L’émergence d’une société internationale en Europe

  • The Emergence of an International Society in Europe

Résumés

Les causes du nationalisme restent controversées. Elles sont clairement analysables dans le cas des politiques convergentes de promotion de l’enseignement de l’irlandais, du gallois et de l’allemand alsacien, entre 1960 et 2000. La convergence est antérieure au cadre juridique proposé par la Commission européenne et le Conseil de l’Europe. Ces mesures, comme la convergence, répondent au besoin de reconnaissance des militants nationalistes. Isolés dans leur pays, ils recherchent activement à être reconnus comme des héros auprès d’autres nationalistes, qu’ils imitent et tentent d’influencer. Les politiques nationalistes sont ainsi structurées par des réseaux internationaux générationnels plus que par les héritages ancestraux.

The causes of nationalism remain a subject of controversy. However, they can be analysed in the case of converging policies promoting Irish, Welsh and Alsatian German teaching between 1960 and 2000. Convergence does not result from a common legal framework since it was launched before the measures taken by the European Commission or the Council of Europe. On the contrary, European policies, such as convergence, stem from nationalists’ fundamental desire for recognition. Frustrated at home, they actively build international bonds with other nationalists, imitating and influencing their foreign policies. Nationalism is thus structured by generational and international networks more than by ancestral heritage.

Plan

Texte

Introduction

Les nationalismes minoritaires considèrent la construction d’une fédération européenne bien plus souvent comme une opportunité que comme un danger. Le paradoxe semble évident : l’Europe unifiée ne sera-t-elle pas un obstacle définitif pour que des nations aujourd’hui privées de leur indépendance la conquièrent ? Les nationalistes qui ne se reconnaissent pas dans l’État qui les gouvernent jugent au contraire que l’intégration continentale constitue une opportunité d’émancipation. Ce jugement révèle en fait la dynamique perpétuelle et inépuisable du nationalisme.

Celui-ci a toujours été généré par des mouvements globaux, et non, malgré ses prétentions, par des traditions locales. En Europe, aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, les premiers mouvements nationalistes modernes se sont constitués autour de cercles littéraires qui s’encourageaient mutuellement à établir les bases culturelles et linguistiques des nations européennes. Le nationalisme n’a jamais été une dynamique locale. Il s’est dès l’époque inscrit dans des réseaux de dimensions continentales (Thiesse 1999). La société internationale qu’il fit naître, parfois avec l’aide des États et des empires qui la précédèrent, souvent contre eux, n’a cependant pas été l’ensemble pacifique dont rêvaient ses concepteurs. Les nations, puis les États que l’on tenta d’instituer en leur nom, se jalousèrent territoires, ancêtres illustres, populations et ressources. La stabilité qu’ont apportée les organisations européennes aux frontières des états-nations membres n’a pas supprimé les demandes des mouvements nationalistes. Elle a encouragé un grand nombre de groupes nationalistes minoritaires à s’identifier les uns aux autres et à proposer un contre-projet constitutionnel pour la Fédération européenne. Au lieu de la société internationale officiellement reconnue par les traités fondateurs, qu’ils jugent artificielle et oppressive, comme auparavant les Empires, ils souhaitent construire une société fondée sur les nations qu’ils considèrent comme authentiques, utilisant les mêmes arguments que les nationalistes des siècles précédents, et démanteler les États-nations existants.

Ces mouvements contemporains nous permettent d’élucider les causes du nationalisme, loin de toute idée de pérennité et de stabilité des identités nationales (Smith 1998). Car contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un phénomène aussi pérenne et universel, sa nature, c’est-à-dire ses causes, sont âprement discutées. L’Europe contemporaine nous donne d’observer, d’analyser et d’expliquer la dynamique des mouvements nationalistes, ainsi que leur tendance à établir des alliances et des organisations supranationales, dans le but de faire reconnaître et garantir les identités nationales qu’ils souhaitent défendre. La dynamique nationaliste apparaît primordiale ; elle tend constamment à remettre en cause les équilibres précaires qu’elle contribue à installer. Essence de la politique humaine, elle est à la fois « le fondement et ce qui remet en cause le fondement » (Leca 2001 : 35) de toute action collective.

Cette analyse se situe au croisement de plusieurs domaines d’analyse majeurs en sciences humaines. Elle montre qu’aucun n’est étanche ; la dynamique générale de la politique humaine ignore ces frontières. On appréhende ainsi la langue comme un objet de politique publique. Ce n’est pas un système autonome mais un produit des interactions sociales et politiques (Laponce 1987). La construction européenne est comprise comme un cas possible d’édification d’un État (Hassenteufel / Surel 2000). Elle ouvre plusieurs scénarios, de la fédération émergente à la dissolution des États-Nations (Bartolini 2005). Les relations centre-périphérie classiques d’un État ne s’observent pas forcément. Il faut rechercher la construction idéologique d’une globalité et les tentatives d’instituer des politiques locales sur cette base (Jobert / Muller 1987). Les nombreux travaux consacrés dans les années quatre-vingt-dix au régionalisme rejoignent souvent les problématiques fondamentales des études du nationalisme (Dupoirier 2000 ; Keating / Loughlin 2000). Il serait absurde d’opposer et même de distinguer les dynamiques qui animent les mouvements qui se disent aujourd’hui « régionalistes » ou « minoritaires » à ceux qui entendent être « nationalistes » ou « nationaux ». Les uns comme les autres ont choisi un nom générique pour dénoncer un pouvoir qui leur paraissait artificiel, illégitime et inefficace : qu’il soit « impérial » ou « national », seul le terme change, les autres arguments sont strictement identiques. Les cercles nationalistes du dix-huitième siècle décrits par Thiesse (1999) ressemblent en tous points aux cercles littéraires ou linguistiques du vingtième que l’on observe promouvoir des « langues régionales ou minoritaires » ou d’autres catégories de langues. Les uns ne sont pas plus locaux, « particularistes » ou « communautaristes » que les autres. Tout discours nationaliste est à la fois particulariste et universaliste (Leca 1991). La perméabilité du champ scientifique aux arguments nationalistes explique d’ailleurs qu’une telle mise au point soit nécessaire : les nationalistes considèrent toujours leur cause comme normale, naturelle et universelle, tandis que leurs adversaires seraient des groupuscules manipulateurs néfastes qui ne représenteraient que leurs intérêts étriqués. Comprendre l’Histoire nous oblige cependant à constater la dépendance des uns à l’égard des autres : c’est l’Ennemi qui soude le groupe et assure à son idéologie sa cohérence. La quête d’héroïsme, la recherche de cet Ennemi est toujours fondamentale : elle seule justifie en dernier ressort l’action (Scheidhauer 2004).

L’étude de cas montre, sur un mode déductif, la nature dynamique des politiques menées dans trois pays et des identités invoquées dans ces cadres. Les modes d’enseignement de plusieurs langues, dont le gallois, le gaélique et l’alsacien ont en effet convergé depuis les années soixante. Ensuite, elle établit la nature idéologique plutôt qu’institutionnelle (Hall 1997) de cette convergence : cela signifie que l’évolution est endogène, elle est produite directement par les acteurs ; ceux-ci n’y sont pas contraints par un cadre légal ou financier. Il s’agit d’une évolution fondamentale, non d’un mouvement tactique. La convergence n’est pas le résultat d’une pression institutionnelle locale ou européenne. L’apparition de politiques européennes de soutien constitue donc, avec la convergence des politiques locales, les deux clefs de la dynamique à l’œuvre. Elles indiquent les motivations ultimes des nationalistes. Loin d’être analysables en terme d’intérêts, elles reposent en fait sur le besoin de reconnaissance d'un rôle héroïque. Les mouvements nationalistes sont ainsi nécessairement des mouvements internationaux qui engendrent convergences et, parfois, consécrations internationales, autour d'un projet de société internationale.

1. La convergence européenne

Depuis la fin des années soixante, les politiques d’enseignement de nombreuses langues ont convergé en Europe, elles sont devenues de plus en plus similaires. Le gallois est parmi les langues à être enseignées selon les méthodes qui devaient se répandre ensuite, d’abord à l’irlandais puis à d’autres langues et, finalement, à la langue alsacienne (Scheidhauer 2004).

