En terres coloniales, les sports et en premier lieu le football, furent introduits par des Européens qui, dans un premier temps, en exclurent volontairement les colonisés surtout là où les premiers ne constituaient qu’une infime minorité noyée au milieu des « indigènes » ; cette ségrégation apparaissait beaucoup plus « naturelle » dans les colonies de peuplement. Souvent, à l’origine de ces pratiques sportives se trouvaient les villes maritimes, laboratoires de la modernité ouvertes aux vents de la mondialisation et dont les navigateurs, commerçants, migrants et autres voyageurs notamment britanniques en constituaient les meilleurs ambassadeurs ; bref, le lien entre les activités maritimes et l’apparition du football constituait bien une réalité tangible.
Reste à savoir si, à l’instar de ce qui se produisit sous d’autres latitudes et pas seulement méditerranéennes, le football inscrivit ses origines à Oran – et, au-delà, en Oranie coloniale – en lien avec le mouvement des migrations et des circulations maritimes. Dans l’affirmative, quelle place éventuelle y occupèrent alors les entrepreneurs, armateurs et les professions liées, d’une manière ou d’une autre, à la mer ? Sans oublier les migrants arrivés par dizaines de milliers sur les ponts et dans les entreponts des navires. Quelles furent les conséquences de leurs implications sur l’évolution du football oranais ? Le tout entre 1897, date de l’apparition du football en Oranie, et le mitan des années 1930 qui marque pour le football oranien colonial, le temps de profondes remises en cause, notamment à travers la crise des circulaires1.
Oran, une grande ville européenne dynamique
Fortement marqué par l’emprise coloniale et les grands domaines agricoles aux mains des Européens, le département d’Oran2 apparaissait également, dès 1906, comme le plus urbanisé de l’Algérie avec 24,6 % de citadins. À la veille de la Grande Guerre, l’Oranie3 était également un bastion européen en terre algérienne où ceux-ci représentaient peu ou prou 25 % de la population totale, contre une moyenne d’environ 15 % dans le reste de la colonie. Peuplée de près de 125 000 habitants, Oran, très fortement marquée par l’empreinte migratoire espagnole – à l’instar de l’Oranie du reste4 –, était devenue une grande cité européenne moderne à tel point qu’un « étranger pourrait la parcourir de l’Ouest à l’Est, selon sa plus grande dimension, sans soupçonner autrement que par la vue de deux ou trois minarets et par la rencontre de quelques Indigènes musulmans, qu’elle en abrite un certain contingent5. » En effet, les Européens et les Juifs y représentaient pratiquement 80 % de la population. Quant aux Algériens, généralement paupérisés, pratiquement devenus des étrangers sur leur terre, en butte au racisme, méprisés, taillables et corvéables à merci, ils se voyaient confinés aux marges de la cité, à M’dina J’dida, la Ville nouvelle, le « Village nègre » pour les Européens.
Économiquement, après des temps difficiles, le début du xxe siècle coïncida avec la fin de la dépression mondiale et fut, pour l’Algérie des Européens, celui d’une nouvelle expansion. En 1914, la colonie absorbait 63 % des exportations françaises à destination de l’empire, alors que la France en recevait 46 % de ses importations d’origine coloniale. À l’image du reste du pays, l’Oranie était une région de production tournée vers la métropole. Malgré la présence de quelques industries prospères, son économie demeurait essentiellement agricole. Elle se caractérisait par une intense production viticole « plus que tout autre région de l’Algérie, l’Oranie a été profondément marquée par la vigne6 », céréalière et agrumicole – notamment les célèbres clémentines –, l’élevage sur les hauts plateaux et l’exploitation de l’alfa.
Au centre économique de cette région se trouvait le port d’Oran. Une topographie bien particulière donnait à la cité un caractère inédit : « c’était le port. La ville lui tournait le dos7. » Sans cesse améliorées depuis 1848, ses infrastructures lui permettaient d’être au coude à coude avec celles d’Alger pour le primat colonial. Après s’être imposé comme le port le plus dynamique de l’Algérie entre 1883 et 1889, il avait dû céder la première place à son grand rival, avant de la lui ravir de nouveau au seuil de la Grande Dépression et de la conserver quelque temps encore : « C’est le port d’Oran qui garde le premier rang pour le nombre des navires, le mouvement du tonnage et le poids des marchandises8 », ne le cédant à Alger que pour le transport de passagers. À cette période, quelque 5 928 navires firent escale à Oran contre seulement 4 549 à Alger pour un tonnage respectivement de près de 10,7 millions de tonneaux contre un peu moins de 9 millions. Sans surprise, les principaux produits d’exportation étaient l’alfa, le crin végétal, les minerais, le vin, les bestiaux ainsi que les fruits et légumes. Plus globalement, en 1936, Oran se classait au huitième rang des ports français et au troisième concernant ceux du littoral méditerranéen français, Tunisie exclue.
