L’Allemagne, foyer culturel et militant ou pays sauvage et grossier ? Deux visions renaissantes antithétiques et tirées de l’Antique (Ulrich von Hutten et Erasme)

  • Germany, a Cultural and Militant Home or a Savage and Crude Country? Two Antithetical Renaissance Visions Drawn from Antiquity (Ulrich von Hutten and Erasmus)

Abstracts

On s’intéresse ici à la vision que deux humanistes « allemands » (au sens large) proposent de leur pays. Ulrich von Hutten veut imposer l’image d’une Allemagne cultivée, fière d’elle-même en tant que « nation », en lutte contre l’injustice et la barbarie représentées par Rome ; pour cela, il en appelle à Tacite et aux discours prononcés par le Breton Calgacus dans sa lutte contre Rome. Sur un mode plus ludique, Erasme décrit une Allemagne grossière et dépourvue de la moindre urbanitas, en tirant lui aussi cette image de Tacite qui, dans la Germanie, a contribué à fonder le topos d’un peuple germain buveur, sauvage et ripailleur. Ainsi voit-on comment deux humanistes, tous deux habités par la culture antique, réactualisent cette culture de façon contraire, en proposant du même auteur une lecture orientée, partielle ou partiale.

This study shows how two humanists, both “German” (in the widest sense of the word), put forward opposing views of their country. Ulrich von Hutten seeks to promote the image of a cultured Germany, a proud “nation” committed to the struggle against the injustice and barbarism characteristic of Rome; in order to achieve his end he appeals to Tacitus and to the speeches of the Breton Calgacus in his campaign against Rome. Erasmus, in a lighter vein, describes Germany as brutish and lacking in the slightest urbanitas, he too drawing on Tacitus’ image which, in his Germania helped to create the topos of the Germans as wild, drunken revelers. Thus we see how two humanists, both imbued with classical culture bring their erudition to bear on the contemporary world in opposite ways through their partial or distorted readings of the same author.

Outline

Text

Selon la formule de Paul Van Tieghem, la littérature latine de la Renaissance « offre l’exemple unique […] d’une littérature européenne internationale, fondée sur l’emploi d’une langue commune, due à la coopération consciente d’écrivains des pays les plus divers, qui se sentaient solidaires et qu’unissaient des goûts, des idées et des tendances littéraires semblables » (Van Tieghem 1966 : 7). Pour qui souhaite s’intéresser aux rapports entre le monde germanique et le monde latin ou la langue latine, le XVIe siècle est donc un domaine d’investigation privilégié car, en Allemagne comme dans le reste de l’Europe, le néo-latin a donné naissance à une littérature d’un intérêt et d’une profondeur trop longtemps méconnus. Dans le cadre de ce projet « latino-germanique », je voudrais évoquer deux grandes figures d’humanistes renaissants qui ont, chacun à leur manière et tous deux en latin, évoqué l’Allemagne : il s’agit d’Ulrich von Hutten et d’Erasme.

1. Ulrich von Hutten (1488-1523) : l’éloge de l’Allemagne1

Si chacun connaît Erasme, la figure d’Ulrich von Hutten est, en France et dans le « monde latin » en tout cas, beaucoup moins connue. Dans l’humanisme poétique allemand, il appartient à la deuxième période dégagée par Georg Ellinger (1893), qui correspond en gros au règne de Charles Quint (1519-1553) et qui, dominée par Luther, fut marquée par l’engagement et vit naître des poètes préoccupés de leur Foi, tels Eoban Hesse, Jacob Mycillus ou, précisément, Ulrich von Hutten.

Celui-ci, issu d’une grande famille de la noblesse franque avec laquelle il se brouilla très jeune car son père le destinait à être moine, fit ses études à Erfurt, Leipzig et Wittenberg, puis à Vienne où, en 1511, il fit la connaissance du grand hébraïste Reuchlin. En 1515, il se réconcilia avec sa famille en écrivant de violents pamphlets contre le duc Ulrich de Wurtemberg, qui avait fait assassiner le fils de son parrain ; il publia contre lui le Phalarismus Dialogus, inspiré du Dialogue des morts de Lucien, dans lequel il faisait converser le despote sicilien Phalaris avec un tyran allemand qui n'est jamais nommé, mais sous les traits duquel il n'est guère difficile de reconnaître le duc. L’empereur Maximilien, impressionné par cette œuvre, frappa le duc de mise au ban puis, en 1517, couronna Hutten comme poeta laureatus. Celui-ci devint alors conseiller diplomatique d’Albert de Brandebourg, qu’il accompagna à la Diète d’Augsburg (1518).

