Émile Pouget, 1906. Le congrès syndicaliste d’Amiens, Paris, CNT-RP, 2006.

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Anarchisme, Syndicalisme révolutionnaire

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Le centenaire de la Charte d’Amiens suscite un bel entrain éditorial. Après une biographie de Pouget et une anthologie de ses textes parus dans le Père peinard, voici la réédition d’un long article paru dans Le mouvement socialiste, la revue à l’articulation du syndicalisme révolutionnaire et des courants révolutionnaires du socialisme. Emile Pouget y rend compte de son propre bilan du congrès d’Amiens de la CGT. Cet article, selon le préfacier, serait la reprise du compte rendu en plusieurs livraisons, non signé, paru dans La voix du peuple, l’hebdomadaire de la CGT. Plus ramassé, plus polémique aussi (il s’agit d’une claire charge contre le socialisme incarné par le courant guesdiste), ce long article propose la vision du congrès et en particulier de la « motion » d’Amiens, qui deviendra la Charte d’Amiens, texte sans doute le plus célèbre de l’histoire du mouvement syndical français. Rappelons que la Charte contient deux idées forces, l’affirmation de la « double besogne » du syndicalisme, obtenir des améliorations de la condition ouvrière et, dans le même mouvement, préparer la révolution sociale et la fin du capitalisme. L’article de Pouget est donc particulièrement intéressant de ce point de vue. Mais cet ouvrage ne vaudrait sans doute pas l’intérêt qui est le sien s’il n’était précédé par une introduction sous la plume de Michel Chueca. Ce dernier présente en effet le contexte général dans lequel la Charte a été rédigée. Cela vaut au lecteur une remarquable synthèse sur la naissance du syndicalisme révolutionnaire. « Au passage », comme il l’écrit lui-même, Chueca corrige quelques interprétations erronées, comme l’influence de Sorel sur les dirigeants de la CGT, influence nulle selon lui. C’est dans l’autre sens, du mouvement réel, syndical, vers l’intellectuel que s’exerce en effet une influence. Il rappelle les conditions dans lesquelles cette motion a été rédigée, et pourquoi il faudra plusieurs années avant que l’on parle de Charte, ainsi que ceux qui furent ses initiateurs, à savoir le couple Pouget-Griffuelhes. Chueca relativise également l’impact historique de ce congrès. En fait, pour ses acteurs, le congrès ne fut pas plus important que certains qui l’avaient précédés. C’est en fait la crise du syndicalisme révolutionnaire dans les années qui suivirent qui confèrera son caractère historique à ce congrès et introduira le terme de Charte. Remarquablement érudite, cette présentation aurait cependant gagné à être plus argumentée sur un point. En effet, selon Chueca, si la Charte proclame à la fois l’indépendance et l’orientation révolutionnaire, on ne comprend pas vraiment pourquoi les courants réformistes au sein de la CGT signent ce texte, pas plus que l’évolution ultérieure du syndicalisme révolutionnaire (illustré par la figure de Jouhaux) qui ne conservera dudit document que la volonté d’indépendance. Sans doute que l’interprétation faite de ce texte de compromis était plus ambiguë et moins unilatéralement révolutionnaire/grève généraliste, y compris dans l’esprit de ceux qui tenaient la plume. Remarquablement édité, ce texte est complété par une série de notices biographiques, composée à partir du Maitron, mais aussi d’autres sources très peu utilisées. Un beau travail éditorial.

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Georges Ubbiali, « Émile Pouget, 1906. Le congrès syndicaliste d’Amiens, Paris, CNT-RP, 2006. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 04 novembre 2011 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=773

Auteur

Georges Ubbiali

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