Valeurs architectonique et sémantique de l’infinitif dans Black-Label de Léon-Gontran Damas

  • Architectural and Semantic Values of the Infinitive in Léon-Gontran Damas’s Black-Label

Abstracts

Dans le système verbo-temporel français, l’infinitif est traditionnellement considéré comme un mode impersonnel, hybride, ayant à la fois les traits morpho-syntaxiques du verbe et du nom. En tant que verbe, il présente différents profils syntactico-sémantiques suivant les caractéristiques valentielles mises en lumière par Tesnière et ses continuateurs. Il apparaît de façon proéminente dans le recueil de poèmes Black-Label de Léon-Gontran Damas, sous la forme d’un noyau rythmique aux propriétés syntactico-sémantiques protéiformes pour charpenter la trame discursive, la structure prosodique, thématique et sémantique de tout le recueil. Le but du présent article est d’analyser les fonctions stylistiques et poétiques de cette structure infinitivale itérative en s’interrogeant sur ce que ce fonctionnement peut signifier par rapport aux caractéristiques habituelles de l’infinitif en termes morpho-syntaxique, sémantique et pragmatique.

The infinitive is formerly considered in the french temporal verbal system as an impersonal, hybrid mode having at the same time morpho-syntactic features of the verb and the noun. As a verb, it presents various syntactic and semantic outlines according to the valence characteristics highlighted by Tesnière and his followers. It is clearly seen in Black-Label, poem book of Léon-Gontran Damas, like a rhythmic core to morphosyntactical protean properties in order to build the discursive waving, prosodic structure, thematic and semantics of the whole collection. This current article aims to analyze the stylistic and poetic functions of this iterative structure infinitival by pondering what it may mean working from the usual characteristics of the infinitive in terms morpho-syntactic, semantic and pragmatic.

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Dans notre thèse de doctorat1, consacrée aux valeurs temporelles, aspectuelles et modales des temps verbaux dans l’œuvre poétique de Léon-Gontran Damas, il a été montré que l’infinitif, forme non fléchie du verbe, y joue un rôle déterminant au triple plan compositionnel, thématique et sémantique. Il participe, en effet, de l’architecturation de la trame discursive et de l’édifice conceptuel, voire philosophique des différents recueils. Il s’agit, dans la présente analyse, de revisiter ce mode verbal, par l’analyse du noyau rythmique, formé de quatre groupes infinitifs, qui structure son troisième recueil de poèmes, Black-Label. De façon spécifique, comment ces groupes infinitifs contribuent-t-ils à charpenter tout le recueil ? Quelles sont les raisons de la propension du poète négritudien à architecturer les chaînons de la trame de son recueil par des groupes infinitifs? Dans la conduite de la réflexion, il s’agira d’analyser les traits morpho-syntaxiques et sémantiques de cette structure infinitivale itérative à l’effet de mettre en lumière ses enjeux pragmatiques et ses fonctions stylistiques et poétiques dans Black-Label.

1. Aanalyse morpho-sytaxique et sémantique du noyau rythmique

Pour la clarté des propos à venir, il convient, avant tout, de présenter succinctement le corpus et de déterminer le fondement théorique de l’analyse.

1.1. Présentation du corpus et positionnement théorique

L’infinitif, on le verra infra à travers le nombre des occurrences, est l’une des formes verbales de prédilection de Léon-Gontran Damas dans l’élaboration de ses recueils de poèmes. Black-Label en constitue un exemple parfait.

1.1.1. Présentation du corpus

Black-Label est le troisième recueil de poèmes de l’écrivain, poète et homme politique guyanais, chantre de la négritude2, Léon-Gontran Damas (1912-1978). Publié en 1956 aux Éditions Gallimard, le recueil se présente comme un long poème de 84 pages composé de quatre tableaux numérotés I, II, III, IV. Dans l’ensemble, le poète y fait le réquisitoire de la traite négrière et de l’entreprise coloniale occidentale en Afrique noire. Il enregistre une forte occurrence de verbes à l’infinitif, précisément 273 occurrences dont 248 infinitifs présents et 25 infinitifs passés. Sur les 914 formes verbales (fléchies et non fléchies) identifiées dans tout le recueil3, l’infinitif occupe la deuxième place derrière l’indicatif qui cumule 545 occurrences, loin devant le subjonctif avec seulement 56 occurrences, l’impératif  qui ne totalise que 28 occurrences et le conditionnel avec à peine 12 occurrences. En comparaison avec les deux autres recueils du corpus de la thèse, Black-Label enregistre le plus grand nombre d’occurrences en infinitif, Pigments et Névralgies ne comportant respectivement que 88 et 166 occurrences.

Au surplus, contrairement à ces deux recueils composés de plusieurs poèmes autonomes, Black-Label est une pièce unique en quatre tableaux traversée par une structure infinitivale, (ET) BLACK-LABEL (à boire) / pour ne pas changer / Black-Label à boire / à quoi bon changer, dont le caractère itératif (15 occurrences : pp.9 ; 10 ; 11 ; 12 ; 13 ; 14 ; 23 ; 25 ; 29 ; 32 ; 33 ; 69 ; 84) en fait le noyau rythmique principal, le refrain, le leitmotiv. C’est elle qui, d’ailleurs, inaugure (strophe initiale) et clôture (strophe finale) le poème. À ce noyau rythmique principal, le poète associe des noyaux rythmiques secondaires, composés eux-aussi de nouvelles structures infinitivales, qui apparaissent épisodiquement pour apporter leur note particulière aux schèmes intonatifs, à la courbe mélodique et à la charge sémantique et satirique du recueil. C’est le cas notamment des deux séquences strophiques suivantes :

BLACK-LABEL À BOIRE / pour ne pas changer / Black-Label à boire / à quoi bon changer / ET POURQUOI / et pourquoi m’avoir décanté l’air / pourquoi m’avoir emmailloté les membres / pourquoi avoir de front heurté mon enfance / pourquoi depuis toujours / sans cesse m’accabler / et me priver du droit de m’afficher moi-même (pp.25).
BLACK-LABEL À BOIRE / pour ne pas changer / Black-Label à boire / à quoi bon changer / UN POÈME POUR SÛR S’EN PASSE VOLONTIERS / mais il s’agit moins de recommencer à dire / le gros mot / le mot sale / le mot défendu /que de continuer à être contre / la conspiration du silence autour de moi-même / à moi-même imposée / par moi-même admise (pp. 29) 

La structure infinitivale introduite par l’adverbe interrogatif (et) pourquoi est reprise aux pages 28, 29, 73, 79, 80. Quant à la séquence il s’agit moins de recommencer à ………… que de continuer à, elle revient de façon scansive de la page 29 à la page 32. Manifestement, ces constructions infinitives participent de l’architecturation du recueil.

Mais plutôt que de les étudier toutes, la réflexion va essentiellement porter sur le noyau rythmique principal pour sa composition pour le moins singulière et du fait qu’il s’impose comme la séquence strophique qui articule les autres strophes du recueil, assure la passerelle thématique, constitue, de ce fait, le nœud gordien de toute la trame discursive, comme on le verra dans la suite de l’analyse.