1.1. L’adoption de modèles extérieurs

Au pays de Galles, l’instruction obligatoire a lieu exclusivement en anglais, à ses débuts, vers le milieu du xixe siècle. Certaines écoles offrent quelques heures par semaine de gallois depuis le début du xxe siècle. En 1939, s’ouvre à Aberystwyth la première école primaire fonctionnant entièrement en langue galloise. À partir de 1944, des comités de parents étendent cette formule au secteur public, avec l’appui du département gallois du ministère britannique de l’éducation. Le succès croissant des écoles gallophones auprès des classes moyennes et supérieures rend caduque la croyance en l’infériorité intellectuelle des enfants bilingues. Les enfants gallisans qui fréquentent ces écoles parlent un bon anglais. Dès la fin des années soixante, des études scientifiques affirment également que le bilinguisme favorise la réussite scolaire, revenant sur les résultats d’études menées au pays de Galles dans l’entre-deux-guerres. Depuis les années cinquante, un enseignement maternel en gallois est développé par des associations parentales. En 1971, le Mouvement des Écoles Maternelles, Mudiad Ysgolion Meithrin, fédère ces associations et devient le symbole d’une communauté de locuteurs secondaires, ayant appris le gallois à l’école, qui semble devoir prendre le pas sur le heartland du nord-est, où le gallois est encore souvent appris en famille. À partir des années quatre-vingt, cependant, ce sont deux modèles étrangers d’enseignement immersifs plus tardifs qui sont le plus souvent invoqués : un modèle québécois, l’Expérience de Saint-Lambert, et celui du Pays Basque espagnol. Par ailleurs, le gallois est devenu légalement en 1988 une matière obligatoire dans le programme de tout élève du pays de Galles, jusque vers quatorze ans. Depuis sa création, en 1993, l’Office Pour le Gallois diffuse une abondante documentation qui vante les avantages intellectuels et sociaux d’une éducation bilingue, anglais-gallois. L’Europe et la mondialisation y sont présentées comme les causes de l’émergence d’un monde multilingue auquel les écoles bilingues seraient particulièrement adaptées.

En Irlande, un enseignement primaire opérant partiellement en irlandais – ou « gaélique » - a été développé dès le début du vingtième siècle par le gouvernement britannique pour les enfants irlandophones. Après l’indépendance de 1922, le gouvernement irlandais souhaite mettre en place un enseignement entièrement en irlandais pour l’ensemble des élèves afin que l’Irlande redevienne une nation comme les autres, parlant sa propre langue. Malgré l’euphorie initiale, les instituteurs compétents sont rares. Les préjugés qui veulent que les enfants irlandophones réussissent moins bien socialement que les anglophones semblent confirmés par le retard économique de l’Irlande et l’émigration massive. Cette politique éducative est abandonnée en fait dès les années cinquante puis en principe en 1973, année où l’Irlande intègre la Communauté Économique Européenne. L’irlandais reste ensuite une matière obligatoire du programme de tout élève jusqu’à quatorze ans. Il est enseigné trois heures et demi par semaine la première année d’école primaire, cinq heures les années suivantes. Au début des années soixante-dix, des associations de parents obtiennent cependant de gérer quelques écoles fonctionnant entièrement en irlandais. Elles opèrent de plus en plus avec des écoles maternelles irlandophones, sur le modèle gallois, diffusé lors des conférences de Trevor Williams en 1966. L’Office pour le Gaélique, l’agence gouvernementale pour la promotion de l’irlandais, récemment créée, soutient les associations de parents. Depuis l’indépendance, l’irlandais est perçu comme une langue d’élites intellectuelles et de classes supérieures de Dublin ou bien comme la langue des régions reculées de l’ouest. Les nouvelles écoles, exclusivement irlandophones, s’implantent aussi dans des quartiers ouvriers. L’enseignement de l’irlandais devient affaire de professionnels spécialisés, indépendants du ministère de l’éducation et insérés dans des réseaux internationaux de socio- ou psycholinguistes. Les Écoles Gaéliques, fédération de parents d’élèves des écoles primaires irlandophones, vante les avantages cognitifs et intellectuels associés à l’enseignement « bilingue », ou « immersif », pratiqué dans ces écoles. On ne conçoit plus qu’il faille être mauvais en anglais pour être bon en irlandais. Enfin, au cours des années quatre-vingt-dix, l’Europe est de plus en plus présentée comme la cause de l’émergence d’un monde multilingue, différent du monde anglo-saxon. Les écoles irlandophones y prépareraient mieux que les autres. D’ailleurs, le ministère pour l’irlandais subventionne le Bureau Européen pour les Langues Moins Répandues, dont le siège est à Dublin. Ses fondateurs sont pour la plupart irlandais et gallois. Les politiques d’enseignement du gallois ont donc considérablement influencé la scène irlandaise depuis la fin des années soixante.

En Alsace, les politiques d’enseignement de l’allemand imitent celles du gallois et de l’irlandais à la fin des années quatre-vingt. En Alsace, la langue d’enseignement a longtemps varié en fonction de l’État auquel le pays était rattaché : France ou Allemagne. En 1944, le français devient langue exclusive dans l’enseignement primaire, puis dans les écoles maternelles. Un enseignement optionnel de deux heures hebdomadaires d’allemand a été revendiqué dès 1946 par les Conseils Généraux. Dominés par les héritiers des catholiques sociaux, ceux-ci voyaient dans l’allemand la langue du culte autant que la langue maternelle. Ce point de vue heurtait à double titre les syndicats enseignants, favorables à la francisation et à la laïcité scolaire. Cependant, depuis 1972, un enseignement optionnel de l’allemand à l’école primaire s’est progressivement répandu à l’ensemble des niveaux et a concerné la quasi-totalité des élèves de huit à dix ans. En 1981, le Recteur d’Académie Pierre Deyon crée plusieurs commissions spécialisées dans la promotion de l’allemand à l’école. En font partie plusieurs membres du Cercle René Schickelé, une association crée en 1968 pour promouvoir la « langue régionale », à la fois « allemand » et « alsacien ». En 1988, le Cercle René Schickelé adhère à la FLAREP. Cette fédération d’associations de parents d’élèves pour l’enseignement des « langues régionales » dans le secteur public accuse le Recteur Deyon de favoriser le déclin de l’alsacien par une politique scolaire moins ambitieuse que celle concernant d’autres langues qui bénéficient d’un enseignement immersif. Les militants linguistes alsaciens visitent la Belgique, le Luxembourg et le Pays Basque français avec l’aide du Bureau Européen pour les Langues Moins Répandues. Certains décident de créer un enseignement « immersif » et « bilingue », moitié français, moitié allemand, dans un cadre associatif, à l’exemple du Pays Basque. ABCM-Zweisprachigkeit gère les premières classes, qui ouvrent dès 1990. En 1992, l’Académie crée d’autres classes sur ce modèle. En 1993, les conseils généraux et le Conseil Régional d’Alsace fondent l’Office Régional du Bilinguisme, l’ORBI. Cet organisme diffuse une abondante documentation qui vante les avantages du bilinguisme français-allemand. L’ouverture européenne en ferait un atout économique et social. Il permet en même temps de maintenir la culture régionale. L’ORBI est dirigé, jusqu’en 2000, par Fred Urban, qui a participé à la création du Bureau Européen pour les Langues Moins Répandues en 1982.

Dans les trois cas, les politiques locales changent pour converger. S’il n’existe pas de modèle unique, la dynamique est toujours la même. Les acteurs s’inspirent délibérément de l’exemple d’un autre pays plutôt que de chercher à développer des solutions propres. Les idées étrangères intéressent les acteurs : la convergence est idéologique, et non tactique, liée par exemple à l’évolution des institutions locales.

1.2. Une convergence idéologique

Quatre points de convergences idéologiques peuvent être distingués : le repérage du développement d’un enseignement effectué dans la langue, l’inventaire d’associations représentatives de parents et d’enseignants, le développement d’arguments promotionnels basés sur les avantages individuels et communautaires du bilinguisme et, enfin, l’identification d’un destin commun des langues concernées.

La convergence entre les trois cas se caractérise d’abord par la prise en considération du développement d’un enseignement « immersif ». Depuis 1939 au pays de Galles et 1973 en Irlande, il s’agit d’un enseignement qui a lieu au départ intégralement dans la langue minoritaire, avant de devenir plus équilibré. En Alsace, depuis 1990, l’enseignement français- allemand est en général paritaire du début à la fin de la scolarité. Ces enseignements sont chaque fois nettement opposés à l’ensemble des types d’instruction précédents. Ils sont également distingués de l’enseignement de la langue comme sujet, qui se répand également, en sens inverse, puisque c’est le pays de Galles qui le généralise en dernier. En 2000, au pays de Galles, 25% environ des élèves suivent une scolarité primaire en gallois, 6% en République d’Irlande en irlandais, 4% en Alsace en alsacien. Les enseignements de gallois, d’irlandais et d’alsacien des époques précédentes ne révélaient pas de convergence. Des ressemblances existaient dans les justifications de l’enseignement linguistique mais ne provoquaient pas d’évolutions convergentes. La langue était perçue comme marque d’une identité nationale et religieuse, et inclue ou exclue du programme scolaire à ce titre. Les ruptures dues à l’indépendance de l’Irlande et aux rattachements successifs de l’Alsace à l’Allemagne et à la France avaient occasionné des changements radicaux dans l’organisation de l’enseignement linguistique non synchronisés et non convergents.