De plus, depuis les années 1880, outre la route et grâce au chemin de fer, la ville et son port étaient bien reliés à leur arrière-pays ainsi qu’aux villes et ports les plus importants du département, tels Arzew, Béni-Saf, Mascara, Mostaganem, Nemours, Sidi-Bel-Abbès ou encore Tlemcen. En 1908, la compagnie PLM, l’une des trois concessionnaires du réseau ferré oranien9, mettait en chantier une nouvelle gare fastueuse dont les travaux s’achevèrent cinq ans plus tard. Parmi les composantes financières de ces compagnies figuraient notamment la banque Rothschild, le Crédit lyonnais et la Société générale, les deux dernières également engagées dans l’agriculture. Il faut dire que, au-delà du dynamisme oranais et oranien, la cité portuaire de l’Ouest algérien constituait également le débouché des produits du Maroc oriental et la tête de ligne de la grande voie de pénétration vers le Sud-Oranien.
Une bourgeoisie locale entreprenante se développa par, ou au contact, de la colonisation agricole, sans forcément résider à Oran tout en s’y investissant de différentes manières. Outre les grands propriétaires, d’autres entrepreneurs venant d’horizons différents à l’origine étrangers au milieux agricole, furent les protagonistes de grandes réussites, à l’image de celle de Vincent Monréal (1906-1979) dans l’agrumiculture, dont l’essentiel de la production était destinée à l’exportation. Mais l’on rencontrait également, à Oran, de véritable self made men à l’instar de ces trois immigrants italiens originaires de Procida, Michel Scotto, Antoine Ambrosino et Sauveur Pugliese, fondateurs, en 1890, de la Société d’armement Scotto, Ambrosino, Pugliese & Cie (SAP), promise à un bel avenir et dont les navires sillonneraient bientôt la Méditerranée occidentale et même au-delà10. En 1927, outre Oran, elle possédait des succursales à Arzew, Mostaganem, Nemours et Béni-Saf11. Pour ne rien dire de la manufacture de tabac créée, en 183812, par un espagnol expatrié, Juan Bastos (1817-1889), devenu au fil des ans le grand cigarettier de la colonie dont la production s’exportait de par le vaste monde : « Les tabacs, cigares et cigarettes Bastos sont donc fumés dans les cinq parties du monde où cette Société possède des agents, et dépositaires13 », employant près de 2 000 ouvrières à Oran en 191414.
Et c’est justement dans l’environnement cosmopolite de la dynamique cité portuaire d’Oran que les premiers clubs de football-association apparurent en 1897, alors que déjà sur la rive nord de la Méditerranée occidentale, « l’assoce » était connue, si ce n’était pratiquée de manière organisée à la faveur de compétitions locales, à Gênes en 1893, à Sète en 1894 et à Naples en 1896, en attendant Barcelone et Marseille en 1899, pour s’en tenir à ces exemples.
« Ports maritimes et terrains de football15 »
Le ballon rond initia donc sa pénétration dans l’Ouest algérien en empruntant la voie des mers via la cité portuaire d’Oran. Le Club des Joyeusetés d’Oran (CDJO)16, doyen des clubs sportifs de l’Oranie – et de l’Algérie coloniale –, se dota bientôt d’une section de football : « À partir de 1897, on pratique le nouveau jeu de l’Association17. » La même année, apparut le Club Athlétique d’Oran18 qui deviendra après-guerre le Club Athlétique Liberté d’Oran (CALO) ; ici, en revanche, le football fit immédiatement partie des sports proposés par le club, comme il le fut dans les rangs du Sporting Club Oranais (SCO)19 apparut au même moment. Par la suite, le chef-lieu du département compta encore deux créations : celles de l’Idéal Club Oranais (ICO)20 et du Foot Ball Club d’Oran (FCO)21. La métropole de l’Ouest concentra donc la totalité des créations jusqu’au tout début du xxe siècle. Ceci dit, comme il était d’usage à l’époque, presque tous les clubs se déclarèrent et se conçurent comme omnisports. Cet aspect ne disparaîtra jamais complètement, du moins chez certains. Dans les années suivantes, quasi uniquement sous l’impulsion oranaise, tous les grands centres urbains du département furent convertis au ballon rond dès avant 1910, il s’agissait également des localités situées sur les grands axes de la pénétration coloniale avec « les routes d’Oran à El Ançor, Aïn Temouchent, Sidi-Bel-Abbès, Tlemcen, Relizane, Arzew et Mostaganem22 ». À l’été 1914, la ville d’Oran avait vu la création de trente-six clubs, presque tous européens ; pratiquement 140 le seront avant juin 1940 – plus d’un à l’existence éphémère –, dont seulement deux mixtes, deux juifs et six musulmans.