Mais Hutten fut surtout un fervent partisan de Luther, en qui il voyait un héros de l'Allemagne (il est d’ailleurs nommé aux côtés du moine de Wittenberg dans la bulle d'excommunication du pape Léon X de janvier 1520). Il parvint à rallier au parti de Luther l'influent chevalier Franz von Sickingen par ses écrits virulents : ses Dialogi (publiés en latin en 1520, traduits en allemand en 1521 sous le titre de Gesprächbüchlein, « petit livre des conversations »), intitulés La première fièvre, L’autre fièvre, Vadiscus ou la trinité romaine et Le Contemplateur) sont de violentes satires de la corruption de l’Eglise catholique (Gauvin 2015) : dans Vadiscus, par exemple, jugeant que la Trinité chrétienne a été dégradée par l’Église Romaine au point de devenir « une triade de tyrannie » (Zeller 1849 : 113), il explique en la parodiant que trois choses sont essentiellement estimées à Rome : les belles femmes, les beaux chevaux et les bulles papales ; que trois choses y sont d’usage commun : la volupté, les vêtements coûteux et l’orgueil ; que trois denrées spirituelles remplissent le trésor pontifical : les pardons, les dispenses, les facultés… Dans Le Contemplateur, il imagine que le Soleil et son fils Icare parcourent le ciel et regardent l’Allemagne de ce lieu, en s’indignant de l’exploitation de ce pays par l’Église Romaine, et du dépérissement des vieilles vertus allemandes, qui ne subsistent plus que chez les chevaliers (dont Hutten lui-même). Von Hutten suivit Sickingen dans sa tentative de soulèvement contre les Princes-Électeurs du Saint-Empire dont il souhaitait le renversement. Suite à l’échec de ce soulèvement, il dut s'enfuir en Suisse, où il entra au service d'Ulrich Zwingli et où il mourut de syphilis le 29 août 1523. Fut alors publiée de manière posthume, en 1524, sa dernière œuvre, le dialogue Arminius, dans lequel ce héros germain de la lutte contre les Romains comparaît aux Enfers au Tribunal de Minos pour affirmer que sa gloire vaut bien celle d’Alexandre, d’Hannibal ou de Scipion : à travers l’éloge qu’il fait de lui-même, c’est celui de l’Allemagne protestante en conflit avec l’Église Romaine qu’il faut bien évidemment lire, et Hutten affirme que la gloire et l’histoire de son pays ne sont pas moins importantes que celles de l’Italie ou de la Grèce.

1.1. L’humaniste engagé contre l’obscurantisme : les Lettres des hommes obscurs (Priel 1933 ; Saladin, 2004)

Les Lettres des hommes obscurs sont liées à « l’affaire Reuchlin ». Johann Reuchlin2 (nom qu’il hellénisa en Kapnion, ce qui en grec signifie « petite fumée », l’allemand Reuchlin étant phonétiquement proche de Räuchlein) (1455-1522) est un des plus célèbres humanistes allemands, et l’un des (finalement assez rares) représentants de l’idéal humaniste de l’homo trilinguis (latin-grec-hébreu)3 ; c’est le premier hébraïste allemand non-juif et on lui doit plusieurs ouvrages capitaux sur la Kabbale, ainsi qu’une grammaire et un dictionnaire d’hébreu. Il s’opposa vivement à deux hommes de son époque, le théologien dominicain Hochstraten4 (devenu Grand Inquisiteur en 1510) et Pfefferkorn, un boucher juif de Cologne converti au catholicisme, qui avaient demandé à l’empereur Maximilien la destruction de tous les livres écrits en hébreu (Pfefferkorn avait aussi publié en 1505, sous le nom de « frère Strohmann, dominicain de Cologne », plusieurs pamphlets antisémites, tels que Le miroir des Juifs, La confession des Juifs…). Maximilien demanda l’avis de Reuchlin, qui s’opposa bien entendu violemment à ce projet de destruction. L’empereur suivit Reuchlin, déclenchant la haine du parti adverse ; Reuchlin répliqua à ses adversaires en 1511 par la publication de l’Augenspiegel (généralement traduit en français par Les Bésicles), qui comprend, en allemand, son Rapport sur la question de savoir si l’on doit prendre aux juifs tous leurs livres, les confisquer et les brûler et, en latin, cinquante-deuxArguments qui pourraient être opposés en termes d’école (Argumenta, quae possent scholastica in contrarium obiici), où il se justifiait et attaquait à son tour violemment ses adversaires. L’Augenspiegel eut un succès international, et les ennemis de Reuchlins’entendirent alors pour l’accuser d’hérésie auprès de l’Inquisition, ce qui conduisit à un procès, qui se déroula d’abord à Spire (Speyer), puis à Rome. Il fut acquitté en 1516, mais ce procès « cristallisa les oppositions entre les partisans de l’humanisme et les conservateurs » (Blum 1992 : 266).