Pour l’heure, pour ce qui est de sa composition singulière, on est surtout frappé par le fait que, d’une apparition à l’autre, le noyau rythmique principal subit des modulations morpho-syntaxiques, par adjonction ou soustraction d’unités morphématiques. Dès l’entame du poème, il est introduit par le joncteur et :

ETBLACK-LABEL / pour ne pas changer / Black-Label à boire / à quoi bon changer(p. 9).

La présence de ce joncteur en tête de phrase, et de surcroît à l’ouverture du poème, sans aucun autre vers (ou strophe) préalable, est pour le moins surprenante. De plus, deux strophes plus loin, on observe que le groupe nominal introductif, BLACK-LABEL,est expansé par un groupe infinitif, À BOIRE, et se sépare du joncteur inauguralpour donner ceci en douze occurrences :

BLACK-LABEL À BOIRE / pour ne pas changer / Black-Label à boire / à quoi bon changer (pp. 9 ; 10 ; 11 ; 12 ; 13 ; 14 ; 23 ; 25 ; 29 ; 32 ; 33).

Dans cette deuxième configuration, on assiste à un procédé de réduplication qui instaure à l’intérieur de la strophe une relation à la fois parallèle et symétrique entre les segments constitués par les groupes infinitifs. Mais, quelques pages plus loin, le joncteur et réapparaît pour réinstaller le schéma syntaxique et la courbe mélodique de départ :

ET BLACK-LABEL À BOIRE/ pour ne pas changer / Black-Label à boire / à quoi bon changer (pp. 69 ; 84).

Au total, la strophe rythmique apparaît sous trois variantes morpho-syntaxiques. La question qui découle d’un tel constat est de savoir les fonctions poétiques et les enjeux pragmatico-discursifs de cette technique rédactionnelle dans l’ensemble du poème. D’où les interrogations ci-après : quelle est la valeur syntactico-sémantique du noyau rythmique ? Pourquoi le poète procède-t-il à la modulation de la structure valentielle des groupes infinitifs qui le constituent ? Quels impacts syntaxique, sémantique, pragmatique et poétique cela a-t-il sur l’ensemble du poème? Saisir ce quadruple impact du noyau rythmique dans l’ensemble du poème, analyser ses incidences sur le cotexte verbal, cerner ses allusions à des éléments extralinguistiques ou à des réalités extra discursives, tels sont justement les enjeux de cette réflexion. Mais pour mieux cerner ses contours, il importe de préciser le positionnement théorique qui sous-tend l’analyse.

1.1.2. Positionnement théorique

L’analyse va s’adosser, d’une part au concept de valence syntaxique et sémantique développé par Tesnière (1959 ; 1965) et ses continuateurs et, d’autre part à la notion pragmatique de modalité phrastique.

Le concept de valence présente un intérêt certain pour l’analyse en ce sens qu’il permet de décrire la structure argumentale4 des infinitifs qui composent le noyau rythmique. À travers la notion d’arguments ou d’actants déclinée en termes d’agent et de patient des procès exprimés par les groupes infinitifs, l’opportunité est donnée de s’interroger sur l’identité supposée des acteurs ou des destinataires du message du poète. Le concept de valence « renvoie, [en effet], à l’aptitude des formes verbales à établir des liaisons avec divers arguments assumant chacun un rôle précis dans le ‘scénario’ exprimé par le verbe ». (Sambou, 2011 : 2-3). Autrement dit, la valence fait référence à l’ensemble des propriétés de rection des verbes au double plan sémantique et syntaxique.

Du point de vue sémantique, le signifié lexical de chaque verbe implique la participation d’un nombre déterminé d’actants ou d’arguments. Chacune de ces entités joue un rôle précis dans le type d’événement ou de situation signifié par le verbe. Par exemple, les verbes boire et changer qui composent le noyau rythmique impliquent, dans leur acception la plus courante, deux arguments : un agent et un patient. Ils mettent, en effet, en scène deux entités, une entité qui est actrice (agent ou bénéficiaire) de l’action de boire ou de changer et une entité qui subit (patient ou détrimentaire) l’action de boire ou de changer. Boire et changer sont, de ce point de vue, considérés comme des verbes bivalents, c’est-à-dire qu’ils ont une double valence sémantique, puisque toute action de boire ou de changer implique nécessairement un buveur/changeur et un bu/changé.

Sous l’angle syntaxique, chaque constituant nominal constitutif du schème valentiel a un ensemble de caractéristiques formelles qui fait qu’il entretient avec le verbe une relation syntaxique spécifique. La valence syntaxique de boire et changer implique également et normalement deux arguments parce que la construction met en relation un sujet et un objet. Mais dans le cas d’espèce, la valence syntaxique de boire est réduite à un seul argument puisque le buveur n’est pas explicitement désigné. Dans la formule (Et) Black-Label à boire, aucune unité syntaxique ne permet, en effet, de le déterminer ; seul le bu est représenté par Black-Label. De même changer n’a aucun argument syntaxiquement exprimé : qu’est-ce qui doit être changé, qui est l’agent exécuteur de l’action de changer ? Le poète apparemment reste muet et laisse toute la conjecture de l’interprétation au lecteur. Toutefois, la valence sémantique des deux verbes reste toujours égale à deux, dans la mesure où l’action de boire ou de changer implique sémantiquement la présence implicite d’un buveur et d’un bu / d’un changeur et d’un changé.

En somme, et pour reprendre les propos de Creissels (2013 : 2), « la combinaison d’un verbe avec des groupes nominaux représentant ses arguments se concrétise par un schème de valence, ou par l’alternance entre plusieurs schèmes de valence possibles. Un schème de valence associe une liste de rôles sémantiques que le verbe assigne à ses arguments et un schème de codage qui définit les caractéristiques formelles des groupes nominaux représentant des arguments. » Autrement dit, suivant ses traits sémiques, un verbe sélectionne ses arguments selon des critères bien définis (par exemple + humain /- humain) et impose une structure syntaxique de l’ordre de la transitivité. Dans la présente analyse, il s’agira alors d’examiner la spécificité du schème d’encodage des structures infinitivales du noyau rythmique et la nature des rôles sémantiques assignés à leurs arguments apparents ou implicites pour voir s’ils sont de l’ordre du canonique ou de l’anormatif, s’ils relèvent du dénotatif ou du métaphorique.

Mais à ce principe heuristique d’analyse, il faudra adjoindre la notion pragmatique de modalité phrastique, au cœur des actes du langage depuis Austin (1962) et Searle (1969)5. En effet, la notion de modalité, au sens pragmatique du terme, engage d’abord et avant tout la phrase, conçue comme une unité énonciative de relation et de fonction, un fragment linguistique « prononcé en vue de renseigner ou d’être renseigné, de communiquer un sentiment, une volonté » dans un contexte bien déterminé. Les critères définissant cette modalité phrastique incluent l’intonation fondamentale de la phrase à l’oral, une ponctuation spécifique à l’écrit et l’ordre des mots. De ces critères dérivent quatre modalités phrastiques, à savoir assertive, interrogative, injonctive, exclamative. La modalité phrastique relève ainsi des modalités d’énonciation (Meunier, 1974) ou des « modalités illocutionnaires » (Parret, 1976). Selon Meunier (1974 :13), « La modalité d’énonciation se rapporte au sujet parlant (ou écrivant). Elle intervient obligatoirement et donne une fois pour toutes à une phrase sa forme déclarative, interrogative ou impérative. » Pour tout dire, la modalité phrastique désigne une attitude adoptée par le locuteur à l’égard du fait énoncé.

