Joceline Chabot, Les débuts du syndicalisme féminin chrétien en France (1899-1944), Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2003.

Index

Mots-clés

Syndicat

Texte

Image

Il peut sembler paradoxal de s'intéresser au syndicalisme chrétien dans une revue qui concerne l'extrême gauche. En effet, le mouvement syndical chrétien ne figure pas précisément au sommet des dissidences, c'est le moins que l'on puisse dire. Né des œuvres de l'Eglise, du christianisme social issu de l'Encyclique Rerum Novarum (1895), il fait figure d'organisation jaune aux yeux des courants socialistes. Cet intérêt paradoxal s'explique pourtant à travers ce livre, issu d'une thèse en histoire, car comme l'explique l'auteure en une phrase limpide à la fin de son ouvrage : " Dans une société basée sur des rapports sociaux de sexe inégalitaires, les syndicats féminins, en tant qu'organisations autonomes, offrent aux femmes qui s'engagent dans l'action militante un cadre qui leur permet d'échapper aux contraintes sociales imposées à leur sexe " (p. 222). En effet, bien que ce type d'organisations ne brille pas par son radicalisme (on est clairement dans le cadre d'un syndicalisme de services, en premier lieu le placement professionnel, et de moralisation de la profession, la grève étant la dernière pratique à mettre en œuvre), le syndicalisme féminin chrétien ouvre en fait un espace pour l'affirmation d'une conscience féministe inattendue. S'il ne s'agit pas de confondre les époques ou les traditions (les organisations et leurs dirigeantes sont persuadées que la place de la femme est au foyer, à fortiori si elle est mère), il n'en demeure pas moins que sous l'égide de militantes, exemplaires dans leur engagement, s'engage dans cet espace une réflexion sur la place de la femme au travail et des droits qui en relèvent. Alors qu'une partie du mouvement syndical socialiste refuse la place des femmes dans le secteur productif (voire de l'organisation syndicale), au sein du syndicalisme chrétien s'affirment au contraire des revendications sur l'égalité salariale. Ces revendications, même si elles ne connaissent guère de succès pratiques, permettront néanmoins l'affirmation d'une élite syndicale féminine. Il n'est d'ailleurs pas anodin de remarquer que la CFDT, héritière de cette histoire, soit la seule confédération française qui ait été dirigée par une femme (Nicole Notat). Avec une maîtrise parfaite de ses sources, un bonheur et une simplicité d'écriture, le livre de Joceline Chabot constitue également un bonheur de lecture pour celles et ceux qui s'intéressent au mouvement ouvrier dans toutes ses composantes.

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Georges Ubbiali, « Joceline Chabot, Les débuts du syndicalisme féminin chrétien en France (1899-1944), Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2003. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 03 novembre 2011 et consulté le 29 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=748

Auteur

Georges Ubbiali

Articles du même auteur