En 1514, Reuchlin avait publié les Lettres des hommes célèbres, recueil de lettres que lui avaient envoyées les humanistes de toute l’Europe pour le soutenir. C’est en rapport avec ce recueil que Hutten publia de façon anonyme, entre 1515 et 1517, les Lettres des hommes obscurs (Epistulae obscurorum uirorum), qui se présentent comme une correspondance écrite par les ennemis de Reuchlin. Le destinataire (et donc l’éditeur supposé, puisque c’était une coutume fréquente, chez les humanistes, que de publier soi-même sa correspondance) en est, pour l’essentiel, Ortwin Gratius, « professeur de Bonnes Lettres à Cologne », traducteur en allemand des œuvres de Pfefferkorn et farouche adversaire de Reuchlin. Or, cette correspondance donne – de façon prétendument involontaire – une description acérée des mœurs dissolues de la Curie romaine ou des religieux, elle est volontairement truffée de fautes de latin (latin de cuisine et « macaronismes » y abondent) et de lieux communs stupides, et elle aborde les thèmes les plus triviaux : Gratius se trouve donc couvert de honte pour avoir publié des écrits aussi indignes du savoir humaniste. Je ne donnerai ici qu’un seul exemple. Il s’agit d’une lettre dans laquelle un nommé Pierre de Worms (Petrus de Wormatia) écrit à Gratius qui lui a demandé de regarder pour lui, à Rome, si quelques nouveaux livres étaient parus. Worms l’informe qu’on lui a parlé d’une édition d’Homère (en grec, ce qui l’a beaucoup étonné), et il a demandé à un « notaire » (c’est-à-dire un greffier du tribunal ecclésiastique de Rome) de quoi pouvait bien parler ce livre.

Respondit quod tractat de quibusdam uiris qui uocantur Graeci, qui bellauerunt cum aliis uiris qui uocantur Troiani, quos etiam audiui prius nominare. Et isti Troiani habuerunt unam magnam Ciuitatem, et illi Graeci posuerunt se ante Ciuitatem et iacuerunt ibi bene X annos. Tunc Troiani aliquando euixerunt ad eos, et percusserunt se realiter cum ipsis, et interfecerunt se mirabiliter ad inuicem, ita quod totus Campus sanguinauit ; et fuit ibi quaedam aqua, quae fuit colorata per sanguinem et fuit per totum rubicata, ita quod fluxit sicut si esset sanguis […] Sed non credo talia, quia uidentur mihi impossibilia. Et tamen nescio an talis liber est multum autenticus.5

Tout, dans ce petit texte – et le reste des Lettres est de même teneur –, est fait pour ridiculiser les ennemis de Reuchlin. D’abord bien entendu la découverte étonnée qui est faite de l’Iliade, que les humanistes considèrent, comme les Anciens, comme la source de toute la littérature (ridicule redoublé par le fait que, pour faire valoir sa culture, Worms précise qu’il avait « déjà entendu parler » des Troyens) ; ensuite la fin du texte, où Worms s’interroge sérieusement sur le réalisme de l’Iliade et en tire des conclusions sur son authenticité ; enfin la langue dans laquelle il est écrit, qui mêle à de multiples répétitions et lourdeurs des termes non classiques et mal orthographiés (autenticus vs authenticus) et des constructions non classiques (place du verbe ; respondit quod ; ita quod à valeur consécutive ; emploi de ille comme article défini, de unus comme article indéfini, de bene comme adverbe d’insistance, de multum + adjectif à la place du superlatif en –issimus, de l’auxiliaire au parfait dans les parfaits passifs – fuit colorata, fuit rubicata). En fait, par leur syntaxe si proche du vernaculaire6, les Lettres des hommes obscurs se rapprochent volontairement des textes de latin médiéval, et les adversaires de Reuchlin censés les avoir écrites apparaissent donc comme les représentants d’une époque révolue, dépassée et « barbare7 », et se trouvent par là même entièrement discrédités. Par opposition, Hutten et ses amis prouvent au reste de l’Europe qu’il existe en Allemagne des hommes cultivés, que la stupidité de Pfefferkorn, Gratius et consorts désole et exaspère.

1.2. Le protestant en lutte violente contre l’Eglise Romaine

L’Église avait, le 15 juin 1520, excommunié Luther par la bulle Exsurge domine ; celui-ci répliqua le 10 décembre de la même année en brûlant publiquement, à Wittenberg, là même où il avait publié ses 95 Thèses, la bulle qui l’excommuniait. Pour soutenir son ami, Hutten publie alors un petit texte de théâtre, le Bulla ou Bullicida, qui met en scène la Bulle papale, la Germana Libertas (qui fait cause commune avec Luther) et Hutten lui-même : alors que la Bulle, sur ordre du pape, veut enchaîner la Liberté, Hutten vole à son secours et veut tuer la Bulle (devenir « bullicide », d’où le titre), en apprenant au peuple à ne plus se soumettre sans réfléchir aux ordres du souverain pontife ; la Bulle promet alors indulgences, pardons et dispenses, que Hutten refuse fièrement. Survient soudain l’empereur Maximilien accompagné de sa cour et de Franz von Sickingen, l’ami de Hutten qui, véritable deus ex machina de la fabula,parvient par une longue diatribe à convaincre l’empereur que les bulles papales sont des poisons pour l’Allemagne. Ayant perdu tout espoir, la bulle éclate alors, et les derniers mots de la pièce, prononcés par Hutten, sont son épitaphe : « Ci-gît la Bulle téméraire de Léon l’Étrusque, qui s’est donné à elle-même la mort qu’elle voulait infliger aux autres » (Hic iacet Hetrusci temeraria Bulla Leonis, / Quae cum alios uellet, se dedit ipsa neci). Voici un extrait de la diatribe de Franz von Sickingen à Maximilien et à sa Cour :