La convocation de cette donnée pragmatique dans le cadre de la présente analyse se justifie par le fait qu’avec l’absence de ponctuation6, qui autorise plusieurs intonations possibles dans la lecture des strophes, on est légitimement en droit de se demander, selon la courbe mélodique et le schème intonatif imprimés à la séquence strophique, si le noyau rythmique relève de la modalité assertive, interrogative, injonctive ou exclamative. Il est, en effet, de fait que les modalités phrastiques déterminent les modalités infinitives : l’infinitif de narration opère dans le contexte de la modalité assertive, l’infinitif délibératif est en liaison avec la modalité interrogative, l’infinitif jussif est une manifestation de la modalité exclamative, l’infinitif impératif est le fait de la modalité injonctive. Or, l’absence de ponctuation dans Black-Label, et singulièrement dans la strophe rythmique, est source d’ambiguïté intonative et, par ricochet, de confusion, disons de polysémie modale.

Aussi est-il évident que l’interprétation du schème valentiel décrit soit en liaison avec la modalité phrastique considérée. À partir donc de ce double ancrage théorique, les groupes infinitifs du noyau rythmique seront examinés sous trois angles, dans une perspective morpho-syntaxique et sémantique, d’un point de vue pragmatique, et sous un angle stylistique et poétique.

1.2. Analyse morpho-syntaxique et sémantique

Cette étude morpho-syntaxique et sémantique du noyau rythmique aura deux articulations. Il s’agira, dans un premier temps, de revisiter la description du schème de valence des constructions infinitives du noyau rythmique. Cela débouchera sur un deuxième niveau d’analyse portant sur le fonctionnement lexico-grammatical des morphèmes infinitifs aux fins de voir comment ils opèrent dans la sélection de leurs arguments.

1.2.1. Sous l’angle de sa structure actantielle et de ses caractéristiques valentielles

Il vient d’être montré que les deux items verbaux constitutifs du noyau rythmique sont des verbes bivalents qui présentent des singularités syntaxiques dans le contexte du poème. Boire est réduit à seul argument (le patient) tandis que changer n’a aucun argument explicitement exprimé. Au surplus, on sait que boire est un verbe transitif direct ; il admet, dans ses caractéristiques valentielles et selon ses traits de sélection lexicale, une complémentation nominale ayant le trait [+liquide]. Ainsi, dans la construction Black-Label à boire, le nominal black-label, quoique tête de phrase, apparaît comme le COD du fait du rôle syntaxique de la préposition à qui indique l’action à accomplir et confère au procès une valeur passive. Autrement dit, black-label est a priori un liquide destiné à la consommation. De plus, la proposition infinitive, pour ne pas changer, introduite par la préposition pour, joue le rôle de circonstance de but ; pour indique la finalité du procès exprimé par boire. On note alors que boire admet, ici, deux compléments, un COD et un complément circonstanciel de but. Mais pourquoi le poète choisit-il d’effacer toute référence à l’agent ? Qui est-ce qui accomplit ou doit accomplir l’action de boire ? Le procès est formulé de façon générique, impersonnelle, et seul le cotexte ou le contexte situationnel du poème pourra en apporter l’éclairage.

Par ailleurs, le deuxième infinitif, changer, est également un verbe transitif, mais employé de façon absolue. Là encore, la mise sous silence de l’agent et du patient ouvre la porte à toutes les conjectures sur l’identité du changeur (l’agent) et l’objet à changer (le patient). Une fois de plus, le cotexte verbal ou le contexte situationnel du poème aidera à asseoir une interprétation plausible. Dans cette optique, le joncteur et ne manquera certainement pas d’intérêt, car selon Kor-Chahine et Torterat (2006 : 46), […] et indiquant, comme coordonnant, la fermeture d’une série, il convoque a fortiori le terme d’un moment du récit, et par là même le début d’un autre. […] [Sa] consistance opérationnelle tient surtout au fait qu’il opère généralement dans l’énoncé comme concaténateur. Cette matérialité de et, rhématiseur dans la plupart de ses emplois, notamment comme conjonction de coordination, renvoie en outre aux niveaux phrastique et transphrastique, mais aussi segmental et suprasegmental.

De façon plus explicite, et permet d’établir un lien syntaxique et sémantique entre la séquence qu’il introduit, celle qui précède et même celle qui suit. Il joue un rôle essentiel dans la macrostructure d’un texte. D’où la nécessité d’interroger le contenu référentiel du schème argumental des deux infinitifs, en liaison avec le cotexte ou le contexte, à la lumière d’une analyse lexico-grammaticale.

1.2.2. Dans une perspective lexico-grammaticale

Il importe d’analyser le contenu sémantique des verbes boire et changer pour les mettre en relation avec les éléments actantiels qu’ils articulent. Les lexicographes indiquent que le verbe boire signifie « avaler un liquide quelconque » (Robert, 2010 : 195). Ce liquide est, ici, connu et désigné sous le terme de Black-Label, a priori une marque américaine de whisky7, donc une boisson alcoolisée. Ainsi, au premier niveau de lecture, l’expression Black-Label à boire établit-elle simplement le constat d’une liqueur propre à la consommation. Mais l’analyse des traits sémiques des morphèmes qui composent le lexème black-label pourrait déboucher sur un deuxième niveau de lecture : l’association de black, en référence au noir, et de label, en référence à une marque de fabrique, pourrait signifier le label du noir, ou tout simplement le noir est un label. Le discours poétique étant, par nature et par essence, celui des écarts, des tropes et du camouflage, Black-Label représente de façon métaphorique le Noir, destiné à être consommé. Mais, du fait du caractère non fléchi de l’infinitif, l’agent n’est pas déterminé, l’identité du consommateur reste donc inconnue. Il pourrait s’agir de n’importe qui. Toutefois, le contexte situationnel, socio-historique du poème laisse émettre deux hypothèses. Il pourrait s’agir du Blanc qui, dans le contexte de l’esclavage, thème largement évoqué dans tout le poème, étanche sa soif hégémonique par la « consommation du Noir ». Le poète indexerait ainsi la relation de maître à esclave, de dominant à sujet qui lie le Blanc et le Noir dans le cadre d’un contrat socio-historique dont les clauses sont définies par le premier.

Sous un autre angle, on pourrait adopter le raisonnement inverse en postulant que le poète incrimine la posture de résignation du noir face à sa situation socio-historique déplorable. Face à sa condition misérable, le Noir se résigne, en effet, à boire son « label », c’est-à-dire sa marque de fabrique, celle de l’indolence, de la peur, de l’inertie, de la capitulation pour se maintenir dans les landes de la servitude, « pour ne pas changer ».