Les nouvelles filières d’enseignement sont aussi caractérisées par l’apparition d’associations de parents auxquelles on les identifie : Ysgolion Cymraeg (Galles, 1948-primaire) et Mudiad Ysgolion Meithrin (Galles, 1971-pré-primaire), Gaelscoileanna (Irlande, 1973-primaire) et An Comhchoiste Réamscolaíochta- Naíonraí (Irlande, 1978-pré-primaire), ABCM-Zweisprachigkeit (Alsace, pré-primaire et primaire, 1990). Au pays de Galles et en Irlande des associations différentes se sont structurées au niveau primaire et pré-primaire, pas en Alsace. Ceci est dû à l’émergence de l’enseignement maternel immersif après l’enseignement primaire immersif dans les deux premiers cas, et à leur constitution simultanée dans le cas alsacien. Aux côtés de ces associations de parents d’élèves apparaissent des syndicats professionnels qui regroupent les enseignants des filières immersives : Undeb Cenedlaethol Athrawon Cymru (UCAC) au pays de Galles, Comhar na Múinteoirí Gaeilge, l'Association des Professeurs d’Irlandais fondée en 1964 en République d’Irlande, Lehrer en Alsace (respectivement Aitchinson / Carter 2000 : 45 ; Murchú 2000 ; Moster 1994). Les associations développent un discours propre et semblable dans les trois cas. Il affirme le rôle- clef des parents dans l’établissement d’écoles immersives / bilingues. Mais il constate aussi l’ambivalence des parents motivés à la fois par la recherche de la réussite sociale personnelle et familiale, et militants d’une cause linguistique. Leurs discours témoignent aussi d’une méfiance à l’égard de l’État et du nationalisme. Les associations de parents d’élèves sont financées en grande partie par les gouvernements locaux qui ont aussi établi des agences spécialisées qui assurent la promotion de ces filières : The Welsh Office puis The Welsh Language Board, Bord na Gaeilge, l’Office Régional pour le Bilinguisme.

En troisième lieu, les nouvelles filières développent des arguments publicitaires originaux. Il y a rupture dans les arguments utilisés pour promouvoir l’enseignement autant que dans son organisation. À partir des années soixante se développent des arguments qui mettent en avant la réussite intellectuelle, scolaire et sociale. L’enseignement bilingue ou immersif favoriserait l’acquisition des langues, l’intelligence et la socialisation dans la classe moyenne-supérieure (Gaelscoileanna 2001 ; Welsh Language Board/Bwrdd Yr Iaith Cymraeg 1999 ; ORBI 1997). Il favoriserait aussi la communication intergénérationnelle et la transmission d’un patrimoine linguistique et culturel. Cette synthèse est propre à l’enseignement des langues minoritaires : gallois, irlandais, alsacien plutôt qu’anglais et français. Même si certains établissements internationaux font usage d’une rhétorique similaire, ils ne revendiquent pas la caution de la psycholinguistique et de la sociolinguistique. Ces arguments contrastent avec ceux qui étaient employés aux époques antérieures pour justifier l’enseignement linguistique et qui sont toujours employés dans les filières dominantes, fonctionnant en français en France, en anglais au Royaume-Uni et en Irlande. Dans cette perspective, la langue d’enseignement n’est pas affaire de choix. Les élèves appartiennent à un monde où la réussite est dictée par la maîtrise d’une seule langue. Ils doivent se concentrer sur celle-ci, le bilinguisme étant un désavantage. En République d’Irlande et au pays de Galles, cet argumentaire s’efface parfois devant la reconnaissance du droit à choisir d’une minorité d’élèves, pas en Alsace.

Les acteurs convergent enfin sur un quatrième point : l’identification d’un ensemble de langues liées par un destin solidaire. Le discours révèle la présomption d’un avenir meilleur pour ces langues et leurs locuteurs grâce à un nouvel ordre international, identifié à la construction européenne ou à la mondialisation. Cette tendance émerge à partir de la fin des années soixante pour être consacrée, au début des années quatre-vingt par la création d’organismes représentatifs : le Bureau Européen pour les Langues Moins Répandues, institué en 1982, est l’exemple le plus marquant.

Le développement d’un enseignement dans la langue, la création d’associations de parents d’élèves et d’enseignants soutenus par des agences publiques, le discours promotionnel axé sur les avantages du bilinguisme pour l’individu et la sauvegarde de la langue, et la croyance en un destin solidaire des langues constituent quatre points de convergence idéologique. Les convergences du cas irlandais par rapport au cas gallois et du cas alsacien par rapport aux deux cas précédents ont lieu dans un intervalle de plus en plus resserré. Si l’on compare la durée qui sépare l’ouverture de la première école fonctionnant en gallois, en irlandais ou en alsacien de la création d’une agence destinée à influencer l’organisation associative et publique du secteur (Welsh Language Board, Bord na Gaeilge, Office Régional du Bilinguisme), l’intervalle est de cinquante-quatre ans au pays de Galles (1939-1993), dix ans en République d’Irlande (1968-1978), trois ans en Alsace (1990-1993). Cette accélération évoque l’imitation d’un modèle qui serait lentement élaboré au plan international. En effet, si imitation il y a, elle n’a pas lieu que dans un sens, puisque l’agence galloise créée en 1993 est alignée sur l’agence irlandaise créée en 1978, alors que les écoles irlandaises sont conçues comme un décalque des écoles galloises. Tout ce passe comme si un modèle argumentatif et organisationnel avait été importé après avoir été lentement synthétisé au pays de Galles. C’est d’ailleurs exactement ce qu’expliquent les militants gallois et alsaciens, qui les uns exportent leurs idées en Irlande, les autres les importent via la FLAREP et le BELMR du Pays Basque.

À l’inverse, les institutions locales, scolaires ou politiques ne convergent pas, au contraire. Tout d’abord, le rôle accordé aux parents d’élèves en milieu scolaire n’a cessé de diverger dans les trois pays étudiés. L’association de représentants des parents à la gestion des écoles s’est développée à partir des années quarante au pays de Galles et des années soixante-dix en Irlande. Il y a donc corrélation temporelle avec l’émergence d’un enseignement « immersif ». Les associations de parents d’élèves considèrent d’ailleurs que cela a été un des moteurs du renouvellement des enseignements du gallois et de l’irlandais (Fhearguasa 2002 ; Davies 1999). Les écoles de langue galloise et irlandaise se veulent des écoles qui associent davantage les parents que les autres. Mais ce n’est pas le cas en Alsace, où l’association parentale ne joue qu’un rôle très effacé dans l’établissement des programmes. D’ailleurs, les établissements scolaires et les élus locaux n’ont que peu d’autonomie dans un système qui reste formellement très centralisé. La plus grande influence des parents irlandais et gallois entraîne une plus grande liberté de choix concernant la scolarité. Ils peuvent ou non inscrire leurs enfants dans des « groupes de jeu » préscolaires, privés et indépendants du ministère de l’éducation. En France, l’école maternelle, sans être obligatoire, est régulée et produite par le Ministère de l’Education Nationale, et fortement encouragée (Schaaf / Morgen 2001 ; Stevens 1996 ; Murchú 2001). D’autre part, la formation des enseignants n’a pas non plus évolué dans la même direction au sein des trois pays. Pour les écoles de langue galloise ou irlandaise, elle n’est pas centralisée dans des établissements supérieurs spécifiques. Jusqu’aux années cinquante, les colleges of education irlandais fonctionnaient pour part en irlandais, mais depuis lors seul celui de Galway utilise encore la langue (Fhearguasa 2002). Les enseignants des écoles irlandophones n’en sont pas tous issus. Au pays de Galles, ce genre d’établissements n’existe pas (Morris Jones 2001). En France, à l’inverse, les enseignants ne sont pas recrutés par l’école mais par un concours national, qui autorise à intégrer les écoles normales, devenues Instituts Universitaires de Formation des Maîtres en 1991. Même si un grand nombre des enseignants germanophones des écoles bilingues d’Alsace sont recrutés en Allemagne sans bénéficier d’un statut équivalent à leurs collègues, une minorité est formée au sein de l’IUFM d’Alsace. Depuis 1994, le concours a été aménagé pour eux et un centre de formation spécifique ouverte à Guebwiller. Une part seulement de la formation des élèves qui souhaitent se spécialiser dans l’enseignement bilingue a lieu dans cet établissement (Schaaf 2001 : 25). Pour la formation des enseignants comme pour l’association des parents, les institutions scolaires des trois pays connaissent des évolutions divergentes. C’est aussi le cas pour les institutions locales et régionales. Enfin, en Alsace, il y a corrélation entre l’émergence d’un enseignement « immersif » et les réformes de décentralisation qui instituent une participation des élus régionaux à la définition des priorités de l’Académie (administration décentralisée du Ministère de l’Education Nationale équivalent au territoire de la Région) à partir de 1986. Cependant, ce n’est pas le cas au pays de Galles, où la dévolution intervient tardivement : en 1999-2000 (National Assembly of Wales/ Cynulliad Cenedlaethot Cymru, 2000). L’Irlande ne connaît pas, de son côté, de réforme de décentralisation pendant la période. L’évolution des institutions locales, scolaires ou politiques, n’a donc pas pu causer de convergence au niveau des enseignements des langues.