Quaeso Principes ac uiri Germanici, hanc date benigne operam mihi, si necessaria moneo, ut audiatis non inuiti. Aperta nobis magna ad obtinendam libertatem fenestra est : inuadamus ! Praesto est occasio ! Haec una e bullis est, quas diu, magno cum incommodo nostro, tulimus. Hae sunt illecebrae, et pellecebrae, quibus tot iam annos, urbs Roma os subleuit nobis, quibus, ut libitum ipsi est, ductauit nos, cum dicta docta pro datis mitteret, insidias daret Libertati nostrae, inueniret, fabricaret, machinaretur, fingeret, comminisceretur […] Non tantum audistis antiqua illa, et superius acta, sed uidistis aliqui nupera et nouitia. Dii immortales ! Qualium scelerum quantam congeriem ! Iniuria Sodomam et Gomorraeos perdidit Deus, si parcit istis Romae […] Quare tandem efficere tentemus, quod effici posse est negatum hactenus. Seruemus quae nostra sunt. Neque enim satiamus homines, cum pecuniam toties et tantam mittimus, irritamus multo patientia nostra, ac simplicitate ista auariores quotidie facientes, et nostrorum magis appetentes. In procliui hoc nobis ! Tantum audete !8

Ce texte a en lui-même un intérêt pour notre projet, par le lyrisme de son appel à la fierté nationale bafouée par Rome, sensible en particulier dans la modalité jussive et exclamative des phrases, et dans l’accumulation emphatique des verbes décrivant les méfaits de Rome (insidias daret Libertati nostrae, inueniret, fabricaret, machinaretur, fingeret, comminisceretur). Mais il faut en outre prendre conscience du fait qu’en bon humaniste, Hutten puise dans ses souvenirs des textes classiques pour alimenter sa verve. Sa diatribe contre Rome rappelle en effet d’assez près un morceau célèbre de Tacite, non pas dans la Germanie comme on aurait pu s’y attendre, mais dans l’Agricola, récit de la conquête de la Bretagne. Manifestement habité de sentiments ambigus quant à celle-ci, Tacite donne longuement la parole à Calgacus, qui mène la révolte contre les Romains :

Quotiens causas belli et necessitatem nostram intueor, magnus mihi animus est hodiernum diem consensumque uestrum initium libertatis toti Britanniae fore […] Ita proelium atque arma, quae fortibus honesta, eadem etiam ignauis tutissima sunt. […] infestiores Romani, quorum superbiam frustra per obsequium ac modestiam effugias. Raptores orbis, postquam cuncta uastantibus defuere terrae, mare scrutantur: si locuples hostis est, auari, si pauper, ambitiosi, quos non Oriens, non Occidens satiauerit : soli omnium opes atque inopiam pari adfectu concupiscunt. Auferre trucidare rapere falsis nominibus imperium, atque ubi solitudinem faciunt, pacem appellant. […] Bona fortunaeque in tributum, ager atque annus in frumentum, corpora ipsa ac manus siluis ac paludibus emuniendis inter uerbera et contumelias conteruntur. Nata seruituti mancipia semel ueneunt, atque ultro a dominis aluntur : Britannia seruitutem suam cotidie emit, cotidie pascit.

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Assimiler sa parole à celle de Calgacus, c’est pour Hutten affirmer que la révolte à laquelle il appelle ses compatriotes ne fait que continuer la longue lutte que, depuis l’Empire romain, les peuples opprimés ont menée contre Rome. C’est donc donner à cette révolte une légitimité tirée de l’ancienneté de cette lutte, et accorder à la nation allemande une existence et une noblesse qui rappellent Luther, qui venait de publier An den christlichen Adel deutscher Nation (A la noblesse chrétienne de la nation allemande) : les deux hommes ont donc travaillé dans le même sens et ont, l’un en allemand, l’autre en latin, œuvré pour la constitution d’une « nation allemande » comme concept identitaire et politique.

