Attention, livre incontournable, a-t-on envie de d’écrire en commençant cette chronique. Dans ce volumineux ouvrage Le Bars offre une étude magistrale sur le courant fondateur du syndicalisme révolutionnaire dans l’enseignement qui se prolonge actuellement par l’Ecole émancipée. Il y a quelques décennies maintenant, quelques uns des acteurs de cette histoire avaient livré leur vision1 des luttes menées. Dans ce livre, Le Bars, syndicaliste enseignant, se livre à un travail d’historien, en particulier sur des sources inexploitées à ce jour. Ce travail est d’autant plus intéressant que l’éducation est un des rares secteurs au sein desquels une conception syndicaliste révolutionnaire a continué à prévaloir après la scission syndicale de 1921 entre la CGT et la CGTU. La première partie (période 1919-1925) est dominée par la lutte pour la survie de ce courant syndical. En effet, la Fédération unitaire de l’enseignement (FUE) est en butte à une double menace. Menace du gouvernement qui réprime fortement les syndicalistes dans l’Education nationale. Menace, politique, de l’émergence d’un pôle syndical enseignant modéré (le Syndicat national), fruit de l’évolution de l’amicalisme, au sein de la CGT. On peut dire que le combat entre les fusionnistes (ceux qui sont pour fusionner avec ce Syndicat national, SN) et les antifusionnistes (le courant syndicaliste révolutionnaire) va surdéterminer toute l’histoire de la Fédération jusqu’à son absorption au sein de la CGT réunifiée. La seconde partie, plus courte (1925-1928) voit l’affirmation des principes du courant syndicaliste révolutionnaire face à un SN hégémonique. Particulièrement intéressant est la description sociologique du milieu enseignant au sein duquel se meut cette élite syndicale, de plus en plus détachée par son ancrage rural, du milieu qu’elle aspire à représenter. A partir de la fin des années 20 la question du SN revient en force au sein de la FUE. S’agit de maintenir le principe du syndicalisme révolutionnaire, tout en se marginalisant, ou de rejoindre le SN et d’y construire une opposition de gauche ? La réponse sera donnée par la victoire du courant SR sur le courant stalinien au sein de la FUE. En effet, la bolchévisation de la CGTU échoue au sein du milieu enseignant et le courant communiste, structuré en une tendance MOR (minorité oppositionnelle révolutionnaire) y joue un rôle minoritaire. On n’a pas la place pour développer longtemps ici les batailles fractionnelles que rapporte avec un luxe de précisions Loïc Le Bars (en particulier le cas de l’Opposition Unitaire, autour de l’Opposition de gauche, trotskiste), mais le lecteur y trouvera de longs aperçus. A partir de 1934 et l’ouverture de la dynamique de rassemblement de la gauche dans la perspective du Front Populaire, la majorité syndicaliste révolutionnaire de la FUE ne cessera de perdre du terrain. Malgré son opposition au dévoiement des énergies unitaires que le Front Populaire illustre, elle ne parviendra pas à opposer une alternative crédible à cette version d’une nouvelle Union nationale. Au-delà de l’histoire de l’organisation, des ces structures, débats (ainsi, à titre d’illustration, la FUE joue un rôle central dans les débats pédagogiques. Il suffit de rappeler qu’Augustin Freinet fut un de ses militants, mais aussi sur la défense de la laïcité ou encore de la place des femmes) et revendications (le traitement unique), c’est tout un pan d’une histoire largement méconnue du milieu enseignant de l’entre-deux guerres qui est présenté pour le plus grand intérêt du lecteur.
Loïc Le Bars, La Fédération unitaire de l’enseignement (1919-1935). Aux origines du syndicalisme enseignant, Paris, Syllepse, 2005.
Article publié le 04 novembre 2011.
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Syndicalisme révolutionnaireTexte
Notes
1 Bernard François, Bouët Louis, Dommanget Maurice, Serret Gilbert, Le syndicalisme dans l’enseignement. Histoire de la Fédération de l’enseignement des origines à la réunification de 1935, Grenoble, IEP, 1966, 4 volumes. Retour au texte
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Georges Ubbiali, « Loïc Le Bars, La Fédération unitaire de l’enseignement (1919-1935). Aux origines du syndicalisme enseignant, Paris, Syllepse, 2005. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 04 novembre 2011 et consulté le 23 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=759