Pour autant, cette impulsion – bien réelle – à partir d’Oran ne doit pas tromper. Si la ville portuaire, laboratoire de la modernité, constituait bien la porte d’entrée par excellence du football en Algérie, autant que l’on puisse en juger, les premiers dirigeants et pratiquants qui présentaient certes un profil traditionnels, des membres issus de la bourgeoisie et des classes moyennes (enseignants, étudiants, lycéens, employés etc.), apparaissaient sans lien avec les activités maritimes. Ainsi, dans le cas du CALO, créé « dans le but de grouper la jeunesse française et de développer chez elle le goût de la gymnastique et de tous les sports. Composée de membres qui pour la plupart sont des jeunes gens non encore électeurs23 »? Lorsque la profession des membres est mentionnées, nous apprenons qu'en 1909, le président du club, Antoine Caraffa, exerçait la profession de clerc de notaire alors que le secrétaire, Brillant, était employé de commerce de la maison de peinture André. Quant au Gallia club oranais (GCO), en 1913, il avait à sa tête un employé au service des Ponts et Chaussées, assisté, entre autres, d’un pharmacien, d’un comptable et d’un représentant de commerce24.
En revanche, à l’image du reste de l’Algérie et, plus généralement de la Méditerranée, voire du monde, les adversaires furent également, et peut-être avant tout, des équipages de navires de guerre, de commerce ou de plaisance – français ou étrangers, anglais surtout – qui relâchaient dans les ports oraniens. Parmi eux, les marins britanniques bénéficiaient d’une aura évidente, la presse se félicitant d’ailleurs de la possibilité ainsi donnée aux footballeurs « algériens » « de pouvoir de temps en temps prendre une bonne leçon auprès de nos amis25». Ainsi, en novembre 1904, de jeunes marins anglais, provenant de plusieurs bateaux de plaisance à l’ancre dans le port d’Oran, donnèrent la réplique aux joueurs du SCO qui s’imposèrent face à des Britanniques dont « l’équipe formée par le hasard, manquait forcément d’entraînement immédiat et de cohésion26 ». L’arbitre de la rencontre n’étant autre que Thoss Barber, le consul d’Angleterre à Oran qui, en 1912, s’entremettra avec succès lors des discussions qui permettront la fusion entre le comité d’Oranie de l’USFSA et la FSSO27. Son fils, Louis Barber, devint joueur et vice-président du GCO en 1913. Il sera, à compter de 1921, vice-consul d’Angleterre et occupera désormais les fonctions de vice-président d’honneur du club28.
La Première Guerre mondiale impulsa un changement conséquent en portant au premier plan sportif les « gens de mer », mais en ordre dispersé et en concurrence quasi-permanente, tout en étant en rapport avec d’autres entrepreneurs oranais et oraniens, souvent concernés au premier chef par les flux maritimes, compte-tenu du caractère extraverti de l’économie oranienne. Ce fut dans le quartier éminemment populaire de la Marine – ou la Calère29 –, coincé entre le port, les contreforts de la colline de Santa Cruz et le belvédère sur lequel s’élève le Château Neuf que ces clubs prirent initialement racines, même symboliquement. Avant d’accueillir des dirigeants et des joueurs issus d’autres quartiers de la ville, y compris des musulmans30.
Primauté maritime ?
Le premier club à s’être clairement revendiqué du quartier de la Marine semble avoir été la Glorieuse Marine oranaise (GMO), fondée le 1er septembre 1910, mais les sources manquent pour déterminer la composition des premiers bureaux. Quoi qu’il en soit, « tous les membres ayant été mobilisés pendant la guerre, elle se reforma en mars 192031 », comptant rapidement 200 membres, versant une cotisation annuelle de 2 à 5 frs, et cette fois-ci le doute n’est plus permis. En 1921, les présidents d’honneur Scotti et Dragutin, exerçaient, l’un la profession d’agent maritime et l’autre celle de fournisseur de navires. Le président, Antoine Gonzales, l’un des vice-présidents, Raymond André se trouvaient être, pour le premier, fondé de pouvoirs de la Maison Dahan et Maillard et, pour le second, employé de la même société, sans que l’on en sache plus sur ses fonctions exactes. Or, la Maison Dahan et Maillard, dont le siège social était situé à Alger, était une
agence maritime, avantageusement connue, représente un grand nombre de compagnies de navigation et armateurs indépendants, dont les vapeurs assurent des services réguliers sur les États-Unis d’Amérique, Atlantique et Pacifique, Amérique Centrale, les ports du Levant, de l’Adriatique, la mer Noire, Extrême-Orient, Madagascar, côte occidentale et côte orientale d'Afrique, le Royaume-Uni et le Continent32.