2. Érasme10 : une autre vision de l’Allemagne

Par opposition avec cette image lyrique de l’Allemagne, je voudrais à présent évoquer celle que l’on trouve sous la plume du plus grand humaniste de la Renaissance, le Hollandais Érasme ; il convient de préciser qu’à la Renaissance, le terme « Allemagne » était le plus souvent entendu au sens large et ne désignait pas seulement les pays « germaniques » : Érasme rappelle lui-même, dans une lettre à Béda, que ses admirateurs l’appelaient « astre et gloire de l’Allemagne» (Blum 1992 : 113). C’est en particulier dans l’un de ses Colloques que se découvre une image de ce pays singulièrement différente de celle que souhaite donner Hutten. Cette œuvre, dont la première édition date de 152211,se présente sous la forme de saynètes écrites par Erasme dans un but pédagogique, afin de faire progresser ses élèves dans le maniement du latin et de leur fournir des modèles de conversations dans cette langue. Très représentatifs de la pédagogie érasmienne dans toute sa modernité, les Colloques mêlent l’utile et l’agréable, le sérieux et le plaisant (cf. Berliaire 1978 : 84) : il s’agit en effet d’une œuvre comique qui croque, avec un humour confinant parfois au burlesque, les travers des hommes (les mauvais maris, les mauvaises femmes, les faux dévots…), mais propose aussi quelques portraits idéaux, tels celui du pieux Gaspard dans la Piété de l’enfance, ou de Sophron le sage qui persuade Lucrèce d’abandonner sa vie de péché dans Le jeune homme et la prostituée, et développe également des considérations morales sur la paix, la religion, l’éducation, c’est-à-dire sur les thèmes qui ont toujours occupé l’humaniste. Les Colloques ont été très vite censurés par les théologiens à cause des idées hérétiques qu’Érasme y développait sur la Vierge, les saints, la confession, les pratiques cultuelles… Par exemple, dans Le naufrage, qui subit les foudres de la Sorbonne dès sa publication, il met en scène les divers personnages d’un naufrage dont il profite pour remettre en cause toute une série d’attitudes : celui qui croit s’en sortir en priant saint Christophe, celui qui fait des promesses hypocrites au Christ ou à Dieu (qu’il a fermement l’intention d’oublier dès qu’il sera sauvé), le religieux lâche et égoïste qui ne songe qu’à se sauver lui-même… Un autre colloque, intitulé L’Apothéose de Capnion, prend la défense de Reuchlin (Erasme se reprochait peut-être le silence qu’il avait gardé au moment du procès de celui-ci…). Mais c’est un colloque plus franchement amusant et moins lié à des questions brûlantes d’actualité religieuse qui va m’intéresser ici : dans Les Auberges, le Rotterdamois propose un tableau contrasté des auberges lyonnaises et allemandes, à travers les récits opposés de Guillaume (qui revient de Lyon) et de Bertulphe (qui rentre d’Allemagne). Le premier évoque des souvenirs merveilleux d’auberges dans lesquelles des femmes toutes plus belles les unes que les autres accueillent les voyageurs et les charment de leur conversation enjouée, tout en leur servant, comme s’ils étaient des amis intimes, les mets et les vins les plus délicats pour un prix modique, et avant de les conduire dans une chambre propre et agréable, confortable et douillette. Rien de tout cela dans les auberges allemandes, à en croire Bertulphe :

