Dans une période où se multiplient les travaux sur les conditions de travail (Guiol P., Munoz J., Management des entreprises et santé des salariés , Rennes, PUR, 2009, Thébaud-Mony Annie, Travailler peut nuire gravement à votre santé, Paris, La découverte, 2007 ; Gollac M., Volkoff S., Les conditions de travail , Paris, La découverte, 2007) ou les numéros spéciaux de revues (notamment Mouvements , La santé à l'épreuve du travail, n° 87, av.-juin 2009 ; Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine , Les maladies professionnelles : genèse d'une question sociale, n° 56-1, 2009), il est rassurant de constater que le syndicalisme s'exprime également sur le sujet. J.-F. Naton est responsable du secteur Travail/santé à la CGT. Il siège à ce titre, comme expert, dans différentes instituions s'occupant de la santé au travail (CNAM, Conseil supérieur des risques professionnels notamment). Il est également diplôme en ergonomie de l'Université d'Aix en Provence. Toutes ses qualités, plus sa qualité de salarié, « son vécu » comme il l'écrit, p. 8, lui donnent toute légitimité pour intervenir sur cette question. C'est donc un témoignage d'un acteur engagé, en même temps qu'un expert, qu'il livre dans cet ouvrage, dénonçant la cruauté du monde du travail. L'intérêt premier réside précisément dans cette parole, celle des salariés, confrontés à la course à l'efficacité économique. Se basant sur des récits de première main ou sur des documents syndicaux (ainsi le terrible bilan dressé par la CGT Peugeot de Mulhouse), il rappelle quelques vérités méconnues des conséquences sur la santé de l'aggravation des conditions de travail, largement détaillées par ailleurs (lire notamment l'excellente synthèse de Gollac/Volkoff récemment rééditée, citée plus haut).
Il montre bien que derrière les statistiques positives montrant un accroissement permanent de l'augmentation de l'espérance de vie se cache en fait un accroissement des inégalités selon le statut social et la catégorie socio-professionnelle. C'est ainsi qu'il dresse le constat que si les catégories de l'encadrement voient leur espérance figurer parmi les plus élevées du monde, « l'espérance de vie des personnes les plus défavorisées se rapproche en France de celle de certains pays du tiers-monde », p. 53. Derrière les chiffres de la violence au travail, nombreux et pour partie assez méconnus, il dénonce le contrôle assez étroit du patronat et de ses représentants dans les institutions de la santé au travail, manière pour ce dernier de se dédouaner sur la collectivité du coût des accident du travail (aspect pointé en son temps par P. Askenazay, Les désordres du travail. Enquête sur le nouveau productivisme, Paris, Seuil, 2004). Pour sortir des impasses dans lequel le travail est plongé, pour place au premier rang la question de la prévention des risques professionnels, J.-F Naton en appelle à dépasser le « Yalta syndicat/patronat », p. 99, comparé au rôle des Judenrät e dans la destruction des juifs, pour une nouvelle démocratie dans l'entreprise. Si cette conclusion manque un tantinet de mordant, quel honnête homme ne souscrirait à l'épanouissement « d'un nouvel âge de la démocratie », cet opuscule participe de la nécessaire prise de conscience des méfaits en termes de santé du capitalisme contemporain, bien loin des discours convenus en la matière.