Partie prenante des activités maritimes, le secteur bancaire n’était jamais loin et on y retrouvait certains de ses représentants, à l’image de Vincent Ayala (vice-président), Jacques Lubrano (trésorier) et d’Hubert Labaume (directeur sportif), tous trois employés de la Banque Cox – une banque à capitaux franco-anglais, très active à Alger et Oran – alors que Nicolas Cacace (secrétaire) travaillait, lui, pour le Crédit lyonnais. Dans les années 1930, ayant quitté ses fonctions à la banque, il s’associa à Ch. Gilly, à la tête d’une entreprise de quincaillerie maritime et industrielle. Entre-temps, à l’instar de Jacques Lubrano, il avait rejoint l’ASMO33.
Justement, le 28 mai 1919, l’Association Sportive de la Marine d’Oran (ASMO) était portée sur les fonts baptismaux préfectoraux34. Elle compta très vite 300 membres actifs, qui versaient une cotisation de 2 frs/mois, et 300 honoraires qui, pour leur part, s’acquittaient de la somme de 40 frs/an. Sa création marquait l’entrée dans le monde du football des entrepreneurs maritimes, désormais conscients de l’outil qu’offrait le football, tant du point de vue de leurs intérêts économiques et politiques que dans l’optique de la collaboration de classes et d’un objectif de pacification sociale à travers le paternalisme d’entreprise. Son siège social, situé au 6 boulevard Malakoff, dans la vieille ville, non loin de la préfecture, tranchait par exemple avec celui de la Glorieuse Marine oranaise dont le siège se situait au 46 rue d’Orléans, au cœur du quartier populaire. Car il s’agissait aussi, pour ces hommes, d’une possibilité non négligeable d’accroitre leur capital social par des activités de mécénat, de cultiver un entre-soi valorisant tout autant qu’une « mise en scène » de leur personne, en particulier lors des banquets et autres réceptions émaillant l’année et pas seulement sportive ; le tout non exempt parfois d’une véritable passion pour le ballon rond.
La composition du bureau de l’ASMO en 1922, largement détaillée par le chef de la Sûreté oranaise, ne laissait planer aucun doute. Son président d’honneur, outre le commandant de la défense mobile pour des raisons évidentes, n’était autre que l’armateur Sauveur Scotto et le deuxième vice-président Thomas Scotto, alors que le trésorier-adjoint, Pierre Menargues, employé de la Compagnie générale transatlantique (CGT) prenait la suite de Charles Ambrosino et que l’un des assesseurs se nommait Albert Pugliese ; bref on retrouvait dans l’organigramme de l’ASMO toutes les composantes de la puissante compagnie maritime SAP. Mais il n’y avait pas qu’eux. Figuraient également, au poste de trésorier général, José Cerdan, fondé de pouvoir de la non moins puissante Maison Alenda Hermanos y Cia35. Cette dernière, outre la vente d’engrais chimiques et de produits agricoles (riz, céréales…), était spécialisée dans l’expédition des vins marocains à partir de Kénitra à destination de Bordeaux sur des navires lui appartenant ; elle possédait de nombreuses succursales en Oranie et au Maroc. Le président, Michel Spavone, capitaine au long cours, le « président administratif », Louis Victor Puverel, agent maritime, le troisième et le cinquième vice-président, Antoine Guerrero et Manuel Terruel, tous deux employés de la CGT, et l’un des assesseurs, Alphonse Barban, agent maritime complétaient cette mise en scène de la puissance maritime oranaise36. Sans oublier « M. Alenda, le mécène des sports37 ». L’ASMO pourrait bientôt se prévaloir de l’appui politique du Docteur Jules Molle (1868-1931), le tout puissant maire de la ville38 représenté, en quelque sorte, par le président Louis Victor Puverel, qui certes, on l’a vu, exerçait la profession d’agent maritime, mais surtout occupait la fonction de conseiller général d’Oran. Cette proximité politique n’alla pas sans poser problème et suscita la création d’un club concurrent, possédant le même acronyme mais un nom légèrement différent :
Comme suite à mes rapports […], j’ai l’honneur de vous rendre compte que « l’Amicale sportive de la Marine d’Oran » est une société sportive qui a été fondée en 1924 pour contrebalancer l’influence grandissante d’une société analogue « l’Association sportive de la Marine » dont les tendances politiques étaient nettement en faveur du docteur Molle39.