Bertulphe : Quand vous entrez à l’auberge, personne ne vous salue, de crainte de paraître vouloir vous circonvenir : procédés qu’ils jugent vils, abjects et indignes de la gravité allemande. Quand vous avez longtemps appelé, vous voyez enfin une tête passer par la lucarne du poêle (pièce où l’on se tient presque jusqu’au solstice d’été), à peu près comme on verrait une tortue émerger de sa carapace. Il faut maintenant lui demander s’il veut bien nous admettre en ce lieu. S’il ne fait pas non de la tête, vous devez comprendre que la place est libre. Vous cherchez où est l’écurie, un geste de la main vous l’indique. Vous pourrez alors y bouchonner votre monture à loisir, car aucun valet ne vous prêtera la main. […] Une fois votre cheval soigné, vous vous transportez tout entier, je veux dire avec vos bottes, vos bagages et votre boue, dans le poêle qui tient lieu de salle commune. […] C’est dans le poêle que vous ôtez vos bottes pour chausser des souliers, que vous changez de chemise, si vous le désirez. Vous suspendez auprès du poêle vos vêtements trempés de pluie, et vous vous approchez vous-même du feu pour vous sécher. De l’eau est à votre disposition pour vous laver les mains, mais le plus souvent elle est si propre qu’il vous faut ensuite en chercher d’autre pour vous nettoyer de cette ablution.
Guillaume : Félicitations à ces hommes que les raffinements n’ont pas efféminés ! […]
Bertulphe : Il arrive fréquemment que dans un même poêle se rassemblent quatre-vingts ou quatre-vingt-dix voyageurs, piétons, cavaliers, négociants, bateliers, charretiers, paysans, enfants, femmes, bien portants et malades.
Guillaume : C’est là une vraie communauté !
Bertulphe : L’un s’y peigne, l’autre éponge sa sueur, celui-ci décrotte ses guêtres ou ses bottes, celui-là rote des senteurs d’ail. […] Cependant, ce serait un crime de demander quoi que ce soit avant que la soirée ne soit déjà fort avancée et qu’il n’y ait plus d’espoir de voir arriver d’autres voyageurs. Alors fait son entrée un vieux domestique à barbe blanche et au crâne tondu, mine rogue et vêtements sordides.
Guillaume : Voilà bien des échansons qu’il faudrait aux cardinaux de Rome !
Bertulphe : Cet homme parcourt l’assemblée d’un regard circulaire et dénombre en silence combien de personnes se trouvent dans le poêle ; et plus le nombre qu’il découvre est grand, plus il active le feu, même si par ailleurs la chaleur du soleil est étouffante. Ces gens estiment que la meilleure manière de traiter leurs hôtes, c’est de les faire tremper dans leur sueur. […]
Guillaume : Pour moi, rien ne me semble aussi dangereux que de faire respirer le même air chaud à tant de personnes […]
Bertulphe : Les Allemands sont des hommes vigoureux, ils rient de ces misères, ils s’en moquent. […] On apporte enfin le vin. Grand Dieu, ce n’était pas un vin fumé ! Les sophistes ne devaient pas en boire d’autre, tant il est « subtil » et aigre ! Et si l’un des hôtes demande, même en proposant de payer un supplément, qu’on lui apporte un autre cru, on fait d’abord semblant de ne pas comprendre, puis on le regarde avec le visage de quelqu’un prêt à l’assassiner. Insiste-t-il, il lui est répondu : « Dans cette auberge sont descendus tant et tant de comtes et de marquis, et aucun ne s’est jamais plaint de mon vin. S’il ne vous plaît pas, cherchez-vous une autre auberge ! » Ils ne tiennent en effet pour des hommes que les nobles de leur nation. […] Il faut demeurer à table le temps prescrit, qu’ils doivent je suppose, mesurer à la clepsydre […] Puis on apporte un vin un peu plus généreux. Ils aiment en effet les grands buveurs, mais on ne fait pas payer plus cher celui qui a absorbé le vin à très larges goulées que celui dont les lèvres y ont à peine goûté. […] Il se trouve même assez souvent que le prix du vin ingurgité soit le double des dépenses du repas (trad. Margolin, dans Blum 1992).

Je m’arrête là faute de place, mais la suite est à l’avenant. Disons d’abord que le récit de Bertulphe possède, aux yeux des lecteurs, une indéniable saveur d’authenticité car, si Guillaume est un personnage inventé, chacun reconnaissait en « Bertulphe » Hilaire Bertolf, le famulus (secrétaire, serviteur, messager) d’Érasme, auquel celui-ci avait confié de nombreuses missions, y compris en Allemagne. Du reste, si ce dialogue est caractérisé par l’exagération et la caricature, il est aussi nourri des souvenirs personnels d’Érasme qui, grand voyageur et « humaniste dolent » (Brabant 1971), eut à souffrir des conditions parfois déplorables dans lesquelles il était logé durant ces voyages. On notera que l’humaniste hollandais Jean Second, qui laissa le récit de son voyage de Malines à Bourges où il allait étudier chez le juriste Alciat, se plaignit en des termes comparables à ceux d’Érasme, mais des auberges parisiennes, dont il opposait l’inconfort sordide au luxe plaisant de celles de Belgique (Second, Itineraria ; Ford 2003).

Dans le colloque d’Erasme, les auberges allemandes − et, par assimilation, ce peuple lui-même − sont essentiellement caractérisées par le manque total de raffinement. La grossièreté de manières des Allemands et leur ivrognerie sont des lieux communs de la littérature et de la pensée du XVIe siècle, dont Luther, par exemple, s’est plaint dans ses Tischreden (Propos de table) :

Il n’y a pas de nation aussi méprisée que la nation allemande. Les Italiens nous traitent de bêtes brutes ; les Français et les Anglais nous tournent en dérision, et tous les peuples en font autant […] L’empereur aurait dit : « Les Espagnols ont enseigné aux Allemands à voler, et ils ont appris des Allemands à bâfrer et à boire sans mesure » (Luther, 1568. Trad. Sauzin, 1932 : 407-408).

Or, cette vulgarité (supposée ?) de mœurs était d’autant plus un objet de mépris à la Renaissance que, depuis la publication et l’immense succès du Libro del Cortegiano de Baldassare Castiglione (1528. Ed. mod. Pons 1991), les bonnes manières tendaient à se codifier plus précisément et à être considérées comme la marque distinctive de l’homme moderne. Comme le rappelle Michel Jeanneret (1987 : 39 sqq), le XVIe siècle vit la publication de nombreux ouvrages de civilité, qui réglaient en particulier la tenue que devaient adopter les convives d’un banquet. Érasme lui-même, dans son ouvrage sur l’éducation des jeunes enfants (le De Ciuilitate morum puerilium, paru en 1530) consacre le plus long chapitre aux repas (De Conuiuiis). En se comportant comme ils le font dans les auberges, les Allemands se trouvent donc rabaissés aux yeux des autres au niveau de la bête ou, au moins, du rustre médiéval.

