablement un ton en dessous, sans pourtant aller jusqu’à un niveau que l’on qualifierait de ‘populaire’. Pour ne considérer que l’exemple de la déclaration d’amour, on aura certes remarqué que, outre les lieux communs, celle-ci comporte des amplifications réalisées par l’usage des pluriels « perfections » et « affections ». Elle est également tout à fait articulée syntaxiquement et dépourvue de phrases simples ou d’enchaînements parataxiques par juxtaposition de propositions — comme on peut en trouver dans des représentations de discours populaires ou paysans à l’époque. On remarquera tout de même la phrase « Regardez lequel vous aymez le mieux », qui, si elle est syntaxiquement complexe, ne donne lieu à aucun développement périodique. Surtout, ces aspects qui tendent vers le sublime voisinent avec d’autres composants nettement plus médiocres (au sens premier du terme), comme une certaine simplicité du vocabulaire. Albert parle ainsi de son « bon heur », qui est précisément un mot que Bary, lui, suggère de remplacer par « contentement », « satisfaction », « félicité » ou « béatitude » (1665 : 294), lorsqu’on veut inscrire son discours dans un style sublime. De même, si le personnage décrit son sentiment comme étant une passion obsessionnelle, il n’y met pas exactement la même emphase superlative qu’Alerio : ce dernier représente les effets de la beauté d’Orize en les généralisant par l’emploi notamment d’une tournure impersonnelle, alors qu’Albert s’en tient (si l’on peut dire) à la seule expression de ce que lui a ressenti. Il me semble que la manifestation stylistique d’une différence de statut entre les deux personnages se trouve même condensée dans les segments où les deux hommes demandent que l’on tienne compte de ce qu’ils éprouvent. Albert qualifie ses affections d’« extremes », ce qui est certes déjà beaucoup, mais pas aussi absolu que les « nompareilles affections » revendiquées par Alerio. Semblablement, la relative qui, dans les deux cas, étend le syntagme nominal apparaît d’un style plus simple dans le discours d’Albert que dans celui d’Alerio, car, par ce biais, le premier représente avec moins de détours ce qu’il veut dire, notamment en désignant clairement les acteurs de la relation amoureuse, par les pronoms « je » et « vous », alors que ceux-ci s’estompent chez Alerio derrière des déterminants possessifs, accolés à des noms très abstraits (une « ame » et un « sujet »). Enfin, si Albert emploie le thème de l’alternative entre la vie et la mort, on constate qu’il le fait sans l’habiller de figures, comme c’est le cas pour Alerio.

Le capitaine de marine et le paysan mis en scène dans ces deux nouvelles illustrent ainsi deux traitements de la caractérisation par la parole, qui diffèrent en particulier dans leurs rapports aux stéréotypes.

Avec la figure d’Alerio, on constate une complète convergence entre les lieux communs que ses discours articulent et les divers aspects formels de ces derniers, qui contribuent tous à situer le personnage dans le contexte de la cour, empreint de codes courtois. L’effet de caractérisation langagière est alors massif, dans la mesure où les stéréotypes convoqués à ces différents niveaux s’associent parfaitement et concourent à la construction du rôle thématique de l’amant noble, cette noblesse étant à comprendre comme une donnée à la fois morale et sociale.

Le cas d’Albert laisse place en revanche à une certaine ‘tension’ interprétative, car Sorel s’efforce de faire participer son personnage de plusieurs milieux : il s’agit de composer un être qui échappe aux représentations culturelles de l’époque — un paysan cultivé. Dès lors, les sphères d’utilisation de la langue évoquées par les dimensions thématique et stylistique de ses discours ne coïncident pas exactement, ce qui reflète l’état du personnage, pris entre deux mondes, la campagne dont il est issu et la société policée des nobles chez qui il a servi. Le traitement des paroles d’Albert vise alors incontestablement à doter ce dernier d’une certaine ‘singularité’7 ; cependant, il importe de considérer que celle-ci — même si elle tend à remettre en question certaines représentations sociales — ne se constitue pas moins sur un fond de stéréotypes. Ainsi comme on l’a vu, le rapport même des paroles du personnage est-il soumis à des contraintes qui relèvent de la convenance et de la vraisemblance liées à l’idée que la cour et l’époque se font à la fois du ‘type’ campagnard et du discours amoureux. Il en résulte que le discours direct se retrouve concurrencé par le discours indirect, voire le discours narrativisé, dans une séquence pourtant cruciale (la première déclaration d’amour), pour laquelle l’emploi du discours direct paraît bien plus approprié afin d’accorder aux paroles rapportées le statut de moment clé du récit.8 De même, pour le discours direct, Sorel ‘adapte’ le style en délaissant les procédés connus du sublime, pour adopter ceux que la rhétorique rattache à un autre patron stylistique, étiqueté comme moyen ou médiocre. Le mélange qui en résulte — associant un thème élevé (l’amour) à un style qui lui est ‘inférieur’ — reste par ailleurs tout à fait convenable, dans la mesure où il n’est pas nécessaire de fuir le style médiocre ou même le style simple. La rhétorique en recommande au contraire l’emploi dans certaines circonstances, au nombre desquelles on peut assurément ranger le besoin de représenter indirectement la noblesse morale d’un personnage tout en signifiant son origine sociale modeste. En définitive, la singularité du paysan cultivé Albert est alors fonction des deux rôles thématiques qu’il endosse (celui de l’amant noble et celui du paysan). S’ils sont contraires en apparence, ils se retrouvent pourtant intimement associés l’un à l’autre dans les paroles du personnage, et cela parce qu’ils peuvent se manifester à travers deux stéréotypies, dont l’une porte sur le plan du contenu, l’autre sur celui de l’expression, et par là fusionner dans le tissu des phrases qui composent ces discours.