Elle compta promptement 250 membres versant une cotisation de 2 frs/mois. En 1926, les membres du bureau de l’AmSMO avaient partie liée avec les activités maritimes et son acronyme n’était pas seulement une façon de faire concurrence à l’ASMO, il reflétait une réalité. En effet, on retrouvait au poste de président d’honneur Monnot, le nouveau commandant de la défense mobile d’Oran, l’industriel Dandine ainsi que l’administrateur de l’inscription maritime, Novella. Amiel Romeo, Antoine Cocurulo (vice-présidents), Alfred Assante (trésorier-adjoint) et Jules Billela (secrétaire-adjoint) étaient tous employés par la CGT. Quant au président, il s’agissait d’Eugène Ruffié, à la tête d’une importante entreprise de transports automobiles40. Choix fatidique ? Quoi qu’il en soit, quelques années plus tard, on le retrouvera associé en affaires à… Sauveur Scotto41, conseiller général « des bas-quartiers » – c’est-à-dire de la Marine –, président d’une association pour l’érection d’une statue à feu le Docteur Molle et président de l’ASMO, ayant entrainé dans son sillage Alfred Assante ! Si l’objectif de concurrencer l’ASMO ne rencontra pas un grand succès sur les terrains de football, en revanche l’AmSMO sut se faire agréer comme « comme société de préparation au service de la flotte42 » et se distingua notamment en natation et en athlétisme.
Enfin, de taille bien plus modeste, dans ce panorama de clubs se revendiquant de la mer, si l’on peut dire, notait-on l’existence de l’Union sportive maritime oranaise (1921). Près de la moitié des membres de son bureau (5/11) occupait un emploi s’y référant : il s’agissait de l’un des vice-présidents, Auguste Gerones, chef de bureau à la CGT ainsi que du secrétaire-général Joseph Hueso, du trésorier Pierre Girones, du trésorier-adjoint A. Logiaco et de l’administrateur, Louis Riello, tous les quatre employés maritimes43. Ou encore la Jeunesse sportive Marine oranaise (1927), présidée par Charles Tedesco, constructeur de marine, assisté d’Antoine Reynes, matelot de profession, l’un des vice-présidents44. Sans oublier l’Avenir sportif des jeunes marins (1931), à la tête duquel on retrouvait Michel Spavone et dont l’un des deux vice-présidents n’était autre qu’Antoine Castagliola, propriétaire d’un chantier de constructions navales45. D’autres faisaient simplement référence au quartier de la Marine, sans compter pour autant de membres issus des métiers de mer, à l’instar de la très modeste Étoile Starry Marine oranaise (1923), comme en témoignaient son siège social situé au Bar Anton, 2 rue Haute Orléans, ainsi que la composition de son maigre bureau, où l’on rencontrait un menuisier (Jean Salés, président), un ouvrier (José Olivares, vice-président) et un employé (Pierre Olivarez, trésorier)46.
Outre des entrepreneurs maritimes, des industriels et des commerçants participaient également à l’encadrement de certains clubs. D’aucuns d’ailleurs devaient succéder aux « marins », entre la fin des années 1920 et le début des années 1930, à l’image d’Eugène Ruffié prenant la succession de Sauveur Scotto à l’ASMO. Il n’y a là rien de surprenant puisque les activités professionnelles de ces hommes les mettaient en relations d’affaires, parfois intimes, avec les « gens de mer », au point que la distinction peut paraître parfois factice. Tous, d’une manière ou d’une autre, se trouvaient concernés par les circulations maritimes. Parmi eux se trouvaient de grands notables à l’image d’Etienne Gay47. Diplômé de l’école de commerce d’Alger, il reprit avec succès l’affaire de négoce de vins fondée par son père, au point d’employer plus de 800 personnes à Oran au milieu des années 1930. Mais il était également un vrai sportsman, très engagé dans le mouvement sportif, n’hésitant pas à doter le CDJO d’un stade portant son nom dans le faubourg de Gambetta, bâti sur ses deniers propres, accédant de plus à la présidence de nombreuses sociétés, pas nécessairement toutes oraniennes du reste. On le rencontrait, pour s’en tenir à l’Oranie, à la direction des Chasseurs d’Oranie, de la Fédération Départementale de Boxe d’Oranie, de l’Orania Sports une société féminine d’éducation physique et sportive, du CDJO, du FCO, de la JS de Cuvellier et même d’un club portant son nom : l’AS Star Gay. Il eut été surprenant que l’entreprise Bastos se tînt éloignée du football. Ce qu’elle ne fit pas, en effet. En 1919, Alfred Bastos devenait vice-président d’honneur du vieux club de l’ICO au sein duquel se trouvaient désormais deux de ses employés au poste de président et de secrétaire-adjoint48. On sait que l’industriel et transporteur Eugène Ruffié, outre l’ASMO, fut le véritable « inspirateur » du Ruffgène Club Oranais49, il fut également président d’honneur de l’Olympique Club Château-Neuf50, et qu’il dota la Fédération des jeunes clubs d’une « Coupe Eugène Ruffié ». En concurrence sportive permanente à travers « leur » club, ces armateurs, industriels et « gens de mer » trouvèrent néanmoins à s’allier en certaines circonstances profitables à chacun. C’est ainsi que naquit l’hebdomadaire Oran Sports au printemps 1933 sous l’impulsion d’Eugène Ruffié mais dont les pages reproduisaient à l’envie des publicités de l’armateur Castagliola, de la compagnie maritime Scotto, de Nicolas Cacace et Gilly, de l’agent maritime Édouard Graffigna sans oublier le négociant en vins Étienne Gay et, bien évidemment, d’Eugène Ruffié en personne.
