La revue en ligne scientifique et transdisciplinaire Éclats est une revue créée au sein de l’école doctorale 592 LECLA « Lettres, Communication, Langues, Arts » de l’Université Bourgogne Franche-Comté. Les domaines scientifiques de la revue sont les lettres modernes et classiques, les sciences du langage, de l’information et de la communication, les langues, le traitement automatisé des langues, les arts du spectacle. Le premier numéro de la revue Éclats a été consacré à la traduction et l’adaptation (https://preo.u-bourgogne.fr/eclats/index.php?id=71). Le deuxième numéro (à paraître) est consacré aux rapports entre discours scientifique et recherche.
Argumentaire
Intitulé « Humanités médicales et de santé : SIC, linguistique, lettres et arts », ce troisième numéro interrogera les interactions entre les sciences humaines et les connaissances et discours de santé et médicaux. Fondamentalement interdisciplinaire, ce numéro s'inscrit résolument dans la lignée des humanités médicales, mais souhaite toucher à d’autres perspectives théoriques, notamment l’épistémocritique, les études culturelles, le care et les disability studies, entre autres.
Le numéro sera organisé autour des axes suivants :
Axe 1 : Représentations, formes, créations
Le premier axe de ce numéro concerne l’appropriation, par la littérature et les arts, de thématiques, de discours et de figures relevant habituellement du domaine de la médecine et, plus largement, de préoccupations liées à la santé. La réflexion pourra s'attacher au témoignage subjectif de la maladie en ce qu'il trouve un terrain et des outils privilégiés dans la démarche artistique et littéraire. On pourra considérer les interactions entre les modèles théoriques médicaux et poétiques à travers le traitement du symptôme et de son interprétation (Ginzburg, 1980). Mais il s'agit surtout de s'interroger sur le rapport entre savoirs artistiques et savoirs médicaux. En effet, si la production littéraire peut être un lieu de critique des dérives des méthodes et pratiques médicales, il semble nécessaire d'attirer l'attention sur la manière dont les préoccupations médicales et sanitaires imprègnent les œuvres, de l'époque classique à la période contemporaine. Il semblerait ainsi que la posture de défiance et de critique fasse de la place aujourd'hui à une nouvelle forme de coopération entre les langages de l'écrivain·e ou de l'artiste, d'un côté, et ceux de la médecine, de la psychologie ou du développement personnel, de l'autre (Emmanuel Carrère, Yoga, 2019). Comment les langages de l'art et de la santé s'influencent-ils mutuellement ? Quelles représentations nouvelles naissent de leur rencontre ? Comment les discours sur la santé modifient-ils le rapport à soi, par exemple dans les écritures autobiographiques ? Qu'en est-il du rapport à la médecine dans les arts et le spectacle vivant ?
Axe 2 : Information et communication
Le deuxième axe de ce numéro se concentre sur l'ère de la connectivité sans frontière dans le médical et la santé. Le numérique, s’il est vecteur de progrès et d’opportunités dans le secteur sanitaire, crée néanmoins des tensions : entre protection et valorisation des données, entre mise en avant de l’expertise et instrumentalisation de cette dernière. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, à travers les outils et plateformes, ouvrent la voie à de nouvelles possibilités de création, permettant une démocratisation du savoir. Ainsi, on voit émerger sur les réseaux sociaux de nouvelles formes de valorisation de l’expertise, qu’elle soit institutionnelle ou profane. Grâce au numérique, les patient·e·s font entendre leur voix et font part de leur vécu de la maladie. Des dynamiques d'action collective leur permettent de se faire entendre et de revendiquer certains droits (comme la lutte pour la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) par exemple). Les professionnel·le·s de santé, quant à elles·eux, s’emparent des outils numériques et créent des communautés de pratiques et d’entraide (telles que le #DocTocToc sur Twitter). Dans quelle mesure les NTIC favorisent l’apprentissage et la circulation des savoirs entre les différents types d’expert·e·s en santé ? En quoi l‘action collective peut permettre une amélioration du système de soin ? Quels sont les formats et les espaces utilisés pour faire valoir les différents types d’expertise ? Il conviendra également de questionner les dispositifs utilisés et leur place dans le secteur sanitaire : comment encadre-t-on l’utilisation des plateformes de réseaux sociaux par les patient·e·s et les professionnel·le·s de santé ? Comment ces plateformes instrumentalisent-elles ces données ?
Axe 3 : Discours, langues, linguistique
Le troisième axe est consacré à la réalité linguistique qui détermine et construit la relation de soin. Il aborde l'expression, le geste, la lecture des symptômes, les demandes des patient·e·s et celles des médecins, les mots pour dire le corps dans tous ses états. Le discours, tant des patient·e·s que des professionnel·le·s de la santé peut-il et sait-il rendre compte du dérèglement, du vieillissement, du pathologique, du conseil, des limites, des risques ? On pourra se demander en quels termes s'opère le nouage entre humanités et médecine que nous explorons ici : quelles traductions entre les deux ? Quelles médiations langagières ? Cette question de la traduction rejoint celle de l'expression : comment traduire les maux, en particulier d'une langue à l'autre ? Comment les patient·e·s s'approprient-elles·ils la langue « experte » ? Les propositions pourront s'intéresser en ce sens à l'importance et la diversité du geste d'écriture dans le domaine de la santé et s'interroger sur les traces qu'il laisse, par exemple dans les archives. Quelles formes revêtait alors la transmission de la ou d'une certaine parole médicale ? A quel(s) public(s) s'adressaient ces discours ou ces publications ? Les enjeux linguistiques de diffusion et de discussion des savoirs médicaux furent immenses. Le partage net entre les publications savantes en langue latine d'un côté et celles en langue vernaculaire destinées à un public profane de l'autre - liées aux différentes épidémies qui sévissent à l'époque - , se déplace. Le français devient alors le nouvel instrument de défense écrite de certaines disciplines médicales moins reconnues comme la chirurgie générale. Il s'impose également comme la langue des querelles entre praticiens dans des ouvrages tels que l'Apologie ou defense pour la saignee contre ses calumniateurs d'Etienne Bachot (1646) afin de gagner plus aisément la faveur de l'opinion publique.