Erik Harms, Der kommunikative Stil der Grünen im historischen Wandel, 2008

Référence(s) :

Erik Harms, Der kommunikative Stil der Grünen im historischen Wandel. (= Arbeiten zu Diskurs und Stil ; 9), Frankfurt am Main : Peter Lang, 2008

Texte

De sa thèse soutenue en 2006 à l’Université de la Sarre, Erik Harms a tiré une version abrégée et actualisée publiée chez Peter Lang. Dans Der kommunikative Stil der ‘Grünen’ im historischen Wandel, Harms se livre à une étude détaillée des programmes électoraux publiés par le parti écologiste allemand, les ‘Grünen’, lors des élections législatives fédérales de 1987, 1994 et 2002.

L’objectif de son analyse est de montrer comment l’étude de l’évolution linguistique des programmes électoraux peut éclairer le changement d’orientation politique du parti. Le style de communication ne repose pas seulement sur quelques effets de rhétorique, mais recouvre l’ensemble des moyens (vocabulaire, typographie, mise en page, illustrations, niveaux de langue, etc.) employés par les ‘Grünen’ dans leur communication électorale afin de répondre au mieux aux attentes de leurs électeurs potentiels.

Harms commence son étude en présentant le profil de l’électorat auquel s’adresse le parti lors de chaque élection. Il montre brillamment que les électeurs de 1987, de 1994 et de 2002 ne sont pas à chaque fois les mêmes, ou qu’au moins leurs aspirations ont changé, ce qui explique que le style de communication des ‘Grünen’ soit lui aussi différent. Ces trois groupes (« nouveaux mouvements sociaux » en 1987, « non-conformisme réaliste » en 1994 et « strict pragmatisme » en 2002) sont caractérisés en fonction de leurs valeurs morales et politiques, de leurs aspirations et des règles que se sont données les mouvements dont sont en partie issus les ‘Grünen’. Harms en tire trois maximes (« Critiquer le système », « Répandre une atmosphère d’apocalypse », « Diffuser la doctrine du salut des milieux alternatifs ») qui vont être déclinées de différentes manières dans chacun des programmes analysés.

Dans une seconde partie, Harms recherche dans les programmes électoraux les marques linguistiques (entre autres) du changement politique chez les ‘Grünen’. Le programme de 1987 est empreint d’une grande spontanéité apparente. Sa conception relève apparemment plus de l’artisanat que d’un travail théorique élaboré. La formulation des revendications rappelle celle des pétitions. L’électeur est interpelé directement, l’arrière-plan émotionnel est souvent souligné afin de gagner l’adhésion des électeurs. Les post-matérialistes auxquels s’adressent les ‘Grünen’ sont désenchantés en voyant que le système politique en place ne répond pas à leurs demandes et que la majorité des électeurs se satisfont de la continuité. Les ‘Grünen’ traduisent le sentiment d’oppression que ressentent ces groupes sociaux. L’analyse d’Harms est d’autant plus convaincante que ses exemples viennent illustrer chacun des points présentés précédemment.

La rupture la plus évidente dans le programme de 1994 apparaît dans le traitement réservé au système parlementaire. La défiance systématique cède la place à une acceptation prudente qui va de pair avec la fin du rejet de l’élite politique traditionnelle. Les ‘Grünen’ ne sont plus seulement un parti d’opposition systématique, ils envisagent de s’associer au pouvoir et de participer à des coalitions gouvernementales. Harms relève de manière très convaincante les signes lexicaux de ce changement. Toutefois, en montrant que le programme de 1994 se situe dans une période-charnière entre les programmes de 1987 et de 2002 et que les ‘Grünen’ jouent une sorte de double-jeu en critiquant un système auquel ils appartiennent désormais, l’auteur en vient à tirer d’une même analyse deux conclusions opposées.

Respectant strictement son schéma d’étude (ce qui entraîne malheureusement d’inévitables répétitions), l’auteur confronte le programme de 2002 aux maximes formulées en introduction. Il montre que les ‘Grünen’ assument désormais pleinement leur appartenance à la classe dirigeante et que le ton n’est plus aussi direct, que les électeurs ne sont plus pris à partie et que c’est désormais un bilan qu’ils doivent défendre, devenant à leur tour les partisans de la continuité alors qu’ils n’avaient été jusqu’alors que les tenants de la rupture. Les ‘Grünen’ se sont réconciliés avec le système politique et le champ lexical de la violence ne traduit plus que la menace associée à une alternance au niveau gouvernemental.

C’est principalement l’écart considérable entre les programmes de 1987 et de 2002 que retiendra le lecteur. Harms considère que le programme de 1994 conforte à la fois les idéaux des nouveaux mouvements sociaux tout en s’en distançant. Il s’appuie ainsi sur des éléments contradictoires, ce qui rend alors son interprétation plus difficile à suivre. En revanche, son analyse de la présentation visuelle des programmes est très instructive : le programme de 1987 est rempli de dessins, photos et caricatures tandis que celui de 2002 n’est illustré qu’au moyen de quelques affiches électorales. La mise en page et la typographie témoignent elles aussi de ce que Harms considère comme le passage d’une époque où créativité et spontanéité dominent à une époque où, devenus membres de la coalition gouvernementale, les ‘Grünen’ affichent avant tout un professionnalisme rigoureux.

La conclusion reprend les marques prototypiques du style de chacun des trois groupes identifiés et articule très clairement les grands principes détaillés tout au long de l’ouvrage. On regrettera de ne pas trouver d’analyse en lien avec l’arrivée au pouvoir des ‘Grünen’ en 1998, mais, en cela, Harms respecte le strict cadre de l’analyse qu’il s’était fixé. Par sa rigueur et la richesse de son analyse, il comblera les lecteurs s’intéressant tant à la politique qu’à la linguistique.

Citer cet article

Référence électronique

Lionel Picard, « Erik Harms, Der kommunikative Stil der Grünen im historischen Wandel, 2008 », Textes et contextes [En ligne], 3 | 2009, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=174

Auteur

Lionel Picard

Centre Interlangues Texte, Image, Langage (EA 4182), Université de Bourgogne, UFR Langues et Communication, 2 bd Gabriel, F-21000 Dijon

Articles du même auteur

Droits d'auteur

Licence CC BY 4.0