Les éléments de convergence idéologique, non institutionnelle, s’observent aussi pour les politiques de promotion de l’enseignement du breton, du basque, de l’occitan en France, du français valdôtain en Italie, du catalan en France et en Espagne, du frison au Pays-Bas, du gaélique écossais, du cornique, du flamand en France, et dans plusieurs autres cas. L’ampleur et la régularité du phénomène laisse supposer une cause générale. Cependant, celle-ci n’est pas d’ordre institutionnel, que ce soit au niveau local ou européen. Les politiques européennes de soutien et de promotion des langues répondent aux vœux de la coalition internationale des militants linguistes.

2. La consécration de la convergence par les organisations européennes

Les politiques développées par le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne, au départ Communauté Économique Européenne, sont clairement inspirées par les représentants des militants linguistes au niveau européen. Cependant, ni les politiques communautaires, ni celles du Conseil de l’Europe ne peuvent avoir contraint les acteurs locaux à converger en raison des disjonctions temporelles et fonctionnelles entre les politiques européennes et les convergences locales.

« Les politiques européennes de promotion linguistique comportent plusieurs types de mesures : les résolutions du Parlement Européen, l’Action Communautaire pour les Langues Régionales ou Minoritaires, le Bureau Européen pour les Langues Moins Répandues (BELMR) et la Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires (CELROM). Malgré des noms différents, des organisations distinctes et des modes d’interventions hétérogènes, ces mesures sont cependant liées par leur développement et leur contenu. Les résolutions parlementaires ont favorisé l’adoption d’une ligne budgétaire communautaire qui a financé le BELMR dont les membres ont collaboré à la rédaction de la CELROM. L’enseignement dans la langue fait toujours partie des activités particulièrement encouragées par ses différentes mesures.

Le Parlement Européen a adopté plusieurs résolutions depuis 1979 visant à promouvoir les langues moins répandues. En 1981, le Rapport Arfè demande une charte communautaire pour ces langues. En 1983, un nouveau rapport de Gaetano Arfè suggère à la Commission un programme ainsi qu’un financement. En 1987, le rapport de Willy Kuijpers réclame l’augmentation de la ligne budgétaire consacrée à ces langues. Enfin, en 1994 le rapport de Mark Killilea propose que les États membres de l’Union Européenne ratifient la Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires établie par le Conseil de l’Europe (Medgyesi 2003 : 8-60). Un Intergroupe pour les Langues Minoritaires réunit depuis 1983 six députés de différents groupes parlementaires européens dans le but de faire pression sur l’assemblée dans un sens favorable à ces langues. Les députés européens ont ainsi soutenu à une très large majorité la ligne budgétaire pour les langues régionales ou minoritaire alors que le Conseil a plusieurs fois signifié sa volonté de la supprimer ou d’en diminuer le montant. L’Action Communautaire pour les Langues Régionales ou Minoritaires est financée par cette ligne.

Le BELMR est financé de façon régulière et importante dans le cadre de cette action. En fait, au départ, la totalité du budget était dévolue au financement du Bureau et de ses activités (Jacoby 1990 ; Riagáin 2000 ; Scheidhauer 2002). L’action communautaire n’a pas changé d’objet en une vingtaine d’années d’existence. Il s’agit d’organiser des rencontres entre militants linguistes, la circulation des idées, la découverte de modèles à reproduire, la prise de conscience de destins parallèles, potentiellement solidaires, d’un « patrimoine européen » commun (Commission des Communautés Européennes, 1999). Dans ce dessein, les activités du BELMR comptent de nombreuses publications, un Programme de Visites d’Études, et des conférences. Parmi les publications du BELMR, Contact Bulletin tient une place éminente. C’est, depuis novembre 1982, un trimestriel bilingue français-anglais qui traite des politiques à destination des langues moins répandues tant au niveau européen qu’aux niveaux étatiques ou régionaux. Les articles sont rédigés par des employés du BELMR, à Bruxelles, mais aussi par divers contributeurs en fonction d’événements régionaux, comme la création de l’Office pour la Langue Galloise, ou pour exposer la situation de telle ou telle langue. Des annonces de publications, de visites d’études ou de conférences y sont insérées. Des rapports annuels sont publiés de façon régulière depuis 1992 au sujet des activités du Bureau (EBLUL 1992). Eurolang, une agence de presse spécialisée dans les questions linguistiques, a été fondée en 1999 au sein du BELMR. La Commission a plusieurs fois commandé des rapports pour faire l’état de la situation des langues régionales ou minoritaires. Le premier a été dirigé par l’Istituto della Enciclopedia Italiana en 1986, complété par le Rapport Siguan en 1990 (Jacoby 1990). Un Programme de Visites d’Études, coordonné par le BELMR, est financé chaque année pour moitié par la Commission Européenne. Depuis 1984, environ cinq à six voyages regroupant chacun de sept à douze personnes sont organisés dans différents pays où sont parlées des langues moins répandues. Les visiteurs doivent toutefois être originaires d’autres États-membres que celui où a lieu le voyage. Chaque visiteur doit ensuite produire un rapport de visite (BELMR 1996). Le BELMR synthétise ces rapports chaque année et en publie des extraits dans Contact Bulletin. La Commission présente les participants comme des « multiplicateurs » (Commission des Communautés Européennes, 1995, 1997), c’est-à-dire des médiateurs capables de relayer dans leur propre pays l’information et l’expérience recueillies à l’étranger. Le BELMR utilise parfois ce terme, les participants n’en font pas mention dans leurs rapports. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’appel d’offre de la Commission encourage les visites thématiques, portant sur un secteur professionnel particulier. De nombreuses conférences internationales sont organisées chaque année, soit directement par le BELMR, qui réunit les membres de ses comités et conseils, soit avec son aide ou celle de la Commission Européenne (Jacoby 1990). Un grand nombre de ces conférences ont un profil nettement professionnel. Publications, visites d’études et conférences ont privilégié le secteur de l’enseignement. Cette priorité semble lentement s’estomper au cours des années quatre-vingt-dix au profit des médias et du tourisme (Commission des Communautés européennes 1995, 1997, 1999).

Le BELMR a influencé la rédaction du projet de Charte européenne des Langues régionales ou minoritaires en proposant des experts au Conseil de l’Europe à chaque étape. Le projet a été rédigé au sein du Conseil de l’Europe à l’initiative de la Conférence Permanente des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe (CPPLRE) à partir de 1984. Un premier comité d’experts s’est réuni de 1985 à 1987. Le texte auquel il a abouti fut adopté par la CPPLRE en 1988 et approuvé par l’Assemblée parlementaire en 1988 (Woehrling 1989). Il fut renvoyé par le Comité des Ministres cette année-là devant un Comité ad hoc pour les Langues régionales (CAHLR). Celui-ci étendit substantiellement le système d’options et réduit les obligations pesant sur les États. Le projet fut finalement adopté le 5 novembre 1992 malgré l’opposition de la France, du Royaume-Uni, de la Grèce et de la Turquie. L’enseignement fait partie, avec la culture, des domaines privilégiés où l’État contractant doit obligatoirement prendre un certain nombre de mesures (Article 2§2). L’enseignement dans la langue est le premier type d’enseignement proposé (article 8ai, 8bi, 8ci). Les politiques européennes ont joué un rôle dans l’adoption d’un enseignement bilingue français-allemand en Alsace à partir de 1990.