Mais cette vision traditionnelle et péjorative du peuple allemand trouve aussi ses racines dans l’Antiquité. C’est chez César que se trouve la première description des Germains comme un peuple « grossier et barbare » (Guerre des Gaules, I, 33), à la taille gigantesque (I, 39), avant que Tacite ne le relaie pour fixer définitivement le mythe du Germain grossier et porté sur la boisson :

Tum ad negotia nec minus saepe ad convivia procedunt armati. Diem noctemque continuare potando nulli probrum. Crebrae, ut inter vinolentos, rixae raro conviciis, saepius caede et vulneribus transiguntur. […] Potui umor ex hordeo aut frumento, in quandam similitudinem vini corruptus: proximi ripae et vinum mercantur. Cibi simplices, agrestia poma, recens fera aut lac concretum: sine apparatu, sine blandimentis expellunt famem. Adversus sitim non eadem temperantia. Si indulseris ebrietati suggerendo quantum concupiscunt, haud minus facile vitiis quam armis vincentur.12

Ainsi Érasme peut-il, avec autant de justification que Hutten, se fonder sur les Anciens pour justifier la vision caricaturale que, contrairement au chevalier, il donne de l’Allemagne. Les rapports entre le monde latin et le monde germanique sont donc mouvants, ambigus, chacun allant chercher dans cet ailleurs idéal que représente l’Antiquité précisément ce dont il a besoin pour défendre son point de vue.

Bibliography

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Notes

1 Sur von Hutten, on consultera par exemple P. Kalkoff, 1925 ; H. Holborn, 1937 ; 1968 ; W. Kreutz, 1984 ; F. Rueb, 1981 ; E. Bernstein, 1988 ; J. Schilling, 1988 et les travaux, parus ou à paraître, de B. Gauvin. Return to text

2 Sur J. Reuchlin, on pourra consulter L. Geiger, 1871, 1955, M. Brod, 1965, H. Peterse, 1995. Return to text

3 Sur cet aspect, voir A. Godin, dans Erasme, éd. C. Blum, 1992,art. « hébreu », p. CXXVII. Sur la diffusion de l’hébreu en France à la suite des travaux de Johannes Reuchlin, et sur les milieux hébraïsants chrétiens de Paris, dont l’activité est étroitement liée au Collège Royal, voir L. Schwarzfuchs, 2004. Le livre hébreu à Paris au XVIe siècle, Paris, Bibliothèque Nationale de France. Return to text

4 On trouve aussi l’orthographe Hoogstraeten, préférée par H. Peterse, 1995. Return to text

5 Lettre II, 41 : « Il m’a répondu qu’il parlait de certains hommes qui s’appellent les Grecs, qui ont fait la guerre avec d’autres hommes qui s’appellent les Troyens, dont j’avais aussi déjà entendu parler auparavant. Et ces Troyens avaient une grande Cité, et les Grecs se sont posés devant cette Cité et n’en ont plus bougé pendant bien dix ans. Alors un jour, les Troyens sont sortis vers eux, et ils se sont réellement battus avec eux, et ils se sont tués les uns les autres de façon si merveilleuse que toute la Plaine en a saigné ; et il y avait là de l’eau, qui a été colorée par le sang et qui a entièrement rougi, si bien qu’elle s’est mise à couler comme si c’était du sang […] Mais je ne peux pas croire à ces choses qui me semblent impossibles. Et je me demande si ce livre est vraiment authentique ». Trad. J.-Ch. Saladin, 2004, modifiée par S. Laigneau-Fontaine. Return to text

6 Par exemple, respondit quod est calqué sur l’allemand antworten dass ou le français « répondre que », ille en tant qu’article annonce ou rappelle le français « le ». Return to text

7 Sur le mythe de la « barbarie médiévale », accrédité en particulier par les Elegantiae Linguae Latinae de L. Valla (écrit vers 1441, publié vers 1470, souvent réédité ensuite. Ed. moderne E. Garin, 1952), et fortement remis en question aujourd’hui, voir par exemple A. Jouanna, 2001 : 11. Return to text