Changer, du reste, irradie de sens ; il signifie, entre autres, « céder (une chose) contre une autre, échanger, troquer, abandonner, convertir, remplacer (qqch ou qqn) par une chose, par une personne (de même nature), rendre autre ou différent, modifier, innover, réformer, révolutionner, métamorphoser, muer, transfigurer… » (Robert, 2010 : 285). Le verbe changer implique donc l’idée de transformation, de mutation, de révolution et connote, dans une certaine mesure, une métamorphose qualitative. Mais la négation ne pas, qui l’accompagne dans l’expression de cette circonstance de finalité, annihile toute connotation sémantique positive8 ; ne pas est, en effet, ici l’équivalent sémantique des locutions prépositives de peur de, de crainte de, qui servent à l’expression d’un but non voulu, d’un objectif non souhaité. Dans une telle logique, et en rapport avec ses multiples traits sémantiques, la proposition infinitive pour ne pas changer, assortie du délibératif À quoi bon changer, traduirait plusieurs types de refus de la part du Noir : refus de modifier son statut social, de changer d’état, de position, d’habitude, d’attitude ; refus de la transformation mentale ; refus de la révolution rédemptrice, etc. Dans ce contexte, le ligateur et acquiert, de notre point de vue, deux valeurs.

Premièrement, il épouse le sens de l’adverbe de liaison à valeur corrélative alors et confère à la séquence strophique scansive l’interprétation suivante : alors le label noir noie la conscience du Black, le prédispose à un déterminisme mental et comportemental amorphe. Autrement dit, le fait d’être black est le label de la damnation, le label de la condamnation à la servitude, le label de la servilité.

Secondairement, au-delà de cette relation de causalité, et a une valeur temporelle, il est l’équivalent des conjonctions temporelles quand, lorsque, etc. En congruence avec la valeur atemporelle de l’infinitif, il installe la condition du Noir dans une logique de pérennité : quand on est black (Et Black-Label), on a le label de la servitude. En effet, du point de vue aspectuel, le procès, du fait des propriétés temporelles de l’infinitif, n’a pas de borne temporelle, il échappe aux frontières du temps. Le choix de l’infinitif comme forme verbale interdit ainsi au poète toute référence au temps, selon que pour Imbs (1960 : 151-152), « L’infinitif est la forme que prend le verbe lorsque, pour des raisons d’économie, on peut ou on veut faire abstraction des actualisations de la personne, du nombre et dans une large mesure, du temps du verbe. »

Cette image dépréciative, à la limite caricaturale, du Noir est manifeste dans le deuxième noyau rythmique secondaire relevé supra à travers l’expression métaphorique « la conspiration du silence autour de moi-même / à moi-même imposée / par moi-même admise ». Au regard de tout cela, quelle orientation précise le poète donne-t-il à son message ? Quelle est la visée pragmatique de son discours à travers ces constructions infinitives et qui en sont les véritables destinataires ?

2. Enjeux pragmatiques du noyau rythmique

L’infinitif est reconnu pour son inaptitude à actualiser le procès, il ne possède pas, à proprement parlé, de valeur modale. En d’autres mots, il ne permet pas de donner une indication précise sur l’attitude de l’énonciateur relativement à son énoncé. C’est pourquoi il peut se plier à toutes les modalités ou commuter avec d’autres modes auxquels une valeur modale est attachée. Dans le cas spécifique de Black-Label, la valeur pragmatique des infinitifs du noyau rythmique est étroitement liée aux modalités phrastiques, décrites plus haut, avec lesquelles ils sont en relation synesthésique (dans le sens baudelairien du terme). Il revient alors de voir dans quelle mesure cette structure infinitivale peut alternativement être perçue comme un infinitif narratif, délibératif, exhortatif ou jussif selon qu’il est question de la modalité assertive, interrogative, injonctive ou exclamative.

2.1. Le noyau rythmique, un infinitif narratif ?

Le noyau rythmique est introduit, dans trois occurrences (à l’entame du poème p.9, à la fin du Tableau III p.69 et à la clôture du poème p.84), par le joncteur et, suivi du substantif, Black-Label, et des groupes infinitifs à boire/ pour ne pas changer. Une telle structure a, à quelques variantes près, tous les traits morpho-syntaxiques d’un infinitif de narration, traditionnellement considéré comme un tour littéraire permettant de présenter avec vivacité une action comme découlant infailliblement d’événements antérieurs (Wagner et Pinchon, 1962 : 301). Melis (2000 : 36 ) en fait une présentation détaillée :

Le terme « infinitif de narration » (IN) renvoie à une structure syntaxique comportant quatre éléments : un joncteur - habituellement et, mais d'autres possibilités sont attestées (Englebert, 1988 : 46 ) -, un groupe nominal, noté GN, l'élément de et un groupe verbal dont le centre est un infinitif, noté GI ». […] Son noyau est le GN ; celui-ci remplit la fonction discursive de thème, défini comme « ce dont on parle et qui fait l'objet d'un commentaire » (ibid.), fait que la phrase dans son ensemble a un caractère thématique ; dans cette phrase il existe un lien prédicatif entre GN et GI ; ce lien est un lien de prédication seconde, et ce dans deux sens : le prédicat est une forme verbale non finie et il dépend du noyau ; l'infinitif est non seulement un prédicat second, mais plus spécifiquement un prédicat intégré, c'est-à-dire qu'il est «construit médiatement» (ibid.), ce dont témoigne la marque de, et qu'il exprime un rapport d'équivalence entre GN et GI.

Dans le cas d’espèce, on note effectivement la présence de tous ces constituants : le joncteur introductif et, le GN Black-Label, la préposition à (en remplacement de de) et le GI boire pour ne pas changer. À la lumière des propos de Melis, l’infinitif de narration, d’un point de vue syntaxique, a une structure bipolaire dans laquelle le groupe nominal-tête et le groupe infinitif concaténé sont en relation réciproque. Cette interaction se pose, en réalité, en termes d’incidence : entre le GN et le GI, quel est l’élément support et quel est l’élément apport ? Melis (id.) pense qu’il y a des indications pour accorder au GI une certaine prééminence, qu’il est vrai qu’au niveau logique et discursif, on note une dominance du GN, en tant que noyau nominal, servant de support à un apport informatif, matérialisé par le GI, et de thème au propos qu’est ce même GI. Mais, le GI est en position de prééminence au plan lexico-grammatical :

Si l'on tient compte de la perspective lexico-grammaticale et plus précisément des phénomènes de sous-catégorisation et de sélection, […] le GN apparaît comme un argument du verbe dans le GI ; ce verbe lui confère en plus un rôle en conformité avec les instructions lexicales. Du point de vue des propriétés lexico-grammaticales, l'infinitif est donc la tête de l'IN et non le GN. (Melis, 2000 : 39)

Ce conflit syntactico-sémantique est ici dissipé par le rôle syntaxique de la préposition à qui fait du GN, Black-Label, le patient ou le détrimentaire de la structure actantielle de boire. Boire est,en tant que noyau prédicatif de la phrase et, par conséquent, « distributeur » de fonction grammaticale, en position de prééminence. Mais à l’observation, le procès traduit par ce GI résulterait d’un certain nombre de faits antérieurement exposés. Et c’est là que réside tout le paradoxe si l’on considère son apparition à l’entame du poème étant donné qu’aucun fait n’a préalablement été évoqué. D’où l’intérêt de recourir au cotexte, mais aussi aux éléments extralinguistiques, pour déterminer les protagonistes du message, les actants du procès (agent et patient potentiels) et la portée pragmatique du message du poète. Si l’on examine de plus près ses fonctions discursives en liaison avec le cotexte (les strophes immédiates suivantes), on verra que le noyau rythmique fonctionne comme une passerelle thématique, joue le rôle de relais discursif :