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Notes

1 Les fictions ont elles aussi pris part à ce mouvement, parmi lesquelles il faut bien sûr nommer le roman pastoral par excellence, L’Astrée d’Honoré d’Urfé, dont la parution s’échelonne entre 1607 et 1627 et qui a connu un tel succès qu’il est vite devenu une « encyclopédie amoureuse », formant le goût en matière « de pensée, de conduite et de langage » (Dulong 1969 : 53). Sorel lui-même atteste de cette influence, parlant des « agreables inventions de l’Astrée & [de] ses beaux & sçavans Discours, […] qui depuis peu avoient acquis du credit » (1667 : 178). Retour au texte

2 On pourrait penser que cette stéréotypie est propre uniquement à la poétique de Sorel, mais il n’en est rien. À titre de comparaison, je donne cette autre déclaration (écrite) de Corilas à Stelle, dans L’Astrée, dont la structure par lieux communs est quasi identique, ce qui tend à montrer que Sorel emprunte à des structures qui préexistent à ses textes : « Il est bien impossible de vous voir sans vous aymer, mais plus encore de vous aymer sans estre extreme en telle affection ; que si pour ma deffense il vous plaist de considerer ceste verité, quand ce papier se presentera devant vos yeux, je m’asseure que la grandeur de mon mal obtiendra par pitié, autant de pardon envers vous, que l’outrecuidance qui m’esleve à tant de merites, pourroit meriter de juste punition. Attendant le jugement que vous en ferez, permettez que je baise mille et mille fois vos belles mains, sans pouvoir par tel nombre esgaler celuy des morts, que le refus de ceste supplication me donnera, ny des felicitez qui m’accompagneront, si vous me recevez, comme veritablement je suis, pour vostre tres-affectionné et fidelle serviteur » (D’Urfé 1966 : I, 189-190). Retour au texte

3 Toutefois, comme le souligne Françoise Gadet à propos de la morphosyntaxe prétendument simplifiée du français populaire, aucun constat scientifique ne permet d’établir pareille relation ; bien au contraire, « il faut plutôt considérer que c’est la version standard de la langue qui apparaît délibérément construite comme complexe et élaborée » (2003 : 83). Retour au texte

4 Comme l’indique René Bary dans sa Rhétorique françoise, le style sublime demande entre autres choses de « preferer le plurier [sic] au singulier » (1665 : 293). Retour au texte

5 Avec ces trois derniers termes, on évolue plus précisément dans le domaine du cliché lexical : plus que des figures de style relayant un effort tendu vers la sublimation d’un référent, ce sont des formes figées du discours courtois. Retour au texte

6 À quoi on peut encore ajouter ce qu’Alerio affirme de la « puissance du pape », qui « est si juste » qu’elle libérera Orize de ses engagements matrimoniaux. Retour au texte

7 Celle-ci est affirmée par ailleurs très tôt dans la nouvelle, au moment où le narrateur fait un premier portrait du jeune homme, avec pour objectif de le distinguer de tous les autres paysans : « Il n’avoit pas l’esprit grossier comme les autres garçons de village, l’ayant un peu façonné dedans la ville » (« La Sœur jalouse », Sorel 1972 : 240). Retour au texte

8 Comme le souligne Coltier, « les éléments qui ne sont pas reproduits au discours direct semblent, étant donné l’aspect résumant du DN [discours narrativisé] et du DT [discours transposé, c’est-à-dire indirect], moins importants que les paroles reproduites au discours direct » (1989 : 74). Retour au texte

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Référence électronique

Vincent Verselle, « Stéréotypes et caractérisation langagière des personnages : l’exemple des Nouvelles françoises, de Charles Sorel », Textes et contextes [En ligne], 5 | 2010, publié le 21 novembre 2017 et consulté le 22 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=257

Auteur

Vincent Verselle

Université de Lausanne / Faculté des lettres, Bâtiment Anthropole, bureau 3019, 1015 Lausanne

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