Les politiques menées par le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne s’inspirent donc bien des mêmes principes, articulés par le désir des militants régionaux de rencontrer une reconnaissance institutionnelle. Les programmes européens ou la Charte du Conseil de l’Europe viennent donc consacrer une convergence générale, ils ne la créent pas. Temporellement et matériellement, les mesures européennes ne peuvent avoir initié ni encouragé la convergence générale.

L’action communautaire en faveur des langues régionales ou minoritaires a été mise en place dix ans après les premières convergences locales observées : vers 1982-1983 et non vers 1966-1973. Elle ne permet donc pas d’expliquer les premières convergences. Elle pourrait permettre d’expliquer les convergences plus tardives, telle celle de l’enseignement de l’alsacien vis-à-vis du gallois ou de l’irlandais, en 1990-1991. La Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires, entrée en vigueur à partir de 1998, ne pourrait s’appliquer à aucun de ces cas. En 2003, plusieurs pays de l’Union européenne ne l’avaient pas encore ratifiée, dont la France et l’Irlande. Le Royaume-Uni l’a adoptée en 2001 (Council of Europe, Treaty Office 2003). Ces dates sont donc beaucoup plus tardives que l’ensemble des convergences observées (1966-1991). La disjonction temporelle est quasi-générale.

Par ailleurs, ni la Commission Européenne, ni le Conseil de l’Europe n’ont mis en place de politiques spécifiques capables d’impulser la convergence observée. Dans le cadre de l’action pour les langues régionales ou minoritaires, la Commission Européenne ne cherche pas à assurer une convergence de leurs enseignements, mais seulement la revendication d’un patrimoine européen lors de rencontres internationales et par la diffusion d’information (Commission des Communautés Européennes 1994). Enfin, la procédure d’aide ne permet qu’un contrôle limité de l’usage des fonds. Un fonctionnaire européen attaché à l’action pour les langues régionales ou minoritaires décrit les critères employés pour attribuer les subventions (MacPhail 2000). Les dossiers sont avant tout évalués sur leur respect des critères budgétaires. Le financement communautaire étant complémentaire, le financement principal doit être assuré et les dépenses justifiées et expliquées. En deuxième lieu, le projet doit être original et ne pas pouvoir être couvert par un autre programme communautaire, en raison des moyens limités de l’action pour les langues régionales ou minoritaires. Eventuellement, un expert extérieur est mandaté pour statuer sur l’appartenance de tel ou tel cas aux langues régionales ou minoritaires. Le créole fut un cas controversé. Cette procédure ne permet qu’un contrôle limité sur le fond du dossier, qui se révèlerait d’ailleurs problématique dans certains cas. Fred Urban, directeur de l’Office Régional pour le Bilinguisme, raconte une anecdote confirmée par d’autres témoignages. L’association ABCM-Zweisprachigkeit, pour ouvrir sa première classe bilingue, a déposé plusieurs demandes de subventions, dont l’une auprès du Conseil Général du Haut-Rhin et l’autre auprès de la Commission Européenne au titre de l’action communautaire pour les langues moins répandues. La subvention communautaire est d’abord refusée car la demande concerne l’enseignement de l’ « allemand ». Elle est acceptée quelques mois plus tard, requalifiée en « langue régionale alsacienne » (Urban 1999). Dans tous les cas, en l’absence de moyens coercitifs, l’action communautaire est incitative. Mais les incitations sont également modestes. Les subventions accordées ne dépassent pas quelques milliers d’euros au maximum. Leur irrégularité structurelle, liée au choix de favoriser des projets novateurs, la lourdeur de la procédure de candidature rendent peu probable un intéressement matériel général des militants des langues régionales. Même dans le cas alsacien, l’aide européenne ne permet pas d’expliquer le changement. Elle intervient après coup et accompagne le démarrage des nouvelles classes bilingues paritaires.

Les ressources mobilisées par les procédures européennes d’aide à la promotion des langues régionales ne permettent donc pas d’expliquer la convergence des politiques locales. La Charte proposée par le Conseil de l’Europe n’est pas davantage une contrainte ou une incitation précise. Si la Charte mentionne l’enseignement dans la langue, elle n’en fait pas une politique obligatoire. Les dispositions relatives à l’enseignement figurent dans la partie III de la Charte, qui développe les options parmi lesquelles les États ayant ratifié peuvent choisir. En matière d’enseignement primaire, l’État a ainsi le choix entre plusieurs modes. Il peut s’engager (Conseil de l’Europe 1993, article 8b) : « à prévoir un enseignement primaire assuré dans les langues régionales ou minoritaires concernées; ou à prévoir qu'une partie substantielle de l'enseignement primaire soit assurée dans les langues régionales ou minoritaires concernées; ou à prévoir, dans le cadre de l'éducation primaire, que l'enseignement des langues régionales ou minoritaires concernées fasse partie intégrante du curriculum; ou à appliquer l'une des mesures visées sous i à ii ci-dessus au moins aux élèves dont les familles le souhaitent et dont le nombre est jugé suffisant ». Le même schéma est prévu pour l’enseignement pré- primaire (article 8a) et secondaire (article 8c). Seul l’article 8bi, éventuellement combiné à 8biv correspond aux politiques étudiées. Or, le choix exprimé à un niveau n’entraîne pas d’obligation à un autre. De plus, l’État n’est pas tenu, d’après le texte, à retenir telle ou telle langue. La définition offerte à l’article 1 est relativement abstraite :

« a) par l'expression « langues régionales ou minoritaires », on entend les langues:
i) pratiquées traditionnellement sur un territoire d'un État par des ressortissants de cet État qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la population de l'État; et
ii) différentes de la (des) langue(s) officielle(s) de cet État
elle n'inclut pas les dialectes de la (des) langue(s) officielle(s) de l'État ou les langues des migrants […]. » (Conseil de l’Europe 1993 : 2)

Notons que l’article 3 ajoute les « langues officielles moins répandues » dans le champ d’application de la Charte. Cet article fut expressément prévu pour inclure l’irlandais et le luxembourgeois dans le cadre de la Charte (Riagáin 2000).

L’État indique au moment de la ratification quelles langues et quels territoires il entend couvrir en application de la Charte. Il doit accepter d’appliquer au minimum trente-cinq paragraphes ou alinéas de la partie III dont au moins trois dans l’article 8 (article 2§2), à moins qu’il n’émette sur ce point une réserve, comme l’y autorise l’article 21. Par la suite, la mise en œuvre aussi est largement laissée à l’appréciation de l’État. Le texte prévoit que des rapports devront être rendus au Conseil de l’Europe par l’État tous les trois ans, après un premier rapport à remettre « dans l’année qui suit l’entrée en vigueur de la Charte » (article 15). Ces rapports sont examinés par un Comité d’Experts (article 16§1). Chaque expert est nommé par le Comité des Ministres sur proposition de l’État ratificataire. Il doit être « de la plus haute intégrité, d’une compétence reconnue dans les matières traitées par la Charte ». Son mandat est de six ans et renouvelable (article 17). Des « organismes ou associations légalement établies » peuvent présenter au Comité d’Experts des observations et déclarations. Le Comité d’Experts rédige alors un rapport, que le Comité des Ministres peut rendre public (article 16§2 et §3). Le Comité des Ministre a donc la possibilité de prémunir l’État contre les pressions que le Comité d’Experts pourra choisir d’exercer sur lui. Enfin, l’État garde formellement toute discrétion de signer et ratifier la Charte, de choisir ou non telle langue dans le cadre de cette procédure. Il dispose d’une grande marge de manœuvre dans le choix des mesures qu’il entend appliquer. Au fond, la Charte ne constitue un instrument de promotion des langues régionales ou minoritaires que dans la mesure où des acteurs, États ou acteurs privés, décident de s’en saisir comme d’un thème de revendications et si ces actions trouvent un écho au sein de l’État concerné. Dans ce sens, la Charte constitue surtout un cadre de référence très souple à la disposition des acteurs.

Dans les cas de l’irlandais, du gallois et de l’alsacien, les principales associations militantes soutiennent l’adoption de la Charte. Le Royaume-Uni l’a adoptée, contrairement à la France et à l’Irlande. L’Office pour le Gallois considère cependant qu’elle n’apporte concrètement rien à cette langue et ne représente qu’une mesure de solidarité avec les autres langues moins répandues. Après l’abandon de la procédure de ratification par la France, en 1999, les associations de défense de l’allemand-alsacien ont adopté le même point de vue. Quant à l’Irlande, les organismes promouvant le gaélique ne la poussent pas outre- mesure à ratifier, craignant d’affaiblir le statut de la « première langue officielle », mais approuvent l’adoption de la Charte dans le cas de l’Irlande du Nord.