ETBLACK-LABEL
pour ne pas changer
Black-Label à boire
à quoi bon changer
SUR LA TERRE DES PARIAS
un premier homme vint
sur la Terre des Parias
un second homme vint
sur la Terre des Parias
un troisième homme vint
Depuis
Trois Fleuves
trois fleuves coulent
trois fleuves coulent dans mes veines
BLACK-LABEL
pour ne pas changer
Black-Label à boire
à quoi bon changer

Le recours à la morpho-syntaxe de l’infinitif de narration, qui opère avec la modalité assertive, répond certainement à un souci du poète, celui d’annoncer de facto, dès l’entame de son texte, le thème principal de son propos : la condition sociale misérable et le statut moral pathétique du Black avec qui le poète est en partage et dont il se sent solidaire. Mais, dans le fond, ce portrait moral n’est pas le résultat d’un hasard. Il a des présupposés historiques, il est l’aboutissement logique d’un cheminement dans le temps. C’est ce que le poète va s’atteler à évoquer dans la suite de son discours en commençant par faire, dans les strophes suivantes immédiates, le récit de l’origine de ses ascendants et l’évocation de son identité de métis désignée allégoriquement par l’image des « Trois Fleuves qui coulent dans ses veines »9. La suite du tableau I, rythmé par le refrain, va ainsi dérouler les péripéties de l’histoire individuelle (l’exil du poète à Paris) et de l’histoire collective de son peuple (l’épouvantable histoire de la traite négrière). Selon Gyssels (2006 : 7), les quatre mouvements (tableaux) du recueil « retracent la route de Damas comme un ‘’calvaire’’ où ses propres souvenirs persistants se mêlent à ceux de son peuple malmené, et dont la mémoire a été violentée ». On aboutit ainsi à la conclusion que la structure infinitivale principale est, du point de vue du contenu propositionnel, en étroite en relation avec l’entourage discursif et les éléments exophoriques. Cela confirme les propos de Torterat (2012 : 4) selon lesquels l’infinitif de narration participe de la cohérence discursive, en tant que formule de relation interphrastique au niveau de la macrostructure du texte :

L’emploi quasi-omniprésent de et en position préverbale de l’IN paraît conforme à la capacité du coordonnant à marquer la concaténation en parataxe. Sur un plan descriptif, on peut l’envisager en termes de relations interphrastiques, mais aussi de cadre interlocutif, « les connecteurs étant considérés (d’ordinaire) comme des régulateurs privilégiés ».

Autrement dit, la conjonction et fonctionne comme un ligateur temporel, établit la connexion spatio-temporelle et modale entre le noyau rythmique et son environnement discursif. Elle joue le rôle de relateur, de joncteur, de lien interphrastique, disons de ligament inter strophique, pour assurer la connexion entre les états successifs décrits tout le long du poème. Quand on considère le cas spécifique de la page 69 (la fin du tableau III), on réalise que le noyau rythmique établit une passerelle entre les tableaux II, III et le tableau IV. En effet, les deux tableaux précédents peignent la condition vile et servile du Noir soumis au régime de l’esclavage. Ils sont conçus sur le mode de la plainte et de la complainte. Toutefois, le tableau III, que clôture le noyau rythmique, s’achève sur une note de révolte dans laquelle le poète célèbre tous les combattants de la liberté par une série de proclamations laudatives rendues par le subjonctif lexicalisé vive(nt) :

Mort au Maître de l’Ecole /et vivent / vivent les rebelles / les réfractaires / les cul-terreux / les insoumis / les vagabonds / les bons absents / les propres à rien
Et vive / vivent la racaille / la canaille / la valetaille / la négraille
Et vivent / vivent les fous / vivent les pous / vivent les cancres / vivent les chancres
Et vivent / ceux qui hier opposèrent / d’instinct / un NON définitif / à la masturbation / de la maison plus triste et basse / où la vie se déroulait mollement / en bordure de la Rue étroite et silencieuse / que le bruit de la Ville / traversait à peine
ET
BLACK-LABEL À BOIRE / pour ne pas changer / Black-Label à boire / à quoi bon changer

Cette tonalité à la fois lyrique et véhémente contraste avec la tonalité plaintive et pessimiste du noyau rythmique, instaurée par la modalité de l’infinitif délibératif et de l’infinitif exclamatif, comme on le verra infra. Ce contraste rappelle le statu quo humiliant de la condition de l’homme noir. Mais en même temps, il annonce la note d’espoir et d’espérance que le poète va s’employer à développer dans le tableau IV qui suit. Selon (Torterat 2012 ; 2013), au-delà de la question de modalité, cette faculté inter strophique ou trans strophique de l’infinitif est liée à la question de son rattachement temporel à l’entourage discursif comme en attestent ces propos :

De notre point de vue, cette question de rattachement permet de mieux cerner ce qui relie des formes non fléchies du verbe soit à un élément du co-texte verbal, soit à un ou plusieurs éléments contextuels (éventuellement extraverbaux), y compris des éléments non instanciés mais qui font partie de la « mémoire discursive » des instances concernées, comme le concède d’ailleurs Gettrup (1977 : 218), en parlant de « faits extralinguistiques ». (Torterat 2012 : 184-185)

Il s’ensuit que, dans l’entourage discursif, les procès à l’infinitif sont en relation temporelle avec d’autres procès par le truchement d’autres morphèmes. Au total, le noyau rythmique, sous le format de l’infinitif de narration, établit une parfaite connexion entre les chaînons de la trame discursive du recueil ; il apparaît comme un pont jeté entre ce qui précède et ce qui suit. Une telle lecture vient remettre quelque peu en cause les propos de Gyssels (2006 : 9-10) selon lesquels Black-Label se présente comme « un long poème assez décousu où l’on saute dans le temps comme dans un lieu à l’autre, et où certaines images reviennent inlassablement témoigner de sa propre décalcomanie ». Le passage d’une strophe à une autre, ou d’un tableau à un autre, n’est pas autant « chaotique » ; il est malicieusement assuré par le refrain thématique. Ainsi la valeur atemporelle de la structure infinitivale scansive, assortie du ligateur et, établit-elle la passerelle entre les différentes péripéties de l’histoire évoquée. Il n’est donc pas faux de considérer le noyau rythmique comme un infinitif narratif au regard des traits morpho-syntaxiques et sémantiques qui viennent d’être exposés. Mais, sous un autre angle, on pourrait raisonnablement le percevoir comme un infinitif délibératif.

