Cet ouvrage est issu d'une thèse de doctorat en histoire du mouvement syndical soutenue près de l'Université de Teramo. Il est l'œuvre d'un véritable historien qui s'est attaché à dépouiller les fonds d'archives syndicales mais également celles de personnes privées et a donc réalisé un travail de « collecteur »-chercheur de fonds. Il est également un « créateur d'archives » puisqu'il a eu recours à des entretiens et il a su enregistrer la mémoire des principaux leaders de ce courant intersyndical particulier. L'ouvrage offre d'ailleurs en appendice le compte rendu d'un entretien datant d'octobre 2005 entre Vittorio Foa, dirigeant de premier plan de la CGIL ( Confederazione Generale Italiana del Lavoro ), et Elio Giovannini secrétaire de la FIOM ( Federazione Impiegati e Operai Mettalurgici ). L'intérêt de cet ouvrage réside principalement dans la mise en évidence d'un courant singulier du syndicalisme italien : la « gauche syndicale ». Fabrizio Loreto s'attache à décrire cette « mouvance » à la confluence de différentes organisations syndicales, en rupture avec les lignes officielles et majoritaires, et qui rassemble un certain nombre de dirigeants qui ont élaboré une orientation nettement plus « à gauche » dans leurs différentes organisations. Ainsi, un découpage chronologique lui permet d'exposer les évolutions au sein de chaque organisation syndicale, au niveau national aussi bien que local, les points de convergences et de divergences entre les différents responsables syndicaux qui par de-là leur organisation respective réussissent à s'unir, à défendre des positions « radicales » par rapport aux orientations nationales des directions.
L'auteur démontre l'influence de « l'opéraïsme »1 comme « fondement » de cette gauche syndicale, un opéraïsme dont les maîtres à penser sont tout aussi bien issus du Parti socialiste que du Parti communiste et de partis d'extrême gauche. Durant cette première période comprise entre 1968 et 1972, l'influence et la confrontation entre les syndicats et le mouvement de 68 sont très fortes mais permettent à cette gauche syndicale de connaître son apogée et d'orienter véritablement le débat syndical. Elle est présente aussi bien à la CGIL et à la FIOM proches du parti communiste que dans des syndicats confessionnels comme la CISL ( Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori ). La seconde période coïncide avec un engagement de ces militants dans l'aventure politique de la « nouvelle gauche » et notamment dans les campagnes électorales menées par le Partito di Unità Proletaria et Democrazia Proletaria . – Des expériences politiques qui ne sont pas sans rappeler l'actualité récente de la gauche radicale française actuelle et qui mériterait d'être d'avantage connues –. La troisième période est celle de l'avènement de la « troisième tendance » au sein de la CGIL, qui représente la dernière tentative de faire émerger un syndicalisme de gauche, cette fois-ci dans un seul syndicat.
Ce travail, en dépassant la seule sphère de l'histoire syndicale et en s'ouvrant sur l'histoire politique de la gauche italienne contemporaine, est enrichi par une profusion de documents d'archives, principalement inédits. L'auteur a su reconstruire avec précision les évolutions dans le champ syndical et politique, et mettre en évidence ces expériences d'un renouvellement des orientations, des doctrines et des pratiques syndicales jusque-là peu connues. Une traduction française de cet ouvrage apparaît nécessaire pour compléter un pan important de l'histoire du syndicalisme européen, mais surtout pour les analogies possibles avec les expériences et recompositions politiques actuelles…