Bien que le titre retenu soit un peu anachronique, issu d'une thèse de science politique, cet ouvrage vient manifestement combler un vide dans la connaissance de l'articulation entre le syndicalisme et la question féminine. On disposait déjà d'une approche de ces questions avec le livre de souvenirs de Madeleine Colin, une des principales actrices de cette histoire récemment édité par Syllepse (Colin Madeleine, Traces d'une vie dans le mouvement du siècle , Paris, 2007. Lire le compte rendu sur ce site). Mais le témoignage de M. Colin, ne saurait suffire à épuiser cette histoire. L'ouvrage de J. Olmi permet d'élargir le propos, à la fois dans le temps (sur la période d'avant l'accession aux responsabilités pour M. Colin) ainsi que dans l'espace, puisqu'elle propose une approche par l'analyse des pratiques mises en œuvre au niveau d'une UD, celle de Meurthe et Moselle. Le propos se développe en trois temps, respectant la chronologie. Chaque période est découpée en trois chapitres. La première période, La ferveur des pionnières , concerne les lendemains immédiats de la Libération qu'aux années 70. C'est dans ce premier moment que s'élabore la politique de la CGT à l'égard des femmes, dans le prolongement des débats de la CGTU d'avant guerre. Il est décidé finalement de publier un organe spécifique, Antoinette , ne rompant guère avec l'image traditionnelle de la femme. L'auteure se montre très critique non seulement à l'égard de cette politique, mais plus globalement sur l'alignement soviéto-communiste de la centrale syndicale. Les différentes conférences nationales organisées par la CGT sont ensuite analysées au prisme des activités au niveau de l'UD retenue, avec pour titre, A l'épreuve du payas réel, histoire de montrer le décalage qui a pu exister entre les préoccupations de l'appareil national et leur compréhension et mise en œuvre au niveau local. La seconde partie couvre la période de 68 à l'arrivée de la gauche au pouvoir en 81. Le moins qu'on puisse dire, analyse l'auteur est que la CGT met du temps à comprendre le souffle de 68 et les profondes modifications que le développement du féminisme (et des luttes qui lui sont associées, notamment pour l'avortement). S'ensuit un hiatus croissant entre l'équipe d'animation d' Antoinette et la direction confédérale. Replaçant la loupe au niveau d'observation des pratiques locales, l'auteur offre des pages très intéressantes sur la manière dont ces considérations sont difficilement prises en compte eu niveau de l'UD et de sa presse (très solide analyse de la presse départementale de la CGT et du maintien des attitudes paternalistes traditionnelles des femmes comme main-d'œuvre d'appoint). La dernière partie couvre une période beaucoup plus réduite, les premières années de la gauche au pouvoir. Ces 4 années voient la crise entre les animatrices d'Antoinette (dont on découvre qu'elle est le refuge d'un secteur des catholiques de gauche au sein de la CGT) et une direction confédérale recentrée sur l'appareil communiste se déployer, tandis que les collectifs locaux féminins s'épuisent et que la crise économique prend toute son ampleur. Le résultat sera l'abandon d' Antoinette et la fin des ambitions cégétistes en matière de conquête de cette fraction croissante du salariat. A sa manière, cette recherche peut se lire comme une contribution vigoureuse à la question de la crise du syndicalisme dans ce pays. Le fait que son auteure soit militante cégétiste non alignée sur la politique syndicale et manifestant une distance critique lui confère un intérêt certain.
Janine Olmi, Oser la parité syndicale. La CGT à l'épreuve des collectifs féminins : 1945-1985, Paris, Harmattan, 2007, 287 p.
04 November 2011.
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References
Electronic reference
Georges Ubbiali, « Janine Olmi, Oser la parité syndicale. La CGT à l'épreuve des collectifs féminins : 1945-1985, Paris, Harmattan, 2007, 287 p. », Dissidences [Online], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, 04 November 2011 and connection on 21 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=769