La lecture de la composition de ces bureaux met également en évidence, à l’instar des autres clubs, un football de classes moyennes et de petites gens – mais peu de prolétaires finalement –, employés et artisans pour la majorité d’entre eux, encadrés par des armateurs, des industriels et des commerçants. Cela était, finalement, peu surprenant dans une Oranie industrieuse et largement ouverte sur l’extérieur, notamment dans les cités portuaires coloniales d’importance comme l’étaient Arzew, Béni-Saf, Mostaganem, Nemours et, bien entendu, la première de toutes, Oran. Plus généralement, il reflétait la structure coloniale de la région où, comme dans le reste de l’Algérie, des Européens fournissaient l’essentiel de l’encadrement économique et celui des populations51, on ne sera donc pas surpris de retrouver cette ventilation au sein du football.
Le spectacle du football dans le sillage de l’ASMO
Palmarès de l’ASMO 1920-1930 | |
Saison | Titre |
1920-1921 | Champion d’Oranie de la LOFA Champion d’Afrique du Nord |
1925-1926 | Champion d’Oranie de la FNAFA |
1926-1927 | Champion d’Oranie de la FNAFA |
1928-1929 | Champion d’Oranie de la LOFA |
Mieux que tout autre, peut-être, le cas de l’ASMO rendait bien compte de l’importance de l’investissement de ces « gens de mer » sur l’évolution du football oranais. Au cours des années 1920, elle fut le grand club de football de la cité de l’Ouest, sans véritable rival, mais non de l’Oranie où la concurrence, pas seulement sportive, du Sporting club de Bel-Abbès (SCBA) apparaissait bien trop forte52. Certes, l’ASMO ne fut pas en reste – et même en pointe – dans l’aventure « sécessionniste » des clubs oranais et d’une partie des oraniens, qui, en 1925, quittèrent la Ligue d’Oranie de football-association (LOFA) et donnèrent naissance à la Fédération nord-africaine de football-association (FNAFA) ; après quelques succès, l’aventure fit long feu et la fédération « rebelle » cessa d’exister en 1930. Cette fronde, née à Oran, pouvait également être interprétée comme une « rébellion » de la grande ville portuaire contre sa sujétion à la terrienne Sidi-Bel-Abbès, ville militaire, berceau de la Légion étrangère, siège de la LOFA et fief de l’indéboulonnable avocat Gaston Lisbonne, président du SCBA d’où d’inévitables soupçons « d’arrangements ». Le siège de la LOFA fut finalement transféré à Oran au tout début des années 1930. La rébellion n’avait pas été tout à fait vaine.
Malgré cet échec relatif, les dirigeants de l’ASMO, à l’aise financièrement, outre le fait qu’ils se dotèrent rapidement d’un organe hebdomadaire, La Marine Sportive, surent impulser au football oranais une vitalité qui stimula l’ensemble des clubs de la cité. Cette action peut s’appréhender à trois niveaux :
1) D’abord, en poursuivant un mouvement timidement amorcé avant-guerre par les clubs oraniens, l’ASMO entreprit également de se déplacer quelques fois en métropole afin d’y affronter des grands clubs amateurs puis professionnels, ou dans le cadre de rencontres s’inscrivant dans des festivités de type affinitaires. Mais surtout, en 1921, en tant que champion d’AFN et à l’initiative de la FFFA qui entendait organiser annuellement une confrontation amicale opposant « Les champions de France contre les Africains53 », les « Maritimes » furent les premiers à effectuer le déplacement. Ils s’inclinèrent (1-3), le 18 septembre, contre le Red Star, alors détenteur de la Coupe de France54.
L’année suivante, dressant le portrait du sport en AFN, L’Auto vantait encore les qualités de l’ASMO « qui vaut nos clubs de première série55 ». Pourtant, les « Algériens » espéraient plus. En effet, depuis la fin de la guerre, et l’organisation officielle des ligues et des compétitions nord-africaines, les responsables du football « algérien » ne souhaitaient pas s’arrêter en si bon chemin. Dans leur optique il manquait un dernier échelon, celui de la parité et de l’assimilation totale avec les compétitions françaises à travers la participation à la Coupe de France. Aussi, à l’instar du mouvement ébauché sans succès avant-guerre, les dirigeants du football oranien nourrissaient-ils l’espoir que : « Le jour n’est pas loin où le méritant champion de la Coupe rencontrera officiellement le champion de France et nous pourrons dire alors : “Nous sommes satisfaits de notre œuvre56 !” » Surtout si l’élève nord-africain européen venait à bout du maître métropolitain, symbolisant ainsi aux yeux de tous la vitalité de la « race » coloniale européenne née du melting pot algérien, toujours plus indispensable à une France exsangue : « La race algérienne, jeune, vive, ardente, est portée par une fougue naturelle […]. Le football convient à [son] tempérament57. » Si l’ASMO n’obtint pas en Algérie coloniale cette première victoire, elle n’en apporta pas moins sa pierre à l’édifice, contribuant à insérer le football d’Oranie dans un espace dilaté bien au-delà des limites nord-africaines ou méditerranéennes pour se penser français, en tout cas pour les populations européennes et juives58.
