Vincent Chambarlhac et Georges Ubbiali (dir.), Épistémologie du syndicalisme. Construction disciplinaire de l'objet syndical, Paris, l’Harmattan, 2005, 194p. (Logiques Sociales).

Index

Mots-clés

Syndicat, Sociologie

Texte

Image

Cet ouvrage collectif, dirigé par deux membres de l’équipe de rédaction de la présente revue, Vincent Chambarlhac et Georges Ubbiali, respectivement historien et sociologue, est tout à la fois utile, intelligent et arrive à son heure. Les lecteurs de Dissidences et tous ceux que l’histoire sociale intéresse savent que l’objet syndical a été au cœur de nombreux travaux depuis les années cinquante, et ce par des chercheurs issus des disciplines les plus diverses (histoire, sociologie, sciences politiques…). Pour autant, même si quelques tentatives bibliographiques assorties de commentaires ont été entreprises périodiquement, la confrontation de plusieurs disciplines autour de ce sujet n’avait à notre sens jamais été réalisée. Les huit contributions proposées, issues d’une journée d’étude organisée à l’Institut d’Histoire Contemporaine de Bourgogne, n’ont pas pour but de recouvrir la totalité des approches disciplinaires possibles, mais de proposer quelques esquisses représentatives. Certaines contributions reprennent des thématiques déjà développées ultérieurement, à l’image de celle de Francine Soubiran-Paillet sur la construction du syndicat comme une nouvelle catégorie juridique dans le dernier quart du XIXème siècle dans l’univers des juristes ou bien celle de Guy Caire sur la manière dont l’économie se saisit de cette question.

A l’inverse, deux contributions, au moins, ouvrent des perspectives originales sur le phénomène syndical. Françoise Pierson, tout en constatant le désintérêt des sciences de gestion pour le syndicalisme, tente ici de montrer les impasses et les chemins d’une collaboration entre les deux univers au travers de la négociation collective d’entreprise, véritable négociation conjointe productrice d’effet dans la gestion de l’entreprise. L’apport de la psychosociologie est examinée, quant à elle, par Jean Vincent, chercheur à l’INRA. L’auteur s’intéresse ici aux dynamiques de groupes existantes dans un grand nombre d’entreprises au sein desquelles le syndicalisme est représenté par un ou deux militants. Il conclut alors, après avoir présenté les processus de constitution des groupes et de leadership et le nécessaire fondement affectif qui les lient, et établit les interactions entre les fonctions des militants et la morphologie des sections syndicales, à la permanence tout d’abord de la figure du secrétaire de section comme créateur de lien social structurant, mais aussi dans un second temps au facteur décisif des situations objectives qui conditionnent les trajectoires militantes et l’image de soi du secrétaire.

Au terme de la lecture de l’ouvrage, il est possible de se rendre compte tout à la fois de l’étendue des connaissances acquises mais aussi de l’immensité du travail qui reste à accomplir pour circonscrire, si cela est possible, le sujet. Seule la discipline historique, même si les historiens institutionnels ont mis de longues années avant de se saisir de cette question, présentée dans l’ouvrage par Serge Wolikow et Stéphane Paquelin, semble avoir consacré un nombre conséquent de travaux sur cet objet. Reste que la production historique sur ce domaine a souvent fait les frais des accointances politiques des auteurs, signe des tensions persistantes dans ce champ de production. Aujourd’hui de nombreuses pistes et chemins de traverses peuvent être envisagés comme nous invitent à le penser les contributions fort instructives et documentées de l’ethnologue Noëlle Gérôme ou bien celle de Georges Ubbiali qui plaide pour la prise en compte de l’historicité de cet objet par les sociologues.

Il s’agit donc d’un ouvrage qui a la qualité d’être à la fois didactique, la plupart des auteurs présentant les enjeux dans les champs disciplinaires respectifs et la place des études syndicales au sein de ceux-ci, et polémique à l’image de la contribution de Sophie Béroud très critique sur la manière dont le travail sur le syndicalisme a pu être mené au sein des sciences politiques où le dogme libéral a prévalu durant des décennies, confinant la recherche sur le syndicalisme aux marges.

Tout ouvrage invite bien entendu à la critique. Pour celui qui nous intéresse, il apparaît peu opportun de relever les imprécisions de telle ou telle contribution, celles-ci n’ont pas pour objectif de présenter une vue exhaustive de la question, même si des communications tenant compte du syndicalisme non salarié, autre parent pauvre de la recherche universitaire, auraient sans nul doute eu un intérêt. On tirera bien entendu profit des bibliographies qui accompagnent chacune des communications. Nous formulerons peut être un regret, celui de ne pas avoir de propos sur les transferts possibles de concepts entre disciplines comme avait pu notamment l’esquisser Gérard Noiriel dans plusieurs de ces travaux récents. Reste au lecteur-chercheur à essayer de tisser les liens éventuels et novateurs entre disciplines qui permettrait de renouveler nos connaissances, ou bien à une autre journée d’étude aussi fructueuse que celle-ci de prolonger la réflexion.

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

David Hamelin, « Vincent Chambarlhac et Georges Ubbiali (dir.), Épistémologie du syndicalisme. Construction disciplinaire de l'objet syndical, Paris, l’Harmattan, 2005, 194p. (Logiques Sociales). », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 03 novembre 2011 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=749

Auteur

David Hamelin

Articles du même auteur