2.2. Le noyau rythmique, un infinitif délibératif

L’infinitif délibératif est lié à la modalité interrogative. Il est présenté comme une question posée à soi-même ou à un agent indéterminé dans les phrases interrogatives (Riegel et al., 1994 : 335). Sa virtualité lui permet de présenter l’idée générale du procès sans même en évoquer la possibilité effective ; l’énonciateur en reste à la simple évocation. Le noyau rythmique donne tout l’air d’une modalité interrogative, abritant donc des infinitifs délibératifs. Cela paraît plus évident quand le poète procède à la troncation du joncteur et. Cette variante du noyau rythmique enregistre le plus grand nombre d’occurrences (douze) dans le recueil. On pourrait alors ponctuer la strophe de la manière suivante :

BLACK-LABEL à boire pour ne pas changer (?) Black-Label à boire, à quoi bon changer ?10

Dans la logique des deux hypothèses analysées supra, relativement à la question de la structure actantielle, l’infinitif délibératif peut s’interpréter sous deux angles. Si l’on se place dans l’optique du Blanc qui « consomme du Black », la délibération peut se lire comme l’attitude de satiété, voire de mépris, du Blanc qui se délecte d’un produit bon marché, à portée de main, et indispensable pour son système de production. Pourquoi alors le changer ? Dans et pour quel intérêt le changer ? Si, en revanche, les propos sont attribués au Noir, l’infinitif délibératif serait l’expression verbale de la désorientation psychologique de ce dernier, la manifestation de son aveu d’impuissance, le témoignage de son pessimisme et la confession de sa résignation face à une situation jugée irréversible, et admise comme telle. De ce point de vue, le noyau rythmique, pour reprendre les propos de Gyssels (2006 : 7), «  illustrerait brillamment la pensée fanonienne : l’intériorisation du complexe de laideur et d’infériorité, la ‘’névrose de persécution’’, la diminution de soi ». Le Noir serait ainsi gagné par le sentiment de défection ; il se résoudrait à se contenter de son statut actuel, au grand dam de sa dignité et pour le comble de son déshonneur.

Mais, au-delà de la délectation supposée du Blanc ou de l’aveu pathétique du Noir en conformité avec sa conscience en état d’hibernation, il faut voir le poète-énonciateur, épris de dépit, ruminer sa colère contre le Blanc, pour son cynisme égocentrique, son appétit hégémonique ; mais surtout contre le Noir, pour son apathie morbide et son immobilisme pathologique. En un mot, l’infinitif de délibération exprimerait l’écœurement du poète face à la réalité socio-historique qu’il peint. On comprend alors que la modalité délibérative du noyau rythmique est accompagnée d’une forte charge émotive qui le fait transiter vers la modalité exclamative.

2.3. Le noyau rythmique, un infinitif exclamatif, jussif

L’infinitif exclamatif ou jussif opère avec la modalité exclamative. Il permet d’accentuer un sentiment fortement éprouvé ou d’exprimer diverses nuances affectives : souhait, regret, indignation, étonnement, joie, douleur, admiration, dépit, etc. (Riegel et al., 1994 : 335 ; Chevalier et al., 1964 : 372). À l’analyse, le noyau rythmique a les traits de l’infinitif exclamatif et peut, en lieu et place des points d’interrogation à lui affectés, recevoir une ponctuation exclamative pour donner ceci :

BLACK-LABEL à boire pour ne pas changer ! Black-Label à boire, à quoi bon changer !

En maintenant le même mode de raisonnement, l’interprétation s’oriente toujours dans deux directions opposées. La modalité jussive des infinitifs de la strophe rythmique peut, d’une part traduire le sentiment de plénitude du Blanc, heureux de son triomphe sur le Noir, mais, d’autre part apparaître comme l’expression du désenchantement de ce dernier, la confession pathétique de son abdication face à la réalité des faits historiques ; aveu d’impuissance sans doute nourri et entretenu par un sentiment de complexe de race. Mais il s’agit, en réalité, du double regard réprobateur du poète aussi bien à l’encontre du Blanc que du Noir. « Dégoûté de l’éducation coloniale, du dressage des créoles, du catholicisme, Damas bave de rage à la pensée de son enfance « sordide », et de l’indolence des Guyanais et Antillais. », affirmera Gyssels (2007 :16). Le poète est certes offusqué par la cruauté des traitements infligés à son peuple, mais il est surtout interloqué et abasourdi devant l’inertie des siens. « L’infinitif porte ainsi la double charge mélancolique et satirique de l’amertume du poète. » (Yao, 2013 : 138). Ainsi, implicitement, les tonalités délibérative et exclamative se couvrent-elles de la tonalité injonctive ou exhortative.

2.4. Le noyau rythmique, un infinitif injonctif ou exhortatif

L’infinitif injonctif ou d’ordre est une variante de l’impératif, il est utilisé lorsque l’énoncé est destiné à une audience imprécise et généralement large pour lui transmettre le sens d’un ordre, d'un conseil ou d'une exhortation (Chevalier et al., 1964 : 372 ; Grevisse et Goosse, 1980 :1111). Appliqué au contexte d’énonciation de Black-Label, les groupes infinitifs du noyau rythmique apparaissent, en définitive, comme une exhortation que le poète adresse à son peuple, et au-delà, à toutes les personnes éprises de justice et d’équité, pour l’inviter à vaincre l’apathie, l’immobilisme improductif et engager le combat de la rédemption. Langui (2009 : 401) estime, dans ce sens, que Damas a porté à la négritude son « feu prométhéen ». On peut ainsi déceler derrière les modalités délibérative et exclamative susmentionnées, une tonalité à la fois ironique, satirique et injonctive. On pourrait même s’autoriser à paraphraser le noyau rythmique de la façon suivante :

(Et) Black, contente-toi de boire ton label de misère et ne pense pas à changer ; contente-toi de te demander passivement dans quel intérêt changer et s’il était encore possible de changer.

De toute évidence, le ton est à la réprobation ; le poète cherche, par la série des infinitifs, à fouetter la conscience endormie de son peuple aux fins de l’amener à une révolution salvatrice. Cette tonalité véhémente, du moins « cette fougue militante » traduit, selon Dailly et Kotchy (1984 : 131-132), la volonté du poète de « réaffirmer la dignité de l’homme noir par une attitude plus agressive. [...] (Ce qui) l’écarte visiblement de la tendance conciliatrice de Senghor ».

D’un point de vue strictement symbolique, la disposition du noyau rythmique dans la configuration géographique du poème a, de notre point de vue, une dimension allégorique. En effet, il ouvre et ferme le recueil ; de plus, il clôture chaque tableau à l’exception du tableau II, qui n’enregistre aucune occurrence. Au regard du contenu propositionnel sus analysé, cette disposition spatiale peut s’interpréter comme l’image de l’enfermement, du musellement, de l’embastillement dans laquelle se trouve le « Label du Black ». Le poète invite ainsi les siens à briser cette quadrature du cercle. Mais, au-delà de toutes ces modalités d’énonciation, le noyau rythmique a des impacts stylistiques et poétiques sur l’ensemble du recueil.

3. Effets prosodiques et fonctions poétiques du noyau rythmique

Le noyau rythmique a, de toute évidence, des fonctions stylistiques et poétiques dans l’ensemble du poème. De par ses effets prosodiques, ses propriétés musicales, son schème argumental et le caractère non fléchi des formes verbales qui le composent, non seulement il participe de la poéticité du texte, mais également en assure la conceptualisation thématique.