2) Ensuite, en termes d’infrastructures, en se dotant d’un nouveau stade afin de remplacer celui de la route de la Sénia, devenu obsolète. Elle n’était pas la première à le faire, mais elle le fit dans des proportions longtemps à nulle autre pareille puisqu’elle se vit bientôt dotée d’un « stade d’une superficie de 15 000 m2 ultra moderne59 » pouvant contenir 5 000 spectateurs. Pour ce faire, le club n’hésita pas à avoir également recours à une souscription publique qui rapporta 35 000 frs60, contribuant ainsi au succès de l’opération. Les 6 et 7 septembre 1930, pour l’inauguration officielle du Stade Alenda, situé route de Misserghin, « les organisateurs ont voulu frapper l’opinion publique61 » en accueillant le FC Elche renforcé par « le fameux ZAMORA62, surnommé le “Roi des Goals” ». Le 11 novembre suivant s’y déroula la première rencontre de championnat contre le CDJO (3-0). Néanmoins, il fallut attendre le 5 mai 1931 pour que la commission des terrains de la LOFA homologuât le stade63. Compte-tenu de sa modernité, l’ASMO consentit à ce qu’il hébergea trois finales du championnat de l’Afrique du nord et une finale de la coupe de l’Afrique du nord mettant aux prises des clubs oranais avec leurs homologues algérois ou marocains64. Cette enceinte pouvait également être mise à disposition d’autres clubs, moyennant finances, pour des rencontres amicales de prestige, amplifiant si besoin était, le succès de l’ASMO – et accessoirement du football – dans la cité de l’Ouest. Ce fut, entre autres, le cas, en décembre 1933, lorsque, avec le concours de l’AS Eckmühlien (ASE), et de l’USMO, le Gallia club oranais (GCO) put accueillir l’Admira de Vienne et le Ferencvaros Budapest au stade Alenda65. Une situation identique se reproduira après 1945. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un piteux état, le stade fut racheté par Vincent Monréal qui le fit entièrement reconstruire et moderniser. Inauguré en 1948, il porta le nom de son mécène. Il demeura le plus grand stade de l’Oranie jusqu’en 1958 et la construction du Parc municipal d’Oran66.
3) Enfin, en organisant de nombreuses rencontres amicales internationales. Ces matches s’inscrivaient dans une politique de prestige – nonobstant des rentrées d’argent exceptionnelles –, où se lisait également en filigrane la volonté d’en imposer aux clubs rivaux par la capacité à instaurer un calendrier festif scandant la vie de la cité, voire du département, à l’égal du calendrier des festivités officielles. L’ASMO le fit d’ailleurs avant même de disposer d’un stade moderne, certains ayant parfois un caractère autre que simplement sportif comme en témoignait la venue du RC Strasbourg, les 24-25 décembre 1922 : « Elle considère, en raison de la qualité d’alsaciens de ses invités, [le match] comme ayant un but plus particulièrement patriotique67. » Une fois le stade Alenda achevé ces rencontres se multiplièrent avec l’invitation de clubs réputés, avant tout espagnols, vu la composition ethnique de la ville, les organisateurs évoquant alors souvent une « grande manifestation Franco-Espagnole ». Innovant à plus d’un titre, comme en 1931, quand, pour la première fois à Oran, une équipe espagnole affronta une équipe italienne. Elle le faisait parfois en s’associant avec d’autres clubs, y compris oraniens, lorsque les frais apparaissaient trop élevés, comme en janvier 1930, lorsque l’ASMO, le SCBA et le GCO organisèrent conjointement la tournée du Sparta de Prague en Oranie. Mais il y avait aussi des raisons purement sportives à ces regroupements entre clubs, autrement dit, il s’agissait pour eux d’être capables de développer une certaine qualité de jeu qui ne les rendrait pas ridicules face à des adversaires d’une toute autre envergure que la leur : « nous sommes loin encore en Oranie d’approcher de la grande classe des Autrichiens ou des Tchécoslovaques68 ». Le tout afin d’éviter des déroutes sportivement traumatisantes, comme en 1929, lorsque l’ASMO fut étrillée par le Real Murcie sur le score de 6 à 069 ; pour ne rien dire du 10-0 infligé par le Barça en 193270. Ceci dit, il fallut parfois se contenter de sociétés moins huppées, mais assez proches géographiquement et culturellement, comme lorsque, en avril 1928, l’ASMO invita le Deportivo Melilla71. Le tableau qui clôt cet article72 donne un aperçu de cette implication tous azimuts des « Maritimes ».