Pas plus que l’Action Communautaire pour les Langues Régionales ou Minoritaires, la Charte n’est un instrument qui puisse entraîner, à lui seul, dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe, un changement au niveau local. En aucun cas, les politiques européennes ne sauraient constituer l’impulsion initiale ou un facteur majeur dans l’évolution convergente des politiques de promotion locales. Les convergences locales et la création institutionnelle européenne constituent donc une double énigme. Il paraît en effet difficile de délier les deux points. Une politique de soutien communautaire est revendiquée par les promoteurs de l’irlandais, du gallois et de l’alsacien depuis les années soixante-dix. Les institutions ne peuvent à elles seules expliquer la convergence. Ce sont les intérêts et les idées des nationalistes qui en sont la cause. Les résolutions, conventions, subventions, réunions et publications produites par les institutions européennes constituent certes autant de procédures de coordination informelles, pouvant expliquer un mimétisme à partir de la définition de la « bonne politique » ou de la construction de cadres cognitifs et normatifs (Radaelli 2001 : 26-8 ; Hassenteufel / Surel 2000 : 16). Elles ne sauraient cependant expliquer l’intérêt et la coopération des acteurs locaux.

L’institution des politiques de promotion des langues régionales ou minoritaires résulte en partie d’une concurrence entre les institutions européennes. Les différentes phases des politiques de soutien aux langues correspondent parfaitement d’une organisation à l’autre, comme s’il y avait émulation. Entre 1979 et 1984, les initiatives se multiplient de part et d’autre. Entre 1990 et 1993, le budget du Bureau croît beaucoup plus vite que dans les périodes antérieures. C’est l’époque où l’on sait que la Charte du Conseil de l’Europe va être adoptée. Bien sûr, des événements extérieurs déterminent assez largement l’apparition de ces périodes : la première élection du Parlement européen en 1979 entraîne un activisme tout particulier chez ses membres, tandis que l’ouverture à l’est du Conseil de l’Europe en 1990 et la crise Yougoslave précipitent l’émergence d’une politique de protection des minorités plus active. Tout se passe comme si il y avait une concurrence pour le monopole du discours légitime au nom de l’Europe. Dans quelle mesure les acteurs de la gouvernance européenne reproduisent-ils l’idée d’un gouvernement central au niveau de l’Europe dans leur conception idéale de leurs rapports avec l’Union européenne ? Cependant, à l’origine, l’Action Communautaire pour les Langues Régionales ou Minoritaires apparaît comme une « greffe » (Scheidhauer 2002 : 185-186) qui incite à étudier particulièrement les initiatives externes aux institutions communautaires. Les mesures que déploie l’Action ne diffèrent en effet pas par leur contenu d’initiatives développées dans d’autres contextes, hormis par la revendication d’une dimension spécifiquement européenne. De nombreux autres « réseaux » similaires au BELMR existaient déjà avant qu’un programme européen ne les finance (Scheidhauer 2001a). Ils continuent à se développer parallèlement, sans soutien institutionnel européen comparable. Un des plus actifs est die Föderalistische Union Europäischer Volksgruppen (FUEV), l’Union Fédéraliste des Nations Européennes (Kern 1994 : 7).

Les politiques communautaires de promotion procèdent d’une initiative extérieure. Des groupes de militants linguistes disposent de relais au sein du Parlement après les élections de 1979, mais aussi au sein du Conseil de l’Europe, dès 1981. Quelles ont été les motivations de ces militants linguistes ? Quel rapport y avait-il avec la promotion locale de langues comme l’irlandais, le gallois ou l’alsacien. « Why go to Europe ? » demande malicieusement Helen O Murchú, co-fondatrice du BELMR (Murchú 2000). La convergence européenne de l’enseignement du gallois, de l’irlandais et de l’alsacien n’est pas le résultat des institutions européennes. Mais convergence et soutien des organisations européennes constituent les deux clefs de la dynamique à l’œuvre.

3. La convergence européenne, fruit de la quête d’héroïsme des militants linguistes

La convergence européenne et les politiques qui l’accompagnent ne sont pas le produit d’une stratégie destinée à séduire les populations locales sceptiques, comme le laissent entendre certains discours promotionnels, mais bien le fruit de la quête d’héroïsme des militants, leur motivation fondamentale frustrée par l’absence de reconnaissance rencontrée dans la mise en œuvre de leurs anciennes politiques.

3.1 Une convergence apparemment motivée par un désir de valoriser la langue locale

Intéresser matériellement les populations locales est un alibi pour développer des coopérations internationales. Les institutions scolaires des trois pays tendent à modeler les intérêts individuels dans le sens d’une action collective, donc d’une promotion publique de l’enseignement des trois langues. Les promoteurs tentent à recruter des parents de futurs élèves en mettant en exergue leur intérêt individuel. La dimension internationale ou européenne des politiques d’enseignement qu’il promeuvent est alors un argument destiné à séduire ou à rassurer. Cependant, les promoteurs eux-mêmes n’ont pas d’intérêt individuel à lancer l’action collective. L’individualisme des autres acteurs n’est d’ailleurs pas confirmé. C’est une croyance pas l’explication des actes.

Un système public d’enseignement régulé, subventionné ou partiellement produit par la collectivité publique incite les acteurs à promouvoir leurs choix pédagogiques, quelle que soit la filière où ils s’inscrivent. Il existe ainsi un réel chemin de dépendance créé par les institutions scolaires (Pierson 1996). Au départ, les parents sont conscients que s’ils souhaitent que leurs enfants suivent une éducation en gallois, irlandais ou alsacien, il peut être intéressant de ne pas assurer cette éducation soi-même mais de la confier à d’autres. Le coût de la scolarité, devenue collective, est alors divisé entre plusieurs parents. Une incitation supplémentaire existe si une partie du coût est en plus pris en partie ou en totalité en charge par les pouvoirs publics. Cependant, un enseignement dans la langue minoritaire, peut ne pas être agréé par l’État. Ce fut le cas dans les trois pays. Il est alors intéressant de travailler à l’ouverture de plusieurs établissements afin d’obtenir une reconnaissance officielle en faisant davantage pression sur les autorités scolaires. Cette activité constitue au moins l’équivalent d’une profession à mi-temps. Il reste sensé de s’y consacrer si l’on ne veut pas perdre le temps et les moyens investis, c’est-à-dire si l’on a au départ mésestimé les obstacles à venir, ou bien si une rémunération vient compenser cette activité. À partir d’un certain stade de développement, les ressources drainées par les écoles permettent l’emploi de personnel spécialement dédié au développement de la filière. Ces cadres ont alors à traiter des problèmes multiples de coordination : manque d’enseignants, de parents, d’élèves, de financements, etc. pour lesquels une expertise spécifique est souhaitable. La perpétuation de cette expertise et la régulation des recrutements incitent à mettre en place des formations universitaires particulières. Un véritable secteur d’emplois est ainsi généré, qui a intérêt à la perpétuation et à l’expansion des écoles. C’est à ce stade que se trouve actuellement l’enseignement en gallois, en irlandais et en alsacien. Ce secteur doit intéresser constamment de nouveaux acteurs pour se maintenir, d’autant que les institutions publiques ne garantissent pas la pérennité des écoles en langue régionale ou minoritaire. Aucune école ou classe n’est assurée d’un monopole sur une population donnée. Enseignants, élèves, parents peuvent migrer, voire choisir un autre mode d’enseignement sur place. Les filières et les langues sont ainsi en concurrence les unes avec les autres, même si certaines règles sont posées par les pouvoirs publics scolaires pour attribuer un financement, tel un nombre minimal d’élèves.

Si l’on considère les parents comme utilitaristes, s’ils cherchent à maximiser les bénéfices que leurs enfants peuvent retirer de leur éducation, il est raisonnable de tenter de les convaincre en montrant la valeur supérieure de l’école sur ses concurrentes. Les promoteurs de l’enseignement en gallois, irlandais ou alsacien suivent ce raisonnement. Ils montrent la valeur supérieure du « bilinguisme », produit par leurs écoles par rapport au « monolinguisme » des autres établissements scolaires (Siencyn 1990). La méthode « bilingue » induirait de meilleurs résultats intellectuels, scolaires et linguistiques. Elle permettrait de trouver plus facilement un travail dans le contexte européen. La construction européenne préserverait d’un retour au « monolinguisme » nationaliste et assurerait un avenir radieux aux « bilingues ».