3.1. Valeur scansive du noyau rythmique

Le noyau rythmique, de par le simple fait qu’il traverse de façon cyclique le poème, en constitue le leitmotiv, participe de sa variation prosodique, de sa courbe mélodique et de son schème intonatif. Il fait de Black-Label un long chant mélancolique, du moins une complainte composée de plusieurs couplets avec un refrain principal. Sa structure symétrique et parallèle, par le procédé de la réduplication décrit supra, participe de de cette orchestration musicale. Par ses effets rythmiques, ses variations tonales et modales, le poète procède, en effet, à l’orchestration et à la modulation de la cadence des autres strophes. Black-Label est, de ce fait, « une musique ou une chanson incantatoire et imprécatoire, avec des notes de blues, rythmée par ce refrain de bar et de désespoir » en accord ou en contrepoint avec les nombreux procédés de reprises et autres séquences anaphoriques observées. On renvoie, à cet effet, le lecteur au formidable travail de Kotchy (1989) sur la structure rythmique de la poésie damassienne dans une perspective ethnologique. Les verbes à l’infinitif, boire pour ne pas changer, constituent le noyau thématique de ce chant élégiaque : la condition sociale et morale déplorable du noir, métaphoriquement et ironiquement assimilé à une boisson alcoolisée propre à satisfaire l’ivresse et/ou à hiberner la conscience des consommateurs. Mais par-delà la valeur scansive, le noyau rythmique a également des fonctions stylistiques.

3.2. Fonctions stylistiques du noyau rythmique

Deux faits méritent ici d’être analysés. D’une part, la valeur scalaire de la structure infinitivale qui, selon Torterat (2012 :204)11, procède intrinsèquement de la relative prédicativité et du statut transcatégoriel de l’infinitif, à la fois verbe et nom, mais qui relève spécifiquement ici des procédés stylistiques d’amplification déployés par le poète. D’autre part, la dimension polyphonique du noyau rythmique liée à la singularité du schème de valence et à l’interférence des modalités phrastiques.

Le terme « scalaire » réfère, communément, à une échelle de grandeurs, de degrés, c’est-à-dire à une série, une suite continue ou progressive de niveaux constituant une hiérarchie dans un domaine donné. Ce concept apparaît régulièrement dans des environnements où il est question de degré et de gradation, allant du plus faible vers le plus fort. En sémantique, le terme « scalaire » s’applique à des prédicats, des déterminants, des adjectifs, des noms ainsi qu’à des expressions adverbiales hiérarchisés suivant un ordre gradable. Dans le cas spécifique, la valeur scalaire du noyau rythmique naît surtout du mode d’encodage des groupes infinitifs du noyau rythmique : le poète utilise le procédé de la réduplication (voir supra). Ce phénomène de reprise a évidemment une valeur à la fois musicale et scalaire; il vise à amplifier la valeur prédicative des infinitifs, et, par conséquent, à intensifier la teneur dramatique du discours du poète. En somme, le procédé de la réduplication met ostensiblement en relief les intentions communicationnelles du poète : flétrir les actes des bourreaux présumés de son peuple, mais surtout marteler la conscience de ce dernier pour l’amener à sortir de l’hibernation mentale. Par ailleurs, si l’on considère que la structure infinitivale relève de l’infinitif de narration, elle permet, à en croire Torterat, d’inscrire « l’action narrative en insistant sur ses contours événementiels, ou pour le moins en dramatisant la portée factuelle de l’événement lui-même » étant entendu que le concatenateur et « affirme la présence d’une suite rhématique dans l’énoncé » et « marque une certaine forme d’intensification dramatique »12. Il permet ici d’intensifier la valeur prédicative des infinitifs boire et changer.

Parallèlement à ces procédés d’amplification, l’interférence des modalités phrastiques décrites plus haut confère à la structure infinitivale une valeur polyphonique. Conformément aux hypothèses émises supra, on y décèle, en effet, la superposition de trois points de vue selon que l’on attribue les propos au Blanc, au Black ou au poète lui-même et suivant qu’il s’agit de la modalité délibérative, injonctive, exhortative, exclamative ou jussive. S’y trouvent ainsi entremêlées la voix jubilatoire du Blanc fier de son triomphe sur le Black, la voix plaintive, pathétique et défaitiste du Black résigné face à sa condition misérable, la voix vindicative, réprobatrice et exhortative du poète engagé dans une lutte militante pour revendiquer le droit de son peuple à l’existence. Kronning (2014) parle, dans ce cas, de saturation de l’instance discursive avec la manifestation de plusieurs points de vue des « êtres de discours » qui y sont présents. Le poète parvient ici à cette stratégie discursive et communicationnelle en jouant sur les modalités phrastiques liées aux emplois de l’infinitif. Cela confirme les propos de Macchi (2005 : 69) selon lesquels « le poème [...] est une parole créatrice de multivocité sémantique et de multivalence syntaxique, qui soustraient indéfiniment le texte à toute interprétation univoque ».

Mais par-dessus tout, la structure infinitivale du noyau rythmique apparaît comme un outil thématique et un instrument de conceptualisation.

3.3. Valeur thématique et conceptuelle du noyau rythmique

Boire Black-Label pour ne pas changer / à quoi bon changer constitue de fait le noyau thématique du recueil au regard de l’analyse qui vient d’être faite. Toute la trame du recueil se déroule, en effet, autour de la condition du Black dans le processus de l’Histoire et dans ses relations avec l’homme blanc. Cette thématique est insidieusement et métaphoriquement annoncée par les valeurs sémantique et pragmatique qui découlent de l’analyse du schème argumental des verbes boire et changer. Bien évidemment, les éléments du co(n)texte interagissent pour en apporter la preuve. À travers les concepts de boire et du refus de changer, le poète rappelle le passé douloureux de son peuple, victime de deux faits historiques humiliants et déshumanisants : la traite négrière et la colonisation qui l’ont conduit à boire le calice jusqu’à la lie. Face à cette tragédie collective, à ce processus ethnocidaire, le poète revendique son identité et la dignité de son peuple, appelle à la fin de la conspiration. Mais, en même temps, il déplore l’attitude de résignation et de claustration des siens à travers les deux constructions infinitives pour ne pas changer / à quoi bon changer. C’est à juste raison qu’Emina  (2009 : 229) estime d’ailleurs que « les quatre piliers d’une [véritable] étude sur Damas restent les pistes de la relation à la terre, au pays et à la patrie ; celles des relations interindividuelles, sociales et interculturelles ; celles de la représentation de soi-même en situation migratoire ; celles relatives aux attributs d’une écriture de l’identité ».

Mais au-delà du cas spécifique de la structure infinitivale itérative de Black-Label, l’infinitif, du fait de ses propriétés atemporelle et non personnelle, permet de thématiser et de conceptualiser le contenu de tout énoncé, notamment le texte poétique. En effet, si le nom ou le substantif exprime le concept des êtres et des choses, l’infinitif est propre à exprimer le concept de l’état ou de l’action. Parce qu’atemporel et non fléchi, Il présente l’idée verbale en soi, envisage le procès, d’un point de vue aspectuel, sous l’angle de sa virtualité, de son accomplissement potentiel, de son actualisation en puissance. Autrement dit, l’infinitif, ou le « temps in posse », pour reprendre une terminologie de la linguistique guillaumienne, dénote une action potentiellement réalisable par n’importe quel actant, pourvu qu’il en ait les capacités. Il sied, par conséquent, à l’expression de l’universalité et de l’intemporalité. Aussi l’absence de marques personnelles consacre-t-elle l’impersonnalité du procès. Tout le monde est concerné par le contenu notionnel qu’il exprime. En optant ainsi pour la construction infinitive Black-Label à boire pour ne pas changer / à quoi bon changer, le poète donne à son message un caractère impersonnel et intemporel. Pour tout dire, et pour pasticher Gosselin (2006 : 3), l’infinitif « possède une structure intrinsèquement modale » qui le prédispose à l’expression d’un message universel et transgénérationnel.