Outre ces matches, d’autres l’étaient à caractère caritatif, notamment pour l’aide apportée à des personnes dans le besoin ou à des sinistrés. Ce fut sur ce registre que, le 30 mars 1924, l’ASMO disputa deux rencontres de charité contre l’équipe de la Légion étrangère, en faveur des familles des victimes des naufrages des navires « Chéliff » et « Mont Rose » survenus quelques jours auparavant73. Vu ses origines, elle ne pouvait faire moins.
Les clubs ne s’inscrivaient pas seulement dans le paysage social et culturel par le seul fait de disputer des parties de football, tant officielles qu’amicales, mais également par l’organisation de festivités propres. Ces dernières pouvaient être liées au caractère omnisports de la société, ce qui explique le challenge de basket-ball organisé par l’ASMO en juillet 1932 entre autres74. Mais ses rivaux ne furent pas en reste à l’image de l’AmSMO qui, le 29 août 1926, organisa une manifestation nautique sous le hall de la CGT75 ; ou de la GMO, grande organisatrice du challenge annuel de natation. Certaines de ces manifestations n’avaient aucun rapport avec les sports et s’inscrivaient en fait dans la politique de prestige évoquée précédemment, comme lorsque l’ASMO fut à l’origine d’une série de concerts organisés au mois de juin 1930, dans le cadre des commémorations du « Centenaire de l’Algérie » française, ou quand elle émerveilla les foules oraniennes avec la venue d’une troupe de Cosaques djiguites en tournée dans le département au mois de février 193276.
Conclusion
Oran, le football et la mer entretinrent donc des liens étroits à l’époque coloniale, du moins jusque dans le courant des années 1930. L’action des « gens de mer », dans leur diversité, fut décisive dans la croissance, l’affirmation et la modernisation du football oranais, en concordance cependant avec d’autres entrepreneurs liés, d’une façon ou d’une autre, aux circulations maritimes, qui prirent progressivement leur place. Pour autant ni les armateurs ni les constructeurs de navires, ni les grandes sociétés maritimes n’avaient été à l’origine de l’introduction de la pratique en terre algérienne. De ce point de vue, la naissance du football à Oran recouvre un schéma beaucoup plus en rapport avec une version continentale classique. Ce schéma n’infirme pas le lien étroit existant entre « Ports maritimes et terrains de football », il en dévoile simplement une autre facette. Autrement dit, le football est né à Oran sans l’action pionnière des « gens de mer » mais, sans eux, celui-ci n’aurait certainement pas connu le développement et le succès qui furent les siens.
Matches amicaux organisés par l’ASMO entre 1928 et 1934 | |||
Date | Club invité | Pays du club invité | Partenariat |
8 avril 1928 | Deportivo Melilla | Espagne | Aucun |
19 mai 1928 | Fortuna Dusseldorf | Allemagne | Aucun |
24 mars 1929 | Urania Genève | Suisse | Aucun |
9 et 12 mai 1929 | FC Elche | Espagne | Aucun |
8 septembre 1929 | Real Murcie | Espagne | Aucun |
28 décembre 1929 | Hipica Melilla | Espagne | Aucun |
29 décembre 1929 et 1er janvier 1930 | Sparta Prague | Tchécoslovaquie | SCBA, GCO |
8-9 juin 1930* | FC Sète et FC Carouge de Genève | France et Suisse | Aucun |
14-15 juin 1930 | FC Elche | Espagne | GCO |
22 juin 1930 | Sélection d’Alicante | Espagne | GCO |
6-7 septembre 1930 | FC Elche renforcé | Espagne | Aucun |
6, 14 et 20 septembre 1931 | Real Club San Sebastian et une sélection milanaise | Espagne et Italie | Aucun |
11 septembre 1931 | Donastia FC | Espagne | Aucun |
2-3 avril 1932 | Hercules FC Alicante | Espagne | CALO |
5 mai 1932 | FC Barcelone | Espagne | Aucun |
19 mai 1932 | FC Barcelone et FC Sète | Espagne et France | Aucun |
25-26 décembre 1932 | FC Melilla | Espagne | CDJO, GCO |
2 janvier 1933 | Victoria Zizkow | Tchécoslovaquie | Aucun |
9 avril 1933 | Deportivo Alaves | Espagne | CDJO, GCO, ASE |
31 décembre 1933 et le 1er janvier 1934 | Hakoah de Vienne et Bocskay FC | Autriche et Hongrie | Aucun |
23-24 juin 1934 | Betis Balompie de Séville et FC Sète | Espagne et France | Aucun |