Ces idées sont illustrées par le matériel distribué aux parents. Les prospectus, cassettes vidéos, les discours produits lors de réunions d’information dénotent la supériorité, l’excellence de ces établissements en même temps que le caractère supposé influençable des parents auxquels ils s’adressent (Gaelscoileanna 2001 ; Welsh Language Board/Bwrdd Yr Iaith Cymraeg 1999 ; ORBI 1997). Ainsi, la référence à l’Europe ou à l’international prend sens lorsqu’on part du point de vue qu’il faut résoudre le problème de confiance que manifesterait un public local individualiste et sceptique vis-à-vis des promoteurs. La création d’un centre international de linguistique est un moyen de montrer l’excellence des techniques locales par la large reconnaissance dont elles bénéficieraient. Le Bureau Européen pour les Langues Moins Répandues est le premier exemple, puisqu’il a d’abord été financé par le Ministère pour l’Irlandais en 1983 et implanté à Dublin, avant de créer une antenne à Bruxelles, avec l’aide de la Communauté Francophone de Belgique en 1992 (EBLUL 1992 : 23). Depuis 2001, le BELMR n’est plus présent à Dublin, mais il est question d’ouvrir une annexe en Autriche. Les Centres Mercator, implantés à l’origine dans le cadre du BELMR (1987), avant de devenir indépendants sous la coordination de la Commission Européenne (1993), se répartissent de la façon suivante : Mercator-Education est implanté dans l’Académie frisonne, à Leeuwarden (Mercator-Education 1999). Mercator Media est implanté à Aberystwyth, au pays de Galles. Il a longtemps dépendu du département d’études galloises de l’Université. Mercator Législation dépend du CIEMEN, à Barcelone. Le Centre Mondial et International pour l’Education Bilingue et Plurilingue, qui a succédé en 1972 au Centre d’Information sur l’Education Bilingue, fut installé en 1980 à Aoste grâce à une loi du gouvernement du Val d’Aoste, région autonome francophone italienne. Le Centre est présidé depuis 1993 par Andrée Tabouret-Keller (1997 : 1), sociolinguiste alsacienne. The European Centre for Minority Issues, fondé en 1996 par les gouvernements danois et allemand à Flensburg, au Schelswig-Hollstein, dans une région de langue minoritaire danoise, est spécialisé dans la résolution des conflits ethniques en Europe (ECMI 2004). On pourrait sans doute étendre considérablement cette liste en décrivant l’European Academy implantée à Bolzano, au cœur du Trentin Haut Adige, région germanophone autonome d’Italie, le Centre d’Animation de l’Enseignement en Langues Minoritaires, ouvert à Luxembourg de 1994 à 1997 (Oudin 1995 : 1), après avoir été localisé à Stornaway, en Écosse, à l’Association Internationale pour la Défense des Langues et Cultures Menacées (Mathon 1981 : 35), à l’Institut Dialectal International de Vienne (Rudio 1993 : 69), etc… Ces centres, malgré leurs noms, sont soutenus et financés localement, et dirigent une partie significative de leurs activités en direction du public régional. Ainsi, Mercator Media constitue, selon le témoignage de son personnel, un lieu d’information sur les questions des langues régionales ou minoritaires pour les gallois autant qu’un réseau d’information sur les médias en langues minoritaire au niveau européen. Le BELMR a longtemps fait figure d’ « institution européenne irlandaise » auprès du gouvernement de la République d’Irlande (Jones 2001). Ainsi Richard Weiss, président d’ABCM- Zweisprachigkeit, considère le Professeur Jean Petit comme un excellent promoteur du « bilinguisme ». En effet, non seulement il est « scientifique », c’est-à-dire extérieur a priori aux querelles du secteur scolaire, mais il n’est même pas alsacien (Weiss 1999). Cependant, ce raisonnement, qui suppose l’individualisme des acteurs, illustre les croyances des promoteurs mais ne permet pas en tant que tel d’expliquer la promotion scolaire de l’irlandais, du gallois ou de l’alsacien.

Les « parents » ne s’opposent pas aux « militants » promoteurs. Les catégories sont perméables. Les promoteurs eux-mêmes l’admettent (Weiss 1999). Or, les promoteurs ne peuvent agir par intérêts individuels. Certes, on peut montrer que les institutions scolaires locales poussent des acteurs au départ isolés à recruter de nouveaux alliés. Mais cette structure d’intérêt ne saurait expliquer les choix initiaux des promoteurs eux-mêmes. Les groupes qui travaillent au développement d’une filière éducative sont d’abord bénévoles. Chacun attendrait que les autres fassent le travail à sa place, s’il était purement individualiste. Un ensemble de règles pourrait certes exclure les free riders, ceux qui font cavalier seul (Olson 1987), mais les sanctions financières ou professionnelles qui devraient les accompagner semblent difficiles à envisager dans un milieu bénévole. D’ailleurs, aucun témoignage ne vient corroborer cette hypothèse. D’autre part, si une collaboration internationale limitée peut s’avérer nécessaire pour mettre en place les politiques et institutions internationales susceptibles d’être invoquées pour promouvoir l’enseignement linguistique, ces raisons n’expliquent pas la fréquence élevée des rencontres internationales parmi les promoteurs. Enfin, si les promoteurs conçoivent leurs compatriotes comme individualistes, ils le regrettent dans la mesure où ils promeuvent l’enseignement de la langue comme un vecteur de continuité et de régénérescence de la communauté nationale. Intérêts individuels et collectifs sont deux thèmes qui cohabitent dans les discours et les prospectus promotionnels (Gaelscoileanna 2001 ; Welsh Language Board/Bwrdd Yr Iaith Cymraeg 1999 ; ORBI 1997). Les actions des promoteurs sont donc paradoxales, quel que soit l’aspect de leur discours que l’on retienne, chacun semblant contredire l’autre. Pour décoder leurs véritable motivation, leur quête d’héroïsme, il faut prendre en compte ce que les militants promoteurs gardent pour eux, ce qu’ils jugent dangereux de raconter à leur public.

3.2. Une convergence véritablement destinée à permettre la reconnaissance d’un destin héroïque

Les convergences observées s’expliquent fondamentalement par la quête d’héroïsme et de reconnaissance d’acteurs militants, promoteurs de l’enseignement du gallois, de l’irlandais et de l’alsacien ainsi que d’autres langues similaires, aux niveaux locaux, nationaux et européens. Cette quête les amène à coopérer avec d’autres acteurs qui les reconnaissent comme partie prenante d’un scénario dramatique de crise linguistique, dans lequel ils jouent le rôle des redresseurs de torts. Ce comportement induit des coordinations dans le discours et les actes de groupes militants mais aussi des crises dans ces groupes lorsque certains membres cessent d’agir de manière cohérente avec le scénario héroïque, car la reconnaissance recherchée vient alors à faire défaut. La perpétuation et le développement des mesures prises sont encouragés par les structures institutionnelles scolaires et politiques locales. Les politiques de promotion ont un caractère international pour satisfaire la quête d’héroïsme des militants : s’il est cohérent avec le scénario dramatique de la crise linguistique que nombre de compatriotes des militants soient sceptiques à l’égard de la langue et de l’action militante, ils n’apportent pas de reconnaissance aux militants qui la recherchent donc auprès d’autres militants à l’extérieur de leur pays. La promotion internationale de l’enseignement du gallois, de l’irlandais et de l’alsacien sert non seulement de garantie à des « parents » sceptiques et maximisateurs d’intérêt, mais sert aussi la soif d’héroïsme des militants. D’ailleurs, rien ne nous garantit que les « parents » soient réellement si matérialistes, ni que le discours de promotion soit particulièrement efficient. Les militants semblent ne pas se poser cette question. La croyance dans le matérialisme des autres acteurs est simplement fonctionnelle dans une quête d’héroïsme. Au-delà de l’expertise qu’il prétend mobiliser, le discours des militants linguistes est implicitement, inconsciemment même, un discours dont ils sont les héros.

