Marinette, film de Virginie Verrier

p. 233-235

Référence(s) :

Marinette, film de Virginie Verrier (juin 2023).

Texte

Affiche du film Marinette.

Affiche du film Marinette.

Le sport dans le cinéma français n’est pas un genre nouveau. En effet, c’est en 1937 que le premier long-métrage fiction sportif, intitulé Les Rois du sport, voit le jour grâce à Pierre Colombier. Si d’autres ont depuis été réalisés (Coup de tête, 1979 ; Parpaillon, 1993 ; Les Collègues, 1999 ; etc.), il faut attendre le début des années 2000 pour voir les cinéastes français s’intéresser aux sportives. Qu’ils soient portés sur la boxe (Dans les cordes, 2006 ; Danbé, la tête haute, 2014), la natation (Watermarks, 2006 ; Naissance des Pieuvres, 2007 ; Le Bel Âge, 2009), le patinage artistique (De feu et de glace, 2008 ; Kiss & Cry, 2017), le rugby (La double croisée, 2015) ou encore le football (Comme des garçons, 2018 ; La Belle Équipe, 2019), ces films mettent en lumière des femmes qui, au sein d’un espace encore dominé par les hommes, tentent d’exister, de s’entraîner, de perdurer ou encore de performer. En 2023, cette « mise en visibilité » des sportives sur la scène cinématographique française prend un nouveau virage avec la sortie en salle, le 7 juin, du premier biopic sur une figure emblématique du football féminin français : Marinette Pichon.

Réalisé par Virginie Verrier1 et inspiré par les mémoires de cette joueuse2, ce film biographique est né d’une étroite collaboration entre ces deux femmes. En effet, comme l’explique la réalisatrice, elle-même footballeuse, c’est avant tout le parcours professionnel mais aussi personnel de Marinette Pichon qui l’a intéressée car « sa vie est traversée par des thématiques extrêmement fortes et en totale connexion avec notre époque […] comme les violences faites aux femmes et familiales, le sport en tant que vecteur d’émancipation, […] l’homosexualité, le handicap, le harcèlement… ». Leur rencontre, qui s’est effectuée au cours d’un déjeuner, a été marquée par une connexion instantanée, « nous parlions le même langage ». La réalisatrice, ayant obtenu l’autorisation de porter l’histoire de Marinette Pichon sur grand écran, a ainsi réalisé un film d’une heure et demie, qui revient sur les évènements qui ont marqué le parcours de cette joueuse entre 1980 et 2006. Distribué en salle par The Jokers3, ce biopic vient enrichir et compléter la nouvelle programmation de cette société. En effet, depuis la remise de la Palme d’or 2019 pour le film Parasite en tant que meilleur film étranger, cette entreprise a impulsé une nouvelle politique qui vise à donner plus de place aux réalisateurs qui s’intéressent à « des personnes invisibles ou à la marge ». Le film Marinette s’inscrit pleinement dans cette nouvelle orientation. Il faut dire que ce long-métrage retrace l’histoire d’une des meilleures buteuses françaises (112 sélections en équipe de France et 81 buts marqués4), l’histoire d’une femme/footballeuse à la trajectoire inhabituelle qui, des années durant, a évolué dans l’ombre de ses homologues masculins.

Née en 1975, au sein d’une famille appartenant aux classes populaires dont le père est violent et alcoolique, Marinette Pichon trouve refuge au sein d’un monde d’hommes, celui du football. Si, à l’époque, son choix étonne voire même dérange – en 1980, le taux de femmes engagées dans la pratique est de 0,9 % en France – la jeune fille, soutenue par son entraîneur et sa mère, obtient sa première licence à l’âge de 5 ans au sein de l’AS Brienne. À 16 ans, la non-mixité de genre, rendue obligatoire par la Fédération française de football (FFF), l’oblige à quitter son club pour rejoindre une équipe « féminine » au sein du club 100 % féminin de Saint-Memmie Olympique. Les performances de Marinette, qui évolue dorénavant en Division 1, lui permettent, en 1994, d’être sélectionnée pour la première fois en équipe de France. En 2001, repérée au cours du Championnat d’Europe qui se déroule en Allemagne par l’entraîneur du club des Charge de Philadelphie, Marinette Pichon décide de s’envoler pour rejoindre la nouvelle ligue professionnelle féminine des États-Unis – la Women’s United Soccer Association5 – et devient ainsi la première française à signer un contrat professionnel. Après avoir été sacrée meilleure joueuse et meilleure buteuse du championnat américain en 2002 et 2003, elle revient jouer au sein du club parisien de Juvisy avec lequel elle décroche, en 2006, le titre de championne de France.

Ce long-métrage, qui retrace l’enfance difficile de Marinette Pichon mais aussi son ascension sportive au plus haut niveau, permet aux spectateurs de découvrir la vie « hors-normes » de cette championne du ballon rond. Engagé, ce film qui traite de thématiques telles que la place des femmes dans le football, les violences conjugales ou encore l’homosexualité, s’inscrit donc pleinement dans l’air du temps. Si Marinette a mis un terme à sa carrière en 2007, cette dernière continue de militer pour l’égalité des sexes dans le monde du football. Parmi ses revendications, elle souhaite mettre un terme, entre autres, aux inégalités salariales, à la non-professionnalisation des joueuses ou encore aux discriminations qu’elles peuvent subir. Aujourd’hui, et même si la FFF impulse des actions à destination des joueuses, Marinette Pichon dit regretter le retard accumulé en France et précise, que pour elle, il s’agit « clairement d’un manque d’envie de leur part de faire bouger les choses ».

Notes

1 Virginie Verrier est une réalisatrice, diplômée du Conservatoire libre du cinéma français, qui a travaillé pour la télévision. Elle produit son premier long métrage en 2018 qui s’intitule À deux heures de Paris. Retour au texte

2 Ne jamais rien lâcher est un ouvrage qui est paru en 2018 aux éditions First. Retour au texte

3 Cette société est connue pour la distribution de nombreux films comme Le marchand de sable (2023), Ogre (2022), Arctic (2019), Mademoiselle (2016), etc. Retour au texte

4 Elle restera la meilleure buteuse de l’équipe de France (hommes et femmes confondus) avant d’être détrônée par Eugénie Le Sommer en 2020. Comparativement, Olivier Giroud et Thierry Henry, qui sont respectivement premier et deuxième du classement masculin, ont quant à eux inscrits 53 et 51 buts. Retour au texte

5 Cette ligue est suspendue en 2003 à la suite de pertes financières importantes. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Audrey Gozillon, « Marinette, film de Virginie Verrier », Football(s). Histoire, culture, économie, société, 3 | 2023, 233-235.

Référence électronique

Audrey Gozillon, « Marinette, film de Virginie Verrier », Football(s). Histoire, culture, économie, société [En ligne], 3 | 2023, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : https://preo.u-bourgogne.fr/football-s/index.php?id=573

Auteur

Audrey Gozillon

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