Conclusion et perspectives

Le propos de cette analyse se situe, au bout du compte, à l'articulation de la linguistique, de la sémantique lexicale et de la poétique. Le décryptage de la singularité morpho-syntaxique et sémantique de la structure infinitivale du noyau rythmique a, en effet, permis de mettre en rapport ses fonctions syntaxique, sémantique, pragmatique et poétique dans l’ensemble du recueil. Le premier jalon de l’analyse avait pour objet de décrypter, à partir de la présentation du corpus et à la loupe des principes heuristiques de la théorie de valence syntaxique et sémantique, le mécanisme syntaxique et la charge sémantique des deux items verbaux boire et changer. Le deuxième volet s’est employé à mettre en relief la portée pragmatique de cette structure infinitivale dans l’optique des modalités phrastiques, et la troisième partie, quant à elle, a souligné ses fonctions stylistiques et poétiques dans l’ensemble du poème. Au résultat, on note que l’effacement des arguments des groupes infinitifs est source de polysémie et débouche sur diverses interprétations relativement à la portée pragmatique du message du poète. Au demeurant, le noyau rythmique est perçu, tantôt comme un infinitif narratif, tantôt comme un infinitif délibératif, tantôt comme un infinitif jussif ou exclamatif, tantôt comme un infinitif injonctif ou exhortatif selon la modalité phrastique dans laquelle on l’inscrit. Mais, d’un point de vue purement discursif, toutes ces variétés modales inscrivent l’infinitif dans un emploi locutionnel, insérées dans le tissu énonciatif comme des formules spécifiques participant de la double stratégie rédactionnelle et communicationnelle du poète. Par son caractère itératif, ses effets prosodiques, ses variantes mélodiques, le noyau rythmique traduit, in fine, sa volonté de poétiser le contenu discursif de son texte, mais surtout, d’intensifier et de dramatiser une réalité socio-historique atroce. Au reste, la primauté accordée à la forme non fléchie qu’est l’infinitif, qui du reste ne manifeste pas les marques personnelles et temporelles, donne l’opportunité à Léon-Gontran Damas de dépersonnaliser le discours poétique à l’effet d’y « planter le décor thématique, [de] conceptualiser les faits pour les figer dans des tableaux qui les situent au-delà des époques. » (Yao, 2013 : 318). Il serait toutefois intéressant de voir, dans la perspective dans une étude contrastive, si l’infinitif et les deux autres formes non fléchies du verbe, que sont le participe présent et le gérondif, n’opèrent pas dans le même registre et n’entrent pas dans un système d’homogénéité syntactico-sémantique et pragmatique dans le champ du discours poétique.

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Notes

1 Thèse intitulée « Les temps verbaux dans l’œuvre poétique de Léon-Gontran Damas », soutenue le 16 décembre 2013 à l’Université Alassane Ouattara (Bouaké – Côte d’Ivoire), non encore publiée. Return to text

2 En substance, la négritude est un mouvement littéraire négro-africain, d’inspiration progressiste, né autour des années 1930 à Paris par la volonté des intellectuels noirs de la diaspora (dont les figures de proue sont le sénégalais Léopold Sédar Senghor, le martiniquais Aimé Césaire et le guyanais Léon-Gontran Damas), mus par le vif désir de militer pour la (re)conquête de la dignité de l’homme noir et la reconnaissance de son identité culturelle mise à mal par l’histoire. Return to text

3 Le participe présent n’a pas été pris en compte dans l’inventaire pour la simple raison qu’il a été expressément et arbitrairement exclu du champ d’analyse de la thèse. Il fera l’objet d’un article spécifique. Return to text

4 Le concept de valence de la linguistique structurale sera repris sous le nom de structures argumentales par la sémantique lexicale. Le lecteur pourra, à cet effet, consulter Grimshaw 1990. Return to text

5 Il faut entendre par actes de langage, « les moyens mis en œuvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots : il cherche à informer, inciter, demander, convaincre, promettre, etc. son ou ses interlocuteurs par ces moyens » (https://fr.m.wikipedia.org ‘wiki’). Austin (1962) et Searle (1969) considèrent, en effet, que tout énoncé linguistique fonctionne comme un acte particulier qui vise à produire un certain effet et à causer une modification dans la situation communicationnelle. Austin (1962), pour sa part, a introduit dans l’analyse des modalités phrastiques (assertion, interrogation, injonction, exclamation) la distinction entre énoncés constatifs (Exemple : Il fait froid) qui concernent la question du vrai et du faux et énoncés performatifs (Exemple : Je te baptise) qui visent à faire quelque chose, c’est-à-dire à exécuter une action. Ce qui lui a valu d’affiner, par exemple, l’analyse de la modalité assertive. Return to text

6 Le recueil, du début à la fin, ne comporte aucun signe de ponctuation. Or on vient de noter que la ponctuation est le signe typographique qui matérialise la modalité phrastique, c’est-à-dire l’intonation qui caractérise le type de phrase. Return to text

7 Black-Label est une marque américaine de whisky, elle compte plusieurs gammes vendues dans le monde entier. Return to text

8 Nous inscrivons nos propos dans le contexte sémantique du poème, sinon le verbe changer opère dans les deux sens axiologiques. Il peut inscrire le procès dans l’ordre du positif, pour rendre compte d’une mutation qualitative, tout comme dans l’ordre du négatif, pour faire état d’une métamorphose malencontreuse. Return to text

9 Les biographes de Damas, notamment Daniel Racine (1983), attestent que le poète a des origines indienne, blanche et noire. Sa mère, Marie Aline, est une noire d’origine martiniquaise. Son père, Ernest Damas, a pour grand-mère, une afro-amérindienne. Return to text

10 La tonalité délibérative est plus évidente avec la dernière construction infinitive. D’où les parenthèses pour matérialiser le caractère aléatoire de la première construction infinitive. Return to text

11 Pour Frédéric Torterat (2012 : 204), « la scalarité des formes non fléchies du verbe, s’applique, d’une part, à leur relative prédicativité, et, d’autre part, aux paliers à partir desquels elles deviennent principalement ad-verbales, co-verbales ou verbales, et par ailleurs nominales ou adjectivales. En étant ainsi variablement prédicatifs et transcatégoriels, les participes, l’infinitif et le gérondif voient leurs relations avec leur entourage discursif se diversifier, y compris (et surtout !) à travers ce qui les rattache à d’autres éléments. » Return to text

12 Citation inédite extraite d’une proposition de communication à Chronos 6, intitulée « Les Concaténateurs au secours d’une valeur aspecto-temporelle du verbe : l’exemple de alors et de et employés avec l’infinitif de narration », disponible à l’adresse électronique www.unige.ch/lettres/latl/chronos/TORTERAT.doc. Return to text

References

Electronic reference

N’guessan Yao, « Valeurs architectonique et sémantique de l’infinitif dans Black-Label de Léon-Gontran Damas », Textes et contextes [Online], 11 | 2016, 01 December 2016 and connection on 21 November 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=1109

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N’guessan Yao

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