8 « Je vous en prie, Princes et hommes de Germanie, mettez un soin bienveillant à m’écouter volontiers, s’il est vrai que je rappelle des choses nécessaires. La porte nous est grande ouverte pour obtenir notre liberté : allons-y ! L’occasion nous est offerte ! Cette bulle n’est que l’une de celles que nous avons depuis longtemps tolérées, pour notre plus grand mal. Ce sont les charmes et les pièges grâce auxquels, depuis tant d’années, Rome nous affaiblit, grâce auxquels elle nous mène selon son bon plaisir, tandis qu’elle nous envoie de doctes paroles à la place de présents, et qu’elle élabore des pièges contre notre Liberté, qu’elle en invente, qu’elle en fabrique, qu’elle en machine, qu’elle en crée, qu’elle en forge comme autant de mensonges […] Et il ne s’agit pas seulement de comportements anciens, datant d’il y a longtemps, dont vous auriez entendu parler ; ce sont choses récentes et nouvelles, et vous les avez vues. Grands Dieux ! Quel amoncellement de crimes de toute sorte ! C’est injustice que Dieu ait détruit Sodome et Gomorrhe, s’il épargne ces gens à Rome […] Voilà pourquoi il nous faut enfin tenter de réussir ce qui n’a pu l’être jusqu’à présent. Sauvons ce qui nous appartient. Car nous ne rassasions pas ces hommes en leur donnant tant d’argent, si souvent, nous les encourageons plutôt par notre patience et, par notre naïveté, nous les rendons chaque jour plus cupides et plus désireux de s’en prendre à nos biens. Cela est à notre portée ! Il suffit d’oser ! » (trad. S. Laigneau-Fontaine). Return to text

9 « Chaque fois que je pense à nos raisons de faire la guerre et à l'état d'urgence où nous sommes réduits, j'ai vraiment l'espoir que cette journée, qui scelle aujourd'hui notre entente, marquera pour toute la Bretagne le début de sa liberté. […] Prendre les armes pour combattre - un honneur que revendiquent les braves ‒c'est le choix le plus sûr, même pour les pleutres ! […] Ne croyez surtout pas que vous échapperez à leur fierté méprisante en vous effaçant dans l'obéissance. Le monde entier est leur proie ; quand il n’y a plus rien à piller et à dévaster sur la terre, ils se mettent à regarder la mer ; si l’ennemi est riche, ils sont cupides, s’il est pauvre, ils sont ambitieux, et ne se sont trouvés rassasiés ni par l’Orient, ni par l’Occident. Ils sont les seuls à vouloir s’emparer avec la même cupidité des richesses et du dénuement. Rafler, massacrer, saccager, c'est ce qu'ils appellent à tort asseoir leur pouvoir. Et quand ils font d'une terre un désert, ils appellent cela faire la paix. […] Les revenus des biens sont dévorés par l'impôt, chaque année les récoltes passent à donner du blé, les corps eux-mêmes et les bras s'épuisent, sous les coups et les injures, à défricher des forêts et assécher des marais. Ceux qui sont nés pour servir ne sont qu'une fois pour toutes destinés à être vendus comme esclaves. Mieux, ils sont nourris par leurs maîtres. Mais la Bretagne, c'est chaque jour qu'elle achète son asservissement, chaque jour qu'elle le repaît » (Vie d’Agricola, 30-31, trad. D. De Clerq-Douillet, Itinera Electronica, 2000, modifiée par S. Laigneau-Fontaine). Return to text

10 Sur Erasme, on consultera par exemple M. Mann-Phillips, 1933 ; 1949 ; J.-C. Margolin, 1965; 1986 ; 1987 ; 1993 ; 1994 ; L.-E. Halkin, 1969; J.-C. Margolin,1973 ; J. Chomarat, 1981 ; Dix conférences sur Erasme, 1988 ; Erasme, 1990 ;D. Ménager, 2003. Return to text

11 Une édition « pirate » (et souvent fautive) était parue en 1518 et Érasme, choqué, publia lui-même en 1522 une édition revue, corrigée et augmentée ; les Colloques ne cessèrent de s’enrichir au fil de sept éditions successives jusqu’en 1533, qui comportent plus de 70 dialogues. Return to text

12 « Ensuite viennent les affaires, souvent aussi les festins, et ils y vont en armes. Boire des journées et des nuits entières n'est une honte pour personne.  L’ivresse produit des querelles fréquentes, qui se bornent rarement aux injures ; presque toujours elles finissent par des blessures et des meurtres. […] Leur boisson est une liqueur faite d’orge ou de froment, à laquelle la fermentation donne quelque ressemblance avec le vin. Les plus voisins du fleuve ont aussi du vin, que leur procure le commerce. Leurs aliments sont simples : des fruits sauvages, de la venaison fraîche, du lait caillé. Ils apaisent leur faim sans nul apprêt, sans raffinements délicats. Quant à la soif, ils sont moins tempérants ; si vous encouragez l’ivresse en leur fournissant tout ce qu’ils voudront boire, leurs vices les vaincront aussi facilement que vos armes » (Germanie, 22-23, trad. S. Laigneau-Fontaine) Return to text

References

Electronic reference

Sylvie Laigneau-Fontaine, « L’Allemagne, foyer culturel et militant ou pays sauvage et grossier ? Deux visions renaissantes antithétiques et tirées de l’Antique (Ulrich von Hutten et Erasme) », Textes et contextes [Online], 10 | 2015, 01 December 2015 and connection on 04 October 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=1059

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Sylvie Laigneau-Fontaine

Professeur, CPTC EA 4178, Université de Bourgogne Franche-Comté (UBFC), 4 boulevard Gabriel 21000 Dijon

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