La présence d’une menace, d’un ennemi et d’un objet à défendre contre lui, n’est cependant exprimée que dans les cercles militants, à destination de ceux dont on cherche la reconnaissance. Le grand public n’est pas visé par ces déclarations selon lesquelles il existerait une crise linguiste déterminée par un risque majeur : la disparition de la langue. Celle-ci serait provoquée à la fois par l’intervention néfaste et hostile de l’État, conjuguée à l’apathie de la population. La théorie sociolinguistique de la Guerre des Langues (Laponce 1993) en représente une bonne traduction (Callon 1986). Ainsi au pays de Galles, les promoteurs contemporains situent le début de la crise linguistique au plus tard en 1536-1542, date des Actes d’Union entre le pays de Galles et l’Angleterre, qui ont imposé l’anglais comme seule langue officielle (Aitchinson / Carter 2000 ; Davies 1994 ; Davies 1999). En Irlande, la crise daterait au plus tard de la Fuite des Contes, en 1609, abdication des féodaux insulaires devant la Couronne britannique (Murchú and Murchú 1999). En Alsace, la crise trouverait son origine dans la politique linguistique assimilationniste de Louis XIV, règne de rattachement d’une grande partie de l’Alsace actuelle à la France (Petit 1993). Les succédanées de ces décisions participeraient ainsi d’une crise structurelle, marquée dans chaque pays par la chute du nombre de locuteurs. Dans le cas de l’Irlande, Elisabeth Mac Kibben a pu montré que le thème de la mort de l’irlandais était apparu dans les odes bardiques dès le xvie siècles, pour se perpétuer ensuite, dans des genres littéraires et des milieux sociaux, il est vrai, changeants (Kibben 1997). La crise permanente est parfaitement cohérente avec l’impression, dont témoignent tous les promoteurs étudiés, d’avoir affaire à un public qui n’a pas conscience de la valeur de la langue (Kabel 2000 ; Packer and Campbell 1997 ; Hadey 1999) et qui l’identifie trop souvent à un « patois » ou un « dialecte » qu’il n’est pas nécessaire de savoir parler, encore moins d’apprendre à l’école. La figure du promoteur « militant », conscient de cette valeur, s’oppose à l’attentisme ignare d’une autre partie de la population. Mais, en même temps, les promoteurs se considèrent souvent également comme des membres représentatifs de la population régionale en lutte contre la langue dominante de l’État. Ces contradictions sont sans importance car l’action même des militants doit les résoudre. L’Europe, identifiée à un état de paix des langues, est littéralement une utopie, à la fois hors du monde et nouveau monde auquel les militants se proposent de faire accéder les langues qu’ils défendent (Scheidhauer 2001b).

Les acteurs souhaitent être reconnus comme héros de la cause linguistique qu’ils défendent. Ils espèrent avoir leur rôle dans le scénario dramatique qu’ils racontent : la lutte héroïque pour la renaissance (revival ) de la langue. Mais chaque changement de politique scolaire, fut-il infime, peut compromettre ce qui était perçu comme une reconnaissance. Ainsi, dans chacun des cas étudiés, on peut observer, juste avant l’émergence de l’enseignement « immersif », une crise de reconnaissance du militantisme. Le changement s’insère dans une nouvelle quête de reconnaissance.

En Irlande, le sentiment d’être abandonné par l’État déclenche la recherche de nouvelles alliances. La République renonce progressivement à la politique d’enseignement en irlandais entre 1940 et 1973. Les subventions publiques, les structures de formation établies dans la période précédente, sont progressivement démantelées. Mais le gouvernement continue à prétendre vouloir faire de l’irlandais la langue nationale jusqu’à la fin des années soixante-dix (Tovey 1988). 1973 constitue la rupture essentielle selon les promoteurs de l’enseignement en irlandais. À cette date, le ministre de l’éducation annonce un changement d’apparence secondaire : la réussite à l’épreuve d’irlandais ne sera plus obligatoire pour obtenir le baccalauréat. C’est aussi la première année où des parents d’écoles enseignant en irlandais se groupent en association (Fhearguasa 1996) et entreprennent de doter ce secteur d’un statut. En fait, l’annonce du ministre a montré aux militants que le gouvernement avait renoncé à mener la lutte pour le « rétablissement » de l’irlandais, alors qu’il avait joué jusque-là un rôle d’impulsion, avec des héros de l’indépendance nationale, comme Éamon de Valera. La définition même d’un éventuel militantisme pour la langue irlandaise change : il ne s’agit plus de la langue d’une nation-État, mais d’une minorité linguistique, menée par des enseignants ou des parents, et non plus des fonctionnaires et des hommes politiques. Même si l’irlandais reste la langue officielle, l’État irlandais devient un ennemi pour le secteur immersif, le pays de Galles un modèle, l’Europe en construction un espoir (Murchú 2000). Auparavant, l’ennemi était le Royaume-Uni, l’espoir l’indépendance nationale. 1973 est aussi l’année d’adhésion de l’Irlande à la CEE. L’élément-clef du changement est donc la reconnaissance d’un groupe militant par ses nouveaux pairs, suite à la « trahison » ressentie de la part des anciens héros de la lutte linguistique irlandaise. Le même type de changement a lieu en Alsace entre 1988 et 1991, alors même que la politique éducative de l’Académie de Strasbourg se veut toujours plus ambitieuse pour l’enseignement de l’allemand comme matière à l’école primaire.

En Alsace, le Cercle René Schickelé renonce à ses amitiés gauchistes pour s’identifier aux autres défenseurs de langues régionales en France et en Europe. Créé en 1968, l’association se situe clairement au sein de la gauche française. La victoire électorale de ce camp en 1981 amène la cooptation des membres les plus influents par le recteur d’Académie pour la définition de nombreux programmes. Pourtant, de 1981 à 1988, les changements éducatifs sont peu importants. La reconnaissance de la langue régionale par le recteur est la seule véritable mesure prise. Mais, à partir de 1988, l’enseignement de l’allemand (que le Cercle René Schickelé identifie à la langue régionale alsacienne…) est effectivement étendu à davantage d’élèves et pourtant, les membres de l’association cessent de collaborer avec le recteur en 1990 pour fonder un enseignement associatif (ABCM). Cette rupture provient du refus du recteur d’envisager l’application du « modèle basque » que revendique ABCM. Ce modèle était promu par Ikas-bi, une association basque membre de la FLAREP, comme le Cercle René Schickelé (Urban 1999). Finalement, la création d’un enseignement immersif, sur le modèle basque, est seulement corrélée à la disqualification de l’expertise du recteur par Ikas-bi, de celle d’Ikas-bi par le recteur et surtout de celle du Cercle René Schickelé par le recteur. Celui-ci n’a pas refusé de mettre en place un enseignement immersif comme le demandait le Cercle René Schickelé, il a refusé d’étudier cette possibilité. En faisant cela, le recteur a cessé de reconnaître la valeur de l’entreprise militante du Cercle, dont il était le partenaire privilégié. À l’inverse, les associations de la FLAREP acceptent de reconnaître le rôle du Cercle si celui-ci reconnaît la FLAREP comme les défenseurs des « langues régionales de France ». À partir de 1990 l’association ABCM, qui inclut nombre de membres du Cercle, considère l’alsacien (ou encore l’allemand) comme « langue régionale de France », langue régionale d’Europe et non plus comme un cas particulier issu de l’histoire alsacienne. L’État français n’est plus décrit comme un allié incontournable mais comme un ennemi à neutraliser. L’ « Europe » devient l’avenir de la langue alsacienne au détriment de la « France ».

Au pays de Galles, enfin, les promoteurs des Écoles galloises se sentent marginalisés par le parti dominant, les Travaillistes. Ils se tournent vers l’Irlande. Dans les années soixante, l’enseignement en gallois se développe. Les militants nationalistes gallois souhaitent encourager cette pratique au nom de la nation galloise. Mais les Travaillistes, dominants, tendent à associer ces activités avec le jeune Plaid Cymru, un parti rival, ouvertement dédié à l’émancipation galloise. Le statut des nationalistes dans les écoles est marginal. Ils encouragent des cercles de jeux pour les enfants entre deux et quatre ans. Ces écoles sont créées et gérées à l’initiative de parents. En allant faire connaître le succès de cette initiative auprès du mouvement nationaliste irlandais, ces militants obtiennent la reconnaissance et l’estime de membres de celui-ci. Cette tournée ne rapporte rien à l’enseignement du gallois et n’a pour but aucun changement. Aucun centre d’étude ne sera créé.

Être reconnu comme militant, comme un membre digne de l’histoire dramatique et héroïque dans laquelle on se raconte est la logique fondamentale des actions menées autour de l’enseignement du gallois, de l’irlandais et de l’alsacien. Ces formes d’enseignement et de discours promotionnel se sont répandues pour que leurs promoteurs obtiennent une reconnaissance militante. À défaut de la trouver dans le cadre local, ils sont allés la chercher ailleurs et sont ainsi devenus médiateurs de nouvelles politiques et vecteurs de convergences à l’échelle de l’Europe. La convergence des politiques locales reste le meilleur indicateur quant la nature des interactions et des coordinations à l’œuvre. Le discours sur les territoires, incarnés par la langue, la nation, l’État ou l’Europe recoupe un discours d’intéressement à destination d’un large public et un discours héroïque destiné aux militants ou aux camarades de combat.

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Référence électronique

Christophe Scheidhauer, « L’émergence d’une société internationale en Europe », Textes et contextes [En ligne], 1 | 2008, publié le 01 janvier 2008 et consulté le 29 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=119

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Christophe Scheidhauer

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